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28/09/2022 | FRANCE | N°20-21170

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 20-21170


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1002 F-D

Pourvoi n° Z 20-21.170

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

1°/ La société Groupe Royer, so

ciété anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ la société Laherrère, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1002 F-D

Pourvoi n° Z 20-21.170

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

1°/ La société Groupe Royer, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ la société Laherrère, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Z 20-21.170 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige les opposant à Mme [P] [R], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Laherrère, demanderesse, invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Laherrère, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement

1. Il est donné acte à la société Groupe Royer du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 juin 2020), Mme [R] (la salariée) employée par la société Groupe Royer puis par la société Laherrère (la société) entre le 14 juin 1976 et le 28 février 2013, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété lié à son exposition à l'amiante.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, alors « qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en se prononçant par des motifs généraux insuffisants à établir que la salariée avait été exposée personnellement à son poste de travail à des poussières d'amiante au sein des sites Les Pins ou Moulin de Canteret et que cette exposition personnelle était à l'origine d'un risque élevé de développer une pathologie grave liée à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que l'employeur n'avait jamais contesté son exposition à l'amiante décelée sur le site de [Localité 3] où elle était affectée.

5. Cependant, il résulte de la lecture des conclusions de la société qu'elle ne contestait pas que la salariée ait jamais été exposée à l'amiante mais précisait qu'elle ne l'avait jamais été à des taux pouvant mettre en danger sa sécurité et sa santé au travail.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 4121-1 dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, L. 4121-2 dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

8. Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété subi résultant de ce risque.

9. Pour condamner la société à payer à la salariée une indemnité en réparation de son préjudice d'anxiété, l'arrêt retient, concernant le site « Les Pins », qu'en 2008, un rapport de l'APAVE faisait état de la présence de plaques en amiante dégradées dans les faux plafonds d'un entrepôt du site, qu'en 2011, l'APAVE signalait que les résultats d'empoussièrement ne montraient pas de présence d'amiante, qu'en 2012, un nouveau rapport de l'APAVE soulignait que « les niveaux d'empoussièrement en fibres d'amiante mesurées étaient inférieurs au seuil de référence de 5 fibres/litres d'air et que les travaux préconisés par l'inspecteur du travail et l'APAVE n'avaient pas été réalisés. »

10. Il ajoute concernant le site « [Localité 4] » qu'en 2008, un rapport de l'APAVE faisait état de la « présence d'amiante dans les dalles de sol et dans la colle, dans le local DP étage, le local de stockage matière première, au rez-de-chaussée, dans la salle de restaurant (dalle de sol et poteaux coffrage perdu), dans le mur extérieur bâtiment C2, le rez-de-chaussée bâtiment C2 (notamment sur des dalles de sol) », que dans ce rapport, un état dégradé de ces plaques n'était noté que pour « des dalles de sol noires prélèvement n° 10 dans les locaux produits finis et quai expédition » et « des dalles de sol gris clair prélèvement n° 4 dans le bureau stockage matière première au 1er étage », qu'en 2012, l'inspection du travail notait « la présence d'amiante dans les dalles (et/ou colle) de sol », des « sols détériorés et la circulation quotidienne des salariés et matériels mécaniques, l'amiante friable qui permettait l'émission de fibres dans l'atmosphère », qu'à l'occasion de trois rapports de 2013, il avait été mesuré un niveau inférieur à la valeur limite d'exposition professionnelle.

11. Il souligne également concernant les deux sites, qu'alors que le CHSCT et les organisations syndicales avaient alerté l'employeur et que l'inspection du travail avait préconisé la réalisation de travaux, l'employeur n'avait pas exécuté dans les délais impartis les travaux nécessaires pour prévenir le risque d'exposition et que malgré les rapports et contrôles, ainsi que les alertes, aucune mesure n'avait été prise hormis la fermeture tardive des sites concernés, qu'il importe peu à cet égard que les taux d'amiante relevés n'aient pas excédé la valeur limite d'exposition professionnelle, dès lors d'une part, que les conditions dans lesquelles les mesures ont été effectuées, en dehors de la présence des salariés, ne permettent pas d'en assurer la totale fiabilité, et que, d'autre part, l'exposition des salariés à l'amiante est avérée, seul l'empoussièrement à un taux élevé n'étant pas établi.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser une exposition personnelle de la salariée à des poussières d'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Laherrère

La société Laherrère fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à la salariée une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété.

ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en se prononçant par des motifs généraux insuffisants à établir que la salariée avait été exposée personnellement à son poste de travail à des poussières d'amiante au sein des sites Les Pins ou Moulin de Canteret et que cette exposition personnelle était à l'origine d'un risque élevé de développer une pathologie grave liée à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21170
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 17 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°20-21170


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21170
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