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19/10/2022 | FRANCE | N°21-18093

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2022, 21-18093


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 octobre 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1110 F-D

Pourvoi n° A 21-18.093

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022

M. [P] [S], domicilié [Adresse

1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° A 21-18.093 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 octobre 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1110 F-D

Pourvoi n° A 21-18.093

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022

M. [P] [S], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° A 21-18.093 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Peri, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3] cedex, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [S], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Peri, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 avril 2021), M. [S], engagé le 17 septembre 2007 par la société Peri (la société) en qualité de directeur logistique au sein de l'établissement de Meaux, convoqué le 6 mars 2015 à un entretien préalable au licenciement, a été licencié le 19 mars 2015.

2. Se plaignant de harcèlement moral, il a saisi, le 10 juillet 2015, la juridiction prud'homale aux fins de déclarer son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner sa réintégration. Il a réclamé le paiement de diverses sommes, dont un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter du surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter M. [S] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, que ''outre l'imprécision quant aux heures et jours exacts puisque M. [S] pouvait être en déplacement, il convient de constater que celui-ci ne verse aux débats aucun tableau hebdomadaire reprenant ses horaires de travail et qu'il ne verse aux débats ni mail de début ou fin de journée qui permettrait de déterminer leur amplitude horaire, ni agenda professionnel ou autre élément apportant un commencement de preuve ou une preuve de la réalisation de 5 heures supplémentaires de travail par semaine'', quand il appartenait seulement au salarié de produire ''des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies'', afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le salarié et violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [S] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que ''outre l'imprécision quant aux heures et jours exacts puisque M. [S] pouvait être en déplacement, il convient de constater que celui-ci ne verse aux débats aucun tableau hebdomadaire reprenant ses horaires de travail et qu'il ne verse aux débats ni mail de début ou fin de journée qui permettrait de déterminer leur amplitude horaire, ni agenda professionnel ou autre élément apportant un commencement de preuve ou une preuve de la réalisation de 5 heures supplémentaires de travail par semaine'' ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié avait produit les attestations de Mme [Y] et de M. [L] témoignant de son arrivée ''vers 7h 7h15'' le matin et de son départ ''vers 18h30/19h'' en fin de soirée, de sorte qu'il appartenait à l'employeur de produire ses propres éléments pour y répondre, la cour d'appel a encore violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, après avoir constaté qu'aucun entretien annuel d'évaluation de sa charge de travail, de l'organisation du travail dans l'entreprise, et de l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale n'a été effectué de sorte qu'il convient d'annuler le forfait jour, l'arrêt retient que le salarié verse aux débats l'attestation d'une collègue de travail, ayant quitté l'entreprise en décembre 2013, qui certifie qu'il arrivait entre 7 heures et 7 heures 15 le matin, prenait une pause déjeuner d'environ une heure et partait en fin de soirée vers 18 heures 30/19 heures et l'attestation d'un autre collègue de travail, ayant quitté l'entreprise en janvier 2015, qui certifie que le salarié arrivait avant lui vers 7 heures/7 heures 15 sauf quand il était en déplacement, sans mentionner son heure de départ puisque lui-même partait à 16 heures 30. L'arrêt ajoute qu'outre l'imprécision quant aux heures et jours exacts puisque le salarié pouvait être en déplacement, il convient de constater que celui-ci ne verse aux débats aucun tableau hebdomadaire reprenant ses horaires de travail et qu'il ne verse aux débats ni mail de début ou fin de journée qui permettrait de déterminer leur amplitude horaire, ni agenda professionnel ou autre élément apportant un commencement de preuve ou une preuve de la réalisation de cinq heures supplémentaires de travail par semaine.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations d'une part que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et d'autre part que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande du salarié en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant sa demande en paiement d'une indemnité au titre d'un travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [S] de sa demande en condamnation de la société Peri à lui payer les sommes de
33 324,75 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, 3 332,47 euros bruts au titre des congés payés afférents et 49 737,93 euros en application de l'article L. 8223-1 du code du travail, l'arrêt rendu le 14 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [S],

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de M. [S] sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR débouté de toutes ses demandes au titre de son licenciement ;

1) ALORS QUE, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était matériellement établi par le salarié que « afin de démontrer le harcèlement dont il se dit victime, M. [S] verse aux débats l'attestation de Mme [Y], qui a quitté l'entreprise en décembre 2013, qui mentionne que M. [W], le nouveau directeur général, aimait dominer et rabaisser son personnel et qu'il traitait M. [S] avec mépris. M. [L] qui a quitté la société fin janvier 2015 indique que M. [S] avait été pris pour un idiot par M. [W] qui avait modifié dans son dos les limites de négociation de sa rupture conventionnelle. Il précise dans son attestation que M. [W] venait à l'atelier pour espionner son travail derrière le dos de M. [S] et lui demandait si celui-ci était compétent. Et qu'il était connu de tous que M. [S] était harcelé et essuyait toutes ses colères, il précisait « en ce qui me concerne je l'ai vu plusieurs fois et régulièrement ». M. [W] a la réputation de « semer la peur, de surveiller tout et tout le monde, d'être agressif avec toutes les personnes, de harceler, de perdre ses nerfs comme lors de la présentation générale des résultats 2014 » et que « les pièces versées aux débats montrent que M. [S] supportait difficilement les critiques au point de quitter en décembre 2009 une réunion pour cette raison soit bien antérieurement à l'arrivée de M. [W]. Il résulte des courriers de M. [S] que celui-ci interprétait les remarques de M. [W] et lui prêtait des arrières pensées. Ainsi dans un mail du 10 février 2015 « quel est l'objectif de cette orientation polémique ? » ; dans celui du 27 octobre 2014 « que cherches tu à faire ou à provoque ? Cela apparaît comme une préméditation dont je ne connais pas la finalité » ; celui du 16 septembre 2014 « pour la suite de tes propos je ne comprends pas le but réel de ce mélange/amalgame dans ta réponse » ; le 20 novembre 2014 « j'ai expliqué que je me posais des questions sur tes intentions en citant des faits concrets. Je n'aborde à aucun moment la supposition d'une stratégie sous jacente de ta part contre moi » ; qu'en déboutant toutefois M. [S] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement en lien avec le harcèlement moral subi et dénoncé, au motif que « si les éléments du dossier démontrent que le directeur général critiquait son travail et son refus de suivre ses instructions, les éléments présentés par M. [S] pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence de faits de harcèlement », sans prendre en compte l'ensemble des éléments de fait matériellement établis produits par le salarié, à savoir la détérioration de son état de santé au temps et au lieu du travail et, aux termes de témoignages explicites de ses collègues de travail, la dégradation de ses conditions de travail en raison du comportement abusif de son supérieur hiérarchique à son égard, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1- et L. 1154-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant M. [S] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement en lien avec le harcèlement moral subi et dénoncé, au motif que « si les éléments du dossier démontrent que le directeur général critiquait son travail et son refus de suivre ses instructions, les éléments présentés par M. [S] pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence de faits de harcèlement », sans prendre en compte la constatation selon laquelle M. [S] a été « arrêté en maladie à plusieurs reprises pour souffrances psychologiques », de sorte que la cour d'appel n'a pas apprécié les éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux produits, dans leur ensemble, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant M. [S] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement en lien avec le harcèlement moral subi et dénoncé, aux motifs que « il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L. 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement », qu' « une situation de harcèlement moral se déduit essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice normal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction » et que « si les éléments du dossier démontrent que le directeur général critiquait son travail et son refus de suivre ses instructions, les éléments présentés par M. [S] pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence de faits de harcèlement », la cour d'appel a fait peser sur le salarié la preuve du harcèlement moral et, ce faisant, violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4) ALORS QUE le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [S] de ses demandes au titre du licenciement nul, la cour d'appel a retenu que « si la lettre de licenciement reproche effectivement à M. [S] de se prétendre victime de pression de la part de son supérieur, d'avoir dit qu'il ne pouvait accepter d'être « malmené à répétition » qu'il « y avait excès et irrespect », qu'il subissait une « pression intenable » et qu'il en ressentait « une gêne physique et morale ». Cette lettre ne mentionne les propos de M. [S] que dans l'optique de montrer que celui-ci n'utilise ses arguments que pour contester les carences qui lui sont reprochées » et « qu'il n'est donc pas reproché à M. [S] d'avoir dénoncé un harcèlement, ce que celui-ci fera postérieurement à la convocation à un entretien préalable et à la veille de cet entretien, soit le 12 mars 2015, dénonciation faite auprès de la direction allemande, mais de ne pas proposer de solutions pour remédier aux insuffisances qui lui sont reprochées » ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations, adoptées des premiers juges, « qu'alertée par les accusations de harcèlement formulées par M. [S] et afin d'en vérifier la réalité, elle a diligenté une enquête interne qui a conclu que ces allégations ne correspondaient pas à la réalité, mais que bien au contraire, c'est M. [S] qui était à l'origine des difficultés dont il se plaignait », ce dont il résultait que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement, qui, aux termes des constatations de l'arrêt, faisaient précisément référence aux faits dénoncés par M. [S] avant son licenciement et qui ont donné lieu à une enquête interne diligentée par l'employeur à la suite de ses accusations de harcèlement, emportaient à eux seuls la nullité de plein droit du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

5) ALORS QUE le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; qu'en déboutant M. [S] de ses demandes au titre du licenciement nul, au motif que l'enquête interne diligentée par l'employeur avait conclu que les faits de harcèlement moral dénoncés par le salarié et repris dans la lettre de licenciement, ne correspondaient pas à la réalité, la cour d'appel, sans nullement caractérisé la mauvaise foi du salarié ni le caractère mensonger des faits relatés, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [S] du surplus de ses demandes ;

1) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter M. [S] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, que « outre l'imprécision quant aux heures et jours exacts puisque M. [S] pouvait être en déplacement, il convient de constater que celui-ci ne verse aux débats aucun tableau hebdomadaire reprenant ses horaires de travail et qu'il ne verse aux débats ni mail de début ou fin de journée qui permettrait de déterminer leur amplitude horaire, ni agenda professionnel ou autre élément apportant un commencement de preuve ou une preuve de la réalisation de 5 heures supplémentaires de travail par semaine », quand il appartenait seulement au salarié de produire « des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies », afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le salarié et violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;

2) ET ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [S] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que « outre l'imprécision quant aux heures et jours exacts puisque M. [S] pouvait être en déplacement, il convient de constater que celui-ci ne verse aux débats aucun tableau hebdomadaire reprenant ses horaires de travail et qu'il ne verse aux débats ni mail de début ou fin de journée qui permettrait de déterminer leur amplitude horaire, ni agenda professionnel ou autre élément apportant un commencement de preuve ou une preuve de la réalisation de 5 heures supplémentaires de travail par semaine » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié avait produit les attestations de Mme [Y] et de M. [L] témoignant de son arrivée « vers 7h 7h15 » le matin et de son départ « vers 18h30/19h » en fin de soirée, de sorte qu'il appartenait à l'employeur de produire ses propres éléments pour y répondre, la cour d'appel a encore violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [S] du surplus de ses demandes ;

ALORS QUE l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit en assurer l'effectivité ; qu'il lui appartient à ce titre de prendre toutes les mesures préventives nécessaires à la préservation de la santé et de la sécurité du salarié, et de réagir diligemment lorsqu'il a connaissance de l'existence d'un risque en ce sens ; qu'en déboutant M. [S] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, au motif que « suite à la dénonciation explicite du harcèlement par M. [S], la société Peri a fait diligenter une enquête qui a conclu à l'absence de harcèlement », quand il résultait de ses propres constatations que « M. [S] mentionne également le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 1 octobre 2014 que lui-même présidait qui relevait « nous avons constaté un réel malaise psychologique dans l'entreprise. Nous estimons que cela représente 80% des salariés concernés et de tout niveau. La pression, la répartition des tâches de travail, mais surtout le fait que l'on pointe continuellement du doigt ce qui ne va pas génèrent une démotivation croissante. La motivation règne avec la reconnaissance. Les membres du CHSCT souhaitent qu'il y ait plus de reconnaissance à tout niveau », « qu'aucune décision n'est prise pour traiter ce malaise et que l'unique préconisation du CHSCT est de demander une plus grande reconnaissance » et que M. [S] a été « arrêté en maladie à plusieurs reprises pour souffrances psychologiques », ce dont il s'évinçait que l'employeur n'avait pris aucune mesure pour pallier la détérioration des conditions de travail et la dégradation de l'état de santé psychologique des salariés, et notamment de M. [S], la cour d'appel a violé la directive-cadre 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail et l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de M. [S] sans cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS QUE le caractère disciplinaire ou non de la cause du licenciement est déterminé par le juge en fonction de la nature des faits invoqués dans la lettre de licenciement adressée par l'employeur sans s'arrêter à la volonté de ce dernier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était reproché à M. [S] dans la lettre de licenciement d'avoir commis des « négligences graves » et des « carences graves » en n'ayant pas, bien que connaissant le risque de pénalités financières, respecté les nouvelles règles de coût de mise au rebut fin décembre 2014, en ayant mal apprécié les stocks et fait courir le risque d'une rupture de stock sur un produit phare, en ayant « quitté brutalement » l'entretien préalable ce qui avait démontré l'impossibilité pour la société de « s'appuyer sur un directeur logistique avec un tel état d'esprit » et en ayant « contesté la responsabilité de ces insuffisances, les imputant [à son supérieur hiérarchique] et à [son] équipe » ; qu'en retenant que le licenciement de M. [S] reposait sur une insuffisance professionnelle, quand il ressortait de ses propres constatations que les griefs articulés à l'appui du licenciement ne relevaient pas d'une insuffisance professionnelle mais étaient en réalité de nature disciplinaire, de sorte que s'appliquait la prescription disciplinaire et que le bien-fondé du licenciement impliquait la caractérisation d'une mauvaise volonté délibérée du salarié ou d'une abstention volontaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1331-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. [S] faisait valoir que pour s'affranchir des règles relatives au licenciement disciplinaire, notamment en matière de prescription, l'employeur avait qualifié d'insuffisances professionnelles des griefs qui étaient en réalité de nature disciplinaire (cf. conclusions d'appel p. 21) ; qu'en retenant que le licenciement de M. [S] reposait sur une insuffisance professionnelle, sans répondre au moyen pourtant opérant du salarié tiré de la nature disciplinaire des griefs contenus dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-18093
Date de la décision : 19/10/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 2022, pourvoi n°21-18093


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
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