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07/12/2022 | FRANCE | N°21-17850

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 décembre 2022, 21-17850


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 751 F-D

Pourvoi n° M 21-17.850

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

La société Nestlé France, sociÃ

©té par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-17.850 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2021 par la cour d'appel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 751 F-D

Pourvoi n° M 21-17.850

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

La société Nestlé France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-17.850 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Lokama, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Madinina Logistique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société Karukera logistique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Nestlé France, de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Lokama, Madinina logistique et Karukera logistique, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2021), soutenant que la société Nestlé France avait, le 31 décembre 2016, rompu de manière brutale la relation commerciale qu'elle entretenait avec elles, la société Karukera logistique (la société Karukera) et la société Madinina logistique (la société Madinina), ainsi que leur société mère, la société Lokama, l'ont assignée en réparation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Nestlé fait grief à l'arrêt de la condamner à payer 406 534 euros à la société Karukera et 434 249 euros à la société Madinina à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, alors « que le préjudice résultant d'une rupture brutale des relations commerciales consiste en la perte de marge qui aurait été réalisée pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté ; que, pour évaluer cette marge, il convient de déduire du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé les charges variables, c'est-à-dire celles ordinairement exposées pour réaliser ce chiffre et qui ne l'ont pas été du fait de la rupture ; qu'il convient ainsi de déduire du chiffre d'affaires les charges d'exploitation, et notamment les frais de personnel et de loyer normalement nécessaires à la réalisation de ce chiffre d'affaires mais économisés du fait de la rupture ; qu'au cas présent, la société Nestlé faisait valoir que, du fait de la rupture, les sociétés Madinina et Karukera avaient économisé des charges d'exploitation et, notamment, n'avaient plus assumé aucun frais de personnel ni aucun loyer à compter de fin décembre 2016, c'est-à-dire pendant la période d'insuffisance de préavis ; que, pour écarter la déduction de ces charges, la cour d'appel a jugé que "la durée de préavis est déterminée non pas au regard d'un gain manqué mais au regard du délai qui aurait été nécessaire à l'entreprise victime pour se réorganiser ou se reconvertir, cette réorganisation ou reconversion devant se faire notamment en considération du personnel existant au jour de la notification de la rupture, et ce d'autant plus s'il s'agit d'une activité de prestation de service, telles les prestations de logistiques. Dans ces conditions, la charge de personnel est une charge fonctionnelle qui n'a donc pas lieu d'être déduite de la marge brute d'autant que s'agissant de prestations de service, le personnel constitué est indispensable à l'activité. Il en est de même des principales charges d'exploitation" ; qu'en statuant ainsi, cependant que seule était indemnisable la perte de marge, qui impliquait de déduire du chiffre d'affaires les charges d'exploitation économisées du fait de la rupture, et notamment les frais de personnel et de loyers, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 :

3. Il résulte de ce texte que seul doit être indemnisé le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période d'insuffisance de préavis.

4. Pour fixer à 406 534 et 434 249 euros le montant des dommages et intérêts respectivement dus par la société Nestlé France aux sociétés Karukera et Madinina du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies, après avoir énoncé que le préjudice subi par ces sociétés du fait de la brutalité de la rupture devait être calculé, sur la période d'insuffisance de préavis, au regard de la marge sur coûts variable, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu d'en déduire la charge de personnel, dès lors qu'il s'agissait d'une charge fonctionnelle supportée par les sociétés Karukera et Madinina pour les besoins de leur réorganisation.

5. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, en dépit du jugement du 16 décembre 2016 du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, lequel avait condamné une société tierce à reprendre tout le personnel des sociétés Madinina et Karukera avec transfert des contrats au 1er janvier 2017, ces sociétés avaient néanmoins supporté des charges de personnel après cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 406 534 euros et 434 249 euros le montant des dommages et intérêts respectivement dus par la société Nestlé France aux sociétés Karukera logistique et Madinina logistique pour rupture de la relation commerciale établie et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Karukera logistique, Madinina logistique et Lokama aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Karukera logistique, Madinina logistique et Lokama et les condamne in solidum à payer à la société Nestlé France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour la société Nestlé France.

La société Nestlé France fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Nestlé France ne s'est pas rendue coupable d'une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce et débouté les sociétés Madinina Logistique et Karukéra Logistique de leurs demandes à ce titre et les a condamnées aux frais irrépétibles ainsi que la société Madinina à verser à Nestlé 20 000 euros de dommages-intérêts, condamné la société Madinina Logistique à verser à la société Nestlé France la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, et condamné in solidum les sociétés Lokama, Madinina Logistique et Karukéra Logistique à verser à la société Nestlé France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, d'avoir condamné la société Nestlé France à verser 406 534 euros à la société Karukéra Logistique et 434 249 euros à la société Madinina Logistique à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, et de l'avoir condamnée aux dépens d'appel et aux frais irrépétibles.

1°) Alors que le préjudice résultant d'une rupture brutale des relations commerciales consiste en la perte de marge qui aurait été réalisée pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté ; que, pour évaluer cette marge, il convient de déduire du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé les charges variables, c'est-à-dire celles ordinairement exposées pour réaliser ce chiffre et qui ne l'ont pas été du fait de la rupture ; qu'il convient ainsi de déduire du chiffre d'affaires les charges d'exploitation, et notamment les frais de personnel et de loyer normalement nécessaires à la réalisation de ce chiffre d'affaires mais économisés du fait de la rupture ; qu'au cas présent, la société Nestlé faisait valoir que, du fait de la rupture, les sociétés Madinina et Karukéra avaient économisé des charges d'exploitation et, notamment, n'avaient plus assumé aucun frais de personnel ni aucun loyer à compter de fin décembre 2016, c'est-à-dire pendant la période d'insuffisance de préavis (conclusions d'appel, p. 19 et s.) ; que, pour écarter la déduction de ces charges, la cour d'appel a jugé que « la durée de préavis est déterminée non pas au regard d'un gain manqué mais au regard du délai qui aurait été nécessaire à l'entreprise victime pour se réorganiser ou se reconvertir, cette réorganisation ou reconversion devant se faire notamment en considération du personnel existant au jour de la notification de la rupture, et ce d'autant plus s'il s'agit d'une activité de prestation de service, telles les prestations de logistiques. Dans ces conditions, la charge de personnel est une charge fonctionnelle qui n'a donc pas lieu d'être déduite de la marge brute d'autant que s'agissant de prestations de service, le personnel constitué est indispensable à l'activité. Il en est de même des principales charges d'exploitation » (arrêt attaqué, p. 12, al. 5) ; qu'en statuant ainsi, cependant que seule était indemnisable la perte de marge, qui impliquait de déduire du chiffre d'affaires les charges d'exploitation économisées du fait de la rupture, et notamment les frais de personnel et de loyers, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de réparation intégrale ;

2°) Alors que, en tout état de cause, la cour d'appel a constaté que la société Nestlé avait informé les sociétés Karukera et Madinina de son intention de rompre le 17 décembre 2015 et que cette rupture avait pris effet le 31 décembre 2016 (p. 9, in fine) ; que le préavis ainsi accordé était donc de 12 mois et 14 jours ; que la cour d'appel a considéré que la société Nestlé aurait dû respecter un préavis de 18 mois (p. 10) ; qu'il en résultait une insuffisance de préavis de 5 mois et demi (5 mois et 17 jours très précisément) et non 6 mois ; qu'en évaluant le préjudice sur la base d'une insuffisance de préavis de 6 mois (ibid.), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-17850
Date de la décision : 07/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 déc. 2022, pourvoi n°21-17850


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats, SCP Alain Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17850
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