LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 novembre 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 913 F-D
Pourvois n°
P 22-16.959
Q 22-17.834 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022
I - L'Etat, agissant en la personne du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° P 22-16.959 contre le jugement rendu le 11 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, dans le litige l'opposant :
1°/ Mme [J] [RW], domiciliée [Adresse 8],
2°/ Mme [KY] [RW], veuve [F], domiciliée [Adresse 1] (États-Unis),
3°/ M. [E] [B], domicilié [Adresse 3],
4°/ Mme [X] [B], épouse [IF], domiciliée [Adresse 15] (États-Unis),
5°/ Mme [P] [H], veuve [RW], domiciliée [Adresse 10] (Suisse),
6°/ Mme [FD] [RW], épouse [LB], domiciliée [Adresse 6]7 (États-Unis),
7°/ M. [IC] [RW], domicilié [Adresse 2] (États-Unis),
8°/ Mme [UV] [NX], domiciliée [Adresse 13] (États-Unis),
9°/ Mme [K] [NX], domiciliée [Adresse 11] (États-Unis),
10°/ Mme [M] [NX], domiciliée [Adresse 12] (États-Unis),
prises toutes trois en qualité d'héritières de [Z] [RW],
11°/ M. [S] [B],
12°/ Mme [Z] [B],
venant tous deux aux droits de [E] [B],
défendeurs à la cassation.
II - 1°/ Mme [P] [H], veuve [RW], domiciliée [Adresse 9] (Suisse),
2°/ Mme [FD] [RW],
3°/ M. [IC] [RW],
4°/ Mme [J] [RW],
5°/ Mme [KY] [RW], veuve [F],
6°/ Mme [UV] [NX],
7°/ Mme [K] [NX],
8°/ Mme [M] [NX],
agissant toutes trois en qualité d'héritières de [Z] [RW],
9°/ Mme [X] [B], épouse [IF],
10°/ Mme [AM] [FG], veuve [B], domiciliée [Adresse 3],
11°/ M. [S] [B], domicilié [Adresse 5],
12°/ Mme [Z] [B], épouse [RT], domiciliée [Adresse 7],
venant tous trois aux droits de [E] [B],
ont formé le pourvoi n° Q 22-17.834 contre le même jugement rendu, dans le litige les opposant à l'Etat, pris en la personne du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, défendeur à la cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Le demandeur au pourvoi n° P 22-16.959 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi n° Q 22-17.834 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié et la plaidoirie de Me Piwnica, avocat de Mmes [J], [KY] et [FD] [RW], Mme [H], veuve [RW], M. [IC] [RW], MM. [E] et [S] [B], Mmes [X] et [Z] [B], Mme [FG], veuve [B], Mmes [UV], [K] et [M] [NX], de la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés et la plaidoirie de Me Lecuyer, avocat de l'Etat, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 22-16.959 et Q 22-17.834 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 11 mai 2022), rendu en dernier ressort, [I] [XN], marchand d'art, est décédé le 22 juillet 1939, en laissant pour lui succéder divers collatéraux privilégiés, aux droits desquels se trouvent Mmes [FD], [J], [KY] et M. [IC] [RW], Mme [P] [H] et Mmes [UV], [K] et [M] [NX] (les héritiers).
3. Aux termes de son testament olographe daté du 7 décembre 1911, il avait consenti plusieurs legs à M. et Mme [B] et leur fils [BF], aux droits desquels se trouvent Mmes [X], [Z] et M. [S] [B] et Mme [FG] (les légataires).
4. Un différend s'étant élevé entre les héritiers et légataires, plusieurs transactions sont intervenues en 1940 et 1961, dont il résulte notamment que les tableaux dépendant de la succession revenaient pour deux tiers aux légataires et pour un tiers aux héritiers.
5. [XR] [V] et [A] [N], mandatés en 1940 comme experts, pour procéder, lors du règlement de la succession d'[I] [XN], à l'inventaire des oeuvres et à la constitution des lots, ont fait l'objet de procédures pénales liées à des détournements de plusieurs d'entre elles.
6. Les 22 et 24 mars 1949, deux transactions sont intervenues entre les héritiers et [XR] [V], aux termes desquelles ceux-ci déclaraient notamment se désister de toutes leurs instances civiles ou pénales et opéraient entre eux une répartition de certaines oeuvres.
7. Le 15 avril 2016, soutenant être propriétaires de sept oeuvres figurant au répertoire « Musées nationaux récupération » qui recense des oeuvres d'art récupérées en Allemagne à l'issue de la seconde guerre mondiale et renvoyées en France parce que certains indices laissaient penser qu'elles en provenaient, les héritiers et légataires ont saisi d'une demande de restitution l'Etat, pris en la personne du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, lequel a rejeté leur demande.
8. Les héritiers et légataires ont formé un recours devant le tribunal administratif de Paris, qui, par jugement du 4 décembre 2019, a sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris, saisi par question préjudicielle, se soit prononcé sur la propriété des oeuvres litigieuses.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° P 22-16.959
Enoncé du moyen
9. L'Etat fait grief au jugement de dire que les oeuvres répertoriées MNR 200 et 219 et REC 57 sont la propriété indivise des héritiers et légataires, alors :
« 1°/ que, si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction ; qu'en l'espèce, par une convention du 22 mars 1949, rendue opposable à [Y] [XN] par une seconde convention du 24 mars 1949, [C] et [BM] [XN], déclaraient renoncer à leurs actions pénale et civile et décidaient de mettre fin aux poursuites contre [US] [XN] et [XR] [V] qui avaient pourtant géré de manière irrégulière la succession en détournant un grand nombre d'oeuvres au lieu d'en assurer la répartition ; qu'en échange, [US] [XN] acceptait de ne se voir attribuer aucune oeuvre d'art, s'étant amplement servi grâce aux ventes irrégulières effectuées sur le compte partagé [V]/[N], et [XR] [V] s'engageait à s'acquitter de tous les droits successoraux outre les éventuelles amendes réclamées par l'administration ; que ladite convention réglait, en outre, les opérations de partage des biens immobiliers et mobiliers composant la succession [XN] afin de rééquilibrer les droits de chacun ; que l'Etat en déduisait que le partage ainsi réalisé en 1949 avait permis aux ayants droit d'être remplis de leurs droits successoraux et éteint toute possibilité pour eux de réclamer les oeuvres détournées auxquelles ils avaient renoncé ; qu'en se fondant sur la convention du 22 mars 1949 pour dire que le partage intervenu en 1949 ne constituait pas un obstacle à la revendication des trois oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57, sans rechercher, comme il y était pourtant invité, si cette convention ne renfermait pas une renonciation de la part des ayants droit à tous droits sur lesdites oeuvres, dont ils savaient en signant la transaction de 1949 qu'elles avaient été détournées par [XR] [V] et [A] [N] avec la complicité de [US] [XN], et si, partant, l'Etat n'était pas fondé à se prévaloir de cette renonciation pour s'opposer à leur revendication, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 2051 et 2052 du code civil ;
2°/ que la renonciation ne peut voir ses effets enfermés dans une transaction ; qu'en estimant que le partage intervenu en 1949 ne constituait pas un obstacle à la revendication des ayants droit d'[I] [XN], motif pris de ce que la convention du 22 mars 1949, qui avait pour objet de répartir des oeuvres entre les consorts [XN] et M. [V], n'interdisait nullement aux parties, ou à leurs ayants droit, de revendiquer ensuite la propriété d'une oeuvre détenue par un tiers, quand cette action en revendication n'était possible que pour les oeuvres qui n'étaient comprises ni dans l'inventaire de 1939, ni dans le compte partagé [N]/[V], et qui n'étaient donc pas concernées par les actions en justice ayant conduit aux conventions de mars 1949, ce qui n'était pas le cas des oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57 lesquelles, comme le relevait le jugement, "n'étaient pas inconnues des héritiers et légataires lors de l'ouverture de la succession d'[I] [XN]", avaient "été apportées en 1940 et 1941 au compte de participation de la société créée par [XR] [V] et [A] [N], puis vendues par ceux-ci aux allemands" et, pour "la première d'entre elles, [avait été] visée dans l'inventaire effectué par le notaire en 1939", le tribunal s'est fondé sur des motifs inopérants et a violé les articles 2051 et 2052 du code civil ;
3°/ qu'en énonçant, pour retenir que la convention du 22 mars 1949 ne constituait pas un obstacle à la revendication des ayants droit, "qu'à supposer que ladite convention leur soit applicable, les oeuvres objets de la présente instance entreraient nécessairement dans le champ de son article 5- n'ayant été à l'époque ni sous-main de justice en France, ni séquestrées au Canada, ni saisies à New York –et étaient donc abandonnées à M [D] [O], ès qualités, soit à certains des consorts [XN], aux droits desquels viennent les demandeurs à la présente instance" quand la question n'était pas de savoir si les oeuvres litigieuses entraient bien dans le champ de l'article 5 de la convention mais si, ainsi que le soutenait l'Etat, dans la mesure où précisément ladite convention leur était applicable, celle-ci n'avait pas validé les transactions irrégulières portant sur ces oeuvres, rempli les ayants droit de leurs droits successoraux en réglant définitivement les opérations de partage, et porté ainsi renonciation de leur part à tous droits sur les oeuvres revendiquées, si bien que l'Etat pouvait s'en prévaloir et invoquer la renonciation que la convention du 22 mars 1949 renfermait, le tribunal a, de nouveau, statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 2051 et 2052 du code civil ;
4°/ que l'Etat soutenait qu'à la suite de la levée des scellés, il avait été procédé à la délivrance du legs en nature aux consorts [B] le 18 janvier 1940, soit antérieurement au détournement des oeuvres par MM. [N] et [V] qui ne les concernait pas ; qu'il ajoutait qu'ayant été ainsi remplis de leurs droits successoraux par la délivrance de leur legs, ils n'avaient pas voulu déposer plainte ni se constituer partie civile dans le cadre de la procédure pénale initiée par les autres ayants droit ; qu'il soutenait encore qu'aux termes du protocole transactionnel du 4 août 1961 conclu avec [BM] [XN], agissant en son nom personnel et en qualité de légataire universelle de sa soeur [C] [XN], les consorts [B] avaient renoncé à contester l'exécution des conventions des 12 et 18 janvier 1940 et fait leurs les dispositions des conventions des 22 et 24 mars 1949 ; qu'il en déduisait que l'effet extinctif des deux transactions de 1949 leur interdisait désormais "de remettre en cause des ventes liées à la gestion irrégulière de l'opération de partage par [US] [XN], [A] [N] et [XR] [V] validées en1949" ; que faute de s'être expliqué sur ce moyen péremptoire, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. C'est par une interprétation souveraine de la convention du 22 mars 1949 que le tribunal, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que celle-ci avait pour objet de répartir, entre les consorts [XN] et [XR] [V], les oeuvres sous main de justice à New York, Ottawa et Paris, ne contenait aucune renonciation globale des héritiers et légataires à leurs droits sur l'ensemble des oeuvres dépendant de la succession et ne faisait pas obstacle à l'exercice de leur action.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi n° P 22-16.959
Enoncé du moyen
12. L'Etat fait grief au jugement de dire que l'oeuvre répertoriée REC 62 est la propriété indivise des héritiers et légataires, alors :
« 1°/ que la simple énonciation suivant laquelle l'oeuvre REC 162 "Sous-bois" de [FA] [G] "a fait l'objet d'un cliché d'[A] [N] n° 3363" et que ce cliché s'intégrait dans une série de photographies d'oeuvres appartenant à [I] [XN] à son décès ne permettait nullement d'établir avec certitude que "tel était également le cas de cette oeuvre" ; qu'en s'attachant pourtant à cette seule circonstance, pour en déduire que la preuve de la propriété de cette oeuvre était rapportée par les ayants droit d'[I] [XN] dans la mesure où l'Etat n'a pas identifié une autre oeuvre n'appartenant pas à ce collectionneur dans la série photographique, quand l'Etat avait rappelé, d'une part, que l'inventaire dressé en 1939 ne permettait pas d'identifier cette aquarelle, d'autre part, que ladite aquarelle ne faisait pas partie des oeuvres aliénées avant partage par [US] [XN] ou figurant dans le compte partagé [N]/[V] et, de troisième part, qu'aucune provenance n'étant indiquée au revers de la photographie [N] de l'oeuvre REC 162 (contrairement aux autres clichés de la même série de numéros), celle-ci pouvait avoir fait partie des oeuvres venant d'ailleurs que faisait entrer, à cette même période, [A] [N] dans sa galerie d'art en les photographiant thématiquement, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, l'Etat soutenait que s'il fallait imaginer que l'oeuvre REC 162 "Sous-bois" de [FA] [G] ait appartenu à [I] [XN], cette oeuvre pouvait parfaitement avoir été cédée par [I] [XN] avant son décès dans l'exercice de sa profession de marchand d'art ou encore, correspondre au n° 115 (« [G], aquarelle n°28 ») de l'inventaire de 1939 relatif à la part attribuée aux consorts [B], qui n'apparaissait plus dans le procès-verbal établi par M. [T] en 1949 et qui aurait donc été vendue entre-temps ; qu'il en concluait que les revendiquants ne démontraient pas leur propriété sur cette oeuvre ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen péremptoire, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, ce faisant, l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
13. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation que le tribunal a estimé que les héritiers et légataires établissaient être propriétaires de l'oeuvre répertoriée REC 62.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi n° Q 22-17.834
Enoncé du moyen
15. Les héritiers et légataires font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes s'agissant des oeuvres répertoriées MNR 580, 650 et 878, alors :
« 1°/ que la propriété se prouve par tout moyen ; que le tribunal judiciaire a constaté, d'une part, que l'oeuvre "Les grandes baigneuses" de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 878, non revendiquée par ailleurs et pour laquelle il n'existait aucune preuve, ni indice de spoliation, figurait dans l'inventaire des oeuvres principales de la succession, effectué par acte notarié, après le décès d'[I] [XN] et, d'autre part, que les demandeurs étaient les seuls ayants droit à la succession d'[I] [XN] ; qu'en rejetant néanmoins leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 878, aux motifs inopérants que "cette oeuvre a été cédée dans des circonstances différentes des oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57, puisqu'il n'apparaît pas qu'elle a été vendue par [A] [N] ou [XR] [V], et trop imprécises pour pouvoir affirmer que cette oeuvre est encore la propriété d'un/des héritier(s)/légataire(s)", le tribunal n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 544 et 1358 du code civil ;
2°/ que la propriété se prouve par tout moyen ; que, dans leurs conclusions, les demandeurs faisaient valoir, preuves à l'appui, que non seulement l'oeuvre inventoriée MNR 878 était expressément mentionnée dans l'inventaire notarié des oeuvres principales, dressé au décès d'[I] [XN], mais encore que cette oeuvre ne figurait pas dans la liste des oeuvres, remises à sa mère ou à lui-même en 1940, établie par [BF] [B] en juin 1948 et qu'aucun partage des oeuvres entre les héritiers [XN] n'avait été effectué avant 1949, alors que trois de ces héritiers, au moins, résidaient, pendant la guerre, à La Réunion ou à Madagascar ; qu'il en résultait qu'aucune cession de l'oeuvre MNR 878, restée dans l'indivision successorale, ne leur était opposable ; qu'en se bornant, pour rejeter leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 878, à affirmer que "cette oeuvre a été cédée dans des circonstances différentes des oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57, puisqu'il n'apparaît pas qu'elle a été vendue par [A] [N] ou [XR] [V], et trop imprécises pour pouvoir affirmer que cette oeuvre est encore la propriété d'un/des héritier(s)/légataire(s)", sans rechercher s'il ne résultait pas de l'absence de mention de cette oeuvre, dans la liste des principales oeuvres remises à [BF] [B] et ses parents, ensemble l'absence de partage effectué entre les héritiers [XN] pendant la guerre, la preuve de ce que l'oeuvre MNR 878, restée alors dans l'indivision successorale, était toujours la propriété des ayants droits de ces héritiers et légataires, le tribunal a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 544 et 1358 du code civil ;
3°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu' il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les fais nécessaires au soutien de sa prétention ; que dès lors que les demandeurs établissaient, d'une part, que l'oeuvre "Les grandes baigneuses" de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 878 figurait dans l'inventaire des oeuvres principales de la succession, effectué par acte notarié, après le décès d'[I] [XN] et, d'autre part, qu'ils étaient les seuls ayants droit à la succession d'[I] [XN], partant faisaient la preuve de leur propriété, il appartenait à l'Etat, qui, contestant le droit de propriété des demandeurs, prétendait que cette oeuvre avait pu être vendue par un des héritiers ou légataires, de rapporter la preuve de la cession hypothétiquement alléguée ; qu'en exigeant cependant des demandeurs qu'ils rapportent la preuve, impossible, de l'absence de cession ultérieure, quand il appartenait à l'Etat d'établir la cession prétendue, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353, anciennement 1315 du code civil, l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ que la propriété se prouve par tout moyen ; que le tribunal judiciaire a constaté, d'une part, que l'oeuvre "Tête de vieillard" de [FA] [G], inventoriée MNR 650, non revendiquée par ailleurs et pour laquelle il n'existait aucune preuve, ni indice de spoliation, figurait dans l'inventaire des oeuvres principales de la succession, effectué par acte notarié, après le décès d'[I] [XN] et, d'autre part, que les demandeurs étaient les seuls ayants droit à la succession de M. [I] [XN] ; qu'en rejetant néanmoins leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 650, aux motifs que cette oeuvre "n'a pas fait l'objet de cliché par [A] [N], ni n'a été numérotée dans son livre de stock et ne figure pas dans le compte de participation [N]/[V], ni dans la déclaration de vente aux allemands", quand cette circonstance n'était pas de nature à écarter la propriété indivise, telle qu'établie, des ayants droits à la succession [XN], le tribunal, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 544 et 1358 du code civil ;
5°/ que dans leurs conclusions, les demandeurs faisaient valoir que l'oeuvre attribuée aux consorts [B] en 1940 et vendue par [BF] [B] à [XR] [V] le 5 février 1944 n'était pas, comme l'indiquait le site internet [BJ] [UO], la peinture "Tête de vieillard" inventoriée MNR 650 mais la peinture "Portrait d'homme", référencée n° 4123 dans les livres de stock d'[I] [XN] ; qu'ils produisaient, à l'appui de leurs dires, la liste des oeuvres, remises à sa mère ou à lui-même en 1940, établie par [BF] [B] en juin 1948, établissant que seuls trois portraits peints par [FA] [G], (numérotés 113, 122 et 124 dans l'inventaire notarié effectué au décès d'[I] [XN]) se trouvaient dans le lot attribué aux consorts [B], ledit inventaire notarié, décrivant les trois portraits, un extrait du catalogue raisonné des peintures, aquarelles et dessins de [FA] [G] par [DN] [R], [L] [XX] et [W] [XU] montrant que l'oeuvre "Tête de vieillard", inventoriée MNR 650, décrite sous le n° 125 de l'inventaire notarié et comportant le n° de stock 5240 n'avait pas été attribuée aux consorts [B], de sorte qu'elle était restée dans l'indivision successorale ; qu'en se bornant, pour rejeter leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 650, à énoncer que "la base [BJ] [UO], laquelle répertorie les oeuvres classées MNR et regroupe les informations relatives à l'historique et à la provenance des oeuvres, collectées après la guerre, indique qu'elle a été vendue à [XR] [V] par les consorts [B] entre 1942 et 1944" et que "les éléments exposés par les demandeurs pour démontrer qu'il s'agirait d'une autre oeuvre sont insuffisants à démontrer le caractère erroné des informations de la base de données", sans mentionner ces éléments, procéder, même sommairement, à leur analyse, ni indiquer en quoi ils seraient "insuffisants" à démontrer le caractère erroné des informations de la base de donnée, le tribunal, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer du respect du droit de propriété, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que la propriété se prouve par tout moyen ; que le tribunal judiciaire a constaté, d'une part, que l'oeuvre "Roses dans un vase" de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 580, non revendiquée par ailleurs et pour laquelle il n'existait aucune preuve, ni indice de spoliation, a appartenu à [I] [XN] et, d'autre part, que les demandeurs étaient les seuls ayants droit à la succession d' [I] [XN] ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande tendant à voir reconnaître la propriété indivise des ayants droit sur l'oeuvre inventoriée MNR 580, qu' "il n'est pas démontré que cette oeuvre, qui a appartenu à [I] [XN], faisait encore partie de sa collection à son décès", le tribunal, qui a subordonné la reconnaissance de la propriété à la preuve de l'absence de cession de l'oeuvre, a violé les articles 544 et 1358 du code civil ;
7°/ que dans leurs conclusions, les demandeurs faisaient valoir, s'agissant de l'oeuvre "Roses dans un vase" de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 580, l'absence de toute marque au revers de la toile, autre que celle du numéro de stock d'[I] [XN], l'absence de toute mention dans une publication qui aurait fait état d'une aliénation de cette oeuvre par [I] [XN] ainsi que l'absence de toute preuve comptable, par l'Etat, d'une telle aliénation, ce dernier détenant les pièces comptables de l'activité de marchand d'art d'[I] [XN], conservées au service des archives du musée d'[14] ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande tendant à voir reconnaître la propriété indivise des ayants droit sur l'oeuvre inventoriée MNR 580, qu' "il n'est pas démontré que cette oeuvre, qui a appartenu à [I] [XN], faisait encore partie de sa collection à son décès", sans examiner ces éléments, ni indiquer en quoi ils ne démontreraient pas que l'oeuvre MNR 580 faisait encore partie de la collection d'[I] [XN] à son décès, le tribunal, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer du respect du droit de propriété n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les fais nécessaires au soutien de sa prétention ; que dès lors que les demandeurs établissaient, d'une part, que l'oeuvre "Roses dans un vase" de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 580 avait été la propriété d'[I] [XN] et, d'autre part, qu'ils étaient les seuls ayants droit à la succession de M. [I] [XN], partant faisaient la preuve de leur propriété, il appartenait à l'Etat, détenteur des pièces comptables d'[I] [XN], qui, contestant le droit de propriété des demandeurs, prétendait que cette oeuvre avait pu être vendue par le collectionneur, de rapporter la preuve de la cession alléguée ; qu'en exigeant cependant des demandeurs qu'ils rapportent la preuve, impossible, de l'absence de cession, quand il appartenait à l'Etat d'établir la cession prétendue, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1353, anciennement 1315 du code civil, 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
16. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation que le tribunal, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a estimé que les héritiers et légataires n'établissaient pas être propriétaires des oeuvres répertoriées MNR 580, 650 et 878.
17. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° P 22-16.959 par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour l'Etat
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(Sur les oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57)Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que les oeuvres MNR 219 "Nature morte à la mandoline " de [FA] [U], MNR 200 " Marine : Guernesey" de [RZ] [HZ], REC 57 "Le jugement de Pâris" de [RZ] [HZ] et REC 162"Sous-bois" de [FA] [G] sont la propriété indivise de Mme [P] [H] veuve [RW], Mme [J] [RW], Mme [KY] [RW] veuve [F], Mme [FD] [RW], M. [IC] [RW], Mme [UV] [J] [NX], Mme [K] [Z] [NX], Mme [M] [AI] [NX], [E] [B], aux droits duquel viennent [AM] [FG] veuve [B], M. [S] [B] et Mme [Z] [B] épouse [RT], et Mme [X] [B], alors :
1°) que si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction ; qu'en l'espèce, par une convention du 22 mars 1949, rendue opposable à [Y] [XN] par une seconde convention du 24 mars 1949, [C] et [BM] [XN], déclaraient renoncer à leurs actions pénale et civile et décidaient de mettre fin aux poursuites contre [US] [XN] et [XR] [V] qui avaient pourtant géré de manière irrégulière la succession en détournant un grand nombre d'oeuvres au lieu d'en assurer la répartition ; qu'en échange, [US] [XN] acceptait de ne se voir attribuer aucune oeuvre d'art, s'étant amplement servi grâce aux ventes irrégulières effectuées sur le compte partagé [V]/[N], et [XR] [V] s'engageait à s'acquitter de tous les droits successoraux outre les éventuelles amendes réclamées par l'administration ; que ladite convention réglait, en outre, les opérations de partage des biens immobiliers et mobiliers composant la succession [XN] afin de rééquilibrer les droits de chacun ; que l'Etat en déduisait que le partage ainsi réalisé en 1949 avait permis aux ayants droit d'être remplis de leurs droits successoraux et éteint toute possibilité pour eux de réclamer les oeuvres détournées auxquelles ils avaient renoncé(p. 20 à 26 et 45) ; qu'en se fondant sur la convention du 22 mars 1949 pour dire que le partage intervenu en 1949 ne constituait pas un obstacle à la revendication des trois oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57 (jugement, p. 13, § 2), sans rechercher, comme il y était pourtant invité, si cette convention ne renfermait pas une renonciation de la part des ayants droit à tous droits sur lesdites oeuvres, dont ils savaient en signant la transaction de 1949 qu'elles avaient été détournées par [XR] [V] et [A] [N] avec la complicité de [US] [XN], et si, partant, l'Etat n'était pas fondé à se prévaloir de cette renonciation pour s'opposer à leur revendication, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 2051 et 2052 du code civil ;
2°) que la renonciation ne peut voir ses effets enfermés dans une transaction ; qu'en estimant que le partage intervenu en 1949 ne constituait pas un obstacle à la revendication des ayants droit d'[I] [XN], motif pris de ce que la convention du 22 mars 1949, qui avait pour objet de répartir des oeuvres entre les consorts [XN] et M. [V], n'interdisait nullement aux parties, ou à leurs ayants droit, de - 11– revendiquer ensuite la propriété d'une oeuvre détenue par un tiers (jugement, p. 13, § 3), quand cette action en revendication n'était possible que pour les oeuvres qui n'étaient comprises ni dans l'inventaire de 1939, ni dans le compte partagé [N]/[V], et qui n'étaient donc pas concernées par les actions en justice ayant conduit aux conventions de mars 1949, ce qui n'était pas le cas des oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57 lesquelles, comme le relevait le jugement, « n'étaient pas inconnues des héritiers et légataires lors de l'ouverture de la succession d'[I] [XN] » (jugement, p. 8 et 9), avaient « été apportées en 1940 et 1941 au compte de participation de la société créée par [XR] [V] et [A] [N], puis vendues par ceux-ci aux allemands »(jugement, p. 13) et, pour« la première d'entre elles, [avait été] visée dans l'inventaire effectué par le notaire en 1939 » (jugement, p. 12), le tribunal s'est fondé sur des motifs inopérants et a violé les articles 2051 et 2052 du code civil ;
3°) qu'en énonçant, pour retenir que la convention du 22 mars 1949 ne constituait pas un obstacle à la revendication des ayants droit, « qu'à supposer que ladite convention leur soit applicable, les oeuvres objets de la présente instance entreraient nécessairement dans le champ de son article 5- n'ayant été à l'époque ni sous-main de justice en France, ni séquestrées au Canada, ni saisies à New-York –et étaient donc abandonnées à M. [D] [O], es-qualité, soit à certains des consorts [XN], aux droits desquels viennent les demandeurs à la présente instance » (jugement, p. 13) quand la question n'était pas de savoir si les oeuvres litigieuses entraient bien dans le champ de l'article 5 de la convention mais si, ainsi que le soutenait l'Etat (p. 23 à 25 et p. 45), dans la mesure où précisément ladite convention leur était applicable, celleci n'avait pas validé les transactions irrégulières portant sur ces oeuvres, rempli les ayants droit de leurs droits successoraux en réglant définitivement les opérations de partage, et porté ainsi renonciation de leur part à tous droits sur les oeuvres revendiquées, si bien que l'Etat pouvait s'en prévaloir et invoquer la renonciation que la convention du 22 mars 1949 renfermait, le tribunal a, de nouveau, statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 2051 et 2052 du code civil;
4°) que l'Etat soutenait qu'à la suite de la levée des scellés, il avait été procédé à la délivrance du legs en nature aux consorts [B] le 18 janvier 1940, soit antérieurement au détournement des oeuvres par MM. [N] et [V] qui ne les concernait pas ; qu'il ajoutait qu'ayant été ainsi remplis de leurs droits successoraux par la délivrance de leur legs, ils n'avaient pas voulu déposer plainte ni se constituer partie civile dans le cadre de la procédure pénale initiée par les autres ayants droit ; qu'il soutenait encore qu'aux termes du protocole transactionnel du 4 août 1961 conclu avec [BM] [XN], agissant en son nom personnel et en qualité de légataire universelle de sa soeur [C] [XN], les consorts [B] avaient renoncé à contester l'exécution des conventions des 12 et 18 janvier 1940 et fait leurs les dispositions des conventions des 22 et 24 mars 1949 ; qu'il en déduisait que l'effet extinctif des deux transactions de 1949 leur interdisait désormais « de remettre en cause des ventes liées à la gestion irrégulière de l'opération de partage par [US] [XN], [A] [N] et [XR] [V] validées en1949 »(conclusions, p. 27, 28 et 48) ; que faute de s'être expliqué sur ce moyen péremptoire, le tribunal a entaché sa - 12– décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Sur l'oeuvre REC 162)Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que les oeuvres MNR 219 " Nature morte à la mandoline " de [FA] [U], MNR 200 " Marine : Guernesey" de [RZ] [HZ], REC 57 "Le jugement de Pâris" de [RZ] [HZ] et REC 162 "Sous-bois" de [FA] [G] sont la propriété indivise de Mme [P] [H] veuve [RW], Mme [J] [RW], Mme [KY] [RW] veuve [F], Mme [FD] [RW], M. [IC] [RW], Mme [UV] [J] [NX], Mme [K] [Z] [NX], Mme [M] [AI] [NX], [E] [B], aux droits duquel viennent [AM] [FG] veuve [B], M. [S] [B] et Mme [Z] [B] épouse [RT], et Mme [X] [B], alors :
1°) que la simple énonciation suivant laquelle l'oeuvre REC 162 "Sous-bois" de [FA] [G] « a fait l'objet d'un cliché d'[A] [N] n° 3363 » et que ce cliché s'intégrait dans une série de photographies d'oeuvres appartenant à [I] [XN] à son décès ne permettait nullement d'établir avec certitude que « tel était également le cas de cette oeuvre » (jugement, p. 14) ; qu'en s'attachant pourtant à cette seule circonstance, pour en déduire que la preuve de la propriété de cette oeuvre était rapportée par les ayants droit d'[I] [XN] dans la mesure où l'Etat n'a pas identifié une autre oeuvre n'appartenant pas à ce collectionneur dans la série photographique, quand l'Etat avait rappelé, d'une part, que l'inventaire dressé en 1939 ne permettait pas d'identifier cette aquarelle, d'autre part, que ladite aquarelle ne faisait pas partie des oeuvres aliénées avant partage par [US] [XN] ou figurant dans le compte partagé [N]/[V] et, de troisième part, qu'aucune provenance n'étant indiquée au revers de la photographie [N] de l'oeuvre REC 162 (contrairement aux autres clichés de la même série de numéros), celle-ci pouvait avoir fait partie des oeuvres venant d'ailleurs que faisait entrer, à cette même période, [A] [N] dans sa galerie d'art en les photographiant thématiquement (cf. conclusions, p. 38 et 39), le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°) qu'en tout état de cause, l'Etat soutenait que s'il fallait imaginer que l'oeuvre REC 162 "Sous-bois" de [FA] [G] ait appartenu à [I] [XN], cette oeuvre pouvait parfaitement avoir été cédée par [I] [XN] avant son décès dans l'exercice de sa profession de marchand d'art ou encore, correspondre au n°115 (« [G], aquarelle n°28 ») de l'inventaire de 1939 relatif à la part attribuée aux consorts [B], qui n'apparaissait plus dans le procès-verbal établi par Me [T] en 1949 et qui aurait donc été vendue entre-temps ; qu'il en concluait que les revendiquants ne démontraient pas leur propriété sur cette oeuvre (cf. ses conclusions, p. 38, 39 et 50) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen péremptoire, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, ce faisant, l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° Q 22-17.834 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [H], veuve [RW], Mmes [FD], [J] et [KY] [RW], M. [IC] [RW], Mmes [UV], [K] et [M] [NX], Mmes [X] et [Z] [B], Mme [AM] [FG], veuve [B], MM. [E] et [S] [B],
Mmes [P] [H], [FD] [RW], [J] [RW], [KY] [RW], [UV] [NX], [K] [NX], [M] [NX], M. [IC] [RW], Mmes [X] [B], [AM] [FG], [Z] [B] et M. [S] [B] font grief au jugement attaqué d'avoir rejeté leur demande tendant à ce qu'ils soient reconnus propriétaires indivis des oeuvres inventoriées MNR 878, « Les grandes baigneuses » de [RZ] [HZ], MNR 650, « Tête de vieillard » de [FA] [G] et MNR 580, « Roses dans un vase » de [RZ] [HZ],
