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26/10/2022 | FRANCE | N°21-21228

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 octobre 2022, 21-21228


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 octobre 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 742 F-D

Pourvoi n° G 21-21.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société Santa Lucia, société civile immobilière, dont le

siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-21.228 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 octobre 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 742 F-D

Pourvoi n° G 21-21.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société Santa Lucia, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-21.228 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [Y] [G], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Santa Lucia, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 9 juin 2021), M. [G] a obtenu, par arrêté du 5 novembre 2012, un permis de construire sur une parcelle lui appartenant.

2. Saisi par la société civile immobilière Santa Lucia (la SCI), propriétaire d'une résidence édifiée sur une parcelle voisine, le maire de la commune a pris un arrêté de suspension des travaux.

3. M. [G] a déposé une demande de permis de construire modificatif, qui a été rejetée par arrêté du 1er août 2013.

4. Une nouvelle demande de permis de construire modificatif a été accordée par arrêté du 26 décembre 2013, lequel a été annulé par une décision de la juridiction administrative.

5. Le 8 février 2016, un nouveau permis de construire de régularisation a été délivré, qui a été annulé par une décision de la juridiction administrative du 5 avril 2018.

6. Le 20 août 2018, un permis de construire de régularisation a été délivré à M. [G].

7. La SCI a déposé un recours en annulation contre ce permis, qui a été rejeté par décision du tribunal administratif du 30 décembre 2019. La SCI a fait appel.

8. Parallèlement, la SCI a assigné M. [G] en démolition et paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de droit commun, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant péremptoirement que la construction litigieuse avait été réalisée conformément au permis de construire qui avait été délivré à M. [G] le 20 août 2018, la cour d'appel, qui a procédé par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour établir que la construction édifiée par M. [G] n'était pas conforme aux prévisions du permis de construire délivré par arrêté du 20 août 2018, la société Santa Lucia produisait régulièrement aux débats le rapport de Mme [V] qui concluait que « la réalité de la construction est non conforme à la demande de permis de construire de 2018 » dès lors qu'elle excédait au Sud-Est les dimensions autorisées par le permis de construire et comportait une terrasse non prévue par les plans d'architecte ; qu'en énonçant que « sans nécessité d'un examen plus approfondi de la demande », il y avait lieu de relever que la construction litigieuse a été réalisée conformément au permis de construire, sans examiner ce rapport expertal soumis à la discussion contradictoire des parties, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'il appartient au juge judiciaire, saisi d'une action en démolition d'un immeuble dont l'édification a fait l'objet d'un permis de construire n'ayant pas été annulé pour excès de pouvoir, de se prononcer, lorsque cette action est fondée sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, sur la conformité des travaux réalisés au permis de construire ; qu'en retenant, pour considérer que la construction litigieuse avait été réalisée en conformité avec le permis de construire délivré le 20 août 2018, que le permis sur lequel se fondait M. [G] pour justifier de la conformité de l'édification de sa bâtisse, n'avait pas été annulé par le juge administratif, la cour d'appel, qui a statué à la faveur d'une motivation impropre à caractériser la conformité de cette construction au permis de construire, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ qu'il appartient au juge judiciaire saisi d'une action en démolition d'un immeuble dont l'édification a fait l'objet d'un permis de construire n'ayant pas été annulé pour excès de pouvoir, de se prononcer, lorsque cette action est fondée sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, sur la conformité des travaux réalisés au permis de construire ; qu'en retenant, pour considérer que la construction litigieuse avait été réalisée en conformité avec le permis de construire délivré le 20 août 2018, que le tribunal administratif avait relevé que le caractère frauduleux de la construction « ne saurait être déduit de la seule circonstance qu'il a été tenu compte de l'existence d'un enrochement, qui a réhaussé le sol naturel, alors qu'il n'est pas établi que le pétitionnaire a, en tenant compte de cet enrochement, nécessairement eu l'intention de tromper l'administration sur la réalité du projet en litige », la cour d'appel, qui n'a pas examiné par elle-même la conformité des travaux réalisés au permis de construire et a induit des seules constatations faites par le juge administratif que la construction était conforme, a derechef privé sa décision de toute ase légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour

10. La cour d'appel a relevé que, si la construction litigieuse avait fait l'objet de permis de construire, ensuite annulés par des décisions de la juridiction administrative, M. [G] avait obtenu, le 20 août 2018, un permis de construire de régularisation et retenu, appréciant souverainement la valeur et la portée des pièces soumises à son examen, sans être tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, que si l'expertise judiciaire avait établi que le terrain naturel de la construction se situait plus bas que celui mentionné sur le permis de construire autorisé, lequel tenait compte d'un enrochement ayant rehaussé le niveau du sol naturel, il n'en résultait pas que son pétitionnaire eût méconnu les prescriptions du permis de régularisation délivré.

11. Elle en a souverainement déduit, par une décision motivée, que la preuve de la non-conformité de la construction au permis de construire de régularisation n'était pas rapportée.

12. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Santa Lucia aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Santa Lucia et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Santa Lucia

La SCI Santa Lucia fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté sa demande de démolition, d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts et de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS D'UNE PART QUE, les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant péremptoirement que la construction litigieuse avait été réalisée conformément au permis de construire qui avait été délivré à M. [G] le 20 août 2018, la cour d'appel, qui a procédé par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour établir que la construction édifiée par M. [G] n'était pas conforme aux prévisions du permis de construire délivré par arrêté du 20 août 2018, la société Santa Lucia produisait régulièrement aux débats le rapport de Mme [V] (bordereau n°3, pièce 25) qui concluait que « la réalité de la construction est non conforme à la demande de permis de construire de 2018 » dès lors qu'elle excédait au Sud-Est les dimensions autorisées par le permis de construire et comportait une terrasse non prévue par les plans d'architecte (p.19, 28 et 29) ; qu'en énonçant que « sans nécessité d'un examen plus approfondi de la demande », il y avait lieu de relever que la construction litigieuse a été réalisée conformément au permis de construire, sans examiner ce rapport expertal soumis à la discussion contradictoire des parties, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE, il appartient au juge judiciaire, saisi d'une action en démolition d'un immeuble dont l'édification a fait l'objet d'un permis de construire n'ayant pas été annulé pour excès de pouvoir, de se prononcer, lorsque cette action est fondée sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, sur la conformité des travaux réalisés au permis de construire ; qu'en retenant, pour considérer que la construction litigieuse avait été réalisée en conformité avec le permis de construire délivré le 20 août 2018, que le permis sur lequel se fondait M. [G] pour justifier de la conformité de l'édification de sa bâtisse, n'avait pas été annulé par le juge administratif, la cour d'appel, qui a statué à la faveur d'une motivation impropre à caractériser la conformité de cette construction au permis de construire, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS ENFIN QUE, il appartient au juge judiciaire, saisi d'une action en démolition d'un immeuble dont l'édification a fait l'objet d'un permis de construire n'ayant pas été annulé pour excès de pouvoir, de se prononcer, lorsque cette action est fondée sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, sur la conformité des travaux réalisés au permis de construire ; qu'en retenant, pour considérer que la construction litigieuse avait été réalisée en conformité avec le permis de construire délivré le 20 août 2018, que le tribunal administratif avait relevé que le caractère frauduleux de la construction « ne saurait être déduit de la seule circonstance qu'il a été tenu compte de l'existence d'un enrochement, qui a réhaussé le sol naturel, alors qu'il n'est pas établi que le pétitionnaire a, en tenant compte de cet enrochement, nécessairement eu l'intention de tromper l'administration sur la réalité du projet en litige », la cour d'appel, qui n'a pas examiné par elle-même la conformité des travaux réalisés au permis de construire et a induit des seules constatations faites par le juge administratif que la construction était conforme, a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-21228
Date de la décision : 26/10/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 09 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 26 oct. 2022, pourvoi n°21-21228


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.21228
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