LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1005 F-D
Pourvois n°
D 20-21.174
E 20-21.175
H 20-21.177
K 20-21.180 JONCTION
EN COURS
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
1°/ La société Groupe [Z], société anonyme, dont le siège est [Adresse 16], [Localité 8],
2°/ la société MA, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 11], [Localité 10]
ont formé les pourvois n° D 20-21.174, E 20-21.175, H 20-21.177 et K 20-21.180 contre quatre arrêts rendus le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A) dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à Mme [J] [I], épouse [B], domiciliée [Adresse 12], [Localité 7],
2°/ à Mme [A] [L], domiciliée [Adresse 9], [Localité 6],
3°/ à Mme [X] [S], épouse [E], domiciliée [Adresse 3], [Localité 4],
4°/ à Mme [H] [N], domiciliée [Adresse 2], [Localité 5],
5°/ à pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 13],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leurs pourvois, les trois moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des sociétés Groupe [Z] et MA, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [I] et des trois autres salariées, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 20-21.174, E 20-21.175, H 20-21.177 et K 20-21.180 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 17 juin 2020), Mme [I] et trois autres salariées (les salariées) de la société MA ont vu leur contrat de travail rompu pour motif économique courant 2013 et 2014, après la mise en place en juin 2013 d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sein de l'unité économique et sociale [Z], composée de dix-sept sociétés dont la société mère est la société Groupe [Z].
3. Contestant le bien fondé de la rupture, elles ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et en réparation de leur préjudice d'anxiété à l'encontre de la société MA et de la société Groupe [Z] (les sociétés), invoquant la qualité de coemployeur de cette dernière.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Les sociétés font grief aux arrêts de les déclarer coemployeurs, de prononcer la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, de les condamner in solidum à payer aux salariés des dommages-intérêts au titre de la nullité du plan et en réparation du préjudice d'anxiété et d'ordonner le remboursement in solidum des indemnités de chômage, alors « que hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ; qu'en affirmant qu'il existait une immixtion sociale globale et permanente de la société Groupe [Z] dans les affaires de la société MA justifiant qu'il lui soit attribué la qualité de coemployeur dès lors que la société Groupe [Z] était l'unique associé de la société MA, que les différents services de direction et administratifs de cette dernière étaient délégués aux sociétés Groupe [Z] et [Z] Logistique qui lui dispensaient des prestations de service, que la direction des ressources humaines de la filiale était assurée par la société Groupe [Z] qui avait élaboré le plan de restructuration et le plan de sauvegarde de l'emploi, que les propositions de reclassement avaient été adressées par la direction des ressources humaines du groupe [Z], qu'aucun cadre de la société MA n'était en charge de la gestion économique et sociale de l'entreprise, sans toutefois caractériser que cette immixtion conduisait à la perte totale d'autonomie d'action de la société MA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :
6. Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
7. Pour déclarer la société Groupe [Z] coemployeur avec la société MA, prononcer la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, les condamner in solidum au paiement de dommages-intérêts au titre de la nullité du plan et en réparation du préjudice d'anxiété, ordonner le remboursement in solidum par elles aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées, les arrêts retiennent que la société Groupe [Z] détient directement ou indirectement 100 % des titres de chacune de ses filiales, dont la société MA, laquelle a pour unique associée la société Groupe [Z] et qu'il existe une concentration des pouvoirs de direction entre les différentes sociétés du groupe [Z], chacune étant dirigée soit par M. [C] [Z] soit par M. [M] [Z], la société MA étant dirigée par la société Groupe [Z], laquelle a pour président du conseil de surveillance M. [M] [Z] et pour président du directoire M. [C] [Z].
8. Ils ajoutent que les services de direction et administratifs dits de « support » sont centralisés pour les sociétés du groupe : direction commune, DRH centralisée (recrutement, formalisation des contrats, formation professionnelle des salariés), direction financière commune, système administratif et informatique commun, service de communication centralisé, services juridique et comptable centralisés (gestion des salaires, règlements intérieurs des sociétés, participation aux réunions des instances représentatives). Ils relèvent que la note d'information du projet de réorganisation du Groupe [Z] remis aux membres du comité central d'entreprise le 15 mars 2013 précise à cet égard que le groupe comporte un pôle d'activité « support », composé des sociétés Groupe [Z] et [Z] Logistique qui dispensent aux autres sociétés du Groupe des prestations de services de type administratif pour la première et logistique pour la seconde.
9. Ils retiennent également que le projet de restructuration dénommé « projet R2015 » a été élaboré par la direction générale du Groupe [Z], tandis que le plan de sauvegarde de l'emploi l'a été au niveau de l'UES [Z].
10. Ils soulignent enfin que toute la procédure de reclassement, de proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, de licenciement de même que la délivrance des certificats de travail ont tous été adressés aux salariés par la directrice des ressources humaines du Groupe [Z], dont il n'est ni démontré ni même soutenu qu'elle est salariée de la société MA.
11. Ils concluent que si l'intervention du groupe dans l'accompagnement du PSE ne caractérise pas nécessairement une situation de co-emploi, en revanche, l'immixtion sociale globale et permanente de la société Groupe [Z] dans les affaires de sa filiale est démontrée par la direction et la gestion du personnel qui sont assurés par la société mère, laquelle a de ce fait la qualité d'employeur, sa filiale, la société MA, ne se comportant plus comme le véritable employeur à l'égard de ses salariés.
12. En se déterminant ainsi, quand la centralisation de services supports et la gestion des ressources humaines au moment de la procédure collective ne pouvaient caractériser une situation de coemploi, sans rechercher si la filiale ne disposait pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et sociale et si la société mère avait capté ses prérogatives attachées à sa condition d'employeur et ainsi caractériser une immixtion permanente de la société Groupe [Z] dans la gestion économique et sociale de la société employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum à payer aux salariées des dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, alors « qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en se prononçant par des motifs généraux insuffisants à établir que les salariées avaient été exposés personnellement à leur poste de travail à des poussières d'amiante au sein des sites Les Pins ou Moulin de Canteret et que cette exposition personnelle était à l'origine d'un risque élevé de développer une pathologie grave liée à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. Les salariées contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que les employeurs n'avaient jamais contesté leur exposition à l'amiante décelée sur le site de [Localité 14] où elles étaient affectées.
15. Cependant, il résulte de la lecture des conclusions des sociétés qu'elles ne contestaient pas que les salariées aient été exposées à l'amiante mais précisaient qu'elles ne l'avaient jamais été à des taux pouvant mettre en danger leur sécurité et leur santé au travail.
16. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 4121-1 dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, L. 4121-2 dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
17. En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
18. Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété subi résultant de ce risque.
19. Pour condamner in solidum les sociétés à payer aux salariées une indemnité en réparation de leur préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent, concernant le site « Les Pins », qu'en 2008, un rapport de l'APAVE faisait état de la présence de plaques en amiante dégradées dans les faux plafonds d'un entrepôt du site, qu'en 2011, l'APAVE signalait que les résultats d'empoussièrement ne montraient pas de présence d'amiante, qu'en 2012, un nouveau rapport de l'APAVE soulignait que « les niveaux d'empoussièrement en fibres d'amiante mesurées étaient inférieurs au seuil de référence de 5 fibres/litres d'air et que les travaux préconisés par l'inspecteur du travail et l'APAVE n'avaient pas été réalisés. »
20. Ils ajoutent concernant le site « [Localité 15] de Canteret » qu'en 2008, un rapport de l'APAVE faisait état de la « présence d'amiante dans les dalles de sol et dans la colle, dans le local DP étage, le local de stockage matière première, au rez-de-chaussée, dans la salle de restaurant (dalle de sol et poteaux coffrage perdu), dans le mur extérieur bâtiment C2, le rez-de-chaussée bâtiment C2 (notamment sur des dalles de sol) », que dans ce rapport, un état dégradé de ces plaques n'était noté que pour « des dalles de sol noires prélèvement n° 10 dans les locaux produits finis et quai expédition » et « des dalles de sol gris clair prélèvement n° 4 dans le bureau stockage matière première au 1er étage », qu'en 2012, l'inspection du travail notait « la présence d'amiante dans les dalles (et/ou colle) de sol », des « sols détériorés et la circulation quotidienne des salariés et matériels mécaniques, l'amiante friable qui permettait l'émission de fibres dans l'atmosphère », qu'à l'occasion de trois rapports de 2013, il avait été mesuré un niveau inférieur à la valeur limite d'exposition professionnelle.
21. Ils soulignent également concernant les deux sites, qu'alors que le CHSCT et les organisations syndicales avaient alerté l'employeur et que l'inspection du travail avait préconisé la réalisation de travaux, l'employeur n'avait pas exécuté dans les délais impartis les travaux nécessaires pour prévenir le risque d'exposition et que malgré les rapports et contrôles, ainsi que les alertes, aucune mesure n'avait été prise hormis la fermeture tardive des sites concernés, qu'il importe peu à cet égard que les taux d'amiante relevés n'aient pas excédé la valeur limite d'exposition professionnelle, dès lors d'une part, que les conditions dans lesquelles les mesures ont été effectuées, en dehors de la présence des salariés, ne permettent pas d'en assurer la totale fiabilité, et que, d'autre part, l'exposition des salariés à l'amiante est avérée, seul l'empoussièrement à un taux élevé n'étant pas établi.
22. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, pour chacun des salariés, une exposition personnelle à des poussières d'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquence de la cassation
23. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs des arrêts fondant la décision de prononcer la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, de condamner la société MA, en sa qualité d'employeur, au paiement de sommes à ce titre, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition des arrêts qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions des arrêts critiquées par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déclarent la société Groupe [Z] et la société MA coemployeurs des salariées, condamnent la société Groupe [Z] à payer in solidum avec la société MA à Mmes [I], [L], [S], [N] une somme à titre de dommages-intérêts pour nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et une somme en réparation du préjudice d'anxiété, ordonnent à la société Groupe [Z] le remboursement in solidum avec la société MA aux organismes concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant aux salariées, condamnent la société MA à payer aux salariées une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, les arrêts rendus le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne les salariées aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour les sociétés Groupe [Z] et MA, demanderesses aux pourvois n° D 20-21.174, E 20-21.175, H 20-21.177 et K 20-21.180
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Les sociétés Groupe [Z] et MA font grief aux arrêts attaqués de les AVOIR déclarées coemployeurs, d'AVOIR prononcé la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, et de les AVOIR par conséquent condamnées in solidum à payer aux salariées des dommages et intérêts au titre de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et en réparation du préjudice d'anxiété ainsi que de leur AVOIR ordonné le remboursement in solidum des indemnités de chômage.
ALORS QUE hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ; qu'en affirmant qu'il existait une immixtion sociale globale et permanente de la société Groupe [Z] dans les affaires la société MA justifiant qu'il lui soit attribué la qualité de coemployeur dès lors que la société Groupe [Z] était l'unique associé de la société MA, que les différents services de direction et administratifs de cette dernière étaient délégués aux sociétés Groupe [Z] et [Z] Logistique qui lui dispensaient des prestations de service, que la direction des ressources humaines de la filiale était assurée par la société Groupe [Z] qui avait élaboré le plan de restructuration et le plan de sauvegarde de l'emploi, que les propositions de reclassement avaient été adressées par la direction des ressources humaines du groupe [Z], qu'aucun cadre de la société MA n'était en charge de la gestion économique et sociale de l'entreprise, sans toutefois caractériser que cette immixtion conduisait à la perte totale d'autonomie d'action de la société MA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Les sociétés Groupe [Z] et MA font grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR prononcé la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, de les AVOIR condamnées in solidum à payer aux salariées des dommages et intérêts à ce titre et de leur AVOIR ordonné in solidum le remboursement des indemnités de chômage.
1° ALORS QUE la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe à la date de son élaboration ; qu'en reprochant aux sociétés exposantes de ne pas avoir fait figurer dans la liste des postes disponibles du plan de sauvegarde de l'emploi arrêté le 18 juin 2013 des postes situés à Cholet et proposés fin août 2013 dans le cadre des offres de reclassement individualisées, quand la suffisance des mesures de reclassement du plan de sauvegarde de l'emploi aurait dû être s'appréciée à la date du 18 juin 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail.
2° ALORS QUE, à tout le moins, la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe à la date de son élaboration ; qu'en s'abstenant de vérifier si les postes situés à Cholet, qui ne figuraient pas dans la liste des postes disponibles du plan de sauvegarde de l'emploi arrêté le 18 juin 2013, étaient d'ores et déjà disponibles à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail.
3° ALORS QUE la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe à la date de son élaboration ; qu'il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir proposé des postes disponibles au sein d'une autre entreprise du groupe dont cette dernière ne lui avait pas signalé l'existence au moment de l'élaboration du plan de reclassement ; qu'en reprochant aux sociétés exposantes de ne pas avoir proposé aux salariés dont le licenciement était envisagé quatre postes de magasinier au sein de la société [Z] Logistique situés à Saint-[S]-au-Laert et à Maleville, dont deux avaient été in fine proposés dans le cadre de l'obligation individuelle de reclassement fin août 2013 à des salariés de cette dernière entreprise, sans vérifier si ces postes étaient d'ores et déjà disponibles au moment de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi le 18 juin 2013 et si les sociétés exposantes en avaient été informées par la société [Z] Logistique au plus tard à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail.
4° ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que plusieurs postes situés à Cholet avaient été omis de la liste des postes disponibles du plan de sauvegarde de l'emploi, sans indiquer de quelle pièce elle tirait ces constatations, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
5° ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en s'appuyant sur des éléments de fait et de preuve versés aux débats dans d'autres instances impliquant la société [Z] Logistique non présente en la cause, pour déclarer qu'il résultait des pièces produites aux débats par l'employeur que quatre postes de magasinier disponibles au sein de la société [Z] Logistique avaient été omis de la liste des postes disponibles du plan de reclassement présenté par la société MA et proposés à deux salariés de la société [Z] Logistique, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile.
6° ALORS QUE la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe à la date de son élaboration ; qu'en déclarant que la liste des postes disponibles du plan de sauvegarde de l'emploi ne comportait aucun poste de la catégorie « opérateur » la plus impactée par les licenciements au sein de la société MA, sans avoir établi que de tels postes étaient disponibles dans cette entreprise à la date d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1233-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail.
7° ALORS QUE la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe à la date de son élaboration ; que n'ont pas à figurer dans le plan de sauvegarde de l'emploi des postes disponibles qui ne correspondent pas à la qualification des salariés dont le licenciement est envisagé dès lors qu'ils ne peuvent être occupés sans l'acquisition d'une formation initiale qui leur fait défaut ; qu'en reprochant aux sociétés exposantes de n'avoir fait figurer dans la liste des postes disponibles du plan de sauvegarde de l'emploi qu'un seul poste au sein de la société [Z] SAS, sans rechercher s'il existait au sein de cette entreprise au moment de l'élaboration de ce plan d'autres postes disponibles en rapport avec les compétences des salariés menacés de licenciement et requérant tout au plus une formation d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail.
8° ALORS QUE n'ont pas à figurer dans le plan de sauvegarde de l'emploi des postes disponibles qui ne correspondent pas à la qualification des salariés dont le licenciement est envisagé dès lors qu'ils ne peuvent être occupés sans l'acquisition d'une formation initiale qui leur fait défaut ; qu'en reprochant aux sociétés exposantes d'avoir inscrit dans la liste des postes disponibles figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi des emplois de catégorie supérieure, sans rapport avec les compétences et les capacités des salariés menacés de licenciement, quand ces postes n'avaient pas à figurer dans le plan de reclassement et ne pouvaient donc fonder la nullité du plan pour insuffisance des mesures de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail.
9° ALORS QUE ne figurent pas parmi les informations relatives au projet de licenciement collectif devant être transmises au comité d'entreprise celles concernant un projet de reprise ; qu'un défaut d'information sur un tel projet n'affecte donc pas la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et des licenciements économiques subséquents ; qu'en reprochant aux sociétés exposantes de ne pas avoir informé le comité central d'entreprise de la conduite d'un projet de reprise de l'activité du site par les salariés de la société MA pour en déduire la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-31, L. 1233-32, et L. 2323-15 du code du travail.
10° ALORS QUE seule l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique ; qu'en retenant qu'un défaut d'information du comité central d'entreprise de la conduite d'un projet de reprise de l'activité du site par les salariés de la société MA constituait une cause de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-12 du code du travail, dans sa version applicable au litige.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Les sociétés Groupe [Z] et MA font grief aux arrêts attaqués de les AVOIR condamnées in solidum à verser aux salariées une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété.
1° ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en se prononçant par des motifs généraux insuffisants à établir que les salariées avaient été exposés personnellement à leur poste de travail à des poussières d'amiante au sein des sites Les Pins ou Moulin de Canteret et que cette exposition personnelle était à l'origine d'un risque élevé de développer une pathologie grave liée à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
2° ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en s'abstenant de constater que les salariées justifiaient subir personnellement une anxiété résultant de la connaissance du risque de développer une maladie induite par leur exposition à l'amiante au sein de la société MA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.