LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 20-80.661 F-D
N° 01534
GM
7 DÉCEMBRE 2022
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 DÉCEMBRE 2022
M. [F] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 10 décembre 2019, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [F] [E], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, du directeur régional des finances publiques de [Localité 2] et du département des [Localité 1], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement en date du 12 décembre 2018, M. [F] [E] a été condamné pour fraude fiscale à six mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende ainsi qu'à une interdiction de gérer pendant cinq ans.
3. M. [E], le procureur de la République et l'administration fiscale ont formé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen pris en sa première branche
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le moyen, pris en sa seconde branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné le prévenu du chef de fraude fiscale à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 2 000 euros et l'a déclaré tenu, solidairement avec le redevable, au paiement des impôts prétendument fraudés ainsi qu'à celui des majorations et pénalités y afférentes, alors « qu'en se limitant à faire état de la situation personnelle du prévenu sans mieux s'expliquer sur la gravité des faits, la cour d'appel a méconnu les articles 132-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, dans la rédaction desdits codes alors en vigueur :
6. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.
7. Pour confirmer la peine de six mois d'emprisonnement prononcée par les premiers juges à l'encontre de M. [E], ramener la peine d'amende à 2 000 euros avec sursis et dire n'y avoir lieu à prononcer une interdiction de gérer, l'arrêt attaqué relève que le casier judiciaire du prévenu ne fait mention d'aucune condamnation.
8. Les juges retiennent que l'intéressé a déclaré être vendeur, au salaire de 1 480 euros nets, sa compagne percevant une rémunération de 1 200 euros nets et que le couple, qui a deux enfants à charge, verse un loyer de 1 200 euros.
9. La cour d'appel ajoute que le prononcé d'une peine d'interdiction de gérer n'apparaît pas indispensable au vu de la personnalité de M. [E].
10. En prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les éléments tenant à la gravité des faits qu'elle a pris en considération, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation sera limitée à la peine prononcée à l'égard de M. [E] dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
13. L'affaire sera renvoyée devant une cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation ainsi prononcée, conformément à la loi, et, le cas échéant, aux dispositions de l'article 485-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, applicables à partir du 24 mars 2020.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 10 décembre 2019, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille vingt-deux.