1) ALORS QUE la propriété se prouve par tout moyen ; que le tribunal judiciaire a constaté, d'une part, que l'oeuvre « Les grandes baigneuses »
de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 878, non revendiquée par ailleurs et pour laquelle il n'existait aucune preuve, ni indice de spoliation, figurait dans l'inventaire des oeuvres principales de la succession, effectué par acte notarié, après le décès d'[I] [XN] et, d'autre part, que les demandeurs étaient les seuls ayants droit à la succession d'[I] [XN] ; qu'en rejetant néanmoins leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 878, aux motifs inopérants que « cette oeuvre a été cédée dans des circonstances différentes des oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57, puisqu'il n'apparaît pas qu'elle a été vendue par [A] [N] ou [XR] [V], et trop imprécises pour pouvoir affirmer que cette oeuvre est encore la propriété d'un/des héritier(s)/légataire(s) », le tribunal n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 544 et 1358 du code civil ;
2) ALORS, en tout état de cause, QUE la propriété se prouve par tout moyen ; que, dans leurs conclusions, les demandeurs faisaient valoir, preuves à l'appui, que non seulement l'oeuvre inventoriée MNR 878 était expressément mentionnée dans l'inventaire notarié des oeuvres principales, dressé au décès d'[I] [XN], mais encore que cette oeuvre ne figurait pas dans la liste des oeuvres, remises à sa mère ou à lui-même en 1940, établie par [BF] [B] en juin 1948 et qu'aucun partage des oeuvres entre les héritiers [XN] n'avait été effectué avant 1949, alors que trois de ces héritiers, au moins, résidaient, pendant la guerre, à La Réunion ou à Madagascar ; qu'il en résultait qu'aucune cession de l'oeuvre MNR 878, restée dans l'indivision successorale, ne leur était opposable ; qu'en se bornant, pour rejeter leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 878, à affirmer que « cette oeuvre a été cédée dans des circonstances différentes des oeuvres MNR 219, MNR 200 et REC 57, puisqu'il n'apparaît pas qu'elle a été vendue par [A] [N] ou [XR] [V], et trop imprécises pour pouvoir affirmer que cette oeuvre est encore la propriété d'un/des héritier(s)/légataire(s) », sans rechercher s'il ne résultait pas de l'absence de mention de cette oeuvre, dans la liste des principales oeuvres remises à [BF] [B] et ses parents, ensemble l'absence de partage effectué entre les héritiers [XN] pendant la guerre, la preuve de ce que l'oeuvre MNR 878, restée alors dans l'indivision successorale, était toujours la propriété des ayants droits de ces héritiers et légataires, le tribunal a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 544 et 1358 du code civil ;
3) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu' il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les fais nécessaires au soutien de sa prétention ; que dès lors que les demandeurs établissaient, d'une part, que l'oeuvre « Les grandes baigneuses » de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 878 figurait dans l'inventaire des oeuvres principales de la succession, effectué par acte notarié, après le décès d'[I] [XN] et, d'autre part, qu'ils étaient les seuls ayants droit à la succession d'[I] [XN], partant faisaient la preuve de leur propriété, il appartenait à l'Etat, qui, contestant le droit de propriété des demandeurs, prétendait que cette oeuvre avait pu être vendue par un des héritiers ou légataires, de rapporter la preuve de la cession hypothétiquement alléguée ; qu'en exigeant cependant des demandeurs qu'ils rapportent la preuve, impossible, de l'absence de cession ultérieure, quand il appartenait à l'Etat d'établir la cession prétendue, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353, anciennement 1315 du code civil, l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4) ALORS QUE la propriété se prouve par tout moyen ; que le tribunal judiciaire a constaté, d'une part, que l'oeuvre « Tête de vieillard » de [FA] [G], inventoriée MNR 650, non revendiquée par ailleurs et pour laquelle il n'existait aucune preuve, ni indice de spoliation, figurait dans l'inventaire des oeuvres principales de la succession, effectué par acte notarié, après le décès d'[I] [XN] et, d'autre part, que les demandeurs étaient les seuls ayants droit à la succession de M. [I] [XN] ; qu'en rejetant néanmoins leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 650, aux motifs que cette oeuvre « n'a pas fait l'objet de cliché par [A] [N], ni n'a été numérotée dans son livre de stock et ne figure pas dans le compte de participation [N]/[V], ni dans la déclaration de vente aux allemands », quand cette circonstance n'était pas de nature à écarter la propriété indivise, telle qu'établie, des ayants droits à la succession [XN], le tribunal, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de toute base légale au regard des article 544 et 1358 du code civil ;
5) ALORS QUE dans leurs conclusions, les demandeurs faisaient valoir que l'oeuvre attribuée aux consorts [B] en 1940 et vendue par [BF] [B] à [XR] [V] le 5 février 1944 n'était pas, comme l'indiquait le site internet [BJ] [UO], la peinture « Tête de vieillard » inventoriée MNR 650 mais la peinture « Portrait d'homme », référencée n°4123 dans les livres de stock d'[I] [XN] ; qu'ils produisaient, à l'appui de leurs dires, la liste des oeuvres, remises à sa mère ou à lui-même en 1940, établie par [BF] [B] en juin 1948, établissant que seuls trois portraits peints par [FA] [G], (numérotés 113, 122 et 124 dans l'inventaire notarié effectué au décès d'[I] [XN]) se trouvaient dans le lot attribué aux consorts [B], ledit inventaire notarié, décrivant les trois portraits, un extrait du catalogue raisonné des peintures, aquarelles et dessins de [FA] [G] par [DN] [R], [L] [XX] et [W] [XU] montrant que l'oeuvre « Tête de vieillard », inventoriée MNR 650, décrite sous le n°125 de l'inventaire notarié et comportant le n° de stock 5240 n'avait pas été attribuée aux consorts [B], de sorte qu'elle était restée dans l'indivision successorale ; qu'en se bornant, pour rejeter leur demande tendant à les voir déclarés propriétaires indivis de l'oeuvre inventoriée MNR 650, à énoncer que « la base [BJ] [UO], laquelle répertorie les oeuvres classées MNR et regroupe les informations relatives à l'historique et à la provenance des oeuvres, collectées après la guerre, indique qu'elle a été vendue à [XR] [V] par les consorts [B] entre 1942 et 1944 » et que « les éléments exposés par les demandeurs pour démontrer qu'il s'agirait d'une autre oeuvre sont insuffisants à démontrer le caractère erroné des informations de la base de données », sans mentionner ces éléments, procéder, même sommairement, à leur analyse, ni indiquer en quoi ils seraient « insuffisants » à démontrer le caractère erroné des informations de la base de donnée, le tribunal, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer du respect du droit de propriété, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
6) ALORS QUE la propriété se prouve par tout moyen ; que le tribunal judiciaire a constaté, d'une part, que l'oeuvre « Roses dans un vase » de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 580, non revendiquée par ailleurs et pour laquelle il n'existait aucune preuve, ni indice de spoliation, a appartenu à [I] [XN] et, d'autre part, que les demandeurs étaient les seuls ayants droit à la succession d' [I] [XN] ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande tendant à voir reconnaître la propriété indivise des ayants droit sur l'oeuvre inventoriée MNR 580, qu' « il n'est pas démontré que cette oeuvre, qui a appartenu à [I] [XN], faisait encore partie de sa collection à son décès », le tribunal, qui a subordonné la reconnaissance de la propriété à la preuve de l'absence de cession de l'oeuvre, a violé les article 544 et 1358 du code civil ;
7) ALORS, en tout état de cause, QUE dans leurs conclusions, les demandeurs faisaient valoir, s'agissant de l'oeuvre « Roses dans un vase »
de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 580, l'absence de toute marque au revers de la toile, autre que celle du numéro de stock d'[I] [XN], l'absence de toute mention dans une publication qui aurait fait état d'une aliénation de cette oeuvre par [I] [XN] ainsi que l'absence de toute preuve comptable, par l'Etat, d'une telle aliénation, ce dernier détenant les pièces comptables de l'activité de marchand d'art d'[I] [XN], conservées au service des archives du musée d'[14] ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande tendant à voir reconnaître la propriété indivise des ayants droit sur l'oeuvre inventoriée MNR 580, qu' « il n'est pas démontré que cette oeuvre, qui a appartenu à [I] [XN], faisait encore partie de sa collection à son décès », sans examiner ces éléments, ni indiquer en quoi ils ne démontreraient pas que l'oeuvre MNR 580 faisait encore partie de la collection d'[I] [XN] à son décès, le tribunal, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer du respect du droit de propriété n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
8) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les fais nécessaires au soutien de sa prétention ; que dès lors que les demandeurs établissaient, d'une part, que l'oeuvre « Roses dans un vase»
de [RZ] [HZ], inventoriée MNR 580 avait été la propriété d'[I] [XN] et, d'autre part, qu'ils étaient les seuls ayants droit à la succession de M. [I] [XN], partant faisaient la preuve de leur propriété, il appartenait à l'Etat, détenteur des pièces comptables d'[I] [XN], qui, contestant le droit de propriété des demandeurs, prétendait que cette oeuvre avait pu être vendue par le collectionneur, de rapporter la preuve de la cession alléguée ; qu'en exigeant cependant des demandeurs qu'ils rapportent la preuve, impossible, de l'absence de cession, quand il appartenait à l'Etat d'établir la cession prétendue, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1353, anciennement 1315 du code civil, 9 du code de procédure civile et 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme.