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30/11/2022 | FRANCE | N°21-17614

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 novembre 2022, 21-17614


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 729 F-B

Pourvoi n° E 21-17.614

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022

M.

[P] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-17.614 contre le jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (pô...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 729 F-B

Pourvoi n° E 21-17.614

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022

M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-17.614 contre le jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle civil de proximité), dans le litige l'opposant à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [Z], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 7 mai 2021), rendu en dernier ressort, M. [Z], faisant valoir qu'après que lui-même avait introduit sa carte bancaire dans un distributeur automatique de billets d'une agence de la société Crédit lyonnais (la banque) pour procéder à un retrait et composé son code confidentiel, un tiers avait saisi un montant de retrait de 900 euros et s'était emparé des billets, a demandé à la banque le remboursement de cette somme.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. [Z] fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 133-3, L. 133-6, L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier :

3. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti au montant de l'opération.

4. Il résulte des deux derniers textes qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, et signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée, sauf si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19.

5. Pour rejeter la demande de remboursement formée par M. [Z], le jugement énonce que le fait qu'après que le titulaire d'une carte de paiement a introduit celle-ci dans un distributeur automatique de billets et a composé son code secret, un tiers compose à son insu le montant du retrait et s'empare des billets de banque, ne constitue pas un cas d'exemption de la responsabilité du payeur prévu par l'article L. 133-19 du code monétaire et financier.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si l'opération de paiement avait été autorisée par M. [Z], en particulier quant à son montant, et, dans la négative, sans constater que la responsabilité du payeur était engagée en application du I ou du IV de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, le tribunal a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ;

Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit lyonnais et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [Z].

M. [Z] fait grief au jugement attaqué DE L'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS, 1°), QU'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ;

ALORS, 2°), QUE le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en retenant la qualification de vol d'espèces, exclusive de celle de retrait frauduleux, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que M. [Z] n'avait jamais eu la propriété des espèces que le malfaiteur avait appréhendées, le tribunal judiciaire a violé l'article 311-1 du code pénal, ensemble les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ;

ALORS, 3°), QU'une décision de classement sans suite est dépourvue de l'autorité de la chose jugée ; que, dès lors, en se fondant sur les mentions de l'avis de classement sans suite pour retenir la qualification de vol plutôt que celle de retrait frauduleux, le tribunal judiciaire a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-17614
Date de la décision : 30/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Paiement - Instrument de paiement - Utilisation frauduleuse par un tiers - Applications diverses - Tiers ayant composé le montant du retrait et s'étant emparé de l'argent

BANQUE - Paiement - Instrument de paiement - Utilisation frauduleuse par un tiers - Responsabilité du titulaire - Fraude ou non-respect des obligations - Constatation nécessaire

Il résulte des articles L. 133-3 et L. 133-6 du code monétaire et financier qu'une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti au montant de l'opération. Il résulte des articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, et signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée, sauf si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19 du même code. En rejetant une demande de remboursement au motif que le fait qu'après que le titulaire d'une carte de paiement a introduit celle-ci dans un distributeur automatique de billets et a composé son code secret, un tiers compose à son insu le montant du retrait et s'empare des billets de banque, ne constitue pas un cas d'exemption de la responsabilité du payeur prévu par l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si l'opération de paiement avait été autorisée, en particulier quant à son montant, et, dans la négative, sans constater que la responsabilité du payeur était engagée en application du I ou du IV de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, le tribunal a privé sa décision de base légale


Références :

Articles L. 133-3, L. 133-6, L. 133-18, L. 133-19 et L. 133-24 du code monétaire et financier

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Paris, 07 mai 2021

Sur la responsabilité du titulaire d'un utilisateur de services de paiement, à rapprocher :Com., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15-18102, Bull. 2017, IV, n° 6 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 nov. 2022, pourvoi n°21-17614, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17614
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