LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 674 F-D
Pourvoi n° E 21-20.328
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
1°/ Mme [W] [K], domiciliée [Adresse 5],
2°/ M. [O] [K], domicilié [Adresse 1],
3°/ M. [M] [K], domicilié [Adresse 2],
4°/ M. [R] [K], domicilié [Adresse 3],
5°/ M. [V] [K], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° E 21-20.328 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 7), dans le litige les opposant :
1°/ à la société de requalification des quartiers anciens, société publique local d'aménagement à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ au commissaire du gouvernement d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est direction régionale des finances publiques IDF et de Paris, service local, [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation et le moyen additionnel annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat des consorts [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société de requalification des quartiers anciens, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2021), déclare irrecevable la pièce 14 produite par Mme [W] [K] et MM. [O], [M], [R] et [V] [K] (les consorts [K]), expropriés, et fixe les indemnités leur revenant, par suite de l'expropriation, au profit de la Société de requalification des quartiers anciens (la SOREQA), d'un bien leur appartenant.
Examen des moyens
Sur le moyen additionnel, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Les consorts [K] font grief à l'arrêt d'écarter les termes de référence T4 à T7 en déclarant irrecevable le rapport additionnel de l'IPFEC, alors « que les juges du fond ne sauraient dénaturer les conclusions des parties ; que les termes numérotés T4 à T7 par la Cour étaient invoqués par les expropriés dans leur mémoire d'appelant du 23 septembre 2019, en page 20 et 21, sous les numéros TC1 à TC4 ; que seuls les termes de comparaison, numérotés T8 et T9 par le juge d'appel étaient issus du rapport additionnel de l'IPFEC produit au soutien du mémoire complémentaire et récapitulatif des expropriés du 7 mai 2020, en pièce n°14 ; qu'ainsi, en retenant, pour les écarter, que les termes de référence T4 à T7 étaient issus du rapport additionnel de l'IPFEC déclaré irrecevable, la Cour a dénaturé le mémoire d'appelants des consorts [K] du 23 septembre 2019. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
4. Pour écarter les termes de références T4 à T7 proposés par les expropriés, l'arrêt retient que ces termes nouveaux sont issus du rapport additionnel de l'IPFEC déclaré irrecevable.
5. En statuant ainsi, alors que les conclusions des expropriés du 23 septembre 2019 contenaient un tableau comportant ces termes de références sous les numéros TC1 à TC4, lesquels n'étaient donc pas issus du rapport additionnel de l'IPFEC daté du 24 janvier 2020, la cour d'appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
6. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déclarant irrecevable le rapport additionnel du 24 janvier 2020 s'étend aux autres dispositions de l'arrêt, à l'exception de celles rejetant la demande d'expertise de la SOREQA, en vue de déterminer si le terrain exproprié est pollué, laquelle n'a pas de lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif cassé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'expertise formée par la Société de requalification des quartiers anciens en vue de déterminer si le terrain exproprié est pollué, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la Société de requalification des quartiers anciens aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société de requalification des quartiers anciens et la condamne à payer à Mme [W] [K] et MM. [O], [M], [R] et [V] [K] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, signé par Mme Teiller, président et par Mme Besse, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour les consorts [K].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Les consorts [K] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté les termes de référence T4, T5, T6, T7 aux motifs qu'ils étaient issus du rapport additionnel de l'IPFEC déclaré irrecevable,
Alors, d'une part, que les juges du fond ne sauraient dénaturer les conclusions des parties ; que les termes numérotés T4 à T7 par la Cour étaient invoqués par les expropriés dans leur mémoire d'appelant du 23 septembre 2019, en page 20 et 21, sous les numéros TC1 à TC4 ; que seuls les termes de comparaison, numérotés T8 et T9 par le juge d'appel étaient issus du rapport additionnel de l'IPFEC produit au soutien du mémoire complémentaire et récapitulatif des expropriés du 7 mai 2020, en pièce n°14 ; qu'ainsi, en retenant, pour les écarter, que les terme de référence T4 à T7 étaient issus du rapport additionnel de l'IPFEC déclaré irrecevable, la Cour a dénaturé le mémoire d'appelants des consorts [K] du 23 septembre 2019,
Alors, d'autre part, que les termes TC1 à TC4 ayant été invoqués dans les conclusions d'appelants des consorts [K] du 23 septembre 2019, le rapport additionnel ne pouvait, en conséquence, être considéré comme irrecevable les concernant ; qu'ainsi la Cour a méconnu les dispositions de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation,
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Les consorts [K] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté comme irrecevable le rapport additionnel de l'IPFEC du 24 janvier 2020,
Alors que sont recevables, au-delà du délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation, les pièces venant au soutien des conclusions et mémoires complémentaires produits ; que tel était l'objet du rapport additionnel de l'IPFEC du 24 janvier 2020 produit en pièce n°14 du mémoire complémentaire et récapitulatif des consorts [K] du 7 mai 2020, qui venait au soutien de ce mémoire et de leurs conclusions d'appelants du 23 septembre 2019 ; que la Cour ne pouvait dès lors, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article R. 311-26, l'écarter comme irrecevable,
Alors qu'en tout état de cause les juges du fond ne sauraient dénaturer les pièces produites ; que le rapport additionnel du 24 janvier 2020 venait au soutien des conclusions d'appelants du 23 septembre 2019 et du mémoire complémentaire et récapitulatif du 7 mai 2020 ; qu'il ne pouvait dès lors être écarté comme irrecevable.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Les consorts [K] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant de l'indemnité due à la somme totale de 1 048 944 euros,
Alors que la Cour ne pouvait, après avoir retenu que la consistance du bien, en l'occurrence son caractère libre de toute construction, constituait un élément de plus-value du terrain (page 13 de l'arrêt, 4e paragraphe), estimer que la démolition de l'immeuble et la prise en charge du coût de cette dernière par les expropriés étaient des éléments de moins-value (page 13 de l'arrêt, 5e paragraphe) ; qu'ayant relevé que le bâtiment avait été démoli et que le coût de cette démolition avait été assumé par les expropriés, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait nécessairement une plus-value pour l'expropriant, et méconnu, en conséquence, les dispositions précitées de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation,
MOYEN ADDITIONNEL DE CASSATION D'ORDRE PUBLIC (
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
)Les consorts [K] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité l'indemnité qui leur est due au titre de la dépossession foncière aux sommes de 952 676 euros pour l'indemnité principale et 96 267,60 euros pour l'indemnité de remploi, après avoir écarté comme irrecevable le rapport additionnel de l'IPFEC produit en pièce n°14 de leur mémoire du 14 mai 2020,
Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que pour déclarer irrecevable la pièce n°14 correspondant au rapport additionnel de l'IPFEC du 24 janvier 2020, jointe au mémoire complémentaire et récapitulatif des consorts [K] du 14 mai 2020, la cour d'appel a retenu que cette pièce avait été produite hors délai et qu'il n'avait, par ailleurs, pas été sollicité sa production à l'audience, en application des articles R. 311-19 et R. 311-29 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique si elle ne pouvait être produite dans le délai initial ; qu'en se déterminant ainsi, sans recueillir au préalable les observations des consorts [K] sur le moyen tiré du caractère tardif de la production la pièce n°14 précitée, qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a méconnu le principe d'ordre public du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile ;