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12/10/2022 | FRANCE | N°21-12268

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 octobre 2022, 21-12268


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 737 F-D

Pourvoi n° U 21-12.268

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022

1°/ Mme [E] [O], épouse [B], domiciliée [Adresse 1],

2°/ Mme [A] [B], domiciliée [Adresse 4],

3°/ Mme [U] [B], domiciliée [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° U 21-12.268 contre l'arrêt rendu le 17 déce...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 737 F-D

Pourvoi n° U 21-12.268

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022

1°/ Mme [E] [O], épouse [B], domiciliée [Adresse 1],

2°/ Mme [A] [B], domiciliée [Adresse 4],

3°/ Mme [U] [B], domiciliée [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° U 21-12.268 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section B), dans le litige les opposant :

1°/ à l'association tutélaire de gestion (ATG), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à l'union départementale des associations familiales (UDAF) du Gard - antenne de Vaucluse (association), dont le siège est [Adresse 8],

3°/ à M. [J] [B]-[R], domicilié [Adresse 3],

4°/ à Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 5], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, prise en qualité de tutrice de Mme [E] [O], épouse [B],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mmes [E], [A] et [U] [B], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 décembre 2020), un juge des tutelles a été saisi aux fins d'ouverture d'une mesure de protection à l'égard de Mme [E] [O], veuve [B], d'une part, par M. [B]-[R], son petit-fils, d'autre part, par Mme [A] [B], sa fille.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [E] [B] et ses filles, Mmes [A] et [U] [B], font grief à l'arrêt de prononcer une mesure de tutelle à son bénéfice, de fixer sa durée à soixante mois, de désigner Mme [G], mandataire judiciaire à la protection des majeurs en qualité de tuteur aux lieu et place de l'UDAF désignée en première instance et de dire que sa mission sera conforme à celle de l'UDAF, alors « que seule la personne qui a besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, en raison d'une altération médicalement constatée de ses facultés mentales, peut être placée sous tutelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il ressortait des certificats médicaux versés aux débats que [E] [B] présentait une altération modérée de ses facultés intellectuelles et mentales et qu'elle était "vulnérable et influençable"; qu'en prononçant une mesure de tutelle à l'égard de [E] [B], sans caractériser la nécessité pour celle-ci d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de les articles 425 et 440 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 425 et 440 du code civil :

4. Il résulte de ces textes que la mise sous tutelle exige la constatation d'une altération des facultés mentales ou corporelles de l'intéressé et la nécessité pour celui-ci d'être représenté d'une manière continue dans les actes de la vie civile.

5. Pour placer Mme [E] [B] sous tutelle, l'arrêt retient que celle-ci ne présente pas un degré d'altération important de ses facultés intellectuelles et mentales, mais qu'elle est vulnérable et influençable, ainsi que le démontrent les dispositions qu'elle a prises au profit de son petit-fils et de ses deux filles, se sentant redevable de l'affection qui lui est portée, que son comportement ne doit pas pour autant aller à l'encontre de ses intérêts, raison pour laquelle une simple mesure de curatelle renforcée n'apparaît pas suffisante, en considération de l'importance de ses revenus et de son patrimoine.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la nécessité pour Mme [E] [B] d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [E], [A] et [U] [B] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mmes [E], [A] et [U] [B]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé une mesure de tutelle au bénéfice de [E] [O], épouse [B], d'AVOIR fixé la durée de la mesure à 60 mois, d'AVOIR désigné Mme [I] [G], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur de [E] [O], épouse [B], aux lieu et place de l'UDAF, et d'AVOIR dit que sa mission sera conforme à celle confiée à l'UDAF par le jugement dont appel ;

AUX ENONCIATIONS QUE Mme [E] [O], épouse [B], est non comparante ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur la mesure de protection : les parties ne contestent pas la nécessité d'une mesure destinée à protéger Mme [E] [B]. Ils s'opposent sur le choix de cette mesure ; que le certificat médical initial circonstancié prévu par l'article 431 du code civil établi, à la demande de M. [K] [B]-[R], par le docteur [T] et visé par l'arrêt de cette cour en date du 10 décembre 2019, permet de relever que le 19 avril 2019, Mme [E] [O] épouse [B] présentait « une altération des fonctions intellectuelles modérée associée à un état dépressif » et qu'en conséquence, « son état nécessite une sauvegarde urgente avec la nomination d'un mandataire spécial suivie de la mesure de curatelle renforcée » ; que le second certificat médical circonstancié établi par le docteur [S] et versé aux débats par les appelantes, permet de relever, que le 6 juin 2019 Mme [E] [O] épouse [B] présentait « une altération des capacités psychiques due à l'âge et à un état de vulnérabilité psychique », « des troubles de la mémoire non invalidants dans la vie de tous les jours, sous la dépendance de facteurs psychiques et émotionnels la rendant vulnérable » ; qu'il résulte des certificats du Docteur [S], psychiatre, en date des 22 janvier 2020 et 27 octobre 2020, produits par les appelantes : - que Mme [E] [B] présente des troubles cognitifs assez modérés (essentiellement trouble de la mémoire à court terme), - qu'elle conserve de bonnes facultés de raisonnement et de jugement mais est vulnérable et influençable, - que ses troubles psychiques sont un état anxio-dépressif et une altération intellectuelle modérée, - que Mme [B] se présente le 27 octobre 2020 « de la même façon que lors des précédents examens, à savoir très émotive, ayant peur de mal faire et de ne pas réussir, ce qui a un effet négatif sur sa cognition », - que son discours et sa pensée sont fluides, le débit verbal normal sans aucun trouble du langage, qu'elle dispose de la capacité à réaliser une image mentale d'un mot et de bonnes capacités en calcul mental ; qu'il en résulte donc que les dispositions de l'article 425 du code civil, qui prévoient que toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, en raison d'une altération médicalement constatée de ses facultés soit mentales, soit corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection, doivent être appliquées en l'espèce, sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à une nouvelle mesure d'expertise ; que le choix de la mesure est certes subordonné à l'état mental de la personne à protégée mais également au contexte familial dans laquelle celle-ci évolue ; qu'or, les différentes habilitations familiales, soit spéciale, soit générale par représentation ou générale par assistance, telles que décrites par l'article 494-1 du code civil, ont été élaborées comme étant des mesures simplifiées fondées sur l'adhésion de la famille à la mesure et à la désignation d'une personne habilitée ; qu'or, en l'espèce, les relations entre les parties sont conflictuelles ; que Mesdames [A] et [U] [B] affirment avoir une relation d'affection et de proximité avec leur mère, mais de 2016 à 2019, elles ont rompu tout contact avec elle ; que pendant ces trois années, Mme [E] [B] a compensé ce manque affectif en intensifiant sa relation privilégiée avec son petit-fils, [K], auquel elle a fait un certain nombre de donations ; que le rapport de fin de sauvegarde rédigé par le mandataire spécial, l'ATG - antenne d'[Localité 7], en date du 11 mars 2020, rapporte la preuve que Mme [E] [B] fait l'objet de pression de son entourage afin de bénéficier de ses faveurs ; qu'ainsi, il signale que Mme [E] [B] a été incitée en juin 2019 à effectuer différentes opérations financières, sans en garder véritablement le souvenir ; qu'une assurance-vie au profit de son petit-fils a été rachetée et les fonds ont été distribués à ses deux filles à hauteur de 48 000 euros environ, chacune, outre des chèques de 10 000 euros destinés à certain de ses petits-enfants ; que par ailleurs, la succession de M. [C] [B], qui comporte plusieurs biens immobiliers, n'étant pas encore liquidée, il sera relevé que les intérêts de Mme [E] [B] ne coïncident pas avec ceux de ses enfants ; que dans ce contexte, il convient de constater qu'il n'existe pas une unanimité familiale pour avoir recours à cette mesure et que la situation tant patrimoniale que financière de Mme [E] [B] justifie une attention particulière, qu'elle avait anticipée puisqu'elle avait confié à un expert-comptable la réalisation d'un certain nombre actes administratifs et comptables ; que par référence à l'article 494-5 du code civil, il est retenu que les mesures d'habilitation familiale, quelle que soit leur nature, ne permettent pas d'assurer une protection suffisante des biens et de la personne de Mme [E] [B] ; qu'il convient donc d'ordonner une des mesures de protection judiciaire traditionnelles ; que si Mme [E] [B] ne présente pas un degré d'altération important de ses facultés intellectuelles et mentales, il a été souligné par les médecins qui l'ont examinée et par les mandataires à la protection des majeurs qui ont été désignés, qu'elle est vulnérable et influençable, ainsi que le démontrent les différentes dispositions qu'elle a prises en 2017 au profit de son petit-fils et en juin 2019 au profit notamment de ses filles ; qu'ainsi que bon nombre de personnes âgées, elle se sent redevable de l'affection qui lui est portée et souhaite faire plaisir à son entourage proche ; que ce comportement ne doit pas pour autant aller à l'encontre de ses intérêts, raison pour laquelle une simple mesure de curatelle renforcée n'apparaît pas suffisante, en l'espèce, en considération de l'importance de ses revenus (environ 5 550 euros par mois) et de son patrimoine tant mobilier qu'immobilier ; c'est la raison pour laquelle la mesure de tutelle prononcée par le premier juge est justifiée et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ; que, sur la désignation du tuteur : il résulte des dispositions combinées des article 449 et 450 du code civil que le juge nomme comme curateur ou tuteur, un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables, qu'il prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés, ainsi que de son entourage et qu'il désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle ; qu'il ressort des éléments fournis aux débats que si Mme [E] [B] a renoué avec ses filles, l'épisode conflictuel de leurs relations entre 2016 et 2019, leur comportement vindicatif adopté à l'égard de M. [J] [B]-[R], qui est dorénavant tenu à l'écart de sa grand-mère, et le conflit d'intérêts existant entre la personne protégée et ses filles quant à la liquidation de la succession de M. [C] [B], ne permettent pas de respecter la priorité familiale prescrite par les textes cités ci-dessus ; que les reproches formés à l'encontre de l'ATG, dans l'exercice de sa mission de mandataire spécial, puis de l'UDAF, en qualité de tuteur, ne sont pas suffisamment étayés pour conclure à l'existence de défaillances imputables à cette association, d'autant qu'il figure au dossier des éléments établissant que la famille n'a pas contribué à la mise en oeuvre de la mesure ; qu'ainsi, en page 6 du rapport de fin de mission du 11 mars 2020 de l'ATG, il est précisé qu'au domicile de Mme [E] [B], tous les classeurs et pochettes étiquetés dans lesquelles celle-ci classait soigneusement ses papiers ont été retrouvés vides ; que toutefois, en considération de l'importance du patrimoine de Mme [B], des décisions à prendre dans le cadre de la liquidation de la succession de son conjoint et du contexte familial, il apparaît préférable de confier cette mesure à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, dont l'identité sera mentionnée dans le dispositif de cette décision ; que dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée, à l'exception des dispositions relatives à la désignation du tuteur ;

