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21/09/2022 | FRANCE | N°21-15399

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2022, 21-15399


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 940 F-D

Pourvoi n° X 21-15.399

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

La société Skill and Yo

u, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-15.399 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 940 F-D

Pourvoi n° X 21-15.399

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

La société Skill and You, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-15.399 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme [I] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Skill and You, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2021), Mme [U] a été engagée par le groupement inter-entreprise (GIE) Telead, devenu la société Skill and You, à compter du 1er janvier 2010 en qualité de directrice juridique et des ressources humaines, à temps partiel.

2. Convoquée le 16 mai 2014 à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 24 mai 2014, avec dispense d'activité, elle a été licenciée par lettre du 4 juin 2014 et a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette mesure et obtenir paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires de la rupture, alors « que la condamnation de l'employeur à payer des dommages-intérêts spécifiques à raison des circonstances de la rupture suppose que soit caractérisée une faute dans ces circonstances de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la salariée avait été dispensée d'activité dès la convocation à l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle avait dû quitter immédiatement son poste de travail, bien qu'elle n'avait commis aucune faute grave et avait une ancienneté assez importante, rien ne justifiant pareille précipitation de la part de l'employeur ; qu'en statuant par des motifs tirés de la dispense de travail de la salariée et de l'analyse de la cause de licenciement, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués en conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires de la rupture, l'arrêt retient que la salariée a été dispensée d'activité dès la convocation à un entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle a dû immédiatement quitter son poste de travail alors qu'elle dirigeait un service, qu'elle avait une ancienneté assez importante et n'avait commis aucune faute grave, qu'enfin rien ne justifiait pareille précipitation de la part de l'employeur.

6. En se déterminant ainsi, sans caractériser une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement abusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Skill and You à payer à Mme [U] une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires de la rupture, l'arrêt rendu le 3 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Skill and You

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Skill and You fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [I] [U] était abusif, d'AVOIR condamné la SAS Skill and You, venant aux droits du GIE Telead, à payer à Mme [I] [U] les sommes suivantes : 6 312 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 631,20 euros brut au titre des congés payés y afférents, 4 108 euros à titre d'indemnité de licenciement, 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif, 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture ;

1) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de respecter les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait à Mme [U], responsable des ressources humaines, de n'avoir pas réagi lorsqu'un salarié, M. [X], avait cessé de transmettre des arrêts maladie à compter du 1er septembre 2013, la situation ayant perduré jusqu'au 14 octobre 2014 sans qu'aucune visite de reprise ne soit organisée, ni qu'il soit demandé à M. [X] de justifier de sa situation (cf. lettre de licenciement et conclusions d'appel page 26 et s.) ; qu'en défense, la salariée admettait qu'elle avait été informée de la situation d'absence injustifiée de M. [X] à compter du 24 octobre 2013, soit près d'un an avant que le salarié justifie à nouveau de ses absences (conclusions de la salariée page 40, in fine, et page 41, § 1) ; que cependant, pour écarter toute faute de Mme [U], la cour d'appel a retenu que « S'agissant de la situation de M. L., il n'est pas établi que Mme [U] en avait une exacte connaissance et qu'elle était informée de la fin de l'arrêt de travail de ce salarié » (arrêt page 7, in fine) ; qu'en méconnaissant ainsi l'accord des parties sur le fait que Mme [U] était informée que M. [X] avait cessé de justifier de ses absences, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de respecter les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour dénier sa faute dans la gestion des absences de M. [X], Mme [U] ne faisait pas valoir qu'elle aurait commis une erreur quant à la nécessité de réagir lorsqu'elle avait su, le 24 octobre 2013, que le salarié ne justifiait plus de ses absences depuis septembre 2013, ce qui avait perduré jusqu'en octobre 2014 ; qu'elle indiquait au contraire que « selon le principe de précaution qu'elle a toujours mis en oeuvre dans un tel cas, [il convenait] de solliciter du salarié absent les justificatifs du motif de son absence, ce qu'elle a d'ailleurs fait lorsqu'elle a été informée le 24 octobre 2013 de la non-justification d'absence de M. [X] » (conclusions adverses page 40, in fine) ; que cependant, pour écarter toute faute de la salariée, la cour d'appel a retenu que « À supposer une analyse inexacte du dossier par Mme [U], rien ne montre qu'il y aurait eu manquement volontaire de sa part et non simple erreur » ; qu'en statuant ainsi bien que la salariée déniait toute erreur et soutenait avoir correctement agi en demandant que M. [X] soit questionné sur la cause de ses absences, si bien qu'il était impossible de regarder l'inaction qui lui était reprochée comme une simple « erreur », la cour d'appel a derechef violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE les juges du fond doivent examiner tous les motifs de licenciement tels qu'ils sont formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait à la salariée l'absence de mise en place de règlements intérieurs dans les entités du groupe de plus de 20 salariés, tel le GIE Forma-Dis, avant le 26 mars 2014, date à laquelle Mme [U] avait été interpellée sur ce point, sans qu'elle réagisse, si bien qu'il avait fallu que le GIE traite luimême le sujet pour pallier son inertie (lettre de rupture page 5, § 4 et s., et conclusions d'appel page 47 et s.) ; que pour examiner ce grief, la cour d'appel devait donc, d'une part, rechercher s'il existait des règlements intérieurs avant mars 2014 notamment au sein du GIE Forma-Dis et s'ils étaient nécessaires, d'autre part examiner si Mme [U] avait eu une réaction appropriée lorsqu'elle avait été alertée sur ce point ; que cependant, la cour d'appel a tout au plus affirmé que « Le règlement intérieur a été adopté le 11 avril 2014 pour le GIE Forma-Dis et Mme [U] soutient, sans que la preuve contraire soit apportée, qu'un règlement intérieur a bien été mis en place après les élections des représentants du personnel dans toutes les entités de plus de vingt salariés telles que "Ecole chez soi", le GIE Telead et le GIE Sud-Dis » (arrêt page 8 in fine et page 9, § 1) ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne permettant pas d'exclure la faute reprochée à Mme [U] dans la lettre de rupture, la cour d'appel ne disant rien de la mise en place d'un règlement intérieur au sein du GIE Forma-Dis avant avril 2014, ni du rôle de Mme [U] dans la mise en place, en temps voulu ou non, des règlements intérieurs dans les différentes entités du groupe, la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2018 et de l'article L. 1235-1 du code du travail en vigueur avant le 7 août 2015 ;

