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12/10/2022 | FRANCE | N°21-15669

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 octobre 2022, 21-15669


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 703 F-D

Pourvoi n° R 21-15.669

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022

1°/ Mme [S] [P], veuve [M], domiciliée chez Mme

[F] [I], [Adresse 4],

2°/ l'association Croix Marine, dont le siège est [Adresse 3], agissant en qualité de curateur de Mme [P] [S], veuve [M]...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 703 F-D

Pourvoi n° R 21-15.669

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022

1°/ Mme [S] [P], veuve [M], domiciliée chez Mme [F] [I], [Adresse 4],

2°/ l'association Croix Marine, dont le siège est [Adresse 3], agissant en qualité de curateur de Mme [P] [S], veuve [M],

ont formé le pourvoi n° R 21-15.669 contre l'arrêt rendu le 5 février 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile TGI), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [T] [M], épouse [D],

2°/ à M. [E] [D],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

3°/ à Mme [K] [X], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [M] et de l'association Croix Marine, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [D], après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 5 février 2021), par acte notarié reçu le 12 novembre 2015 par Mme [X], notaire, [C] [M] et Mme [P], son épouse, ont vendu un immeuble à leur fille et gendre, M. et Mme [D], moyennant le prix de 210 000 euros, dans lequel ils ont continué à habiter avec les acquéreurs.

2. [C] [M] et son épouse étaient représentés à l'acte de vente par leur fils, M. [L] [M], en vertu d'un mandat qu'ils lui avaient donné par acte sous seing privé du 21 septembre 2015.

3. [C] [M] est décédé le 11 avril 2016 et Mme [M] a été placée sous curatelle simple le 27 janvier 2017.

4. A la suite de dissensions survenues entre M. et Mme [D] et Mme [M], celle-ci s'est installée chez une autre de ses filles, Mme [I].

5. Invoquant un vice de son consentement et son incapacité à contracter, Mme [M], assistée par sa curatrice, l'association Croix Marine, a assigné M. et Mme [D] et Mme [X] en annulation de la procuration et de l'acte de vente et subsidiairement en rescision pour lésion.

Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Mme [M] et l'association Croix Marine, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en nullité et en rescision pour lésion de la vente du 12 novembre 2015, alors « que le conjoint survivant, en qualité d'héritier, peut attaquer en nullité pour insanité d'esprit un acte conclu par son conjoint ; qu'en jugeant que Mme [P] ne pouvait remettre en cause la capacité ou le consentement de son défunt époux au motif que cette action n'est ouverte qu'aux héritiers, alors que Mme [P], conjoint survivant, était héritière de son époux, la cour d'appel a violé l'article 414-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 731, 732 et 414-2 du code civil :

8. Selon les deux premiers de ces textes, le conjoint survivant non divorcé est un conjoint successible auquel la succession est dévolue par la loi, avec les parents du défunt, dans les conditions définies par les articles suivants du code civil.

9. Il résulte du troisième que les héritiers peuvent engager une action en nullité d'un acte, autre qu'une donation entre vifs et un testament, fait par leur auteur, pour insanité d'esprit, notamment si cet acte porte en lui même la preuve d'un trouble mental.

10. Pour rejeter la demande de nullité de la procuration du 21 septembre 2015 et de l'acte de vente du 12 novembre 2015, l'arrêt retient que, si Mme [M] est recevable à invoquer la nullité de ces actes, elle ne peut pour autant dans ses conclusions remettre en cause la capacité ou le consentement de son défunt époux, cocontractant, cette action n'étant ouverte qu'à ses héritiers qui n'ont pas été appelés en la cause et qui ne sont pas davantage intervenus volontairement au litige.

11. En statuant ainsi, alors que Mme [M] est héritière, au sens de ces dispositions, de son époux défunt, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation

12. Le moyen ne pouvant entraîner de conséquence que sur l'action en nullité de la procuration et de l'acte de vente, la cassation sera limitée à cette action à l'exclusion de l'action en rescision pour lésion.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en nullité de Mme [M], assistée par son curateur, l'association Croix Marine, l'arrêt rendu le 5 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée ;

Condamne M. et Mme [D] et Mme [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [D] et les condamne, in solidum avec Mme [X] à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [M] et l'association Croix Marine

Madame [S] [P] veuve [M] et l'association Croix Marine font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes en nullité et en rescision pour lésion de la vente du 12 novembre 2015 ;

1°) ALORS QUE le conjoint survivant, en qualité d'héritier, peut attaquer en nullité pour insanité d'esprit un acte conclu par son conjoint ; qu'en jugeant que Madame [P] ne pouvait remettre en cause la capacité ou le consentement de son défunt époux au motif que cette action n'est ouverte qu'aux héritiers, alors que Madame [P], conjoint survivant, était héritière de son époux, la cour d'appel a violé l'article 414-2 du code civil ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHSES, QUE le conjoint survivant, en qualité d'héritier, peut attaquer en nullité pour insanité d'esprit un acte conclu par son conjoint ; qu'en jugeant que Madame [P] ne pouvait remettre en cause la capacité ou le consentement de son défunt époux, au motif que cette action n'est ouverte qu'aux héritiers, sans rechercher si Madame [P] n'était pas héritière de son époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 414-2 du code civil ;

3°) ALORS QU'il n'y a pas de consentement valable s'il a été donné par erreur, c'est-à-dire par suite d'une discordance entre la croyance et la réalité portant sur la substance même de la chose objet du contrat ; qu'il y a ainsi erreur sur la substance quand le consentement de l'une des parties a été déterminé par l'idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se dépouiller ou qu'elle croyait acquérir par l'effet du contrat ; qu'en relevant que l'intention des époux [M] était de pouvoir se maintenir dans les lieux, tout en soulignant « qu'aucune disposition n'encadrait le maintien des vendeurs dans le bien cédé » (arrêt, p. 10, § 4), et en écartant toute erreur sur les qualités substantielles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation des articles 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°) ALORS QU'il n'y a pas de consentement valable s'il a été donné par erreur, c'est-à-dire par suite d'une discordance entre la croyance et la réalité portant sur la substance même de la chose objet du contrat ; qu'il y a ainsi erreur sur la substance quand le consentement de l'une des parties a été déterminé par l'idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se dépouiller ou qu'elle croyait acquérir par l'effet du contrat ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'il était soutenu (conclusions, p. 16, § 4) s'il n'existait pas une discordance entre la croyance des époux [M] – continuer à percevoir les loyers – et la réalité – les loyers allaient être perçus par l'acquéreur -, soit s'il n'existait pas une discordance entre la croyance et la réalité sur l'existence ou non d'une réserve d'usufruit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une action en rescision de la vente est ouverte en cas de lésion des sept douzième ; que pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; qu'en se basant exclusivement sur une expertise du 15 mai 2014 pour apprécier la valeur d'un bien au 20 janvier 2015, la cour d'appel n'a pas estimé sa valeur au moment de la vente, en violation de l'article 1675 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-15669
Date de la décision : 12/10/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 05 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 oct. 2022, pourvoi n°21-15669


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.15669
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