LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 novembre 2022
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1155 F-D
Pourvoi n° W 20-22.685
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022
Mme [R] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-22.685 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société L'Agence du bâtiment, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société L'Agence du bâtiment, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 11 septembre 2020), Mme [Z]
a été engagée à compter du 29 octobre 2007 par la société L'Agence du bâtiment en qualité de conducteur de travaux.
2. Titulaire de mandats syndicaux, elle a été licenciée le 13 janvier 2011 pour motif économique, après que le ministre du travail a annulé la décision de l'inspection du travail ayant refusé d'autoriser son licenciement.
3. Elle a alors saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches et sur le second moyen, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les griefs du premier moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le second moyen qui est irrecevable.
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire ses conclusions d'intimée irrecevables, de dire son licenciement bien fondé, de rejeter sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'employeur à lui payer une somme en application de l'article L. 2224-4 du code du travail, alors :
« 1°/ que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident provoqué ; qu'en faisant courir ce délai à compter du dépôt de ses conclusions au greffe par l'appelant, le 14 décembre 2018, cependant que l'avocat de la salariée, intimée, ne s'était constitué que le 17 décembre 2018, en sorte que la notification qui lui avait été faite par RPVA antérieurement à cette constitution ne pouvait faire courir le délai qui lui était imparti pour remettre ses conclusions d'intimée et former appel incident, la cour d'appel a violé les articles 908, 909 et 911 du code de procédure civile ;
2°/ que les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l'irrecevabilité après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ; qu'en prononçant l'irrecevabilité des conclusions de la salariée à la demande de l'appelante qui avait connaissance de la cause d'irrecevabilité alléguée avant dessaisissement du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé l'article 914 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. D'abord, dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, lorsque l'appelant a remis des conclusions au greffe, dans le délai de trois mois fixé par l'article 908 du code de procédure civile, alors que l'intimé n'avait pas constitué avocat, la notification de ces conclusions à l'intimé faite dans ce délai ou, en vertu de l'article 911 du même code, au plus tard dans le mois suivant son expiration constitue le point de départ du délai dont l'intimé dispose pour conclure, en application de l'article 909 de ce code.
7. Ensuite, si aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a une compétence exclusive pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions encourue en application des dispositions des articles 909 et 911 du même code, et si les parties ne sont plus recevables à l'invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, cette restriction ne fait pas obstacle à la faculté pour la cour d'appel de relever d'office cette fin de non-recevoir.
8. Ayant constaté que l'appelant avait, dans le délai qui lui était imparti, signifié ses conclusions à l'intimée le 14 décembre 2018 et relevé que l'intimée n'avait pas notifié ses conclusions dans le délai prévu par les articles 909 et 911 susmentionnés, peu important qu'un avocat se fût constitué pour cette dernière le 17 décembre 2018, la cour d'appel qui pouvait elle-même relever d'office la fin de non-recevoir, a exactement décidé que les conclusions de l'intimée déposées le 18 mars 2019 étaient irrecevables.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [Z]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Mme [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit ses conclusions d'intimée irrecevables en application de l'article 909 du code de procédure civile, d'AVOIR dit son licenciement bien-fondé et rejeté sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné l'Agence du bâtiment à lui payer la seule somme de 4 872,27 euros en application de l'article L. 2422-4 du code de procédure civile.
1° ALORS QUE l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident provoqué ; qu'en faisant courir ce délai à compter du dépôt de ses conclusions au greffe par l'appelant, le 14 décembre 2018, cependant que l'avocat de Mme [Z], intimée, ne s'était constitué que le 17 décembre 2018, en sorte que la notification qui lui avait été faite par RPVA antérieurement à cette constitution ne pouvait faire courir le délai qui lui était imparti pour remettre ses conclusions d'intimée et former appel incident, la cour d'appel a violé les articles 908, 909 et 911 du code de procédure civile.
2° ALORS QUE les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l'irrecevabilité après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ; qu'en prononçant l'irrecevabilité des conclusions de Mme [Z] à la demande de l'appelante qui avait connaissance de la cause d'irrecevabilité alléguée avant dessaisissement du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé l'article 914 du code de procédure civile.
3° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en jugeant irrecevables les conclusions d'intimée de Mme [Z] sans la mettre en mesure de présenter ses observations sur cette irrecevabilité, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
4° ALORS en toute hypothèse QU'il appartient aux juges d'appel de se prononcer sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formulée dans des conclusions remises au greffe postérieurement à cette ordonnance de clôture ; que par écritures déposées au greffe le 10 mars 2020, Mme [Z] sollicitait la révocation de l'ordonnance de clôture pour les causes graves qu'elle exposait ; qu'en jugeant les conclusions de Mme [Z] irrecevables et en statuant au fond sans préalablement se prononcer sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture qui lui était soumise, la cour d'appel a violé les articles 455 et 783, alinéa 2, du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, subsidiaireMme [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit son licenciement bien-fondé et rejeté sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ALORS QU'avant tout licenciement pour motif économique, l'employeur est tenu de rechercher et, le cas échéant, de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure ; qu'au soutien de sa décision de ce chef, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'entreprise devait être considérée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où elle avait proposé un poste en Guyane doté d'un meilleur salaire, proposition refusée par la salariée ; qu'en statuant par ces motifs impropres à caractériser l'offre d'un emploi de la même catégorie ou, dans le cas contraire, l'absence de tout poste disponible de même catégorie, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur.