LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 21-83.868 F-D
N° 01203
RB5
5 OCTOBRE 2022
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 OCTOBRE 2022
La société [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 10 juin 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre M. [U] [K] et Mme [Y] [M] des chefs de corruption passive et blanchiment, après avoir infirmé l'ordonnance du juge d'instruction constatant la prescription de l'action publique, a dit n'y avoir lieu à suivre.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [1], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [U] [K] et de Mme [Y] [M] et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une plainte avec constitution de partie civile portée le 8 février 2016 par la société [1] pour des faits de corruption passive à l'encontre de M. [U] [K] et de Mme [Y] [M] ces deux personnes ont été mises en examen les 28 mai et 16 juin 2020.
3. Le 27 novembre 2020, M. [K] et Mme [M] ont déposé une demande de constatation de la prescription de l'action publique à laquelle le juge d'instruction a fait droit par ordonnance du 8 mars 2021 dont la société [1] a relevé appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant constaté la prescription de l'action publique, évoqué et dit n'y avoir lieu à suivre, alors :
« 1°/ que, si la chambre de l'instruction peut évoquer, c'est après avoir rempli son office en se prononçant sur l'appel formé contre l'ordonnance qui lui est soumise, et en cas d'infirmation de celle-ci ; qu'en évoquant sans s'être prononcée sur la question de la prescription de l'action publique qui lui était soumise en l'état de l'appel dont elle était saisie, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision d'infirmation, a excédé ses pouvoirs et violé les articles 207 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en tout état de cause, si la chambre de l'instruction peut évoquer l'affaire et procéder directement au règlement de la procédure, c'est à la condition que les parties aient été mises en mesure d'en débattre contradictoirement ; qu'en prononçant un non-lieu au bénéfice de M. [K] et de Mme [M], lorsqu'il ne résulte d'aucune disposition de l'arrêt que les parties aient été invitées à présenter leurs observations sur le règlement éventuel de la procédure, la chambre de l'instruction a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article préliminaire du code de procédure pénale, ainsi que l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 207, alinéa 2, et 593 du code de procédure pénale :
5. En application du premier de ces textes, la chambre de l'instruction peut, après infirmation de l'ordonnance du juge d'instruction, évoquer et procéder directement au règlement de la procédure ou renvoyer le dossier au juge d'instruction.
6. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, saisie de l'appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant constaté la prescription des faits, la chambre de l'instruction, après avoir infirmé cette ordonnance sans s'être prononcée sur la prescription, a décidé d'évoquer et dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [K] et Mme [M] des chefs de corruption passive et blanchiment qui leur étaient reprochés.
8. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui devait au préalable statuer sur la question de la prescription, seule question sur laquelle le juge d'instruction avait statué, n'a pas justifié sa décision.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 10 juin 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux.