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09/11/2022 | FRANCE | N°21-16685

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 novembre 2022, 21-16685


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1191 F-D

Pourvoi n° V 21-16.685

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022

M. [N] [Y], domicilié [Adresse 1], a for

mé le pourvoi n° V 21-16.685 contre l'ordonnance, prise en la forme de référé, rendue le 16 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Saverne, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1191 F-D

Pourvoi n° V 21-16.685

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022

M. [N] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-16.685 contre l'ordonnance, prise en la forme de référé, rendue le 16 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Saverne, dans le litige l'opposant à la société Alpaci, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Alpaci, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (conseil de prud'hommes de Saverne, 16 mars 2021), statuant en référé, M. [Y] a été engagé par la société Alpaci le 25 juin 2003, en qualité de mécanicien monteur. Il occupait, en dernier lieu, le poste de conducteur de ligne.

2. Il est titulaire d'un mandat au comité social et économique et a été désigné délégué syndical par le syndicat CGT. Il dispose à ces titres de trente-trois heures mensuelles de délégation.

3. Il est également titulaire d'un mandat national de secrétaire fédéral au sein de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et dispose de quatre jours de détachement en vertu d'une convention de détachement syndical signée avec la CGT.

4. Le 14 janvier 2021, le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement d'un rappel d'heures de délégation pour les mois d'octobre et novembre 2020 et le paiement d'une provision sur dommages-intérêts pour les préjudices subis du fait de l'atteinte anormale à ses mandats et de la privation de tout revenu.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'ordonnance de dire sa demande mal fondée, de constater l'existence d'une contestation sérieuse et de dire n'y avoir lieu à référé, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles L. 2143-17 et L. 2315-10 du code du travail que les heures de délégation, considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que si l'employeur ne les a pas réglées, il ne peut pas s'opposer à la demande en paiement du salarié au motif que ce dernier ne justifie pas d'avoir exercé son mandat en dehors de ses heures normales de travail ; qu'en considérant que l'employeur avait pu se dispenser de régler les heures de délégation à l'échéance normale à défaut d'avoir obtenu du salarié des justificatifs de leur utilisation effective, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R. 1455-6, R. 1455-7 du code du travail ;

2°/ que ce n'est qu'après avoir procédé au paiement des heures de délégation que l'employeur peut demander au salarié par voie judiciaire l'indication des activités au titre desquelles ont été prises les heures de délégation ; qu'en exigeant du salarié qu'il justifie auprès de l'employeur de l'utilisation de ses heures de délégation pour obtenir leur paiement, quand celle-ci ne les avait pas réglées et que l'employeur n'avait pas saisi la juridiction prud'homale d'une contestation en ce sens, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R. 1455-6, R. 1455-7 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-10 et R. 1455-5 du code du travail :

6. Il résulte des deux premiers textes susvisés que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale et que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé.

7. Selon le troisième texte susvisé, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

8. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel d'heures de délégation légales et conventionnelles, l'ordonnance constate d'abord, après avoir rappelé les dispositions du règlement intérieur du comité social et économique relatives à la déclaration des heures de délégation et les dispositions de la convention de détachement syndicale relatives à la prise des jours de mise à disposition du salarié, que celui-ci avait transmis à l'employeur par lettre du 17 décembre 2020 des justificatifs pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2020 via un calendrier mentionnant deux types de période intitulées « délégation Alpaci » et « délégation fédérale ».

9. Elle retient ensuite que l'employeur, n'ayant pas eu connaissance de l'effectivité ou non de la prise du crédit d'heures de délégation en vertu des dispositions fixées, ne pouvait les régler au moment opportun pour les mois d'octobre et novembre 2020 et qu'il soulève des incompréhensions au titre de la demande de provision sur dommages-intérêts, sur le quantum et la nature des montants réclamés dont la demande de rappel de congés payés, et en déduit l'existence de contestations sérieuses.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'en vertu des dispositions légales et conventionnelles, le salarié bénéficiait, au titre de ses mandats au comité social et économique et syndicaux, de trente-trois heures de délégation et de quatre jours de détachement qui n'ont pas été payés aux mois d'octobre et de novembre 2020, en sorte que sa créance n'était pas sérieusement contestable, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions susvisées.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur les chefs de dispositif disant que la demande est mal fondée, constatant que la demande se heurte à des contestations sérieuses et disant n'y avoir lieu à référé entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rappelant que la formation de référés n'est pas compétente pour accorder une provision sur dommages-intérêts critiqué par le second moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 16 mars 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Saverne ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Strasbourg ;

Condamne la société Alpaci aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alpaci et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [Y]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [Y] fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR dit sa demande mal fondée, constaté l'existence d'une contestation sérieuse et dit n'y avoir lieu à référé.

1° ALORS QUE il résulte des articles L. 2143-17 et L. 2315-10 du code du travail que les heures de délégation, considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que si l'employeur ne les a pas réglées, il ne peut pas s'opposer à la demande en paiement du salarié au motif que ce dernier ne justifie pas d'avoir exercé son mandat en dehors de ses heures normales de travail ; qu'en considérant que l'employeur avait pu se dispenser de régler les heures de délégation à l'échéance normale à défaut d'avoir obtenu du salarié des justificatifs de leur utilisation effective, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R. 1455-6, R. 1455-7 du code du travail.

2° ALORS QUE ce n'est qu'après avoir procédé au paiement des heures de délégation que l'employeur peut demander au salarié par voie judiciaire l'indication des activités au titre desquelles ont été prises les heures de délégation ; qu'en exigeant du salarié qu'il justifie auprès de l'employeur de l'utilisation de ses heures de délégation pour obtenir leur paiement, quand celle-ci ne les avait pas réglées et que l'employeur n'avait pas saisi la juridiction prud'homale d'une contestation en ce sens, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-17, L. 2315-10, R. 1455-5, R 1455-6, R. 1455-7 du code du travail.

3° ALORS QUE le conseil de prud'hommes qui constate que l'employeur refuse de payer les heures de délégation à l'échéance normale peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en s'abstenant de rechercher si le refus de l'employeur de régler les heures de délégation à l'échéance normale caractérisait un trouble manifestement illicite, comme il y était pourtant invité, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-17, L. 2315-10, et R. 1455-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [Y] fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rappelé que la formation de référés n'est pas compétente pour accorder une provision sur dommages et intérêts et dit n'y avoir lieu à référé.

1° ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu'en s'abstenant de donner des motifs à sa décision, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de motifs au regard de l'article 455 du code de procédure civile.

2° ALORS QUE le juge des référés est compétent pour allouer une provision sur dommages et intérêts ; qu'en décidant du contraire, le conseil de prud'hommes a violé les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-16685
Date de la décision : 09/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Saverne, 16 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 nov. 2022, pourvoi n°21-16685


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16685
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