4) ALORS QUE les juges du fond doivent examiner tous les motifs de licenciement tels qu'ils sont formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, il était reproché à la salariée d'avoir négligé pendant de nombreuses années de régulariser la signature d'une convention de forfait pour les salariés en bénéficiant depuis de nombreuses années, et de n'avoir régularisé la situation qu'après que l'employeur avait découvert la situation et lui avait enjoint de régulariser la situation le 23 octobre 2013, et ce seulement en janvier 2014 (lettre de licenciement page 6, § 2) ; que loin d'examiner ce grief soutenu en cause d'appel (conclusions d'appel page 50 et s.), la cour d'appel a tout au plus affirmé qu'« Il n'est pas prouvé que Mme [U] n'aurait pas fait signer, alors qu'elle l'affirme, les conventions de forfait en jours au mois de janvier 2014 » (arrêt page 9, § 2) ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne permettant pas d'exclure la faute reprochée à Mme [U] dans la lettre de rupture, la cour d'appel ne disant rien ni de l'absence de conventions de forfait avant janvier 2014, ni du comportement de Mme [U] lorsqu'il lui avait été demandé de remédier urgemment à la situation en octobre 2013, la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2018 et de l'article L. 1235-1 du code du travail en vigueur avant le 7 août 2015 ;

5) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner les éléments de preuve versés aux débats par l'employeur pour établir le bien-fondé du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé qu'« Il n'est pas davantage établi que l'appelante était responsable du défaut d'enregistrement du contrat de prévoyance des cadres de l'entreprise Sud Dis » (arrêt page 9, § 3) ; qu'en statuant ainsi sans à aucun moment viser ni analyser, serait-ce sommairement, les éléments de preuve dont se prévalait l'employeur pour établir la carence de Mme [U], dont ses propres écrits (courriel du 20 décembre 2013, pièce d'appel n° 93 et pièces d'appel n° 22), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en affirmant péremptoirement que « Sur la prétendue absence de suivi des dossiers, Mme [U] répondait, en général, dans un délai très rapide aux messages électroniques qui lui étaient personnellement adressés » (arrêt page 8, avant-dernier §), sans dire d'où elle tirait ce renseignement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La société Skill and You fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la SAS Skill and You, venant aux droits du GIE Telead, à payer à Mme [I] [U] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture ;

ALORS QUE la condamnation de l'employeur à payer des dommages et intérêts spécifiques à raison des circonstances de la rupture suppose que soit caractérisée une faute dans ces circonstances de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que Mme [U] avait été dispensée d'activité dès la convocation à l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle avait dû quitter immédiatement son poste de travail, bien qu'elle n'avait commis aucune faute grave et avait une ancienneté assez importante , rien ne justifiant pareille précipitation de la part de l'employeur ; qu'en statuant par des motifs tirés de la dispense de travail de la salariée et de l'analyse de la cause de licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l'allocation d'une indemnité distincte des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués en conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-15399
Date de la décision : 21/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2022, pourvoi n°21-15399


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.15399
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