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30/11/2022 | FRANCE | N°21-17736

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2022, 21-17736


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1289 F-D

Pourvoi n° N 21-17.736

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 janvier 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

______________

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 NOVEMBRE 2022

La s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1289 F-D

Pourvoi n° N 21-17.736

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 janvier 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 NOVEMBRE 2022

La société Trigano MDC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 21-17.736 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [P] [G], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi Pays-de-Loire, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Trigano MDC, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 23 janvier 2020), M. [G] a été mis à la disposition de la société Trigano MDC (l'entreprise utilisatrice), par la société Adecco, suivant contrats de mission, entre le 22 janvier 2011 et le 20 février 2017.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 26 mai 2017 à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, sa réintégration dans les effectifs de l'établissement de l'entreprise utilisatrice situé à [Localité 4] et le paiement de diverses sommes au titre de la rupture de ce contrat.

Examen des moyens

Sur les deux premiers moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui, pour le premier, est irrecevable, pour le second, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. L'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt de déclarer dépourvu de tout effet son acquiescement à la réintégration du salarié dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], de dire que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que l'acquiescement à la demande est admis pour les droits dont la partie a la libre disposition ; que le droit à la réintégration n'étant pas contraire à une règle d'ordre public, le salarié peut en disposer librement en sollicitant à cet égard l'accord de son employeur, peu important l'intervention du juge ; qu'en affirmant, pour déclarer dépourvu de tout effet son acquiescement à la réintégration de M. [G] dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], que les droits dont les parties ont la libre disposition sont ceux dont l'existence juridique ne dépend pas d'une décision du juge en sorte qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la demande de réintégration du salarié n'est pas une demande à laquelle l'employeur peut valablement acquiescer en cours d'instance, l'intervention préalable du juge étant nécessaire, la cour d'appel a violé l'article 408 du code de procédure civile ;

2°/ que l'acquiescement pur et simple à la demande, n'appelant pas l'acceptation de la partie adverse, est pleinement efficace par lui-même ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté l'acquiescement de la société Trigano MDC à la demande de réintégration dans l'entreprise faite par M. [G] dans sa requête introductive d'instance, a été exprimé en cours d'instance par conclusions déposées au greffe de la juridiction le 29 septembre 2017, réitérées aux audiences du bureau de jugement du 5 octobre 2017 et du 26 janvier 2018, a néanmoins, pour déclarer dépourvu de tout effet son acquiescement à la réintégration de M. [G] dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], retenu de manière inopérante que l'accord des parties à la réintégration n'existait plus, le conseil de prud'hommes ayant relevé que M. [G] avait déclaré avoir un nouvel emploi et n'avait pas donné suite à la proposition de poste présentée par la société Trigano MDC, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'acquiescement pur et simple de la société Trigano MDC à la demande de réintégration du salarié dans ses effectifs, donné par conclusions le 29 septembre 2017, avait immédiatement produit ses effets au jour de ces écritures, et a violé l'article 408 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 408 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action. Il n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.

6. Pour déclarer dépourvu de tout effet l'acquiescement de l'entreprise utilisatrice à la demande du salarié de réintégration dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], dire que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'entreprise utilisatrice à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'acquiescement de l'entreprise utilisatrice à la demande de réintégration faite par le salarié dans sa requête introductive d'instance ne peut produire aucun effet de droit ni lier juridiquement ce dernier. Il énonce que l'acquiescement ne peut porter que sur les droits dont les parties ont la libre disposition, ceux dont l'existence juridique ne dépend pas d'une décision du juge, et que, la réintégration du salarié dans l'entreprise relevant du seul pouvoir du juge, qui ne dispose à cet égard que d'une simple faculté de proposition, elle ne constitue pas une demande à laquelle l'employeur peut valablement acquiescer en cours d'instance, l'intervention préalable du juge étant nécessaire. Il en déduit que l'acquiescement de l'entreprise utilisatrice à la demande de réintégration est inopérant. Il ajoute que le salarié ayant déclaré qu'il s'était engagé dans une formation lui permettant de trouver un emploi, l'accord des parties à la réintégration n'existait plus devant les premiers juges.

7. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il était loisible aux parties de convenir d'une réintégration du salarié hors toute intervention du juge, d'autre part, qu'il résultait de ses constatations que l'entreprise utilisatrice avait manifesté, devant les juges de première instance, sa volonté d'acquiescer à la demande de réintégration formulée devant eux par le salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt relatif au remboursement des indemnités de chômage versées au salarié, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

9. Elle n'atteint pas, en revanche, les chefs de dispositif de l'arrêt relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens, justifiés par d'autres dispositions non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare dépourvu de tout effet l'acquiescement de la société Trigano MDC à la réintégration de M. [G] dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la société Trigano MDC à payer à M. [G] les sommes de 3 130,50 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, 2 541,46 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 10 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonne le remboursement par la société Trigano MDC à Pôle emploi des Pays de la Loire des indemnités de chômage versées à M. [G] à hauteur de quatre mois, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Trigano MDC

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Trigano MDC fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir requalifié les contrats de mission de M. [G] en contrat de travail à durée indéterminée avec effet à compter du 18 janvier 2011 et l'avoir condamnée à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité de requalification ;

ALORS QUE l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action ; que dès lors l'acquiescement emporte extinction de l'instance ; qu'en prononçant la requalification des contrats de mission de M. [G] en contrat de travail à durée indéterminée avec effet à compter du 18 janvier 2011 et en condamnant la société Trigano MDC à lui payer la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité de requalification, tout en relevant que l'acquiescement de la société Trigano sur la demande de M. [G] de requalification de ses contrats de mission successifs en contrat de travail à durée indéterminée et sur celle relative à l'indemnité de requalification à hauteur de 1 500 euros, était parfait, ce dont il résultait que l'acquiescement parfait de la société Trigano MDC aux demandes du salarié avait éteint l'instance en sorte que les juges du fond ne pouvaient se reconnaître le droit de statuer sur ces demandes et d'en apprécier le bien-fondé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 384 et 408, alinéa 1, du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

La société Trigano MDC fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu de constater qu'elle avait bien versé l'indemnité de requalification à M. [G] ;

ALORS QUE le juge a pour obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans son jugement du 30 mars 2018, le conseil de prud'hommes du Mans a précisé qu'à l'audience de départage du 26 janvier 2018, « le Conseil de la société Trigano MDC a remis au défenseur syndical de M. [G] un chèque d'un montant de 1500 euros en règlement de l'indemnité de requalification de la relation de travail temporaire en contrat à durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice sollicitée par M. [G] » ; qu'en affirmant, pour dire qu'il n'y avait pas lieu de constater que l'indemnité de requalification avait été versée à M. [G], que la société Trigano MDC ne justifiait pas du règlement de l'indemnité de requalification à M. [G], la cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis du jugement rendu le 30 mars 2018 par le conseil de prud'hommes du Mans et desquels il résultait que le conseil de la société Trigano avait remis au défenseur syndical de M. [G] un chèque d'un montant de 1500 euros en règlement de l'indemnité de requalification et a violé le principe selon lequel le juge a pour obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

La société Trigano MDC fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré dépourvu de tout effet son acquiescement à la réintégration de M. [G] dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à verser à M. [G] les sommes de 3 130,50 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 313,05 euros bruts au titre des congés payés afférents, de 2 541,46 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et celle de 10 200,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE l'acquiescement à la demande est admis pour les droits dont la partie à la libre disposition ; que le droit à la réintégration n'étant pas contraire à une règle d'ordre public, le salarié peut en disposer librement et sollicitant à cet égard l'accord de son employeur, peu important l'intervention du juge ; qu'en affirmant, pour déclarer dépourvu de tout effet son acquiescement à la réintégration de M. [G] dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], que les droits dont les parties ont la libre disposition sont ceux dont l'existence juridique ne dépend pas d'une décision du juge en sorte qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la demande de réintégration du salarié n'est pas une demande à laquelle l'employeur peut valablement acquiescer en cours d'instance, l'intervention préalable du juge étant nécessaire, la cour d'appel a violé l'article 408 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, l'acquiescement pur et simple à la demande, n'appelant pas l'acceptation de la partie adverse, est pleinement efficace par lui-même ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté l'acquiescement de la société Trigano MDC à la demande de réintégration dans l'entreprise faite par M. [G] dans sa requête introductive d'instance, a été exprimé en cours d'instance par conclusions déposées au greffe de la juridiction le 29 septembre 2017, réitérées aux audiences du bureau de jugement du 5 octobre 2017 et du 26 janvier 2018, a néanmoins, pour déclarer dépourvu de tout effet son acquiescement à la réintégration de M. [G] dans les effectifs de son établissement de [Localité 4], retenu de manière inopérante que l'accord des parties à la réintégration n'existait plus, le conseil de prud'hommes ayant relevé que M. [G] avait déclaré avoir un nouvel emploi et n'avait pas donné suite à la proposition de poste présentée par la société Trigano MDC, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'acquiescement pur et simple de la société Trigano MDC à la demande de réintégration du salarié dans ses effectifs, donné par conclusions le 29 septembre 2017, avait immédiatement produit ses effets au jour de ces écritures, et a violé l'article 408 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-17736
Date de la décision : 30/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 23 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 nov. 2022, pourvoi n°21-17736


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17736
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