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09/11/2022 | FRANCE | N°21-14995

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 novembre 2022, 21-14995


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation partielle

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 641 F-D

Pourvoi n° G 21-14.995

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022r>
La société Civile MC expansion, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6], a formé le pourvoi n° G 21-14.995 contre l'arrêt rendu le 27 j...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation partielle

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 641 F-D

Pourvoi n° G 21-14.995

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022

La société Civile MC expansion, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6], a formé le pourvoi n° G 21-14.995 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [W], domicilié [Adresse 1], [Localité 5],

2°/ à la société Fox N Fish, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Civile MC Expansion, de la SCP Spinosi, avocat de M. [W] et de la société Fox N Fish, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 janvier 2021) et les productions, la société civile MC Expansion (la société MC Expansion) a, par un acte du 27 novembre 2007, cédé à M. [W] la totalité des actions composant le capital social de la SA Frigor.

2. Cet acte stipulant que M. [W] pouvait se substituer un autre acquéreur tout en demeurant le garant des obligations souscrites, un acte du 31 décembre 2007 a emporté la cession, par la société MC Expansion, des actions composant le capital de la société Frigor à la société Fox N Fish, dirigée par M. [W], pour un prix d'un million d'euros.

3. Les sociétés MC Expansion et Fox N Fish ont, par un premier avenant du 18 janvier 2008, réduit ce prix à la somme maximale de 800 000 euros, dont 500 000 euros payables le 29 janvier 2008, le solde, d'un montant maximal de 300 000 euros, payable au plus tard le 30 juin 2013, étant déterminé en fonction des résultats de la société Frigor pour les exercices 2008 à 2012. Cet avenant stipulait, toutefois, que le solde, arrêté à 300 000 euros, serait immédiatement exigible si M. [W] cessait d'être directement ou indirectement dirigeant ou actionnaire majoritaire de la société Frigor.

4. Les sociétés MC Expansion et Fox N Fish ont, par deux autres avenants des 14 et 21 février 2012, intitulés « protocoles d'accord », fixé le prix de cession des actions de la société Frigor à la somme de 600 000 euros. La société MC Expansion a, en exécution de ces protocoles, perçu la somme de 100 000 euros au titre du solde définitif du prix de cession.

5. La société Fox N Fish a, le 30 mai 2012, cédé la société Frigor à la société Gozoki.

6. La société MC Expansion a, par un acte du 21 décembre 2016, assigné la société Fox N Fish et M. [W] en annulation des protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012 pour manoeuvres et réticences dolosives.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. La société MC Expansion fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir annuler l'acte des 14 et 21 février 2012 et de condamner solidairement la société Fox N Fish et M. [W] à lui verser, au titre du dol, la somme principale de 200 000 euros en réparation de son préjudice, ainsi que celle de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de sa violation de l'obligation de faire, alors :

« 3°/ que la cour d'appel, après avoir relevé qu'il est "probable que [la société Fox N Fish et M. [W]] étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession" au profit de la société Gozoki, a décidé, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, qu'il "importe peu que la société [MC Expansion] ait eu ou non connaissance de la possibilité de cette nouvelle cession puisque ce qu'elle ne pouvait ignorer c'est que la signature de l'avenant conférait toute latitude à ses cocontractants, les comptes étant soldés entre les parties" ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en vue de la cession des actions, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4° / qu'après avoir relevé qu'il est "probable que [la société Fox N Fish et M. [W]] étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession" au profit de la société Gozoki, la cour d'appel s'est également fondée, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, sur la circonstance que, par la signature de l'avenant de février 2012, "la société MC renonçait certes implicitement mais nécessairement à la possibilité d'un complément de prix plus important que 100 000 euros mais qu'elle avait la certitude de ce complément de prix qu'elle percevait seize mois plus tôt que prévu dans l'acte" ; qu'en statuant par un tel motif, impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en cours en vue de la cession des actions de la société Frigor, dont l'éventuel aboutissement lui permettait d'obtenir un complément de prix de 300 000 euros, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux lui permettant la perception anticipée d'une somme de seulement 100 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ce texte que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ou l'aurait convaincu de contracter à d'autres conditions.

9. Pour débouter la société MC Expansion de ses demandes en annulation des protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012 et en paiement de sommes à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté que la société Fox N Fish, dirigée par M. [W], avait cédé la société Frigor le 30 mai 2012, que l'avenant du 18 janvier 2008 stipulait que le solde maximal de 300 000 euros au titre du prix de cession était dû immédiatement si M. [W] cessait d'être, directement ou indirectement, dirigeant ou actionnaire majoritaire de la société Frigor et que cet avenant prévoyait, dans l'hypothèse inverse, que le solde du prix de cession n'était payable qu'au 30 juin 2013, que son montant dépendait de celui des résultats cumulés de la société pour les exercices 2008 à 2012, et qu'aucun solde n'était dû si ceux-ci étaient inférieurs à une certaine somme, retient qu'il est certain que si les protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012 n'avaient pas été conclus, la société Fox N Fish et M. [W] auraient dû à la société MC Expansion un complément de prix, non pas de 100 000 euros, comme celui perçu, mais de 300 000 euros, par l'effet de la cession de la société Frigor, et que, s'il est probable que la société Fox N Fish et M. [W] étaient, au jour de la conclusion des protocoles en litige, en discussion pour la cession de la société Frigor, le fait qu'ils n'en aient pas informé la société MC Expansion ne saurait caractériser une réticence dolosive, dès lors, d'une part, que cette société était, à cette date, en position de réclamer un complément de prix plus important par le simple effet du temps, d'autre part, qu'elle ne pouvait ignorer que la signature de ces protocoles conférait toute latitude à la société Fox N Fish et à M. [W], les comptes étant soldés entre les parties.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure que si la société MC Expansion avait été informée de ce que la société Fox N Fish, dirigée par M. [W], était, au jour de la conclusion des protocoles d'accord en litige, en discussion pour céder la société Frigor, ce qui, le cas échéant, aurait permis à la société MC Expansion de percevoir immédiatement, en exécution de l'avenant du 18 janvier 2008, le montant maximal du solde du prix de cession s'élevant à la somme de 300 000 euros, cette société n'aurait pas conclu les protocoles d'accord des 14 et 21 février 2012, en exécution desquels elle a perçu la somme de 100 000 euros au titre du solde définitif du prix de cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [W] et l'EURL Fox N Fish de leur demande en dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Fox N Fish et M. [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fox N Fish et M. [W] et les condamne à payer à la société civile MC Expansion la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Civile MC Expansion.

La société MC EXPANSION La société MC Expansion fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à voir annuler l'acte des 14 et 21 février 2012 et condamner solidairement la société Fox N Fish et M. [W] à lui verser, au titre du dol, la somme principale de 200.000 € en réparation de son préjudice, ainsi que celle de 50.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de sa violation de l'obligation de faire ;

1°) ALORS QUE l'avenant à l'acte de cession des actions Frigor du 31 décembre 2007, en date du 18 janvier 2008, stipulait que « le solde du prix, soit la somme maximum de 300.000 €, sera déterminé en fonction des futurs résultats d'exploitation cumulés de la société Frigor, avant toute distribution des dividendes au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008 et clos le 31 décembre 2012, établis selon la même méthode comptable que celle suivie par la société Frigor jusqu'à la date de cession » et que « ce montant sera dû au cédant par le cessionnaire si le montant cumulé des résultats d'exploitation réalisé par la société Frigor au titre des exercices 2008 à 2012 inclus dépassait le montant du résultat d'exploitation prévisionnel annexé audit avenant s'élevant à 1.941.000 €, de telle sorte que le complément du prix sera déterminé en versant au bénéfice du cédant toute somme, au marc l'euro, dépassant le montant cumulé du résultat d'exploitation prévisionnel atteint par Frigor » ; qu'il était notamment précisé que, « à titre d'exemple, si le montant cumulé des résultats d'exploitation réellement atteint par Frigor pour la période précitée s'élève à 2.241.000 €, il sera versé à titre de complément de prix une somme de 100.000 € au cédant » et que « si le montant cumulé les résultats d'exploitation réellement atteint par Frigor pour la période précitée est inférieur ou égal à 1.941.000 €, aucun complément de prix ne sera versé au cédant » (avenant du 18 janvier 2008, p. 2, prod.) ; qu'il résulte ainsi des termes clairs et précis de cet avenant que, pour obtenir un complément de prix de 100.000€, le montant cumulé des résultats d'exploitation devait être égal à 2.041.000 €, et que le complément de prix serait compris entre 0 et 100.000 € pour un montant cumulé des résultats d'exploitation se situant entre 1.941.000 € et 2.041.000 €, compte tenu du calcul « au marc l'euro » stipulé ; qu'en affirmant néanmoins que, aux termes de l'avenant du 18 janvier 2008, « (le solde) était de 100.000 € si le résultat cumulé était compris entre (1.941.000 € et 2.241.000 €) », la cour d'appel a dénaturé cet avenant, clair et précis, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2°) ALORS QU'après avoir relevé qu'« il est certain qu'en l'absence de protocole d'accord en février 2012, les appelants étaient débiteurs d'un complément de prix de 300.000 € et non de 100.000 € par l'effet de (la) cession » intervenue au printemps 2012 au profit de la société Gozoki, et qu'il est « probable que les appelants étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession », la cour d'appel a retenu que cette circonstance ne pouvait caractériser l'existence d'un dol dans la mesure où « c'est l'intimée (la société MC Expansion) qui était en position de réclamer un complément de prix plus important par le simple effet du temps » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que l'avenant du 18 janvier 2018 prévoyait que le montant du solde du prix de cession devait dépendre des résultats cumulés de la société au titre des exercices 2008 à 2012 et que cette somme « était ramenée à zéro si le résultat cumulé était inférieur à 1.941.000 € », ce dont il résulte qu'en l'absence de signature de l'avenant de février 2012, l'effet du temps pouvait amener la société MC Expansion à percevoir une somme inférieure à celle de 100.000 € prévue par cet avenant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE la cour d'appel, après avoir relevé qu'il est « probable que les appelants étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession » au profit de la société Gozoki, a décidé, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, qu'il « importe peu que la société MC ait eu ou non connaissance de la possibilité de cette nouvelle cession puisque ce qu'elle ne pouvait ignorer c'est que la signature de l'avenant conférait toute latitude à ses cocontractants, les comptes étant soldés entre les parties » ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en vue de la cession des actions, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°) ALORS QUE, après avoir relevé qu'il est « probable que les appelants étaient en février 2012 déjà en discussion pour la cession » au profit de la société Gozoki, la cour d'appel, s'est également fondée, pour écarter l'existence d'une réticence dolosive, sur la circonstance que, par la signature de l'avenant de février 2012 « la société MC renonçait certes implicitement mais nécessairement à la possibilité d'un complément de prix plus important que 100.000 € mais qu'elle avait la certitude de ce complément de prix qu'elle percevait 16 mois plus tôt que prévu dans l'acte » ; qu'en statuant par un tel motif, impropre à exclure que la société MC Expansion, informée de l'existence de négociations en cours en vue de la cession des actions de la société Frigor, dont l'éventuel aboutissement lui permettait d'obtenir un complément de prix de 300.000 €, aurait renoncé à signer l'avenant litigieux lui permettant la perception anticipée d'une somme de seulement 100.000 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-14995
Date de la décision : 09/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 27 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 nov. 2022, pourvoi n°21-14995


Composition du Tribunal
Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.14995
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