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09/11/2022 | FRANCE | N°21-86347

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 novembre 2022, 21-86347


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 21-86.347 F-D

N° 01378

SL2
9 NOVEMBRE 2022

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 NOVEMBRE 2022

M. [H] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 11 octobre 2021, qui, pour fraude fiscale, l'a condamn

é à un an d'emprisonnement et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.

Des mémoires ont ét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 21-86.347 F-D

N° 01378

SL2
9 NOVEMBRE 2022

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 NOVEMBRE 2022

M. [H] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 11 octobre 2021, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à un an d'emprisonnement et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [H] [K], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement en date du 20 décembre 2019, M. [H] [K] a été condamné pour fraude fiscale aggravée à huit mois d'emprisonnement.

3. M. [K], le procureur de la République et l'administration fiscale ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas lieu à aménagement, dès à présent, de la peine d'emprisonnement ferme, alors « que si la peine ferme d'emprisonnement prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, la peine doit être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ; que si elle estime ne pas être en possession d'éléments suffisants sur la personnalité ou la situation de l'intéressé, il appartient à la cour d'appel d'interroger le prévenu, lorsqu'il est présent à l'audience, afin d'obtenir ces éléments pour se prononcer sur l'aménagement de peine et, le cas échéant, d'ordonner des investigations complémentaires, en application de l'article 132-70-1 du code pénal ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire n'y avoir lieu à aménagement dès à présent de la peine d'emprisonnement ferme prononcée à l'encontre de M. [H] [K], que « le prévenu ne transmet pas d'informations suffisantes relatives à sa situation personnelle, sociale et professionnelle permettant que la présente juridiction aménage cette peine d'emprisonnement ferme dès à présent » (arrêt, p. 11, § 5), quand il lui appartenait d'interroger le prévenu, M. [H] [K], qui était présent à l'audience, afin d'obtenir ces informations, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, son aménagement est le principe et le juge ne peut l'écarter que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

7. Il s'ensuit que le juge ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'il ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée ; dans ce cas, il doit ordonner d'une part l'aménagement de la peine, d'autre part la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines, en application de l'article 464-2, I, 2°, du code de procédure pénale.

8. Il ne peut pas davantage l'écarter au motif de l'absence d'éléments propres à caractériser un projet de réinsertion, ou, au motif qu'il ne dispose pas d'éléments suffisamment précis et actualisés : si le prévenu est comparant, le juge doit l'interroger sur sa situation personnelle et, le cas échéant, peut ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation, en application de l'article 132-70-1 du code pénal ; si le prévenu est non comparant, le juge ne peut refuser d'aménager la peine en se fondant sur sa seule absence et il lui appartient de rechercher, au vu des pièces de la procédure, si le principe d'un aménagement peut être ordonné.

9. En l'espèce, pour refuser l'aménagement de la peine d'un an d'emprisonnement prononcée à l'encontre du prévenu, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci ne transmet pas d'informations suffisantes relatives à sa situation personnelle, sociale et professionnelle permettant à la juridiction d'aménager cette peine d'emprisonnement ferme dès à présent.

10. La cour d'appel en conclut que compte tenu du quantum prononcé par la cour, et en application de l'article 464-2, I ,2°, du code de procédure pénale créé par la loi du 23 mars 2019, il y a lieu d'ordonner que M. [K] sera convoqué devant le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation conformément aux dispositions de l'article 474 et de l'article 723-15 du code de procédure pénale aux fins d'aménagement de la partie ferme d'emprisonnement.

11. En statuant ainsi, par des motifs ambigus, dont il ne résulte pas que le principe de l'aménagement de la partie ferme de la peine prononcée a été ordonné, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

12. En effet, si elle estimait ne pas être en possession d'éléments suffisants sur la personnalité ou la situation du prévenu pour statuer sur le principe d'un aménagement de la peine d'emprisonnement prononcée, il lui appartenait d'interroger le prévenu, présent à l'audience, afin d'obtenir ces éléments pour apprécier si un aménagement de sa peine, au moins dans son principe, pouvait être prononcé et, le cas échéant, d'ordonner des investigations complémentaires sur ceux-ci, en application de l'article 132-70-1 du code pénal.

13. En revanche, si les juges considéraient qu'en l'état, la partie ferme de l'emprisonnement pouvait faire l'objet d'un aménagement, mais que les éléments en leur possession étaient insuffisants pour déterminer la mesure adaptée, il leur appartenait, dans le dispositif de leur décision, d'ordonner d'une part l'aménagement de la peine, d'autre part la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines, en application de l'article 464-2, I, 2°, du code de procédure pénale afin qu'il apprécie la mesure appropriée.

14. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation sera limitée à la peine prononcée à l'encontre de M. [K], dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 11 octobre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de M. [K], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-86347
Date de la décision : 09/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 11 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 nov. 2022, pourvoi n°21-86347


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.86347
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