LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1138 F-D
Pourvoi n° E 21-12.209
Aide juridictionnelle partielle en défense
pour Mme [N] [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 juin 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2022
La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-12.209 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant à Mme [M] [N] [Y], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, de Me Occhipinti, avocat de Mme [N] [Y], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 décembre 2020), Mme [N] [Y] (la victime) a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour une tendinopathie du supra-épineux gauche, accompagnée d'un certificat médical du 15 mars 2017 faisant état d'une tendinopathie calcifiante du tendon du supra-épineux.
2. La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) ayant refusé, par décision du 24 juillet 2017, de prendre en charge cette pathologie en raison de la présence de calcifications, la victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de la victime, alors :
« 1°/ que lorsque la demande de la victime se réfère à un tableau de maladies professionnelles ou au libellé d'une affection figurant dans un tableau, l'organisme social n'est pas tenu, en cas de refus de prise en charge, d'instruire cette demande selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau ; qu'au cas d'espèce, la victime a déclaré une « tendinopathie », affection visée par le tableau n° 57 des maladies professionnelles ; qu'ayant constaté que les conditions médicales règlementaires n'étaient pas remplies pour la prise en charge de l'affection visée par le tableau n° 57, la Caisse n'était pas tenue d'instruire cette demande selon les règles applicables aux maladies non désignées dans un tableau ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 57 des maladies professionnelles ;
2°/ que dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1315 du 17 octobre 2011, le tableau n° 57 des maladies professionnelles exclut les tendinopathies calcifiantes, dans la mesure où les calcifications ne sont pas la conséquence d'une sur-utilisation de l'épaule dans le cadre du travail ; que lorsque la demande de la victime se réfère à une tendinopathie et qu'il apparaît qu'il s'agit d'une tendinopathie calcifiante, de sorte qu'elle ne remplit pas les conditions médicales règlementaires du tableau n° 57, l'organisme social n'est pas tenu d'instruire cette demande selon les règles applicables aux maladies non désignées dans un tableau ; qu'en décidant le contraire quand elle constatait que la victime, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 57 des maladies professionnelles ;
3°/ que s'agissant des maladies hors tableau, la transmission du dossier au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles suppose, au préalable, qu'il soit démontré et à tout le moins allégué que l'assuré présente une incapacité permanente supérieure à 25 % ; que lorsque la demande de la victime se réfère à un tableau de maladies professionnelles ou au libellé d'une affection figurant dans un tableau, l'organisme social n'est pas tenu d'instruire cette demande selon les règles applicables aux maladies non désignées dans un tableau lorsqu'il n'est pas allégué que l'assuré est atteint d'un taux d'incapacité permanente prévisible supérieur à 25 % ; qu'en retenant que l'affection faisant l'objet de la déclaration de maladie professionnelle est une pathologie « hors tableau » et en renvoyant le dossier de la victime à la caisse afin qu'elle l'instruise comme tel, sans constater que la victime avait allégué, devant la caisse ou devant le juge, être atteinte d'un taux d'incapacité permanente prévisible supérieur à 25 %, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de la combinaison des alinéas 4 et 5 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale que peut être reconnue d'origine professionnelle, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux de 25 %.
5. Ayant constaté que la caisse avait instruit la tendinopathie déclarée par la victime au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, alors que celui-ci vise exclusivement les tendinopathies aigües et chroniques, non rompues, non calcifiantes ainsi que la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs, et que la victime était atteinte, selon le certificat médical initial joint à la déclaration, d'une tendinopathie calcifiante, la cour d'appel en a exactement déduit que la caisse devait instruire la demande selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin et la condamne à payer à Me Occhipinti la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.
L'arrêt attaqué par la CPAM du BAS RHIN encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que la tendinopathie calcifiante du tendon supra épineux dont est atteinte Madame [M] [Y] [N] et faisant l'objet de la déclaration de maladie professionnelle est une pathologie « hors tableau » et renvoyé en conséquence le dossier de maladie professionnelle de Madame [M] [Y] [N] afférent à cette pathologie à la CPAM du BAS RHIN afin que la Caisse l'instruise comme tel ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsque la demande de la victime se réfère à un tableau de maladies professionnelles ou au libellé d'une affection figurant dans un tableau, l'organisme social n'est pas tenu, en cas de refus de prise en charge, d'instruire cette demande selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau ; qu'au cas d'espèce, Madame [N] a déclaré une « tendinopathie », affection visée par le tableau n° 57 des maladies professionnelles ; qu'ayant constaté que les conditions médicales règlementaires n'étaient pas remplies pour la prise en charge de l'affection visée par le tableau n° 57, la Caisse n'était pas tenue d'instruire cette demande selon les règles applicables aux maladies non désignées dans un tableau ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, , ensemble le tableau n° 57 des maladies professionnelles ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1315 du 17 octobre 2011, le tableau n° 57 des maladies professionnelles exclut les tendinopathies calcifiantes, dans la mesure où les calcifications ne sont pas la conséquence d'une sur-utilisation de l'épaule dans le cadre du travail ; que lorsque la demande de la victime se réfère à une tendinopathie et qu'il apparaît qu'il s'agit d'une tendinopathie calcifiante, de sorte qu'elle ne remplit pas les conditions médicales règlementaires du tableau n° 57, l'organisme social n'est pas tenu d'instruire cette demande selon les règles applicables aux maladies non désignées dans un tableau ; qu'en décidant le contraire quand elle constatait que Madame [N] était atteinte d'une tendinopathie calcifiante de l'épaule gauche, la Cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n° 57 des maladies professionnelles ;
ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, s'agissant des maladies hors tableau, la transmission du dossier au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles suppose, au préalable, qu'il soit démontré et à tout le moins allégué que l'assuré présente une incapacité permanente supérieure à 25% ; que lorsque la demande de la victime se réfère à un tableau de maladies professionnelles ou au libellé d'une affection figurant dans un tableau, l'organisme social n'est pas tenu d'instruire cette demande selon les règles applicables aux maladies non désignées dans un tableau lorsqu'il n'est pas allégué que l'assuré est atteint d'un taux d'incapacité permanente prévisible supérieur à 25 % ; qu'en retenant que l'affection faisant l'objet de la déclaration de maladie professionnelle est une pathologie « hors tableau » et en renvoyant le dossier de Madame [N] à la Caisse afin qu'elle l'instruise comme tel, sans constater que Mme [N] avait allégué, devant la Caisse ou devant le juge, être atteinte d'un taux d'incapacité permanente prévisible supérieur à 25 %, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale.