La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2022 | FRANCE | N°20-20899

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 septembre 2022, 20-20899


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 546 F-D

Pourvoi n° E 20-20.899

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2

022

1°/ La société [E] Holdings Limited, dont le siège est [Adresse 1] (Chypre),

2°/ la société Chpolatechagro, dont le siège est [Adress...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 546 F-D

Pourvoi n° E 20-20.899

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

1°/ La société [E] Holdings Limited, dont le siège est [Adresse 1] (Chypre),

2°/ la société Chpolatechagro, dont le siège est [Adresse 2]),

ont formé le pourvoi n° E 20-20.899 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 5), dans le litige les opposant à la société Caussade semences, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat des sociétés [E] Holdings Limited et Chpolatechagro, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Caussade semences, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juillet 2020), par un contrat de distribution exclusive du 6 février 2013, la société Caussade semences (la société Caussade), qui a pour activité la recherche, le développement et la mise sur le marché de diverses semences agricoles destinées aux industriels et aux distributeurs, sous les marques « Caussade » et « Codisem », a confié pour une durée de 10 ans à la société [E] Holdings Limited (la société [E]), société holding ayant pour activité la production et la commercialisation de semences, la distribution exclusive des semences de marque « Codisem » sur les territoires de l'Ukraine, la Russie, le Kazakhstan, la Géorgie et la Biélorussie.

2. Par deux contrats de production conclus le 11 avril 2013, dits « Codisem » et « Caussade », la société Caussade a concédé à la société [E] la production exclusive des semences de marque « Codisem », d'une part, et de marque « Caussade », d'autre part, respectivement pour des durées de 10 ans et 3 ans, sur ces mêmes territoires.

3. La production effective des semences était réalisée par des sociétés de droit ukrainien, notamment la société Chpolatechagro.

4. Des différends sont nés entre les sociétés [E] et Caussade dès la conclusion des contrats, qui ont abouti à la résiliation de ces derniers par la société Caussade.

5. Contestant cette résiliation, la société [E] a assigné la société Caussade en paiement de dommages-intérêts pour résiliation abusive. La société Caussade a demandé, à titre reconventionnel, le paiement des royalties lui restant dues au titre du contrat « Codisem ». La société Chpolatechagro est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société [E] fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société Caussade la somme de 1 270 000 euros au titre des royalties, alors « que l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, en défense aux demandes reconventionnelles de la société Caussade, la société [E] faisait valoir que "Caussade Semences allègue être créancière d'une somme de 1 270 000 euros au titre des royalties qu'elle estime lui être dues pour l'année 2013 au titre du contrat de production Codisem. [E] conteste cette demande qui n'est absolument pas justifiée. En l'absence de tout élément de preuve au soutien de ses allégations, Caussade Semences ne peut invoquer ses propres manquements pour obtenir des indemnités en raison de la rupture des relations commerciales qu'elle a elle-même orchestrées" ; qu'en énonçant que les premiers juges avaient à juste titre estimé que "ces royalties qui correspondent à la production 2013 sont stipulées au contrat de production Codisem, qu'il n'est pas contesté par la société [E] que cette production a été effectuée, que la société [E] ne produit aucun moyen ou argument selon lequel ces royalties ne seraient pas dues", la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société [E] et méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

8. Pour condamner la société [E] à payer à la société Caussade la somme de 1 270 000 euros au titre des royalties, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté par la société [E] que la production de l'année 2013 à laquelle correspondent ces royalties a été effectuée.

9. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société [E] indiquait contester devoir payer la somme réclamée par la société Caussade au titre des royalties, qu'elle n'estimait pas justifiée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces écritures et violé le principe susvisé.

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La société [E] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il incombe au demandeur de rapporter la preuve du bien-fondé en fait et en droit de sa prétention ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société [E] au paiement de la somme de 1 270 000 euros réclamée par la société Caussade, que les premiers juges avaient estimé à juste titre que "ces royalties qui correspondent à la production 2013 sont stipulées au contrat de production Codisem, qu'il n'est pas contesté par la société [E] que cette production a été effectuée, que la société [E] ne produit aucun moyen ou argument selon lequel ces royalties ne seraient pas dues", la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 (désormais 1353) du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

11. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

12. Pour condamner la société [E] à payer à la société Caussade la somme de 1 270 000 euros au titre des royalties, l'arrêt retient encore que la société [E] ne produit aucun moyen ou argument selon lequel ces royalties ne seraient pas dues.

13. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à la société Caussade de rapporter la preuve de l'existence et du montant de la créance qu'elle invoquait, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

14. La société [E] fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que le contrat de production Codisem conclu entre la société Caussade et la société [E] stipulait que le montant des royalties au titre de l'année 2013 était fixé en fonction du nombre de doses de tournesol et de maïs produites (contrat, articles 5.3 et 5.4) ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société [E] au paiement de la somme de 1 270 000 euros réclamée par la société Caussade, que les premiers juges avaient justement retenu que les royalties qui correspondaient à la production 2013 étaient stipulées au contrat de production Codisem, et qu'il n'était pas contesté par la société [E] que cette production avait été effectuée, sans vérifier que le montant réclamé par la société Caussade était justifié au regard des modalités de calcul des royalties stipulées dans ce contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause (nouveaux articles 1103 et 1231-1 du code civil). »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

15. La société Caussade conteste la recevabilité du moyen, soutenant qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

16. Cependant, la société [E] faisait valoir dans ses conclusions que la société Caussade ne justifiait pas de sa créance.

17. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1315, devenu 1353, et 1134 du code civil :

18. Pour condamner la société [E] à payer à la société Caussade la somme de 1 270 000 euros au titre des royalties, l'arrêt retient enfin que ces royalties qui correspondent à la production de l'année 2013 sont stipulées au contrat de production « Codisem ».

19. En se déterminant ainsi, sans vérifier que les conditions stipulées dans le contrat pour établir le montant des royalties se trouvaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société [E] Holdings Limited à payer à la société Caussade semences la somme de 1 270 000 euros à titre de royalties et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à la société Chpolatechagro la charge des dépens par elle exposés ;

Condamne la société Caussade semences au surplus des dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées respectivement par la société Chpolatechagro et par la société Caussade semences et condamne la société Caussade semences à payer à la société [E] Holdings Limited la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour les sociétés [E] Holdings Limited et Chpolatechagro.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Les sociétés [E] et Chpolatechagro font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutées de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société Caussade Semences ;

Alors 1°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que la société [E] faisait valoir que l'article 7 du contrat de production Codisem conclu avec la société Caussade Semences – aux termes duquel « le distributeur s'engage à respecter le volume d'achat qu'il aura programmé à l'année N à hauteur de minimum quatre-vingts pourcent (80 %) durant l'année N+1. En cas de non-respect de cette condition, le (ou les) variétés concernées pourront lui être retirées. En contrepartie, le Fournisseur s'engage à honorer minimum quatre-vingts pour d'autres cent (80 %) des commandes effectuées par le Distributeur. A défaut de respecter cet engagement, le Fournisseur s'oblige à présenter une solution afin de remplacer le manque de disponible de la variété par des produits aux caractéristiques identiques et inscrites aux catalogues du Territoire. Si la gamme Codisem ne permet pas, techniquement et/ou en volume, de répondre au potentiel ou aux besoins du marché, des semences sur les Territoires, le Distributeur pourra mettre à sa gamme commerciale d'autres variétés que celles issues de la gamme Codisem » – instaurait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans la mesure où la méconnaissance de l'obligation pesant sur elle de respecter à hauteur de 80% au minimum le volume d'achat programmé pour l'année N+1 était susceptible d'entraîner le retrait des variétés de semence concernées, voire la résiliation du contrat, tandis que l'éventuelle méconnaissance de l'obligation corrélative de la société Caussade Semences d'honorer au moins 80 % des commandes du distributeur n'était sanctionnée que par l'obligation de « présenter une solution » alternative à la société [E], laquelle pouvait in fine produire d'autres variétés que celles de la gamme Codisem ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter ce moyen, que l'obligation d'achat imposée au distributeur « a[vait] pour contrepartie le respect des 80 % pour les commandes faites au fournisseur », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la dissymétrie dans la sanction respectivement applicable à chacune des parties en cas de violation de cette clause ne caractérisait pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des cocontractants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, 2°, du code de commerce (dans sa rédaction applicable en la cause), ensemble l'article 1184 (désormais 1224) du code civil ;

Alors 2°) que le fait pour la partie à un contrat d'en contester les termes ou les conditions d'exécution, et de solliciter sa révision, ne constitue pas en soi une faute susceptible de justifier la résiliation à ses torts du contrat en cause ; que, pour rejeter les demandes indemnitaires de la société [E] fondée sur la résiliation fautive par la société Caussade Semences des contrats liant les parties, la cour d'appel a retenu que c'était la société [E] qui avait la première évoqué la résiliation des contrats conclus avec la société Caussade Semences en avril 2013 (jugement de première instance, p. 14, dernier § ; arrêt, p. 8, 2ème §) et qu'elle avait contesté en son principe la règle des 80 % pour toutes les variétés, ce qui constituait un manquement suffisamment grave à ses obligations contractuelles pour justifier la résiliation unilatérale (arrêt, p. 8, 4ème §) ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser un manquement de la société [E] à ses obligations de nature à justifier la résiliation unilatérale des contrats liant les parties par la société Caussade Semences, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause (nouveaux articles 1103 et 1224 du code civil) ;

Alors 3°) que les conventions légalement formées constituent la loi des parties, et doivent être exécutées loyalement par celles-ci ; qu'en l'espèce, la société [E] faisait valoir que la société Caussade Semences avait violé l'exclusivité qu'elle lui avait accordée dans le contrat du 6 février 2013 en livrant en Russie, les 20 et 25 mars 2014 et en exécution d'un contrat conclu dès le 6 novembre 2013, des semences correspondant à des variétés couvertes par l'exclusivité accordée à la société [E] dans le contrat de distribution du 6 février 2013 (ses conclusions d'appel, p. 61 et s.) ; qu'en écartant ce moyen au motif inopérant que les livraisons en cause étaient intervenues après le courrier de mise en demeure envoyé par la société Caussade Semences le 4 mars 2014, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1184 (désormais 1103, 1231-1 et 1224) du code civil ;

Alors 4°) que la résiliation fautive d'un contrat avant son terme cause nécessairement à la partie victime de la rupture un préjudice tenant à la perte des avantages escomptés du contrat si celui-ci avait été exécuté jusqu'à son terme ; qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que la société [E] ne justifiait pas du préjudice qu'elle alléguait, quand celui-ci se déduisait nécessairement du caractère fautif de la résiliation des contrats liant les parties par la société Caussade Semences, la cour d'appel a violé les articles 1134 (devenu 1103) et 1184 (devenu 1224) du code civil ;

Alors 5°) et enfin que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement délictuel le manquement contractuel d'une partie à l'égard d'une autre, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en rejetant les demandes formées par la société Chpolatechagro aux motifs adoptés des premiers juges que « le rôle précis de Chpolatechagro qui n'a pas signé le contrat avec Caussade Semences auquel il est fait référence, n'est pas non plus défini et que son préjudice n'est pas plus établi », sans avoir égard aux conclusions d'appel de l'exposante (p. 76-77) dans lesquelles cette dernière expliquait qu'il était constant qu'elle était intervenue en qualité de représentant local de la société Chpolatechagro pour l'exécution des contrats de production, ainsi que le prévoyait l'article 1.1 des contrats de production, de sorte qu'elle était fondée à invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle les manquements commis par la société Caussade Semences dans l'exécution des contrats qui la liaient à la société [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (désormais 1240) du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La société [E] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à la société Caussade Semences la somme de 1.270.000 € au titre de royalties ;

Alors 1°) que l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, en défense aux demandes reconventionnelles de la société Caussade Semences, la société [E] faisait valoir que « Caussade Semences allègue être créancière d'une somme de 1.270.000 euros au titre des royalties qu'elle estime lui être dues pour l'année 2013 au titre du contrat de production Codisem. [E] conteste cette demande qui n'est absolument pas justifiée. En l'absence de tout élément de preuve au soutien de ses allégations, Caussade Semences ne peut invoquer ses propres manquements pour obtenir des indemnités en raison de la rupture des relations commerciales qu'elle a elle-même orchestrées » (ses conclusions d'appel, p. 77) ; qu'en énonçant que les premiers juges avaient à juste titre estimé que « ces royalties qui correspondent à la production 2013 sont stipulées au contrat de production Codisem, qu'il n'est pas contesté par la société [E] que cette production a été effectuée, que la société [E] ne produit aucun moyen ou argument selon lequel ces royalties ne seraient pas dues », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société [E] et méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que le contrat de production Codisem conclu entre la société Caussade Semences et la société [E] stipulait que le montant des royalties au titre de l'année 2013 était fixé en fonction du nombre de doses de tournesol et de maïs produites (contrat, articles 5.3 et 5.4) ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société [E] au paiement de la somme de 1.270.000 € réclamée par la société Caussade Semences, que les premiers juges avaient justement retenu que les royalties qui correspondaient à la production 2013 étaient stipulées au contrat de production Codisem, et qu'il n'était pas contesté par la société [E] que cette production avait été effectuée, sans vérifier que le montant réclamé par la société Caussade Semences était justifié au regard des modalités de calcul des royalties stipulées dans ce contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause (nouveaux articles 1103 et 1231-1 du code civil) ;

Alors 3°) qu'il incombe au demandeur de rapporter la preuve du bien-fondé en fait et en droit de sa prétention ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société [E] au paiement de la somme de 1.270.000 € réclamée par la société Caussade Semences, que les premiers juges avaient estimé à juste titre que « ces royalties qui correspondent à la production 2013 sont stipulées au contrat de production Codisem, qu'il n'est pas contesté par la société [E] que cette production a été effectuée, que la société [E] ne produit aucun moyen ou argument selon lequel ces royalties ne seraient pas dues », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 (désormais 1353) du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-20899
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 juillet 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 sep. 2022, pourvoi n°20-20899


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.20899
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award