LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1066 F-D
Pourvoi n° S 20-18.449
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
La société Altran technologies, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-18.449 contre l'arrêt rendu le 12 juin 2020 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à M. [I] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Altran technologies, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Toulouse, 12 juin 2020), M. [S] a été engagé par la société Lore, filiale du groupe Altran, à compter du 8 novembre 1999, en qualité d'ingénieur consultant, position 2.2, coefficient 130, statut cadre.
2. Le groupe Altran a procédé, le 29 décembre 2006, à une fusion-absorption de vingt-six de ses filiales, dont la société Lore.
3. Un avenant de mutation a été régularisé le 7 janvier 2008, précisant que le salarié occupait les fonctions de consultant senior, statut cadre, position 3.1 coefficient 170 de la convention collective Syntec, et que le décompte du temps de travail effectif était prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an, englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.
4. Le salarié, qui a exercé des mandats de représentant du personnel et syndicaux à compter de 2011, a saisi, le 15 décembre 2014, la juridiction prud'homale, en faisant valoir que la société Altran technologies ne respectait pas à son égard les dispositions de l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical dans l'entreprise du 23 décembre 2008, sollicitant notamment diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts. Il a par la suite fait valoir qu'il était victime de discrimination syndicale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième, septième et huitième branches, le troisième moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième, branches
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas respecté l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, de la condamner à verser au salarié les sommes de 26 959,68 € à titre de rappel de salaires, congés payés et prime de vacances conventionnelle inclus, pour la période du mois de décembre 2011 au mois de juin 2019 inclus, de 2 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical et de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de fixer le salaire brut de M. [S] à la somme de 5 196,77 €, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008 que « les augmentations de rémunération des représentants du personnel sont déterminées selon le même processus que pour les autres salariés » et que « s'il s'avère que l'augmentation de salaire d'un représentant du personnel, est inférieure au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés à ancienneté et classification et ou statuts comparables sur les 3 dernières années, le Groupe Altran appliquera ce taux moyen » ; qu'il résulte de ce texte que le taux moyen d'augmentation est déterminé, non pas au regard de l'ensemble des salariés de l'entreprise ayant la même classification, mais aux regard des augmentations constatées de salariés d'ancienneté et de classification et/ou de statuts comparables; qu'elle faisait valoir que les prétentions de M. [S] étaient fondées sur les pourcentages d'augmentation pour la position 3.1 coefficient 170 résultant des documents relatifs à la négociation annuelle obligatoire et qui concernaient donc l'ensemble des salariés relevant de cette classification et non des salariés d'ancienneté et de statut comparables à ceux de M. [S] ; qu'en faisant droit aux prétentions du salarié qui se prévalait de taux d'augmentation qui ne correspondaient au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables sur les trois dernières années, la cour d'appel a violé l'article 1er du chapitre 2 du titre 4 de l'accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008 et l'article L. 1132-1 du code du travail ;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les éléments produits aux débats ; que le tableau de la pièce n°20 établi par M. [S] pour les besoins de la cause se borne à indiquer, s'agissant des taux d'augmentation moyens, ''% d'augmentation Position 3.1 170 NAO Altran technologies Moyenne glissante sur trois années'' et ne comporte aucune précision quant à l'ancienneté des salariés pris en compte ; qu'en se fondant sur ce tableau pour faire droit aux prétentions du salarié et énoncer que le taux d'augmentation dont se prévaut M. [S] ''correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables'', la cour d'appel a dénaturé par adjonction ce document produit aux débats en violation du principe susvisé ;
4°/ qu'en affirmant que le taux d'augmentation dont se prévaut M. [S] ''correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables'', cependant qu'elle avait relevé que ce taux avait été déterminé au regard de ''bilans des augmentations individuelles de l'ensemble des salariés au cours d'une année, au niveau national, qui incluent l'ensemble des promotions'', la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en méconnaissance des exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Pour faire droit aux demandes du salarié au titre de la violation de l'accord sur le droit syndical du 23 décembre 2008, l'arrêt retient qu'il faut rechercher si le taux d'augmentation dont se prévaut le salarié correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables sur les trois dernières années, que le salarié explique avoir établi les comparatifs de rémunération à partir du tableau récapitulant les augmentations moyennes par coefficient issues des chiffres des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) et du rapport Syndex Altran Sud-Ouest et que ces chiffres sont d'ailleurs repris dans l'attestation de l'expert-comptable produite par l'employeur. L'arrêt constate à cet égard qu'il ressort effectivement de la lecture du rapport Syndex du 20 novembre 2015 dont un extrait est produit par l'employeur que pour le coefficient 170, celui attribué au salarié, les augmentations moyennes connaissent un net accroissement à compter de la sixième année d'ancienneté, alors que tel n'est pas le cas de celui-ci, que le rapport Syndex de septembre 2013 montre que l'augmentation cumulée moyenne appliquée à sa qualification de "Consultant Senior" au sein de son établissement Altran sud-ouest a été de 5,9 % entre 2009 et 2012, or celle appliquée à M. [S] est de 0 % sur la même période, que de plus, sa rémunération est équivalente voire inférieure à celle des salariés nouvellement embauchés au même coefficient 170, qu'il ressort de l'extrait NAO 2016 que le salaire moyen d'embauche du coefficient 170 pour les consultants est de 4 856 € en 2015, alors que le salaire de M. [S] en 2015 (soit après 16 ans d'ancienneté) est de 4 236 € ; qu'en 2017 le salaire d'embauche pour les consultants position 3.1, coefficient 170 est de 4 621 € alors que celui du salarié atteint 4 257 €.
8. Dès lors la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée exclusivement sur la pièce n° 20 produite par le salarié et a retenu, par une décision motivée exempte de contradiction de motifs, que la société avait violé l'accord sur le droit syndical du 23 décembre 2008 et qu'il convenait de fixer le salaire de M. [S] en application de cet accord à la somme de 5 196,77 € bruts, n'encourt pas les griefs du moyen.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, sauf en ce qu'il vise le chef de dispositif fixant le salaire brut mensuel de M. [S] à la somme de 5 196,77 euros
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas respecté l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, de la condamner à verser au salarié les sommes de 26 959,68 € à titre de rappel de salaires, congés payés et prime de vacances conventionnelle inclus, pour la période du mois de décembre 2011 au mois de juin 2019 inclus, de 2 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical et de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, alors « que le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit interdit au juge d'indemniser deux fois le même préjudice ; qu'au cas présent, la cour d'appel a condamné la société Altran Technologies à verser, d'une part, à M. [S] un rappel de salaire au titre de l'évolution de sa rémunération dont il aurait dû bénéficier en application de l'accord Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, d'autre part, une somme de dommages-intérêts au titre pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical ; que la cour d'appel a également réévalué le salaire brut de M. [S] à la somme de 5.196,77 €, en fonction des augmentations résultant de l'application de l'accord ; qu'en allouant, par ailleurs, au salarié une somme de dommages-intérêts pour discrimination réparant notamment le préjudice résultant du fait que sa rémunération « a évolué bien plus faiblement que ses collègues non investis de mandats représentatifs du personnel », la cour d'appel a indemnisé un préjudice qu'elle avait déjà réparé, en violation des articles L. 1132-1 du code du travail et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 16 février 2016, et du principe de réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de réparation intégrale du préjudice :
10. La cour d'appel, après avoir retenu que le salarié avait été victime d'une discrimination syndicale caractérisée notamment par une rémunération inférieure à celle de ses collègues et condamné la société à payer au salarié une somme de 26 959,68 € bruts à titre de rappels de salaires, incluant les congés payés afférents et la prime de vacances conventionnelle, pour la période allant de décembre 2011 à juin 2019, a par ailleurs alloué au salarié une somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale subie depuis 2011.
11.. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé le principe susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié une certaine somme à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées entre le mois de décembre 2009 et le mois de juin 2019 inclus, indemnité de congés payés et prime de vacances conventionnelle incluses, alors « qu'il résulte de l'article R. 3243-1 du code du travail que le bulletin de paie doit comporter ''le nombre d'heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant s'il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires'' et ''la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés dont la rémunération est déterminée sur la base d'un forfait hebdomadaire'' ; que le salarié qui, en application d'une convention de forfait en heures, a perçu une rémunération correspondant à un nombre d'heures supérieur à la durée du travail, ne peut, en cas d'inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait, percevoir une deuxième fois le salaire correspondant aux heures qui ont d'ores et déjà été rémunérées ; qu'au cas présent, M. [S] sollicitait le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires (salaire de base + majorations) au titre des heures effectuées entre la 35ème et la 38ème heure 30 hebdomadaires au motif que la convention de forfait en heures pour 38 heures 30 prévue stipulée par son contrat de travail lui était inopposable ; qu'il résulte cependant des propres constatations de l'arrêt que les bulletins de paie portaient la mention ''cadre ; 38 heures 30 ; 218 jours'', ce dont il résultait que le salaire de base correspondait à une durée de travail de 38 heures 30 hebdomadaire et que les heures effectuées chaque semaine entre 35 et 38 heures 30 avaient d'ores et déjà été rémunérées et ne pouvaient donc faire l'objet d'un deuxième paiement ; qu'en jugeant qu' ''il ne peut être utilement soutenu que les heures accomplies entre 35 heures et 38 heures 30 ont été valablement payées par la rémunération forfaitaire de base et que seules les majorations seraient dues'', la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 3171-4, L. 3121-1 et R. 3243-1 du code du travail et l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 215-15-3 I devenu les articles L. 3121-38 et L. 3121-40 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article L. 3121-22 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-28, L. 3171-4 du même code, l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1342 du même code :
13. Lorsqu'une convention de forfait en heures est invalidée, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
14. En application des articles L. 3121-22 puis L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.
15. Selon les deux derniers, le paiement entraîne l'extinction de l'obligation.
16. Pour condamner l'employeur au paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt , après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, retient que le forfait étant inexistant, il ne peut être utilement soutenu que les heures effectuées entre 35 heures et 38h30 ont été valablement payées par la rémunération forfaitaire de base et que seules les majorations seraient dues. En effet, la cour constate qu'il résulte des mentions des bulletins de paie que les heures effectuées entre 35 heures et 38h30 n'apparaissent pas sur une ligne distincte du salaire de base sur les bulletins de salaire, de sorte que la simple mention en haut à gauche du bulletin « cadre ; 38 heures 30 ; 218 jours » ne saurait démontrer, comme le soutient l'employeur, le paiement des heures supplémentaires accomplies de la 35ème heure à la 38ème heure 30. L'arrêt ajoute que le salarié n'avait pas à déclarer précisément les heures effectuées entre 35h et 38h30 puisque l'employeur considérait qu'elles étaient comprises dans le forfait appliqué et que les synthèses mensuelles d'activité produites par le salarié confirment en tout état de cause le volume de travail encore confié sur 38h30 hebdomadaires en 2017. L'arrêt en déduit que l'employeur est redevable du paiement des heures supplémentaires effectuées entre 35 et 38h30 par semaine, soit 3h30 majorées à 25 %.
17. En se déterminant ainsi, sans vérifier, dans le cadre des comptes à faire à la suite de sa décision d'invalidité du forfait en heures, si la rémunération contractuelle versée par l'employeur en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation de l'arrêt sur les deuxième et troisième moyens n'emporte pas cassation des chefs de dispositifs condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Altran technologies à payer à M. [S] les sommes de 26 959,68 € à titre de rappel de salaires, congés payés et prime de vacances conventionnelle inclus, pour la période du mois de décembre 2011 au mois de juin 2019 inclus, de 59 519,78 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées entre le mois de décembre 2009 et le mois de juin 2019 inclus, indemnité de congés payés et prime de vacances conventionnelle incluses, de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical et de 100 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 12 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse.
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Altran technologies
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Altran Technologies reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit et jugé qu'elle n'aavait pas respecté l'accord sur le droit syndical de groupe sur le dialogue social et syndical du 23 décembre 2018, de l'avoir condamnée à verser à M. [S] des sommes de 26.959,68 € à titre de rappel de salaires, congés payés et prime de vacances conventionnelle inclus, pour la période du mois de décembre 2011 au mois de juin 2019 inclus, de 2.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical et de 100.000 € à titre de dommagesintérêts pour discrimination syndicale et d'avoir fixé le salaire brut de M. [S] à la somme de 5.196,77 € ;
1. ALORS QU'il résulte de l'accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008 que « les augmentations de rémunération des représentants du personnel sont déterminées selon le même processus que pour les autres salariés » et que « s'il s'avère que l'augmentation de salaire d'un représentant du personnel, est inférieure au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés à ancienneté et classification et ou statuts comparables sur les 3 dernières années, le Groupe Altran appliquera ce taux moyen » ; qu'il résulte de ce texte que le taux moyen d'augmentation est déterminé, non pas au regard de l'ensemble des salariés de l'entreprise ayant la même classification, mais aux regard des augmentations constatées de salariés d'ancienneté et de classification et/ou de statuts comparables ; que la société Altran Technologies faisait valoir que les prétentions de M. [S] étaient fondées sur les pourcentages d'augmentation pour la position 3.1 coefficient 170 résultant des documents relatifs à la négociation annuelle obligatoire et qui concernaient donc l'ensemble des salariés relevant de cette classification et non, des salariés d'ancienneté et de statut comparables à ceux de M. [S] ; qu'en faisant droit aux prétentions du salarié qui se prévalait de taux d'augmentation qui ne correspondaient au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables sur les trois dernières années, la cour d'appel a violé l'article 1er du chapitre 2 du titre 4 de l'accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008 et de l'article L. 1132-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE ne constitue pas une différence de traitement prohibée, le fait pour un employeur de pratiquer des pourcentages d'augmentation de salaire différents selon l'ancienneté des salariés ; qu'en jugeant que la prise en compte de l'ancienneté pour apprécier les niveaux d'augmentation revenait « à discriminer les salariés les plus anciens » (arrêt p. 10 al. 4), la cour d'appel a violé l'article 1er du chapitre 2 du titre 4 de l'accord de groupe Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008 et l'article L. 1132-1 du code du travail ;
3. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les éléments produits aux débats ;
que le tableau de la pièce n°20 établi par M. [S] pour les besoins de la cause se borne à indiquer, s'agissant des taux d'augmentation moyens, « % d'augmentation Position 3.1 170 NAO Altran Technologies Moyenne glissante sur trois années » et ne comporte aucune précision quant à l'ancienneté des salariés pris en compte ; qu'en se fondant sur ce tableau pour faire droit aux prétentions du salarié et énoncer que le taux d'augmentation dont se prévaut M. [S] « correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables », la cour d'appel a dénaturé par adjonction ce document produit aux débats en violation du principe susvisé ;
4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant que le taux d'augmentation dont se prévaut M. [S] « correspond au taux moyen d'augmentation constaté pour des salariés d'ancienneté, de classification et de statuts comparables » (arrêt p. 12 al. 4), cependant qu'elle avait relevé que ce taux avait été déterminé au regard de « bilans des augmentations individuelles de l'ensemble des salariés au cours d'une année, au niveau national, qui incluent l'ensemble des promotions » (arrêt p. 9 al. 8), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en méconnaissance des exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
5. ALORS QU'il résulte de la classification des ingénieurs et cadres de la convention collective du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec, que la position 3.2 coefficient 210 s'applique aux « ingénieurs et cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant et contrôlant le travail de leurs subordonnés » et qu'elle « implique un commandement sur les collaborateurs et cadres de toute nature » ; qu'au cas présent, la société Altran Technologies exposait que l'absence d'évolution de M. [S], qui occupait la position 3.1, s'expliquait objectivement par le refus du salarié, établi par les différents entretiens d'évaluation, d'occuper des postes de managers et ce, alors même que l'attribution d'une classification supérieure à celle dont il bénéficiait impliquait nécessairement l'exercice de fonctions de management ; que, pour estimer néanmoins que l'absence d'évolution de M. [S] aurait été constitutive d'une discrimination, la cour d'appel a reproché à la société Altran de ne pas avoir proposé à M. [S] un poste de « spécialiste supérieur au coefficient 170, sans management » qui aurait été sollicité par le salarié ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'octroi d'une classification conventionnelle supérieure à celle occupée par M. [S] n'impliquait pas nécessairement des responsabilités en terme de management refusées par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'annexe II de la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987 relative à la classification des ingénieurs et cadres, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
6. ALORS QU'un salarié ne peut être considéré comme présentant des éléments susceptibles de laisser penser à l'existence d'une discrimination syndicale en terme de formation professionnelle qu'à la condition soit d'établir que les formations reçues ne seraient pas conformes aux obligations légales incombant à l'employeur en matière de formation professionnelle, soit d'établir une différence de traitement en matière de formation par rapport à d'autres salariés dans une situation comparable ; qu'en se bornant à relever que les formations prodiguées auraient été « très majoritairement des formations peu qualifiantes sur le métier exercée [?] de sorte que son employabilité est faiblement entretenue », sans vérifier le contenu de ces formations et leur conformité aux obligations légales incombant à l'employeur en matière de formation professionnelle, ni relever la moindre différence de traitement subie par M. [S] en matière de formation par rapport à d'autres salariés de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
7. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut dénaturer les documents produits aux débats ; qu'il résulte du tableau de la pièce n° 20 produite par M. [S] que le salaire qu'il aurait dû percevoir selon l'accord sur le droit syndical et le dialogue social de 2008 s'élevait, en dernier lieu, à la somme de « 4 728 € » ; qu'en prétendant se fonder sur le calcul exposé dans ce tableau, pour fixer le salaire de M. [S] « en application de cet accord [?] à la somme de 5 196,77 € bruts », la cour d'appel a dénaturé la pièce n° 20 produite par M. [S] en violation du principe susvisé ;
8. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en se bornant à se référer à un prétendu calcul exposé dans un tableau établi par [S] pour faire droit à sa demande de fixer son salaire « à la somme de 5 196,77 € bruts », sans expliciter ce calcul qui ne fait l'objet d'aucune justification dans les écritures du salarié, ni en vérifier le bienfondé, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRELa société Altran Technologies reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [S] des sommes de 26.959,68 € à titre de rappel de salaires, congés payés et prime de vacances conventionnelle inclus, pour la période du mois de décembre 2011 au mois de juin 2019 inclus, de 2.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical et de 100.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et d'avoir fixé le salaire brut de M. [S] à la somme de 5.196,77 € ;
1. ALORS QUE le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit interdit au juge d'indemniser deux fois le même préjudice ; qu'au cas présent, la cour d'appel a condamné la société Altran Technologies à verser, d'une part, à M. [S] un rappel de salaire au titre de l'évolution de sa rémunération dont il aurait dû bénéficier en application de l'accord Altran sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, d'autre part, une somme de dommages-intérêts au titre pour résistance abusive quant à l'application de l'accord sur le droit syndical ; que la cour d'appel a également réévalué le salaire brut de M. [S] à la somme de 5.196,77 €, en fonction des augmentations résultant de l'application de l'accord ; qu'en allouant, par ailleurs, au salarié une somme de dommages-intérêts pour discrimination réparant notamment le préjudice résultant du fait que sa rémunération « a évolué bien plus faiblement que ses collègues non investis de mandats représentatifs du personnel », la cour d'appel a indemnisé un préjudice qu'elle avait déjà réparé, en violation des articles L. 1132-1 du code du travail et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 16 février 2016, et du principe de réparation intégrale du préjudice ;
2. ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en condamnant, dans le dispositif de l'arrêt, la société Altran Technologies à verser à M. [S] une somme de 100.000 € à titre de dommagesintérêts pour discrimination syndicale, cependant qu'elle avait fixé dans les motifs de sa décision la réparation de l'entier préjudice résultant de la discrimination syndicale à la somme de 50.000 € (arrêt p. 11 al. 6), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
La société Altran Technologies reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [S] la somme de 59.519,78 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées entre le mois de décembre 2009 et le mois de juin 2019 inclus, indemnité de congés payés et prime de vacance conventionnelle incluses ;
1. ALORS QUE dans la mesure où les demandes de rappels de salaire pour heures supplémentaires de M. [S] étaient fondées sur les salaires réévalués en application de l'accord sur le dialogue social et le droit syndical du 23 décembre 2008, la cassation de l'arrêt à intervenir sur le premier moyen de cassation entrainera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Altran Technologies à une somme à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées ;
ALORS QU'il résulte des articles L. 3121-38 et L. 3121-41, devenus L. 3121- 56 et L. 3121-57, du code du travail que tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois à condition que sa rémunération soit au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant au forfait augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'article 3 du chapitre II de l'accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail que les ingénieurs et cadres, qui, compte tenu de leurs fonctions ne peuvent suivre un horaire prédéfini et dont la rémunération est au moins égale au plafond annuel de sécurité sociale, peuvent être soumis à un forfait hebdomadaire en heures et percevoir une rémunération forfaitaire englobant les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que l'avenant contractuel du 7 janvier 2008 stipule que « compte tenu de la nature des fonctions du Salarié, et de l'autonomie dont il dispose dans l'organisation de son temps de travail, les parties conviennent que Monsieur [I] [S] ne peut suivre strictement un horaire prédéfini » et que « de convention expresse entre les parties, le décompte de temps de travail effectif est prévu en jours, clans la limite de 218 jours par an, englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures » ; qu'il n'était, par ailleurs, pas contesté que le contrat stipulait que la rémunération présentait un caractère « forfaitaire, rémunère l'intégralité des missions confiées au Salarié » et que la rémunération prévue était supérieure, d'une part, à 115 % du salaire minimal conventionnel et donc bien supérieure au salaire minimum conventionnel pour 38 heures 30 intégrant les majorations pour heures supplémentaires et, d'autre part, au plafond annuel de sécurité sociale ; qu'en jugeant néanmoins qu' « il ne ressort nullement de cette clause un quelconque accord de volonté des parties sur une convention de forfait portant sur 38 heures 30 de travail et sur une rémunération forfaitaire englobant 3h30 d'heures supplémentaires payées avec majoration », la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles L. 3121-38 et L. 3121-41, devenus L. 3121-56 et L. 3121-57, du code du travail, l'article 3 du chapitre II de l'accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3. ALORS QU'il résulte de l'article R. 3243-1 du code du travail que le bulletin de paie doit comporter « le nombre d'heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant s'il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires » et « la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés dont la rémunération est déterminée sur la base d'un forfait hebdomadaire » ; que le salarié qui, en application d'une convention de forfait en heures, a perçu une rémunération correspondant à un nombre d'heures supérieur à la durée du travail, ne peut, en cas d'inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait, percevoir une deuxième fois le salaire correspondant aux heures qui ont d'ores et déjà été rémunérées ; qu'au cas présent, M. [S] sollicitait le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires (salaire de base + majorations) au titre des heures effectuées entre la 35ème et la 38ème heure 30 hebdomadaires au motif que la convention de forfait en heures pour 38 heures 30 prévue stipulée par son contrat de travail lui était inopposable ; qu'il résulte cependant des propres constatations de l'arrêt que les bulletins de paie portaient la mention « cadre ; 38 heures 30 ; 218 jours », ce dont il résultait que le salaire de base correspondait à une durée de travail de 38 heures 30 hebdomadaire et que les heures effectuées chaque semaine entre 35 et 38 heures 30 avaient d'ores et déjà été rémunérées et ne pouvaient donc faire l'objet d'un deuxième paiement ; qu'en jugeant qu' « il ne peut être utilement soutenu que les heures accomplies entre 35 heures et 38 heures 30 ont été valablement payées par la rémunération forfaitaire de base et que seules les majorations seraient dues », la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 3171-4, L. 3121-1 et R. 3243-1 du code du travail et l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE seules les heures de travail effectif accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires constituent des heures supplémentaires devant être rémunérées comme telles ; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles en ce sens, les jours de repos et de congés payés ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif et ne sauraient donc être pris en compte pour le décompte des heures de travail accomplies et dans l'assiette des droits à majoration pour heures supplémentaires ; qu'au cas présent, la société Altran Technologies exposait qu'il convenait notamment de neutraliser les semaines au cours desquelles M. [S] avait été absent en raison de la prise de congés payés ou de jours de RTT et au cours desquelles il n'avait donc pas pu accomplir plus de 35 heures de travail ; qu'en refusant de prendre en compte les semaines où le salarié avait été absent et n'avait donc pas travaillé plus de 35 heures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1, L.3121-20, devenu L. 3121-29, et L. 3121-22, devenu L. 3121-28, du code du travail.