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30/11/2022 | FRANCE | N°21-24450

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 novembre 2022, 21-24450


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 826 F-D

Pourvoi n° K 21-24.450

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022

1°/ M. [P] [X],

2°/ Mme [G] [S], épous

e [X],

tous deux domiciliés [Adresse 8],

ont formé le pourvoi n° K 21-24.450 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpe...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 826 F-D

Pourvoi n° K 21-24.450

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022

1°/ M. [P] [X],

2°/ Mme [G] [S], épouse [X],

tous deux domiciliés [Adresse 8],

ont formé le pourvoi n° K 21-24.450 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 12],

3°/ à Mme [V] [L], domiciliée [Adresse 9],

4°/ à M. [T] [L], domicilié [Adresse 7],

5°/ au syndicat des copropriétaires résidence Les Boréales, dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société Gilles Audran immobilier, dont le siège est [Adresse 13],

6°/ à la société G P-consultant Engineering, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],

7°/ à la société Neximmo 68, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], venant aux lieu et place de la société Mèze les Salins, société civile immobilière,

8°/ à Mme [D] [A], domiciliée [Adresse 2],

9°/ à Mme [J] [A], divorcée [K], domiciliée [Adresse 1],

10°/ à Mme [E] [A], domiciliée [Adresse 10],

11°/ à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 5],

12°/ à [C] [A],ayant été domicilié [Adresse 1],

tous cinq pris en qualité d'héritiers de leur père [F] [A], décédé,

défendeurs à la cassation.

La société Neximmo 68 a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [X], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société G P-consultant Engineering, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Neximmo 68, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [H], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [D], [J], [E] [A] et de M. [Y] [A], de la SCP Spinosi, avocat du syndicat des copropriétaires résidence Les Boréales, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, Mme Farrenq-Nési, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mmes [D], [J] et [E] [A] et à M. [Y] [A] de leur reprise d'instance en leur qualité d'ayants droit de leur frère décédé, [Z] [M] [A].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 septembre 2021), la société civile immobilière Mèze Les Salins (la SCI), aux droits de laquelle vient la société Neximmo 68, a acquis un terrain sur lequel elle a fait construire un immeuble qu'elle a vendu par lots en l'état futur d'achèvement et qui a été soumis au régime de la copropriété.

3. Invoquant les désordres et les nuisances causés par cette construction à leur fonds voisin, M. et Mme [X] ont, après expertise, assigné le syndicat des copropriétaires Résidence les Boréales (le syndicat des copropriétaires) en réalisation de travaux de mise en conformité et indemnisation de leurs préjudices.

4. Ils ont également assigné les propriétaires des quatre lots en rez-de-chaussée.

5. La SCI a assigné la société GP-consultant Engineering, maître d'oeuvre d'exécution, en paiement des travaux de mise en conformité du mur de clôture.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de condamner la SCI à leur payer la seule somme de 30 100 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien immobilier et de rejeter les autres demandes, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] sollicitaient la suppression de l'ensemble des remblais réalisés sur le fonds de la copropriété voisine « Les Boréales », en distinguant, d'une part, les remblais des jardins privatifs attenant au mur Nord de leur propriété, et, d'autre part, les remblais du jardin commun attenant au mur Ouest de leur terrain ; que pour rejeter en son intégralité la demande de suppression des remblais présentée par les époux [X], la cour d'appel s'est bornée à retenir, par motifs propres et adoptés, que cette demande était disproportionnée dans la mesure où les travaux de suppression des remblais reviendraient à démolir les jardins de chacun des copropriétaires concernés, lesquels ne pouvaient par ailleurs se voir condamner à une telle démolition sur la base d'opérations d'expertises auxquelles ils n'avaient pas été appelés ; qu'en se déterminant ainsi, sans motiver sa décision s'agissant des remblais du jardin commun dont les époux [X] demandaient également la suppression, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a retenu, d'une part, que la demande tendant à la suppression des remblais présentait un caractère disproportionné, alors que les travaux auraient consisté à démolir les jardins des copropriétaires, auxquels aucune faute ne pouvait être reprochée et qui n'avaient pas été appelés aux opérations d'expertise, d'autre part, que M. et Mme [X] ne justifiaient pas des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété.

9. Appréciant souverainement les modalités de réparation du préjudice invoqué par M. et Mme [X] et motivant sa décision, elle leur a alloué une somme au titre de la perte de valeur vénale de leur bien en raison des vues créées sur celui-ci, ce qui englobait l'ensemble des remblais.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. M. et Mme [X] font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en commençant par constater qu'il ressortait du rapport de l'expert judiciaire que la solidité du mur longeant le terrain des époux [X] et s'appuyant sur le mur de leurs anciennes écuries était compromise, en raison des remblais effectués contrairement aux dispositifs du plan local d'urbanisme, sans aucun dispositif de drainage ni solution de renfort, pour ensuite retenir que les époux [X] échouaient à démontrer l'existence de « préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété », la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, lorsqu'il constate que la faute commise par une partie a causé préjudice à autrui, le juge est tenu d'ordonner la réparation de ce préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le promoteur immobilier, la SCI Mèze les Salins, aux droits de laquelle vient désormais la société Neximmo 68, avait commis à l'encontre des époux [X] une faute délictuelle en faisant construire, en violation des règles du plan local d'urbanisme, des remblais qui s'appuient sur le mur de clôture de la propriété [X] et sont à l'origine des préjudices subis par eux, à savoir « la fragilisation de leur écurie et de leur mur de clôture et une gêne de vues en raison du rehaussement des terres voisines par remblais » ; qu'en réparant uniquement le préjudice des époux [X] résultant des vues créées sur leur propriété depuis les remblais litigieux, pour laisser non réparé le préjudice résultant de l'atteinte portée à la solidité de leur mur de clôture par lesdits remblais, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel, qui n'a pas adopté sur ce point les conclusions de l'expert judiciaire, a retenu, sans se contredire, que M. et Mme [X] ne justifiaient pas des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété, de sorte qu'elle n'était pas tenue de réparer un préjudice dont elle ne constatait pas l'existence.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

14. La société Neximmo 68 fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société GP-consultant Engineering à la garantir à la somme de 9 933 euros, alors « que les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leur sont soumis ; en l'espèce, pour limiter la garantie de la société GP Consultant Engineering à 33 % du montant de la condamnation de la SASU Neximmo 68, la cour d'appel a affirmé qu'en ce qui concerne les responsabilités dans la mise en place des remblais, l'expert retenait « une responsabilité conjointe de l'architecte qui n'est pas dans cette instance, du maître d'oeuvre du suivi d'exécution GP Consultant Engineering, de l'entreprise qui a réalisé les remblais qui n'est pas dans cette instance » et que l'expert avait ainsi apprécié « une responsabilité partagée de trois intervenants » ; qu'en statuant ainsi alors que dans son rapport modificatif, produit et invoqué explicitement par les parties dans leurs conclusions, l'expert judiciaire affirmait explicitement que « le partage de responsabilité tripartite que nous avions proposé n'a pas lieu d'être et il conviendra de répartir la proposition de responsabilités à parité égale entre la SARL GPCE – maître d'oeuvre d'exécution – [et] l'entreprise qui a réalisé les remblais sans soin », la cour d'appel a violé le principe interdisant au juge de dénaturer, fût-ce par omission, les écrits clairs et précis qui leur sont soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

15. Pour limiter la garantie de la société GP-consultant Engineering au tiers du montant de la condamnation de la société Neximmo 68, l'arrêt retient que l'expert judiciaire a proposé une responsabilité partagée de trois intervenants.

16. En statuant ainsi, sans prendre en compte une note rectificative de l'expert judiciaire dans laquelle il écrivait que le partage de responsabilité tripartite qu'il avait proposé n'avait pas lieu d'être et qu'il conviendrait de répartir les responsabilités à parité égale entre le maître d'oeuvre d'exécution et l'entreprise ayant réalisé les remblais, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des documents qui lui étaient soumis, a violé le principe susvisé.

Mise hors de cause

17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [H], M. et Mme [X], Mmes [D], [J] et [E] [A] et M. [Y] [A], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 9 933 euros la garantie de la société Neximmo 68 par la société GP-consultant Engineering, l'arrêt rendu le 21 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;

Met hors de cause Mme [H], M. et Mme [X], Mmes [D], [J] et [E] [A] et M. [Y] [A] ;

Condamne M. et Mme [X] aux dépens du pourvoi principal et la société GP-consultant Engineering aux dépens du pourvoi incident ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [X]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR seulement condamné la SCI Mèze Les Salins à payer [P] et [G] [X] la somme de 30.100 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien immobilier et d'AVOIR rejeté toute autre demande des époux [X] ;

AUX MOTIFS QUE, sur la réparation des préjudices, les conclusions de l'expert judiciaire argumentées dans son rapport de façon claire et circonstanciée ne permettent pas de fonder une critique sérieuse des motifs pertinents du premier juge pour écarter la demande des époux [X], à nouveau formulée en appel, de condamnation à supprimer les remblais, en ce qu'ils retiennent notamment un caractère disproportionné de travaux qui consisteraient à démolir les jardins des copropriétaires, auxquels ne peut être reproché aucune faute délictuelle, et qui n'ont pas été appelés aux opérations d'expertise, au regard du contenu effectif des préjudices établis, sans rechercher une solution plus adaptée par l'octroi de dommages-intérêts ; que le dispositif des écritures pour les époux [X] ne propose pas d'alternative subsidiaire à la suppression des remblais ; que la cour observe que les très longues conclusions des époux [X], par des arguments juridiques de texte et de jurisprudence multiples, ne déterminent pas pour autant avec précision des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété, ou dans leur vie quotidienne du fait des vues supplémentaires décrites dans le rapport de l'expert comme conformes à la tolérance de voisinage inhérente à une zone urbaine d'habitations contiguës ; que le procès-verbal de constat d'huissier en date du 13 février 2020 à la demande des époux [X], non contradictoire à d'autres parties, n'apporte pas par le seul effet de son volume et du grand nombre de photographies, et de la reproduction des appréciations dictées par ses mandants, d'éléments supplémentaires d'appréciation ; que le premier juge a retenu par un motif pertinent à hauteur de 30 100 € de perte vénale du bien l'indemnisation du préjudice de voisinage résultant des vues créées sur le bien ; que les époux [X] ne démontrent pas les évaluations supérieures qu'ils réclament, au titre d'un préjudice de jouissance, ou au titre du comportement du promoteur, qui font double emploi ; que les époux [X] ne caractérisent pas davantage en appel qu'en première instance la réalité appréciable d'un préjudice moral distinct ;

1) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] sollicitaient la suppression de l'ensemble des remblais réalisés sur le fonds de la copropriété voisine « Les Boréales », en distinguant, d'une part, les remblais des jardins privatifs attenant au mur Nord de leur propriété, et, d'autre part, les remblais du jardin commun attenant au mur Ouest de leur terrain (concl., p. 45) ; que pour rejeter en son intégralité la demande de suppression des remblais présentée par les époux [X], la cour d'appel s'est bornée à retenir, par motifs propres et adoptés, que cette demande était disproportionnée dans la mesure où les travaux de suppression des remblais reviendraient à démolir les jardins de chacun des copropriétaires concernés, lesquels ne pouvaient par ailleurs se voir condamner à une telle démolition sur la base d'opérations d'expertises auxquelles ils n'avaient pas été appelés (jugement, p. 14 § 2-4 ; arrêt, p. 15 § 7) ; qu'en se déterminant ainsi, sans motiver sa décision s'agissant des remblais du jardin commun dont les époux [X] demandaient également la suppression, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le syndicat des copropriétaires est tenu de répondre des dommages causés aux tiers ayant leur origine dans les parties communes ; que, dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] faisaient valoir que les remblais du jardin commun de la copropriété voisine leur causaient préjudice dans la mesure où, installés sans aucune précaution, ils compromettaient la solidité de leur mur de séparation (concl., p. 16 § 1-4) ; qu'ils sollicitaient, en conséquence, la condamnation du syndicat des copropriétaires à supprimer lesdits remblais du jardin commun (concl., p. 45) ; qu'en rejetant la demande des époux [X], aux motifs en réalité inopérants que les travaux de suppression des remblais des jardins privatifs étaient disproportionnés dans la mesure où ils consistaient à démolir les jardins de chacun des copropriétaires concernés (jugement, p. 14 § 2-4 ; arrêt, p. 15 § 7), sans s'expliquer sur les remblais du jardin commun de la copropriété dont les époux [X] sollicitaient également la suppression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14, alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965 ;

3) ALORS QUE le rapport d'expertise judiciaire établi au contradictoire d'une partie peut servir de fondement à sa condamnation ; que, dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] sollicitaient la condamnation du syndicat des copropriétaires de la résidence «Les Boréales» à supprimer les remblais du jardin commun attenant au mur Ouest de leur terrain, dont l'expert judiciaire avait relevé, dans son rapport du 4 novembre 2013, qu'ils fragilisaient le mur de clôture des époux [X] (concl., p. 16 § 4 et p. 45) ; que la cour d'appel a relevé que le rapport d'expertise judiciaire du 4 novembre 2013 avait été établi au contradictoire du syndicat des copropriétaires de la résidence «Les Boréales» (arrêt, p. 14 avant-dernier §) ; qu'en rejetant la demande des époux [X], aux motifs en réalité inopérants qu'aucun des copropriétaires n'était présent aux opérations d'expertise de sorte qu'ils ne pouvaient se voir condamner sur cette seule pièce (jugement, p. 14 § 3 ; arrêt, p. 15 § 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR seulement condamné la SCI Mèze Les Salins à payer [P] et [G] [X] la somme de 30.100 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien immobilier et d'AVOIR rejeté toute autre demande des époux [X] ;

AUX MOTIFS QUE, sur les constatations de l'expert, à titre liminaire, la cour observe que le rapport d'expertise judiciaire a été effectué sur ordonnance en référé du 14 juin 2012 au contradictoire exclusivement des époux [X], du syndicat des copropriétaires de la résidence Les boréales, de la SCI Mèze les Salins aujourd'hui SASU Neximmo 68 ; que l''expert indique dans son rapport déposé le 4 novembre 2013 sans être contredit que plusieurs réclamations des époux [X] ont été résolues au cours de la mesure d'instruction, à l'exception de celles concernant les remblais et les vues ; que l''expert a relevé que les remblais effectués contrairement aux dispositifs du PLU au droit de l'écurie des époux [X] n'ont pas été confortés par un dispositif de drainage ou une solution de renfort, de sorte que la solidité du mur est compromise ; qu'il propose de bâtir un voile en béton à l'arrière du mur assorti d'un système de drainage pour un coût évalué à 18 514,08 € ; qu'il retient une responsabilité conjointe de l'architecte qui n'est pas dans cette instance, du maître d'oeuvre du suivi d'exécution GP Consultant Engineering, de l'entreprise qui a réalisé les remblais qui n'est pas dans cette instance ; que l''expert relève l'existence de vues gênantes sur la propriété [X] à partir des remblais ; qu'il précise une vue oblique sur l'écurie qui offre peu d'intérêt, une vue oblique très discrète sur la partie habitable qui touche une zone limitée à une terrasse, les autres provenant des balcons ; que le sapiteur de l'expert mentionne quelques vues droites à partir des jardins, où l'on pourrait réaliser un écran opaque sur une hauteur d'1m 90, cependant dans une proportion restant d'usage dans une zone d'habitation, ou de nature à créer un éventuel préjudice de l'ordre de 5 % de la valeur du bien, évalué à 30 100 € ; que l'expert évoque une autre solution de réduire les jardins côté écurie en confrontation avec les lots des consorts [A] à leur altitude initiale pour un coût de 2500 € ; que, sur la réparation des préjudices, les conclusions de l'expert judiciaire argumentées dans son rapport de façon claire et circonstanciée ne permettent pas de fonder une critique sérieuse des motifs pertinents du premier juge pour écarter la demande des époux [X], à nouveau formulée en appel, de condamnation à supprimer les remblais, en ce qu'ils retiennent notamment un caractère disproportionné de travaux qui consisteraient à démolir les jardins des copropriétaires, auxquels ne peut être reproché aucune faute délictuelle, et qui n'ont pas été appelés aux opérations d'expertise, au regard du contenu effectif des préjudices établis, sans rechercher une solution plus adaptée par l'octroi de dommages-intérêts ; que le dispositif des écritures pour les époux [X] ne propose pas d'alternative subsidiaire à la suppression des remblais ; que la cour observe que les très longues conclusions des époux [X], par des arguments juridiques de texte et de jurisprudence multiples, ne déterminent pas pour autant avec précision des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété, ou dans leur vie quotidienne du fait des vues supplémentaires décrites dans le rapport de l'expert comme conformes à la tolérance de voisinage inhérente à une zone urbaine d'habitations contiguës ; que le procès-verbal de constat d'huissier en date du 13 février 2020 à la demande des époux [X], non contradictoire à d'autres parties, n'apporte pas par le seul effet de son volume et du grand nombre de photographies, et de la reproduction des appréciations dictées par ses mandants, d'éléments supplémentaires d'appréciation ; que le premier juge a retenu par un motif pertinent à hauteur de 30 100 € de perte vénale du bien l'indemnisation du préjudice de voisinage résultant des vues créées sur le bien ; que les époux [X] ne démontrent pas les évaluations supérieures qu'ils réclament, au titre d'un préjudice de jouissance, ou au titre du comportement du promoteur, qui font double emploi ; que les époux [X] ne caractérisent pas davantage en appel qu'en première instance la réalité appréciable d'un préjudice moral distinct ;

1) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en commençant par constater qu'il ressortait du rapport de l'expert judiciaire que la solidité du mur longeant le terrain des époux [X] et s'appuyant sur le mur de leurs anciennes écuries était compromise, en raison des remblais effectués contrairement aux dispositifs du plan local d'urbanisme, sans aucun dispositif de drainage ni solution de renfort (jugement, p. 13 § 8 ; arrêt, p.15 § 1), pour ensuite retenir que les époux [X] échouaient à démontrer l'existence de « préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété », (arrêt, p. 15 avant-dernier §), la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE lorsqu'il constate que la faute commise par une partie a causé préjudice à autrui, le juge est tenu d'ordonner la réparation de ce préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le promoteur immobilier, la SCI Mèze les Salins, aux droits de laquelle vient désormais la société Neximmo 68, avait commis à l'encontre des époux [X] une faute délictuelle en faisant construire, en violation des règles du plan local d'urbanisme, des remblais qui s'appuient sur le mur de clôture de la propriété [X] et sont à l'origine des préjudices subis par eux, à savoir « la fragilisation de leur écurie et de leur mur de clôture et une gêne de vues en raison du rehaussement des terres voisines par remblais » (jugement, p. 15 § 1 ; arrêt, p. 16 § 7) ; qu'en réparant uniquement le préjudice des époux [X] résultant des vues créées sur leur propriété depuis les remblais litigieux, pour laisser non réparé le préjudice résultant de l'atteinte portée à la solidité de leur mur de clôture par lesdits remblais, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

3) ALORS QUE commet une faute l'acquéreur d'une construction illicite qui ne met pas son bien en conformité avec les règles d'urbanisme ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] expliquaient que «lorsque la construction n'est pas édifiée conformément au permis de construire, la violation des règles d'urbanisme est susceptible d'engager la responsabilité du propriétaire envers ses voisins, dès lors que la violation du permis de construire et de la règle d'urbanisme leur cause un préjudice personnel» (concl., p. 25 in fine et p. 26 § 1) ; que, de son côté, la cour d'appel a constaté qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les remblais des jardins privatifs appartenant respectivement à [F] [A], [R] [U], [W] [H] et aux époux [L], à l'origine des préjudices subis par la propriété voisine appartenant aux époux [X], ne sont pas conformes au plan local d'urbanisme (jugement, p. 13 § 9 et p. 15 § 1 ; arrêt, p. 15 § 1) ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter les époux [X] de leur demande en réparation de leur préjudice résultant de l'atteinte portée à la solidité de leur mur de clôture par les remblais des jardins privatifs de la copropriété voisine, qu'aucune faute délictuelle ne pouvait être reprochée aux copropriétaires qui avaient fait l'acquisition desdits jardins (jugement, p. 15 § 4), sans vérifier si ces derniers ont mis leur bien en conformité avec les règles d'urbanisme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Duhamel- Rameix-Gury-Maitre avocat aux Conseils, pour la société Neximmo 68

La société SASU Neximmo 68 fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité la condamnation de la SAS GP Consultant Engineering à garantir la condamnation prononcée à l'encontre de la SCI Mèze les Salins, aujourd'hui SASU Neximmo 68, à un montant de 9933 € ;

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leur sont soumis ; en l'espèce, pour limiter la garantie de la société GP Consultant Engineering à 33% du montant de la condamnation de la SASU Neximmo 68, la cour d'appel a affirmé qu'en ce qui concerne les responsabilités dans la mise en place des remblais, l'expert retenait « une responsabilité conjointe de l'architecte qui n'est pas dans cette instance, du maître d'oeuvre du suivi d'exécution GP Consultant Engineering, de l'entreprise qui a réalisé les remblais qui n'est pas dans cette instance » (arrêt, p. 15) et que l'expert avait ainsi apprécié « une responsabilité partagée de trois intervenants » (arrêt, p. 16) ; qu'en statuant ainsi alors que dans son rapport modificatif, produit et invoqué explicitement par les parties dans leurs conclusions (conclusions d'appel de la société Neximmo, p. 5-6 et sa pièce n°2 - production et conclusions d'appel de la société GP Consultant Engineering, p. 8-9), l'expert judiciaire affirmait explicitement que « le partage de responsabilité tripartite que nous avions proposé n'a pas lieu d'être et il conviendra de répartir la proposition de responsabilités à parité égale entre la SARL GPCE – maître d'oeuvre d'exécution – [et] l'entreprise qui a réalisé les remblais sans soin » (production), la cour d'appel a violé le principe interdisant au juge de dénaturer, fût-ce par omission, les écrits clairs et précis qui leur sont soumis ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions claires et précises des parties ; qu'en l'espèce, pour contester le partage tripartite des responsabilités entre les différents intervenants sur le chantier et solliciter la garantie totale de la société GP Consultant Engineering quant aux condamnations qui seraient prononcées à son encontre, la société Neximmo faisait valoir expressément que, si dans son rapport, l'expert judiciaire imputait initialement la responsabilité des troubles liés aux remblais entre M. [I], architecte, la SARL Nebot aujourd'hui en liquidation judiciaire et la société GPCE, maître d'oeuvre, en revanche, « dans son rapport modificatif la responsabilité de Monsieur [I] est exclue » (conclusions d'appel de la société Neximmo, p. 5) ; qu'à l'appui de ce développement, la société Neximmo 68 produisait d'ailleurs le rapport modificatif de l'expert judiciaire démontrant que le partage de responsabilité tripartite n'a pas lieu d'être (conclusions d'appel de la société Neximmo, p. 5 et 6 et pièce n°2 – cf. production) ; que l'existence et la portée de ce rapport modificatif était du reste évoqués explicitement dans les propres conclusions de la société GP Consultant Engineering, qui tentait de les critiquer (conclusions d'appel de la société GP Consultant Engineering, p. 8-9) ; que dès lors en affirmant que la SASU Neximmo ne développerait « aucune critique de l'appréciation par l'expert d'une responsabilité partagée de trois intervenants » (arrêt, p.16), pour limiter la garantie de la société GP Consultant Engineering à 33% du montant de la condamnation de la SASU Neximmo 68, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile et le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les écrits clairs et précis qui lui sont soumis.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-24450
Date de la décision : 30/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 21 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 nov. 2022, pourvoi n°21-24450


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SARL Le Prado - Gilbert, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.24450
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