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05/10/2022 | FRANCE | N°21-16432

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 octobre 2022, 21-16432


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 octobre 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 716 F-D

Pourvoi n° V 21-16.432

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022

L'association Temps de vie, dont le siège est [Adresse 2], a formé

le pourvoi n° V 21-16.432 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 octobre 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 716 F-D

Pourvoi n° V 21-16.432

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022

L'association Temps de vie, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-16.432 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à M. [N] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de l'association Temps de vie, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 mars 2021), le 2 octobre 2006, un contrat d'exercice libéral a été conclu entre M. [Y], médecin-psychiatre (le praticien), et l'association Temps de vie (l'association), gérant la clinique [3] (la clinique). En contrepartie de la mise à disposition des moyens nécessaires pour exercer l'activité médicale, l'article 2.2.2 du contrat prévoyait une redevance fixée à 12,5 % des honoraires bruts relatifs aux patients hospitalisés pour l'année en cours. L'article 3.1 imposait le respect d'un préavis en cas de résiliation, sauf en cas de faute grave ou d'incidents graves et répétés préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien, conformément à l'article 3.2 du contrat.

2. Le 19 mai 2016, le praticien a contesté le montant de la redevance, soulignant employer son propre personnel médical et exercer à l'extérieur de la clinique. Le 18 octobre 2016, l'association a résilié le contrat d'exercice libéral sans préavis autre qu'un délai d'un mois pour informer ses patients et attendre la sortie des patients hospitalisés pour une durée de vingt-cinq jours maximum, invoquant à l'encontre du praticien une série de griefs.

3. Le 28 septembre 2017, le praticien a assigné la clinique en remboursement de redevances indues et paiement d'indemnités de rupture au titre d'une résiliation abusive du contrat d'exercice libéral et de dommages-intérêts. La clinique a sollicité reconventionnellement le paiement d'une indemnité au titre de redevances demeurant dues par le praticien.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au praticien la somme de 85 871,40 euros en remboursement de redevances indues depuis le mois d'octobre 2012, alors :

« 1°/ qu'est licite, la redevance versée par un médecin au profit de la clinique au sein de laquelle il exerce, dès lors qu'elle correspond exclusivement, par sa nature et par son coût, à un service rendu au médecin ; que la charge de la preuve du paiement indu incombe au demandeur en restitution ; qu'en décidant néanmoins qu'il appartenait à la clinique de justifier de ses propres coûts, la redevance n'étant indue qu'autant qu'elle excède le coût des dépenses effectivement engagées par l'établissement de soins, pour en déduire que le premier juge avait à juste titre ordonné une mesure d'expertise, avant dire-droit sur le montant de la redevance, dès lors que l'association n'avait produit aucune pièce de nature à justifier de ses propres coûts, puis condamné cette dernière à rembourser un indu au praticien dès lors que l'expert judiciaire avait écarté le taux de redevance contractuellement fixé à 12,5 % pour retenir un taux de 3,40 %, bien qu'il ait appartenu au praticien de prouver le caractère indu d'une partie des redevances qu'il avait réglées à la clinique, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1376 du code civil, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ qu'est licite, la redevance versée par un médecin au profit de la clinique au sein de laquelle il exerce, dès lors qu'elle correspond exclusivement, par sa nature et par son coût, à un service rendu au médecin ; que l'utilisation d'une salle de sismothérapie fait l'objet d'une prise en charge, sous forme de forfait unitaire applicable à l'acte, par les régimes obligatoires de la sécurité sociale ; que ce forfait, dénommé FSY en hospitalisation avec hébergement, est afférent aux seuls frais de sécurité pour anesthésie ; qu'il est facturé dès lors qu'un acte d'anesthésie est réalisé à l'occasion d'une sismothérapie ; qu'en décidant néanmoins que la redevance contractuellement fixée à 12,5 % excédait le coût réel des services rendus au praticien, motif pris qu'il résultait des conclusions de l'expert judiciaire que le forfait FSY versé par l'assurance maladie couvrait l'ensemble des frais liés à l'utilisation d'une salle de sismothérapie et non les seuls frais de sécurité pour anesthésie, de sorte qu'ils ne pouvaient être inclus dans l'assiette de calcul de la redevance, la cour d'appel a violé les articles R. 132-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-500 du 6 avril 2017 et 6 de l'arrêté du 25 février 2016 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation, des médicaments et des produits et prestations pour les activités de soins de suite ou de réadaptation et les activités de psychiatrie exercées par les établissements mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et pris pour l'application de l'article L. 162-22-1 du même code, dans sa rédaction applicable du 1er mars 2016 au 1er mars 2019, ensemble l'article L. 4113-5 du code de la santé publique ;

3°/ que, subsidiairement, est licite, la redevance versée par un médecin au profit de la clinique au sein de laquelle il exerce, dès lors qu'elle correspond exclusivement, par sa nature et par son coût, à un service rendu au médecin ; qu'en décidant que la redevance contractuellement fixée à 12,5 % excédait le coût réel des services rendus au practicien, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait des constatations de l'expert judiciaire, d'une part, que le forfait ne couvrait cependant pas le coût réel de l'appareillage de sismothérapie, et, d'autre part, que parmi les moyens contractuellement mis à la disposition du praticien, figurait une salle de sismothérapie, ce dont il résultait que ces coûts d'appareillage pouvaient être inclus dans l'assiette de calcul de la redevance facturée au praticien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, il résulte de l'article L. 4143-5 du code de la santé publique que, s'il incombe, en principe, au demandeur en restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement, il appartient cependant, en cas de contestation, à l'établissement de santé qui perçoit une redevance consistant en une quote-part des honoraires perçus par un praticien d'établir que cette redevance est la contrepartie des services rendus à l'intéressé, de sorte que c'est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu qu'il incombait à la clinique de justifier du coût des services rendus.

6. En second lieu, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu'après avoir relevé que si, selon le rapport d'expertise, le praticien profitait des services d'accueil et de comptabilité de la clinique, bénéficiait forfaitairement d'une place de parking et d'une salle de repos, partageait une coordinatrice IDEC avec les autres psychiatres, ainsi qu'une salle de sismothérapie qui était mise à disposition par la clinique et dont le forfait FSY versé par l'assurance maladie prenait en charge l'ensemble des frais et non uniquement les frais de sécurité, la cour d'appel a estimé que la contribution fixée était nettement supérieure aux services rendus, réduit le taux à 3,40 % TTC des honoraires et ordonné le remboursement des redevances indûment versées.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation du praticien au paiement de la somme de 47 483,10 euros, au titre des redevances des années 2011 à 2015, alors « que la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen de cassation, du chef de l'arrêt attaqué qui, après avoir écarté le taux de redevance contractuellement fixé à 12,50 % et retenu un taux de 3,40 %, a condamné l'association à payer au praticien la somme de 85 871,40 euros en remboursement de redevances indues depuis le mois d'octobre 2012, entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt ayant débouté l'association de sa demande tendant à voir juger que le taux de redevance devait être fixé à 12,53 %, de sorte que le praticien restait lui devoir la somme de 47 483,10 euros au titre des redevances des années 2011 à 2015, et ce en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Le premier moyen étant rejeté, le moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au praticien la somme de 575 876 euros à titre d'indemnité de préavis, alors : « 1°/ que les feuilles d'ordonnances d'un médecin doivent être strictement conformes aux dispositions de l'article R. 4127- 79 du code de la santé publique ; que le médecin est autorisé à mentionner la qualification qui lui aura été reconnue conformément au règlement de qualification établi par l'ordre des médecins et approuvé par le ministre de la santé ; que si un médecin peut être titulaire de plusieurs qualifications, il ne peut être inscrit que sur la liste d'une seule spécialité ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à la mention irrégulière de la spécialité en gériatrie sur les feuilles d'ordonnances du praticien n'était pas caractérisé, que celui-ci justifiait de l'obtention d'un diplôme d'études complémentaires en gérontologie-gériatrie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'obtention d'un tel diplôme n'autorisait pas le praticien à mentionner la gériatrie comme spécialité, laquelle ne pouvait se cumuler avec celle de spécialiste en psychiatrie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4127-79 susvisé, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2020-1662 du 22 décembre 2020, 1 et 9 de l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins et 1 de l'arrêté du 22 septembre 2004 fixant la liste et la règlementation des diplômes d'études spécialisées complémentaires de médecine, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que, selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à l'usage irrégulier du titre de gériatre par le praticien n'était pas de nature à justifier la résiliation du contrat d'exercice libéral en l'absence de préavis, que l'association n'établissait pas que l'usage de cette mention aurait constitué un incident grave et répété préjudiciable aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, sans rechercher, comme elle y été invitée, si ladite mention était préjudiciable, d'une part, aux malades dès lors qu'elle était de nature à les induire en erreur et, d'autre part, à la bonne réputation de la clinique auprès des patients, dès lors que le praticien, qui exerçait en son sein, ne disposait pas de la qualification ordinale en gériatrie dont il se prévalait sur ses feuilles d'ordonnances, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 4127-79 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à au décret n° 2020-1662 du 22 décembre 2020, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que le juge judiciaire n'est pas lié par l'appréciation donnée par une autorité ordinale sur la gravité du comportement d'une partie à un contrat ; que selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en décidant néanmoins que le grief tenant à l'usage irrégulier du titre de gériatre par le praticien n'était pas de nature à justifier la résiliation du contrat d'exercice libéral en l'absence de préavis, motif pris que dans son avis du 14 septembre 2016, le conseil départemental de l'ordre des médecins avait considéré que ce grief ne justifiait pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral relatif à sa rupture en l'absence de préavis, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1351 du code civil, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ que selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à des prescriptions médicamenteuses critiquables, voire dangereuses, n'était pas établi à l'encontre du praticien, que le surdosage au benzodiazépine concernant deux patients âgés de 67 ans ne pouvait être exclusivement imputé aux traitements qu'il avait prescrits, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif qui n'était pas de nature à écarter l'existence d'incidents graves et répétés imputable au praticien du fait de prescriptions dangereuses pour les patients, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°/ que, selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à la mauvaise relation du praticien avec les infirmiers n'était pas établi, que les courriers de plusieurs cadres de santé dont se prévalait l'association étaient postérieurs à la lettre de mise en demeure que la clinique avait adressée au praticien, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif qui n'était pas de nature à écarter l'existence de mauvaises relations du praticien avec une partie du personnel infirmier caractérisant des incidents graves et répétés justifiant la résiliation du contrat d'exercice libéral en l'absence de préavis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

6°/ que, selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à la mauvaise relation du praticien avec les infirmiers n'était pas établi, que celui-ci produisait une attestation signée par dix-neuf salariés faisant état de leurs bonnes relations, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif qui n'était pas de nature à écarter l'existence de mauvaises relations du praticien avec une partie du personnel infirmier caractérisant des incidents graves et répétés justifiant la résiliation du contrat d'exercice libéral sans préavis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

7°/ que, subsidiairement, en fixant à la somme de 575 876 euros la somme revenant au praticien au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, soit au regard de l'estimation faite par l'expert judiciaire sur la base du chiffre d'affaires générée par son activité au sein de la clinique, sans indiquer en quoi l'indemnité revenant à ce dernier ne devait pas être calculée sur la base du résultat net, ainsi que le préconisait l'expert judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. Ayant examiné les éléments de fait et de preuve soumis à l'appui de différents griefs invoqués par la clinique à l'encontre du praticien, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que n'étaient établies ni l'existence de prescriptions médicamenteuses critiquables ou même dangereuses ni l'existence de mauvaises relations du praticien avec les infirmiers et que le grief tenant à l'usage du titre de gériatre, même dans le cas où il serait fondé, en dépit de l'obtention par le praticien d'un diplôme d'études complémentaires en gérontologie gériatrie et de la modification de la réglementation de la gériatrie, ne constituait pas un incident grave et répété préjudiciable aux malades ou à la bonne réputation de la clinique au sens de l'article 3-2 du contrat.

12. Elle n'a pu qu'en déduire que la résiliation était abusive et justifiait le paiement d'une indemnité compensatrice du préavis dont elle a souverainement apprécié les modalités de calcul sur la base de l'ensemble des revenus perdus.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Temps de vie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour l'association Temps de vie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'Association TEMPS DE VIE FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer au Docteur [N] [Y] la somme de 85.871,40 euros en remboursement de redevances indues depuis le mois d'octobre 2012 ;

1°) ALORS QUE, est licite, la redevance versée par un médecin au profit de la clinique au sein de laquelle il exerce, dès lors qu'elle correspond exclusivement, par sa nature et par son coût, à un service rendu au médecin ; que la charge de la preuve du paiement indu incombe au demandeur en restitution ; qu'en décidant néanmoins qu'il appartenait à la Clinique [3] de justifier de ses propres coûts, la redevance n'étant indue qu'autant qu'elle excède le coût des dépenses effectivement engagées par l'établissement de soins, pour en déduire que le premier juge avait à juste titre ordonné une mesure d'expertise, avant dire-droit sur le montant de la redevance, dès lors que l'Association TEMPS DE VIE n'avait produit aucune pièce de nature à justifier de ses propres coûts, puis condamné cette dernière à rembourser un indu au praticien dès lors que l'expert judiciaire avait écarté le taux de redevance contractuellement fixé à 12,5 % pour retenir un taux de 3,40 %, bien qu'il ait appartenu au Docteur [Y] de prouver le caractère indu d'une partie des redevances qu'il avait réglées à la clinique, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1376 du Code civil, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE, est licite, la redevance versée par un médecin au profit de la clinique au sein de laquelle il exerce, dès lors qu'elle correspond exclusivement, par sa nature et par son coût, à un service rendu au médecin ; que l'utilisation d'une salle de sismothérapie fait l'objet d'une prise en charge, sous forme de forfait unitaire applicable à l'acte, par les régimes obligatoires de la sécurité sociale ; que ce forfait, dénommé FSY en hospitalisation avec hébergement, est afférent aux seuls frais de sécurité pour anesthésie ; qu'il est facturé dès lors qu'un acte d'anesthésie est réalisé à l'occasion d'une sismothérapie ; qu'en décidant néanmoins que la redevance contractuellement fixée à 12,5 % excédait le coût réel des services rendus au Docteur [Y], motif pris qu'il résultait des conclusions de l'expert judiciaire que le forfait FSY versé par l'assurance maladie couvrait l'ensemble des frais liés à l'utilisation d'une salle de sismothérapie et non les seuls frais de sécurité pour anesthésie, de sorte qu'ils ne pouvaient être inclus dans l'assiette de calcul de la redevance, la Cour d'appel a violé les articles R 132-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-500 du 6 avril 2017 et 6 de l'arrêté du 25 février 2016 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation, des médicaments et des produits et prestations pour les activités de soins de suite ou de réadaptation et les activités de psychiatrie exercées par les établissements mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et pris pour l'application de l'article L. 162-22-1 du même code, dans sa rédaction applicable du 1er mars 2016 au 1er mars 2019, ensemble l'article L 4113-5 du Code de la santé publique ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, est licite, la redevance versée par un médecin au profit de la clinique au sein de laquelle il exerce, dès lors qu'elle correspond exclusivement, par sa nature et par son coût, à un service rendu au médecin ; qu'en décidant que la redevance contractuellement fixée à 12,5 % excédait le coût réel des services rendus au Docteur [Y], sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait des constatations de l'expert judiciaire, d'une part, que le forfait ne couvrait cependant pas le coût réel de l'appareillage de sismothérapie, et, d'autre part, que parmi les moyens contractuellement mis à la disposition du praticien, figurait une salle de sismothérapie, ce dont il résultait que ces coûts d'appareillage pouvaient être inclus dans l'assiette de calcul de la redevance facturée au Docteur [Y], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 4113-5 du Code de la santé publique.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'Association TEMPS DE VIE FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir condamner le Docteur [N] [Y] à lui payer la somme de 47.483,10 euros, avec intérêts au taux légal à compte de la date de sa décision, au titre des redevances des années 2011 à 2015 ;

ALORS QUE la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen de cassation, du chef de l'arrêt attaqué qui, après avoir écarté le taux de redevance contractuellement fixé à 12,50 % et retenu un taux de 3,40 %, a condamné l'Association TEMPS DE VIE à payer au Docteur [Y] la somme de 85.871,40 euros en remboursement de redevances indues depuis le mois d'octobre 2012, entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt ayant débouté l'Association TEMPS DE VIE de sa demande tendant à voir juger que le taux de redevance devait être fixé à 12,53 %, de sorte que le Docteur [Y] restait lui devoir la somme de 47.483,10 euros au titre des redevances des années 2011 à 2015, et ce en application de l'article 625 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'Association TEMPS DE VIE FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer au Docteur [N] [Y] la somme de 575.876 euros à titre d'indemnité de préavis ;

1°) ALORS QUE les feuilles d'ordonnances d'un médecin doivent être strictement conformes aux dispositions de l'article R 4127- 79 du Code de la santé publique ; que le médecin est autorisé à mentionner la qualification qui lui aura été reconnue conformément au règlement de qualification établi par l'Ordre des médecins et approuvé par le ministre de la santé ; que si un médecin peut être titulaire de plusieurs qualifications, il ne peut être inscrit que sur la liste d'une seule spécialité ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à la mention irrégulière de la spécialité en gériatrie sur les feuilles d'ordonnances du Docteur [Y] n'était pas caractérisé, que celui-ci justifiait de l'obtention d'un diplôme d'études complémentaires en gérontologie-gériatrie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'obtention d'un tel diplôme n'autorisait pas le Docteur [Y] à mentionner la gériatrie comme spécialité, laquelle ne pouvait se cumuler avec celle de spécialiste en psychiatrie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R 4127-79 susvisé, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2020-1662 du 22 décembre 2020, 1 et 9 de l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins et 1 de l'arrêté du 22 septembre 2004 fixant la liste et la règlementation des diplômes d'études spécialisées complémentaires de médecine, ensemble l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE, selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à l'usage irrégulier du titre de gériatre par le Docteur [Y] n'était pas de nature à justifier la résiliation du contrat d'exercice libéral en l'absence de préavis, que l'Association TEMPS DE VIE n'établissait pas que l'usage de cette mention aurait constitué un incident grave et répété préjudiciable aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, sans rechercher, comme elle y été invitée, si ladite mention était préjudiciable, d'une part, aux malades dès lors qu'elle était de nature à les induire en erreur et, d'autre part, à la bonne réputation de la clinique auprès des patients, dès lors que le Docteur [Y], qui exerçait en son sein, ne disposait pas de la qualification ordinale en gériatrie dont il se prévalait sur ses feuilles d'ordonnances, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 4127-79 du Code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à au décret n° 2020-1662 du 22 décembre 2020, ensemble l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE le juge judiciaire n'est pas lié par l'appréciation donnée par une autorité ordinale sur la gravité du comportement d'une partie à un contrat ; que selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en décidant néanmoins que le grief tenant à l'usage irrégulier du titre de gériatre par le Docteur [Y] n'était pas de nature à justifier la résiliation du contrat d'exercice libéral en l'absence de préavis, motif pris que dans son avis du 14 septembre 2016, le Conseil départemental de l'Ordre des médecins avait considéré que ce grief ne justifiait pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral relatif à sa rupture en l'absence de préavis, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1351 du Code civil, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°) ALORS QUE, selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à des prescriptions médicamenteuses critiquables, voire dangereuses, n'était pas établi à l'encontre du Docteur [Y], que le surdosage au benzodiazépine concernant deux patients âgés de 67 ans ne pouvait être exclusivement imputé aux traitements qu'il avait prescrits, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif qui n'était pas de nature à écarter l'existence d'incidents graves et répétés imputable au praticien du fait de prescriptions dangereuses pour les patients, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°) ALORS QUE, selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à la mauvaise relation du Docteur [Y] avec les infirmiers n'était pas établi, que les courriers de plusieurs cadres de santé dont se prévalait l'Association TEMPS DE VIE étaient postérieurs à la lettre de mise en demeure que la clinique avait adressée au praticien, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif qui n'était pas de nature à écarter l'existence de mauvaises relations du Docteur [Y] avec une partie du personnel infirmier caractérisant des incidents graves et répétés justifiant la résiliation du contrat d'exercice libéral en l'absence de préavis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

6°) ALORS QUE, selon l'article 3.2 du contrat d'exercice libéral du 2 octobre 2006, la clinique peut le résilier sans préavis ni indemnité en cas d'incidents graves et répétés qui sont préjudiciables aux malades ou à la bonne réputation de la clinique, ne cessant pas après notification au praticien ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le grief tenant à la mauvaise relation du Docteur [Y] avec les infirmiers n'était pas établi, que celui-ci produisait une attestation signée par dix-neuf salariés faisant état de leurs bonnes relations, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif qui n'était pas de nature à écarter l'existence de mauvaises relations du Docteur [Y] avec une partie du personnel infirmier caractérisant des incidents graves et répétés justifiant la résiliation du contrat d'exercice libéral sans préavis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

7°) ALORS QUE, subsidiairement, en fixant à la somme de 575.876 euros la somme revenant au Docteur [Y] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, soit au regard de l'estimation faite par l'expert judiciaire sur la base du chiffre d'affaires générée par son activité au sein de la Clinique [3], sans indiquer en quoi l'indemnité revenant à ce dernier ne devait pas être calculée sur la base du résultat net, ainsi que le préconisait l'expert judiciaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-16432
Date de la décision : 05/10/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 11 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 oct. 2022, pourvoi n°21-16432


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16432
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