ALORS QUE le juge qui se prononce sur une mesure de protection juridique, statue après avoir entendu le majeur protégé, sauf à ce qu'il soit médicalement justifié que cette audition est de nature à porter atteinte à sa santé ou que le majeur est hors d'état d'exprimer sa volonté ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la cour d'appel a prononcé une mesure de tutelle à l'égard de [E] [B] et désigné un nouveau tuteur pour la représenter sans l'avoir personnellement entendue ; qu'en statuant ainsi sans expliquer en quoi il était médicalement justifié que cette mesure soit prononcée sans avoir préalablement procédé à l'audition de la majeure protégée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 432 du code civil et de l'article 1245 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé une mesure de tutelle au bénéfice de [E] [O], épouse [B], d'AVOIR fixé la durée de la mesure à 60 mois et d'AVOIR désigné Mme [I] [G], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur de [E] [O], épouse [B], aux lieu et place de l'UDAF, et dit que sa mission sera conforme à celle confiée à l'UDAF par le jugement dont appel ;

AUX MOTIFS QUE, sur la mesure de protection : les parties ne contestent pas la nécessité d'une mesure destinée à protéger Mme [E] [B]. Ils s'opposent sur le choix de cette mesure ; que le certificat médical initial circonstancié prévu par l'article 431 du code civil établi, à la demande de M. [K] [B]-[R], par le docteur [T] et visé par l'arrêt de cette cour en date du 10 décembre 2019, permet de relever que le 19 avril 2019, Mme [E] [O] épouse [B] présentait «une altération des fonctions intellectuelles modérée associée à un état dépressif» et qu'en conséquence, « son état nécessite une sauvegarde urgente avec la nomination d'un mandataire spécial suivie de la mesure de curatelle renforcée» ; que le second certificat médical circonstancié établi par le docteur [S] et versé aux débats par les appelantes, permet de relever, que le 6 juin 2019 Mme [E] [O] épouse [B] présentait « une altération des capacités psychiques due à l'âge et à un état de vulnérabilité psychique», «des troubles de la mémoire non invalidants dans la vie de tous les jours, sous la dépendance de facteurs psychiques et émotionnels la rendant vulnérable» ; qu'il résulte des certificats du Docteur [S], psychiatre, en date des 22 janvier 2020 et 27 octobre 2020, produits par les appelantes : - que Mme [E] [B] présente des troubles cognitifs assez modérés (essentiellement trouble de la mémoire à court terme), - qu'elle conserve de bonnes facultés de raisonnement et de jugement mais est vulnérable et influençable, - que ses troubles psychiques sont un état anxio-dépressif et une altération intellectuelle modérée, - que Mme [B] se présente le 27 octobre 2020 «de la même façon que lors des précédents examens, à savoir très émotive, ayant peur de mal faire et de ne pas réussir, ce qui a un effet négatif sur sa cognition», - que son discours et sa pensée sont fluides, le débit verbal normal sans aucun trouble du langage, qu'elle dispose de la capacité à réaliser une image mentale d'un mot et de bonnes capacités en calcul mental ; qu'il en résulte donc que les dispositions de l'article 425 du code civil, qui prévoient que toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, en raison d'une altération médicalement constatée de ses facultés soit mentales, soit corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection, doivent être appliquées en l'espèce, sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à une nouvelle mesure d'expertise ; que le choix de la mesure est certes subordonné à l'état mental de la personne à protégée mais également au contexte familial dans laquelle celle-ci évolue ; qu'or, les différentes habilitations familiales, soit spéciale, soit générale par représentation ou générale par assistance, telles que décrites par l'article 494-1 du code civil, ont été élaborées comme étant des mesures simplifiées fondées sur l'adhésion de la famille à la mesure et à la désignation d'une personne habilitée ; qu'or, en l'espèce, les relations entre les parties sont conflictuelles ; que Mesdames [A] et [U] [B] affirment avoir une relation d'affection et de proximité avec leur mère, mais de 2016 à 2019, elles ont rompu tout contact avec elle ; que pendant ces trois années, Mme [E] [B] a compensé ce manque affectif en intensifiant sa relation privilégiée avec son petit-fils, [K], auquel elle a fait un certain nombre de donations ; que le rapport de fin de sauvegarde rédigé par le mandataire spécial, l'ATG - antenne d'[Localité 7], en date du 11 mars 2020, rapporte la preuve que Mme [E] [B] fait l'objet de pression de son entourage afin de bénéficier de ses faveurs ; qu'ainsi, il signale que Mme [E] [B] a été incitée en juin 2019 à effectuer différentes opérations financières, sans en garder véritablement le souvenir ; qu'une assurance-vie au profit de son petit-fils a été rachetée et les fonds ont été distribués à ses deux filles à hauteur de 48 000 euros environ, chacune, outre des chèques de 10 000 euros destinés à certain de ses petits-enfants ; que par ailleurs, la succession de M. [C] [B], qui comporte plusieurs biens immobiliers, n'étant pas encore liquidée, il sera relevé que les intérêts de Mme [E] [B] ne coïncident pas avec ceux de ses enfants ; que dans ce contexte, il convient de constater qu'il n'existe pas une unanimité familiale pour avoir recours à cette mesure et que la situation tant patrimoniale que financière de Mme [E] [B] justifie une attention particulière, qu'elle avait anticipée puisqu'elle avait confié à un expert-comptable la réalisation d'un certain nombre actes administratifs et comptables ; que par référence à l'article 494-5 du code civil, il est retenu que les mesures d'habilitation familiale, quelle que soit leur nature, ne permettent pas d'assurer une protection suffisante des biens et de la personne de Mme [E] [B] ; qu'il convient donc d'ordonner une des mesures de protection judiciaire traditionnelles ; que si Mme [E] [B] ne présente pas un degré d'altération important de ses facultés intellectuelles et mentales, il a été souligné par les médecins qui l'ont examinée et par les mandataires à la protection des majeurs qui ont été désignés, qu'elle est vulnérable et influençable, ainsi que le démontrent les différentes dispositions qu'elle a prises en 2017 au profit de son petit-fils et en juin 2019 au profit notamment de ses filles ; qu'ainsi que bon nombre de personnes âgées, elle se sent redevable de l'affection qui lui est portée et souhaite faire plaisir à son entourage proche ; que ce comportement ne doit pas pour autant aller à l'encontre de ses intérêts, raison pour laquelle une simple mesure de curatelle renforcée n'apparaît pas suffisante, en l'espèce, en considération de l'importance de ses revenus (environ 5 550 euros par mois) et de son patrimoine tant mobilier qu'immobilier ; c'est la raison pour laquelle la mesure de tutelle prononcée par le premier juge est justifiée et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

1) ALORS QUE seule la personne qui a besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, en raison d'une altération médicalement constatée de ses facultés mentales, peut être placée sous tutelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il ressortait des certificats médicaux versés aux débats que [E] [B] présentait une altération modérée de ses facultés intellectuelles et mentales et qu'elle était «vulnérable et influençable» (arrêt, p. 4 § 6-7 et p. 5 § 7) ; qu'en prononçant une mesure de tutelle à l'égard de [E] [B], sans caractériser la nécessité pour celle-ci d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de les articles 425 et 440 du code civil ;

2) ALORS QUE le choix de la mesure de protection est déterminé en considération du seul état mental ou physique de la personne majeure à protéger ; qu'en retenant, pour prononcer une mesure de tutelle à l'égard de [E] [B], que «le choix de la mesure de protection est certes subordonné à l'état mental de la personne à protéger mais également au contexte familial dans laquelle celle-ci évolue» (arrêt, p. 5 § 1), la cour d'appel a violé les articles 425 et 440 du code civil ;

3) ALORS QUE le choix de la mesure de protection est déterminé en considération du seul état mental ou physique de la personne majeure à protéger ; qu'en retenant, pour prononcer une mesure de tutelle à l'égard de [E] [B], qu'elle bénéficiait de revenus confortables et détenait un patrimoine mobilier et immobilier important, la cour d'appel a violé les articles 425 et 440 du code civil ;

4) ALORS, en toute hypothèse, QUE la tutelle n'est prononcée que s'il est établi que la curatelle simple ou renforcée ne permet pas d'assurer une protection suffisante de la personne majeure et de ses biens ; qu'en prononçant une mesure de tutelle à l'égard de [E] [B], sans expliquer concrètement en quoi une mesure de curatelle n'était pas suffisante pour assurer la protection de ses biens et de sa personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 440, alinéa 4 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR désigné Mme [I] [G], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur de [E] [O], épouse [B], aux lieu et place de l'UDAF, et d'AVOIR dit que sa mission sera conforme à celle confiée à l'UDAF par le jugement dont appel ;

AUX ENONCIATIONS QUE les appelantes demandent à la cour (?) à titre plus subsidiaire, de désigner Mme [U] [B] en qualité de tuteur de sa mère ; (?) que les appelantes soutiennent que Mme [U] [B] est la personne idoine pour s'occuper de la personne et du patrimoine de Mme [E] [B] ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur la désignation du tuteur : il résulte des dispositions combinées des article 449 et 450 du code civil que le juge nomme comme curateur ou tuteur, un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables, qu'il prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés, ainsi que de son entourage et qu'il désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle ; qu'il ressort des éléments fournis aux débats que si Mme [E] [B] a renoué avec ses filles, l'épisode conflictuel de leurs relations entre 2016 et 2019, leur comportement vindicatif adopté à l'égard de M. [J] [B]-[R], qui est dorénavant tenu à l'écart de sa grand-mère, et le conflit d'intérêts existant entre la personne protégée et ses filles quant à la liquidation de la succession de M. [C] [B], ne permettent pas de respecter la priorité familiale prescrite par les textes cités ci-dessus ; que les reproches formés à l'encontre de l'ATG, dans l'exercice de sa mission de mandataire spécial, puis de l'UDAF, en qualité de tuteur, ne sont pas suffisamment étayés pour conclure à l'existence de défaillances imputables à cette association, d'autant qu'il figure au dossier des éléments établissant que la famille n'a pas contribué à la mise en oeuvre de la mesure ; qu'ainsi, en page 6 du rapport de fin de mission du 11 mars 2020 de l'ATG, il est précisé qu'au domicile de Mme [E] [B], tous les classeurs et pochettes étiquetés dans lesquelles celle-ci classait soigneusement ses papiers ont été retrouvés vides ; que toutefois, en considération de l'importance du patrimoine de Mme [B], des décisions à prendre dans le cadre de la liquidation de la succession de son conjoint et du contexte familial, il apparaît préférable de confier cette mesure à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, dont l'identité sera mentionnée dans le dispositif de cette décision ; que dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée, à l'exception des dispositions relatives à la désignation du tuteur ;

ALORS QUE c'est uniquement lorsque la personne à protéger n'a désigné aucune personne pour assurer la mise en oeuvre de la mesure de protection dont elle bénéficie, que le juge désigne un parent, un allié ou une personne proche susceptible d'assumer cette fonction et, à défaut, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; qu'en l'espèce, [E] [B] a exprimé le souhait d'être assistée par l'une de ses filles, [U] [B], dans l'hypothèse où une mesure de tutelle serait prononcée à son égard (arrêt, p. 3 § 3 et 5) ; qu'en désignant [I] [G], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur de [E] [B], sans s'expliquer sur le souhait exprimé par la majeure à protéger d'être représentée par l'une de ses filles, la cour d'appel a violé les articles 448, alinéa 1er, 449 et 450 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-12268
Date de la décision : 12/10/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 17 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 oct. 2022, pourvoi n°21-12268


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.12268
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