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28/09/2022 | FRANCE | N°20-10049

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 septembre 2022, 20-10049


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 682 F-D

Pourvoi n° M 20-10.049

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [U] [B] [M], domicilié [Adresse 1], a formÃ

© le pourvoi n° M 20-10.049 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 682 F-D

Pourvoi n° M 20-10.049

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [U] [B] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-10.049 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société IOTA conseils SPRL, société de droit Belge, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3]),

2°/ à la société Baferton Trading LDT, dont le siège est [Adresse 2] (Chypre),

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [M], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société IOTA conseils SPRL, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Baferton Trading LDT, et l'avis de M. Poirret, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2019), la société belge Iota conseils et la société chypriote Baferton Trading ont signé deux lettres de mission dans le but de permettre à la seconde d'acquérir une société tierce.

2. Soutenant que M. [M], dirigeant de la société Baferton Trading, avait personnellement acquis cette société tierce aux lieu et place de sa propre société afin d'éluder le règlement des honoraires de résultat dus à la société Iota, celle-ci l'a assigné en responsabilité délictuelle devant un tribunal de grande instance.

3. M. [M] a soulevé l'incompétence des juridictions étatiques en se prévalant des clauses compromissoires stipulées dans les lettres de mission.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence des tribunaux étatiques fondée sur l'existence des conventions d'arbitrage alors :

« 1°/ qu 'en affirmant le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire dès lors que celle-ci circonscrit clairement ses effets aux parties, quand la ratification par un tiers de la clause compromissoire la lui rend opposable, ce qu'il appartient à l'arbitre de déterminer, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère manifestement inapplicable de cette convention et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, ensemble le principe compétence-compétence ;

3°/ que la possibilité d'une ratification par un tiers de la clause compromissoire contenue dans un contrat par son implication dans l'exécution ou l'inexécution de ce contrat exclut le caractère manifestement inapplicable de cette clause à une action le concernant ; qu'en affirmant pourtant le caractère manifestement inapplicable de la clause d'arbitrage au motif que la clause d'arbitrage n'est opposable qu'à une partie au contrat ou au tiers venant aux droits d'une partie signataire de la clause compromissoire, la simple connaissance par celui-ci de la clause compromissoire ne suffisant pas à la lui rendre opposable, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère manifestement inapplicable de cette convention et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, ensemble le principe compétence-compétence. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1448, alinéa 1er, du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.

6. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt retient que les clauses d'arbitrage circonscrivent leurs effets aux parties ayant signé les lettres de mission et que la simple connaissance de ces clauses par M. [M], qui est intervenu à ces actes en sa qualité de représentant légal de sa société, ne suffit pas à les lui rendre opposable.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'inapplicabilité manifeste des conventions d'arbitrage des lettres de mission, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 8 janvier 2019 ;

Déclare le tribunal de grande instance incompétent ;

Renvoie la société Iota conseils à mieux se pourvoir ;

Condamne la société Iota conseils aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [M]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence des tribunaux étatiques soulevée par Monsieur [M] et renvoyé les parties devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris ;

AUX MOTIFS QUE « dans chacune des lettres de mission signée entre la société Iota Conseils Sprl et la société Baferton, la clause prévoit que : "Tout litige ou controverse découlant du ou en relation avec le présent contrat qui ne peut être résolu mutuellement entre les parties aux présentes".

Si la clause compromissoire est rédigée en termes larges, elle circonscrit clairement ses effets aux" parties aux présentes".

Or, M. [M], est le représentant légal de la société Baferton, mais seule cette dernière est signataire des lettres de mission, M. [M] n'est donc pas partie aux contrats.

C'est donc à bon droit que le juge de la mise en état a retenu que la sarl Iota Conseils sprl est liée à la seule société Baferton Trading Ltd, qui était simplement représentée par son dirigeant, M. [M], conformément au mécanisme de la représentation légale des personnes morales.

En l'espèce, la société Iota Conseils engage une action civile délictuelle à l'encontre de M. [M] non partie aux lettres de mission, sur le fondement de la faute commise par celui-ci, qui consisterait dans le détournement des dispositions contractuelles aboutissant à l'absence de paiement des honoraires dus.

M. [M] fait valoir que l'ensemble des parties ainsi que lui-même en qualité de tiers, étaient informés de l'existence et de l'application de la clause compromissoire pour tout type de litige. Cependant, contrairement à ce qui est allégué, la simple connaissance de la clause compromissoire ne suffit pas à la rendre opposable au tiers. L'opposabilité de la clause compromissoire suppose que le tiers vienne aux droits de la partie signataire de la clause compromissoire, ou justifie de liens contractuels indirects avec le contrat d'origine. Dans le cas présent, M. [M] ne justifie pas remplir ces conditions.

Il s'en déduit que la clause compromissoire est inapplicable. M. [M] sera débouté de son appel. L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, « en l'espèce, la clause compromissoire dont l'application justifie l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur [U] [B] [M] est insérée dans les lettres de mission conclues entre la société Baferton Trading Ltd et la Sarl Iota Conseils Sprl. Or, l'action de la Sarl Iota Conseils Sprl n'est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution de ces contrats qui la lient à la seule société Baferton Trading Ltd, qui a la personnalité juridique et qui était simplement représentée par son dirigeant Monsieur [U] [B] [M] conformément au mécanisme de la représentation légale des personnes morales. La demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice découlant selon elle d'une faute de Monsieur [U] [B] [M] ayant permis à la société Baferton Trading Ltd de ne pas payer le règlement de ses honoraires ne relève pas de l'exécution des conventions, peu important que Monsieur [U] [B] [M] ait reçu les factures émises en application de celles-ci et qu'il ait eu connaissance de la clause : cela ne suffit pas à justifier qu'il agissait pour lui dans les contrats litigieux. Il convient d'ailleurs d'observer que Monsieur [U] [B] [M] n'a pas entendu régler les factures d'honoraires, ce qui implique qu'il ne s'est, jusqu'ici, pas considéré comme lié personnellement par les lettres de mission. De plus, la rédaction de la clause compromissoire en des termes très larges quant aux contentieux concernés (« tout type de litige ou controverse en relation avec le présent Contrat ») est toutefois limitée aux « parties aux présentes ». Par conséquent, Monsieur [U] [B] [M] est débouté de sa demande tendant à voir dire que le tribunal de grande instance de Paris est incompétent pour connaître de la demande de la Sarl Iota Conseils Sprl au profit du tribunal arbitral » ;

1°) ALORS QU'en affirmant le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire dès lors que celle-ci circonscrit clairement ses effets aux parties, quand la ratification par un tiers de la clause compromissoire la lui rend opposable, ce qu'il appartient à l'arbitre de déterminer, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère manifestement inapplicable de cette convention et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, ensemble le principe compétence-compétence ;

2°) ALORS QU' il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; qu'en se fondant sur le caractère délictuel de l'action, pourtant fondée sur la méconnaissance du contrat contenant la clause compromissoire, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à établir le caractère manifeste de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, ensemble le principe compétence-compétence ;

3°) ALORS QUE la possibilité d'une ratification par un tiers de la clause compromissoire contenue dans un contrat par son implication dans l'exécution ou l'inexécution de ce contrat exclut le caractère manifestement inapplicable de cette clause à une action le concernant ; qu'en affirmant pourtant le caractère manifestement inapplicable de la clause d'arbitrage au motif que la clause d'arbitrage n'est opposable qu'à une partie au contrat ou au tiers venant aux droits d'une partie signataire de la clause compromissoire, la simple connaissance par celui-ci de la clause compromissoire ne suffisant pas à la lui rendre opposable, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère manifestement inapplicable de cette convention et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, ensemble le principe compétence-compétence.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-10049
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 sep. 2022, pourvoi n°20-10049


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.10049
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