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23/11/2022 | FRANCE | N°21-19625

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 21-19625


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1239 F-D

Pourvoi n° R 21-19.625

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [C] [W], domicilié [Adr

esse 2], a formé le pourvoi n° R 21-19.625 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1239 F-D

Pourvoi n° R 21-19.625

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [C] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-19.625 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'Association autonome de solidarité laïque de l'enseignement public de Martinique, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'Association autonome de solidarité laïque de l'enseignement public de Martinique, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 20 novembre 2020), M. [W], engagé le 11 juillet 1994 par l'Association autonome de solidarité laïque de la Martinique en qualité d'employé de bureau, a été licencié pour faute grave le 8 avril 2021.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et demander des rappels de salaire et d'heures supplémentaires.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande du salarié en paiement d'heures supplémentaires

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement d'heures supplémentaires, alors « qu'il résulte de l'article L. 3121-11 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties, le salarié devant fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande et l'employeur devant alors lui fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'au cas présent, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande d'heures supplémentaires de M. [W] en se bornant à relever les horaires prévus dans le contrat de travail et l'existence de souplesse à l'égard du salarié pour ses horaires de travail, éléments inopérants pour justifier la réalisation effective des heures et sans à aucun moment rechercher si l'employeur apportait une quelconque preuve des heures effectivement réalisées ; qu' en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-11 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande relative à l'accomplissement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que ce salarié produit des feuilles de présence, réalisées par ses seuls soins, et qui ne comportent aucun visa, information, voire accord de l'employeur sur ces heures supplémentaires alléguées alors même que le contrat de travail prévoyait expressément des horaires précis de travail.

9. Il ajoute qu'il ressort des lettres que le salarié écrivait à la présidente de l'association que celui-ci sollicitait régulièrement des changements d'horaire pour faire des journées continues, voire pour raccourcir sa durée de travail et que les bons pour accord délivrés par la présidente de l'association révèlent une souplesse à l'égard du salarié à l'inverse des heures supplémentaires alléguées.

10. Il en déduit que ces éléments sont insuffisants à démontrer l'existence d'heures supplémentaires.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'aucune heure supplémentaire n'est due et déboute M. [W] de sa demande à ce titre, l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;

Condamne l'Association autonome de solidarité laïque de l'enseignement public de Martinique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association autonome de solidarité laïque de l'enseignement public de Martinique et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. [W]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que le licenciement de Monsieur [W] était fondé sur une faute grave, d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la mise à pied conservatoire et sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

1°) alors que, d'une part, la faute grave, qui est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, doit être appréciée en tenant compte du caractère isolé de l'acte reproché au salarié, de son contexte, de l'ancienneté du salarié et de l'absence d'antécédent disciplinaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel ne pouvait considérer que les propos adressés au trésorier de l'association par Monsieur [W] le 24 février 2016 caractérisait une faute grave sans s'expliquer, comme elle y était invitée (conclusions de M [W] p.11 et s.) sur le fait que les propos offensants reprochés à M.[W], qui n'étaient pas dirigés contre son employeur, répondait, dans le cadre d'un différend avec le trésorier concernant des anomalies comptables, à une provocation de ce trésorier qui l'avait insulté en lui reprochant d'écouter aux portes et que cet incident était isolé, Monsieur [W], engagé par l'Association en juillet 1994 bénéficiant d'une ancienneté de plus de 21 ans lors de son licenciement sans jamais avoir reçu le moindre reproche disciplinaire; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

2°) alors que, d'autre part, selon l'article 625 du code de procédure civile la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à venir de l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé que le licenciement de Monsieur [W] était fondé sur une faute grave, entraînera celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'annulation de la mise à pied à titre conservatoire en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

3°) alors qu'enfin, il résulte de l'article L. 3121-11 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties, le salarié devant fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande et l'employeur devant alors lui fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'au cas présent, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande d'heures supplémentaires de Monsieur [W] en se bornant à relever les horaires prévus dans le contrat de travail et l'existence de souplesse à l'égard du salarié pour ses horaires de travail, éléments inopérants pour justifier la réalisation effective des heures et sans à aucun moment rechercher si l'employeur apportait une quelconque preuve des heures effectivement réalisées ; qu' en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-11 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-19625
Date de la décision : 23/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 20 novembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2022, pourvoi n°21-19625


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.19625
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