LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 22-84.493 F-D
N° 01364
SL2
5 OCTOBRE 2022
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 OCTOBRE 2022
Le procureur général près la cour d'appel de Papeete a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 12 juillet 2022, qui dans la procédure suivie contre M. [W] [I] [H], du chef d'atteintes sexuelles aggravées, a ordonné sa mise en liberté.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 22 juin 2022, M. [W] [I] [H] a fait l'objet d'un mandat de dépôt délivré par le juge des libertés et de la détention en vue de sa comparution devant le tribunal correctionnel.
3. Il a comparu le 23 juin 2022 devant cette juridiction qui s'est déclarée incompétente en raison de la nature criminelle des faits et qui a ordonné son maintien en détention provisoire.
4. Le conseil de M. [I] [H] a présenté une demande de mise en liberté à la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a décidé la remise en liberté de M. [I] [H] alors que, lorsque le tribunal correctionnel, après s'être déclaré incompétent en raison de la nature criminelle des faits, a régulièrement ordonné le maintien en détention du détenu en application de l'article 469, alinéa 2, du code de procédure pénale, il a nécessairement décerné un mandat de dépôt criminel, que dès lors le prononcé du jugement du tribunal correctionnel valait notification dudit mandat ; ainsi, la chambre de l'instruction, en imposant au tribunal correctionnel de décerner un nouveau mandat de dépôt, a ajouté à la loi et a méconnu la portée du texte susvisé.
Réponse de la Cour
Vu l'article 469, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale :
6. Selon ce texte si le fait déféré au tribunal correctionnel sous la qualification de délit est de nature à entraîner une peine criminelle, le tribunal renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il l'avisera et peut, le ministère public entendu, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu. Il en résulte que, dans un tel cas, le maintien en détention provisoire ordonné par le tribunal a les mêmes effets qu'un mandat de dépôt.
7. Pour ordonner la mise en liberté de M. [I] [H], l'arrêt attaqué énonce, notamment, que celui-ci a été écroué le 22 juin 2022 en exécution d'un mandat de dépôt délivré le jour même par le juge des libertés et de la détention en application de l'article 396 du code de procédure pénale, la réunion du tribunal correctionnel étant impossible le jour même. La détention provisoire avait pour terme, selon ces dispositions, la comparution du prévenu devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant.
8. Les juges précisent que cette détention a pris fin le 23 juin 2022 par l'effet de la comparution de M. [I] [H] devant le tribunal correctionnel.
9. Ils retiennent que la juridiction a fait droit à une exception d'incompétence en raison de la nature criminelle des faits et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir, qu'elle a ordonné le maintien en détention de M. [I] [H], mais n'a pas décerné de mandat de dépôt.
10. Ils relèvent que la délivrance en pareil cas d'un mandat de dépôt est expressément prescrite par l'article 469, alinéa 2, du code de procédure pénale.
11. Ils concluent que la délivrance par le tribunal correctionnel d'un mandat de dépôt en cas de jugement d'incompétence en raison de la nature criminelle des faits est une condition légale de la régularité de la détention provisoire aux termes de l'article 469, alinéa 2, du code de procédure pénale. La mention du maintien en détention est insuffisante pour assurer le respect de cette prescription, puisque le mandat de dépôt délivré en exécution de l'ordonnance de placement en détention provisoire prise par le juge des libertés et de la détention a cessé de produire effet au moment de la comparution du prévenu.
12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
13. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Papeete, en date du 12 juillet 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Papeete, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux.