La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2022 | FRANCE | N°21-14814

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 21-14814


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1023 F-D

Pourvoi n° M 21-14.814

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

L'association Institution [N] [Z], dont l

e siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-14.814 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre social...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1023 F-D

Pourvoi n° M 21-14.814

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

L'association Institution [N] [Z], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-14.814 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [F] [E] épouse [P], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de l'association Institution [N] [Z], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 février 2021), Mme [E] a été engagée le 18 septembre 2006 par l'association Institution [N] [Z] (l'association), en qualité d'aide médico-psychologique. Elle a été désignée déléguée syndicale le 5 janvier 2016.

2. Convoquée le 15 septembre 2017 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé au 26 septembre suivant, la salariée a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de trois jours, effective du 9 au 11 octobre 2017, son employeur lui reprochant d'avoir adressé au directeur général de l'Agence régionale de santé Grand Est un courrier mettant gravement en cause l'organisation de l'établissement et les décisions de sa directrice.

3. Par requête du 22 février 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de la mise à pied disciplinaire ainsi que des dommages-intérêts pour atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives du personnel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de dire que la sanction disciplinaire de la salariée était injustifiée, d'ordonner l'annulation de la mise à pied disciplinaire de la salariée et de la condamner à payer à celle-ci certaines sommes à titre de salaire retenu sur le bulletin de paie d'octobre 2017, congés payés afférents et dommages-intérêts pour atteinte portée à l'exercice de ses fonctions représentatives du personnel, alors :

« 1° / que le représentant du personnel a pour fonction de représenter le personnel ou une organisation syndicale auprès de l'employeur, et non auprès de tiers, de sorte qu'il ne saurait prétendre être par principe dans son rôle lorsqu'il dénonce à des tiers de prétendus dysfonctionnements affectant l'entreprise, a fortiori s'agissant d'une dénonciation adressée à l'autorité de tutelle de l'association employeur ; qu'en considérant que, par principe, aucun manquement de la salariée à son devoir de loyauté ne pouvait être retenu, dans la mesure où c'était en qualité d'autorité de contrôle", qu'elle tenait de son mandat de représentant du personnel, que la salariée avait dénoncé les faits litigieux à l'autorité de tutelle de l'association Institution [N] [Z], la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1331-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

2°/ que la mauvaise foi du salarié résulte de la connaissance par celui-ci de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en retenant en l'espèce que l'association Institution [N] [Z] ne démontre pas la mauvaise foi de la salariée, les tensions et désaccords pouvant exister entre un employeur et un représentant syndical ne pouvant en eux-mêmes établir la mauvaise foi alléguée", cependant qu'elle devait analyser la bonne ou la mauvaise foi de la salariée dans le cadre pertinent, à savoir celui de l'envoi par la salariée, à l'autorité de tutelle de l'employeur, d'un courrier de dénonciation, et non dans le cadre général des relations entre la salariée, représentante du personnel, et son employeur, la cour d'appel qui s'est déterminée par une motivation inopérante a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1331-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

3°/ que dans ses écritures d'appel, l'association faisait valoir que la mauvaise foi de la salariée se trouvait caractérisée par le fait que celle-ci avait envoyé son courrier de dénonciation à l'autorité de tutelle de l'association en catimini", sans en informer son employeur ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent se dispenser d'analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats par les parties ; qu'en affirmant que le courrier du 10 février 2017 ne comporte aucun élément injurieux, abusif ou excessif", sans analyser, même sommairement, ce courrier dans lequel la salariée n'hésitait pas à énoncer que le personnel de l'institution se trouvait dans une situation de maltraitance institutionnelle", ce qui constituait une allégation pour le moins abusive et excessive, l'arrêt constatant par ailleurs que les allégations de la salariée était infondées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Par ailleurs, le représentant du personnel, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l'exercice de son mandat pendant son temps de travail.

6. La cour d'appel qui a, par motifs propres et adoptés, relevé que la salariée avait, en sa qualité de représentante du personnel, adressé le 10 février 2017 à l'Agence régionale de santé une lettre, à la demande de salariés de l'association et en l'absence de réponse de celle-ci à leurs interrogations quant aux projets envisagés par la directrice de l'établissement et leur impact sur leurs conditions de travail et la qualité de l'accueil des résidents, que cette lettre ne comportait aucun élément injurieux, abusif ou excessif et que l'association ne démontrait pas la mauvaise foi de la salariée, a, par ces seuls motifs et sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Institution [N] [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Institution [N] [Z] et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour l'association Institution [N] [Z]

L'association Institut [N] [Z] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la sanction disciplinaire de Mme [M] était injustifiée, d'avoir ordonné l'annulation de la mise à pied disciplinaire de la salariée et de l'avoir condamnée à payer à celle-ci les sommes de 269,64 euros bruts de salaire retenu sur le bulletin de paie d'octobre 2017, 26,96 euros bruts de congés payés y afférents et 3 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte portée à l'exercice de ses fonctions représentatives du personnel ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le représentant du personnel a pour fonction de représenter le personnel ou une organisation syndicale auprès de l'employeur, et non auprès de tiers, de sorte qu'il ne saurait prétendre être par principe dans son rôle lorsqu'il dénonce à des tiers de prétendus dysfonctionnements affectant l'entreprise, a fortiori s'agissant d'une dénonciation adressée à l'autorité de tutelle de l'association employeur ; qu'en considérant que, par principe, aucun manquement de Mme [M] à son devoir de loyauté ne pouvait être retenu, dans la mesure où c'était « en qualité d'autorité de contrôle », qu'elle tenait de son mandat de représentant du personnel, que la salariée avait dénoncé les faits litigieux à l'autorité de tutelle de l'association Institution [N] [Z] (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 1er), la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1331-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE la mauvaise foi du salarié résulte de la connaissance par celui-ci de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en retenant en l'espèce que « l'Association Institution [N] [Z] ne démontre pas la mauvaise foi de la salariée, les tensions et désaccords pouvant exister entre un employeur et un représentant syndical ne pouvant en eux-mêmes établir la mauvaise foi alléguée » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 2), cependant qu'elle devait analyser la bonne ou la mauvaise foi de Mme [M] dans le cadre pertinent, à savoir celui de l'envoi par la salariée, à l'autorité de tutelle de l'employeur, d'un courrier de dénonciation, et non dans le cadre général des relations entre la salariée, représentante du personnel, et son employeur, la cour d'appel qui s'est déterminée par une motivation inopérante a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1331-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QUE dans ses écritures d'appel (conclusions, p. 24, alinéas 5 à 7), l'association Institution [N] [Z] faisait valoir que la mauvaise foi de Mme [M] se trouvait caractérisée par le fait que celle-ci avait envoyé son courrier de dénonciation à l'autorité de tutelle de l'association « en catimini », sans en informer son employeur ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE les juges du fond ne peuvent se dispenser d'analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats par les parties ; qu'en affirmant que « le courrier du 10 février 2017 ne comporte aucun élément injurieux, abusif ou excessif » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 2), sans analyser, même sommairement, ce courrier dans lequel Mme [M] n'hésitait pas à énoncer que le personnel de l'institution se trouvait dans une « situation de maltraitance institutionnelle » (p. 2 al. 4), ce qui constituait une allégation pour le moins abusive et excessive, l'arrêt constatant par ailleurs que les allégations de la salariée était infondées (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 2), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-14814
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 11 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°21-14814


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SARL Cabinet Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.14814
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award