LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 966 FS-D
Pourvoi n° J 21-14.605
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
1°/ le syndicat Engie énergie Force Ouvrière, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ le comité social et économique d'établissement "Btoc" de la société Engie, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° J 21-14.605 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant à la société Engie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du syndicat Engie énergie Force Ouvrière et du CSE d'établissement "Btoc" de la société Engie, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Engie, les plaidoiries de Me Gatineau et de Me Goulet, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 février 2021), le groupe Engie est organisé en vingt-quatre Business Units (BU), dont la BU France Business to Consumer (« BtoC »). La société Engie, société mère du groupe Engie, comporte quatre établissements, dont l'établissement commercialisateur. Celui-ci, qui est chargé notamment des activités commerciales d'énergie et de services en France auprès des clients particuliers, est composé d'une partie de la BU France « BtoC ».
2. En 2014, a été créée la direction marché clients particuliers (DMPA) ayant pour mission de commercialiser en France les offres d'énergie et des services auprès des clients particuliers. Elle était composée de sept directions, dont la direction des opérations relation clients (DOReC). En 2016, la société Engie a présenté aux représentants du personnel un projet de réorganisation de la DOReC, lequel a abouti, le 26 octobre 2016, à la signature, entre la DMPA et les organisations syndicales représentatives, d'un « accord social accompagnant l'évolution de l'organisation de la direction des opérations relation clients (DOReC) de la direction marché clients particuliers ». Cet accord a été conclu pour une durée déterminée de trois ans arrivant à échéance le 31 décembre 2019. Y était notamment annexé un document (annexe 1) intitulé « projet d'évolution de l'organisation de la direction des opérations relation clients (DOReC) de la DMPA ».
3. En 2017, la DMPA a été scindée en deux directions, la direction tarif réglementé (DTR) et la direction grand public (DGP). Chaque direction de la DMPA et notamment la DOReC, renommée à cette occasion direction du service clients (DSC), a été répartie entre ces deux nouvelles directions. Cette organisation a été mise en place à compter du 1er janvier 2018.
4. Le 29 mai 2018, deux projets relatifs à l'organisation de ces deux directions ont été présentés au comité d'établissement commercialisateur (le comité d'établissement). Le processus d'information-consultation a fait l'objet d'une suspension en application d'un accord conclu le 25 juillet 2018 avec les organisations syndicales représentatives.
5. Au cours du premier trimestre de l'année 2019, compte tenu des dispositions du projet de loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, alors en discussion à l'Assemblée nationale, visant à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz et d'électricité en 2023, la société Engie a présenté, à nouveau, au comité d'établissement un projet d'ajustement de l'organisation de la DTR.
6. Le Conseil constitutionnel, par décision du 16 mai 2019 (n° 2019-781 DC), a annulé les dispositions de la loi Pacte n° 2019-486 du 22 mai 2019 relatives à la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz et d'électricité en juillet 2023. Ces dispositions ont été reprises par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
7. Concomitamment à l'élaboration de la loi du 8 novembre 2019, la société Engie a présenté au comité d'établissement, lors d'une réunion du 22 octobre 2019, un document intitulé « point d'étape sur la trajectoire 2023 », visant les répercussions de la fin programmée des tarifs réglementés, et annoncé l'ouverture d'une procédure d'information- consultation sur la « trajectoire 2023 » ainsi que la négociation d'un accord d'établissement d'accompagnement social.
8. Soutenant que la société Engie avait organisé une fraude et une stratégie délibérée d'adaptation et de compression des effectifs depuis 2018 de la BU France « BtoC », le syndicat Engie énergie Force ouvrière (le syndicat) et le comité social et économique d'établissement « BtoC » de la société Engie (le comité social et économique), venant aux droits du comité d'établissement, ont saisi le tribunal judiciaire, le 25 juin 2020, de demandes tendant à interdire, sous astreinte, à la société Engie de mettre en oeuvre tout projet de restructuration sur le périmètre de l'accord DOReC et d'engager tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel sur un tel projet tant que l'organisation cible prévue par l'accord n'aura pas été effectivement mise en place et que tous les postes n'auront pas été pourvus, d'interdire à la société Engie de scinder artificiellement les procédures d'information-consultation relatives à la restructuration qu'elle envisage de mettre en place et de lui ordonner, sous astreinte, de pourvoir l'ensemble des postes vacants.
9. Le 7 juillet 2020, le comité social et économique s'est vu soumettre un projet d'ajustement de l'organigramme de la DTR. Il a voté le recours à une expertise et désigné dans ce cadre le cabinet Technologia, lequel a remis son rapport en septembre 2020.
10. Un projet d'ajustement de l'organisation de la DTR et de la suppression des emplois vacants a été soumis pour information-consultation au comité social et économique le 24 novembre 2020. Une procédure d'information-consultation du comité social et économique a également été engagée sur le projet « trajectoire 2023 » de la BU France « BtoC », le comité social et économique étant à nouveau réuni les 24 et 25 novembre 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche, le troisième moyen pris en ses cinquième et sixième branches et le quatrième moyen, ci-après annexés
11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation pour la seconde branche du premier moyen, les cinquième et sixième branches du troisième moyen et la seconde branche du quatrième moyen, et qui est irrecevable pour la première branche du quatrième moyen.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. Le syndicat et le comité social et économique font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que l'accord social accompagnant l'évolution de l'organisation de la direction des opérations relations clients de la direction marché clients particuliers, conclu le 26 octobre 2016, prévoyait dans son annexe 1 des organisations cibles avec un nombre de collaborateurs à atteindre par sites, des effectifs planchers en dessous desquels il ne pouvait être descendu et une obligation pour l'employeur de pourvoir tout nouveau poste de l'organisation cible devenu vacant sur les sites ayant vocation à poursuivre leur activité de relation clientèle ou ayant des activités de siège de la direction des opérations relations clients ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que si l'annexe 1 faisait partie intégrante de l'accord du 26 octobre 2016 et avait la même force contraignante que lui, les organisations cibles qui y étaient définies n'avaient cependant de force contraignante vis-à-vis de la société Engie que s'agissant « des salariés de l'entreprise visés dans l'accord » et que cette dernière n'avait donc pas à pourvoir les postes vacants par des recrutements externes, quand il ressortait au contraire de l'accord et de son annexe 1 que l'employeur s'était engagé à atteindre les effectifs cibles définis dans l'annexe 1 et à les maintenir jusqu'au 31 décembre 2019, en recourant donc si nécessaire à des recrutements externes, la cour d'appel a méconnu la force obligatoire de l'accord du 26 octobre 2016, dont son annexe 1, qu'elle a ainsi violé, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103. »
Réponse de la Cour
13. Un accord collectif, s'il manque de clarté, doit être interprété comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.
14. L'arrêt constate d'une part que l'accord collectif du 26 octobre 2016 prévoit, en son article 1er, qu'il vise à définir les conditions d'accompagnement des salariés concernés par l'évolution de la l'organisation de la DOReC rattachée à la DMPA et, en son article 2, que sont concernés par cet accord les salariés statutaires impactés par l'évolution de l'organisation de la DOReC présents au 31 mars 2016, soit les salariés des centres de relations clientèles (CRC) des quatre sites dont l'activité de production de relation clients cessera au 31 décembre 2019, les salariés des CRC des sites dont l'activité de production de relation clients connaîtra une diminution d'emplois d'ici la fin 2019 ainsi que les salariés du service national consommateurs (SNC) présents sur les sites CRC dont l'activité connaîtra la même diminution, ces deux catégories de salariés faisant l'objet d'un accompagnement jusqu'à l'atteinte de cibles d'emplois par site, enfin les salariés des fonctions d'appui et de pilotage impactés par une réduction des emplois d'ici la fin 2019, lesquels feront l'objet d'un accompagnement jusqu'à l'atteinte de la cible d'emplois par entité managériale de chaque délégation, avec des cibles d'emploi déclinées par site, soit douze conseillers par CRC et sept à huit conseillers par équipe SNC, d'autre part que l'annexe 1 de l'accord, partie intégrante de celui-ci, précise les cibles d'emplois visées à l'accord et mentionne que treize sites de production sont concernés, dont quatre doivent voir leur activité cesser d'ici la fin 2019 ([Localité 4], [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 7]), les neuf autres sites de relations clientèles devant connaître une diminution du nombre d'emplois liée à la réduction du nombre des équipes de conseillers, tandis que les activités du SNC doivent être effectuées par quatre équipes situées sur quatre sites et réunir au total trente conseillers répartis sur ces sites.
15. La cour d'appel en a déduit à bon droit, par motifs propres et adoptés, que compte tenu de l'objet de l'accord social du 26 octobre 2016, portant sur l'accompagnement des salariés concernés par les opérations de réorganisation de la DOReC, et de son champ d'application relatif à ces seuls salariés, les organisations cibles définies à l'accord et à son annexe 1 n'engageaient l'employeur qu'à l'égard des salariés de l'entreprise visés dans l'accord et ne créaient aucune obligation de pourvoir les postes vacants en externe.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
17. Le syndicat et le comité social et économique font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que lors de la réunion du comité d'établissement du 26 mars 2019, la direction avait proposé de publier 39 emplois à compter du 1er avril 2019 sur les quatre sites appelés à basculer vers la DGP et de laisser les 20 postes restant vacants ; qu'en concluant que la société Engie n'avait pas manqué à son obligation de publication des postes née de l'accord Dorec, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait accepté de publier qu'une partie des postes vacants, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, ensemble l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'à la date de la réunion du comité d'établissement du 26 mars 2019, il n'y avait que 20 postes restant vacants, "la justification de l'existence d'autres postes en "suspens" n'étant pas apportée" ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait du compte-rendu de la réunion du comité de suivi du 6 mars 2019 produit aux débats qu'il y avait 49 postes vacants à cette date, la cour d'appel, qui se devait d'examiner ce compte-rendu, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il était noté sur les comptes-rendus du comité de suivi de l'accord Dorec sur les années 2018 et 2019 qu'au 4 octobre 2019, il existait "un delta de 41 postes par rapport à l'effectif cible visé dans l'accord" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il ne ressortait pas du compte-rendu du comité de suivi du 4 octobre 2019 que le nombre de postes vacants à cette date par rapport aux organisations cibles était de 65, le delta de 41 postes étant obtenu en prenant en compte les effectifs excédentaires dans certaines délégations CRC par rapport aux organisations cibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, ensemble l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
4°/ que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le juge des référés du tribunal de grande instance, par ordonnance devenue définitive du 24 juillet 2019, avait fait injonction sous astreinte à la société Engie en juillet 2019 de publier localement chaque poste vacant, a cependant retenu, pour conclure à l'absence de manquement de la société Engie à son devoir de mise en oeuvre loyale de l'accord Dorec, que "l'injonction sous astreinte qui y est faite à la société Engie en juillet 2019 de publier localement chaque poste vacant ne saurait suffire à caractériser une violation de l'accord Dorec alors qu'elle ne vient pas sanctionner le défaut de publication des postes mais uniquement le niveau de cette publication" ; qu'en statuant ainsi, quand le fait que l'employeur n'ait pas publié les postes vacants au niveau adéquat caractérisait en soi une méconnaissance des dispositions de l'accord, puisque la publication des postes au niveau national était contraire à la territorialisation des offres d'emploi prévues par l'accord Dorec, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, et l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
5°/ que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que l'employeur qui attend d'être condamné sous astreinte par le juge pour exécuter son obligation née d'un accord collectif n'exécute pas loyalement ce dernier ; qu'en l'espèce, pour juger qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société Engie quant à la publication des postes vacants relevant du périmètre de l'accord Dorec, la cour d'appel a retenu qu'à la suite de l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Nanterre du 24 juillet 2019 qui avait fait injonction sous astreinte à la société Engie de publier localement chaque poste vacant, la société Engie avait publié des offres de postes sur le portail One RH le 9 août 2019 et sur la Bourse de l'emploi le 16 septembre 2019 ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait exécuté son obligation née de l'accord du 26 octobre 2016 qu'après avoir été condamné à une lourde astreinte, ce qui caractérisait en soi une exécution déloyale de l'accord, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, et l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
6°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, le syndicat FO Engie et le comité social et économique de l'établissement BtoC faisaient valoir que la société Engie avait redimensionné les locaux de certains sites de telle sorte qu'ils ne puissent plus accueillir les effectifs existants au sein des organisations cibles, ce qui démontrait "la volonté délibérée de l'entreprise de ne pas pourvoir les emplois vacants et de les supprimer avant toute consultation" ; qu'en relevant d'office, pour écarter ce moyen, que "la redistribution des locaux de certains sites visent des établissements dont les surfaces n'étaient pas exclusivement dédiées aux CRC tandis que l'extrait du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 29 septembre 2016 justifie que le comité d'établissement avait déjà été avisé à cette date de la réorganisation de locaux en termes de m2 sur certains CRC" sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
18. La cour d'appel, ayant constaté que l'accord collectif DOReC du 26 octobre 2016, conclu pour une durée de trois ans, était venu à échéance le 31 décembre 2019, qui a fait ressortir que les demandes du syndicat et du comité social et économique étaient fondées sur ledit accord, en ce qu'elle tendaient à interdire à la société Engie de mettre en oeuvre tout projet de restructuration sur le périmètre de l'accord collectif DOReC et d'engager tout processus consultatif des institutions représentatives du personnel sur un tel projet tant que l'organisation cible prévue par ledit accord n'aura pas été effectivement mise en place et que tous les postes n'auront pas été pourvus et de lui ordonner, sous astreinte, de pourvoir l'ensemble des postes vacants, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen, pris en ses quatre premières branches
Enoncé du moyen
19. Le syndicat et le comité social et économique font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que l'employeur avait attendu le 22 octobre 2019 pour annoncer aux représentants du personnel la suppression de 500 postes à horizon 2023, emportant la suppression des postes vacants dans le périmètre de l'accord Dorec, bien que cette suppression de postes ait été décidée par l'employeur depuis de nombreux mois ; qu'en retenant que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants, quand elle avait relevé, par motif adopté, dans le cadre de l'appréciation de l'obligation pour l'employeur de procéder à des recrutements externes à compter de mars 2019, qu'« étant donné (?) le contexte économique et réglementaire et la programmation acquise de restructuration de la BU France BtoC consécutive à la disparition des tarifs réglementés, la société démontre qu'elle n'était pas en mesure au plan économique et social de recruter en externe sur des postes destinés à être supprimés en raison du redéploiement des salariés soit sur la DGP soit sur d'autres sites », ce dont il s'évinçait que l'employeur savait pertinemment, a minima en mars 2019, que les postes vacants au sein de la DTR étaient destinés à être supprimés, de sorte qu'il aurait dû en informer le comité social et économique d'établissement BtoC et le consulter sur cette suppression de postes, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
2°/ que ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé, par motif adopté, que l'expert [T], dans son rapport déposé au mois de juin 2019, avait "effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023 (soit une baisse de 453 emplois)" ; qu'en retenant que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants au sein de la DTR, quand il ressortait de ses propres constatations que dès juin 2019, l'employeur savait nécessairement qu'il y aurait une diminution substantielle d'emplois dans la DTR et que les postes vacants ne seraient donc pas remplacés, puisque l'expert avait pu lui-même chiffrer la diminution des effectifs que le projet impliquait, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
3°/ que ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, en retenant pour conclure que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants au sein de la DTR que "la société Engie n'a été fixée de manière certaine sur le sort de son activité de vente de gaz aux tarifs réglementés que lors du vote de la loi Energie et Climat du 8 novembre 2019", quand il ressortait de ses propres constatations que la suppression des postes vacants était actée par l'employeur depuis au moins mars 2019, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
4°/ que ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, pour conclure que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants au sein de la DTR, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait fait part le 19 février 2019 "de sa proposition de rattacher quatre sites DTR vers la DGP d'ici 2023 avec une réévaluation chaque année de la situation et la mise en place d'une information-consultation pour le transfert des sites concernés", le 10 avril 2019 "de la nécessité d'adapter le modèle organisationnel de la BU France BtoC, ce qui impliquait le changement de rattachement d'au moins quatre sites DTR vers la DGP d'ici 2023, un examen annuel devant être fait avec les institutions représentatives du personnel afin notamment de faire un point sur l'évolution des effectifs de la DTR" et de "la négociation d'un accord de gestion des emplois et parcours professionnel (GEPP) au niveau d'Engie SA mais avec des spécificités possibles pour BtoC France", avec des mesures visant à faciliter et accompagner la mobilité interne et externe des salariés, "en particulier ceux qui occupent des emplois dits sensibles, c'est-à-dire ayant vocation à disparaître à moyen ou long terme" ; qu'en statuant ainsi, quand le syndicat Engie Energie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement ne contestaient pas que le comité avait été informé sur la restructuration de la BU France BtoC mais faisaient valoir, différemment, que la direction s'était contentée d'exposer la "bascule" de sites affectés aux tarifs réglementés vers les activités d'offres de marché, sans évoquer la suppression massive de postes dont l'employeur entendait assortir ce projet, de sorte que l'information ainsi donnée n'était ni complète, ni sincère ni loyale, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail. »
Réponse de la Cour
20. En application de l'article L. 2323-1, alinéa 2, du code du travail, alors applicable, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle lorsque ces questions ne font pas l'objet des consultations prévues à l'article L. 2323-6.
21. Selon l'article L. 2323-31, alinéa 1er du code du travail, alors applicable, le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs.
22. Par ailleurs, aux termes de l'article 4, § 3, de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, l'information s'effectue à un moment, d'une façon et avec un contenu appropriés, susceptibles notamment de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation.
23. L'arrêt relève d'abord que la société Engie n'a été fixée de manière certaine sur le sort de son activité de vente de gaz aux tarifs réglementés que concomitamment au vote de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, qui a supprimé les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz en 2023.
24. L'arrêt constate ensuite, par motifs propres et adoptés, que la société Engie a réuni le comité d''établissement le 19 février 2019 afin de faire une présentation de la trajectoire possible de la BU « BtoC », au regard d'une réglementation restant incertaine, en proposant de rattacher quatre sites DTR vers la DGP d'ici 2023 avec une réévaluation chaque année de la situation et la mise en place d'une information-consultation pour le transfert des sites concernés, et que la société Engie n'a pas été en mesure de présenter un projet précis de réorganisation des effectifs avant le 22 octobre 2019, date à laquelle le comité d'établissement a été à nouveau réuni pour la présentation d'un document intitulé « point d'étape sur la trajectoire 2023 », visant les répercussions de la fin programmée des tarifs réglementés, avec notamment le lancement d'une procédure d'information-consultation sur la « trajectoire 2023 » et la négociation d'un accord d'établissement d'accompagnement social, en sorte que la dissimulation par l'employeur d'informations relatives à la réorganisation de la BU France « BtoC » et à ses conséquences sur les emplois n'était pas démontrée.
25. La cour d'appel a pu en déduire, par ces seuls motifs, que l'employeur avait respecté son obligation d'information-consultation du comité d'établissement.
26. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat Engie énergie Force ouvrière et le comité social et économique d'établissement « BtoC » de la société Engie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen, en ayant délibéré, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour le syndicat Engie énergie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement "Btoc" de la société Engie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes du syndicat Engie Energie Force Ouvrière et du Comité social et économique d'établissement « BtoC » de la société Engie ;
1) ALORS QUE les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que l'accord social accompagnant l'évolution de l'organisation de la direction des opérations relations clients de la direction marché clients particuliers, conclu le 26 octobre 2016, prévoyait dans son annexe 1 des organisations cibles avec un nombre de collaborateurs à atteindre par sites, des effectifs planchers en dessous desquels il ne pouvait être descendu et une obligation pour l'employeur de pourvoir tout nouveau poste de l'organisation cible devenu vacant sur les sites ayant vocation à poursuivre leur activité de relation clientèle ou ayant des activités de siège de la direction des opérations relations clients ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que si l'annexe 1 faisait partie intégrante de l'accord du 26 octobre 2016 et avait la même force contraignante que lui, les organisations cibles qui y étaient définies n'avaient cependant de force contraignante vis-à-vis de la société Engie que s'agissant « des salariés de l'entreprise visés dans l'accord » et que cette dernière n'avait donc pas à pourvoir les postes vacants par des recrutements externes, quand il ressortait au contraire de l'accord et de son annexe 1 que l'employeur s'était engagé à atteindre les effectifs cibles définis dans l'annexe 1 et à les maintenir jusqu'au 31 décembre 2019, en recourant donc si nécessaire à des recrutements externes, la cour d'appel a méconnu la force obligatoire de l'accord du 26 octobre 2016, dont son annexe 1, qu'elle a ainsi violé, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;
2) ALORS QUE l'interprétation d'un accord collectif faite par le comité de suivi de cet accord est un élément qui doit être pris en considération par le juge appelé à interpréter cet accord ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si le comité de suivi de l'accord collectif du 26 octobre 2016 ne comparait pas à chaque réunion de suivi le nombre de salariés présents avec celui à atteindre par sites selon les effectifs cibles prévus dans l'accord, ce qui démontrait que l'employeur s'était bien engagé à atteindre ces effectifs cibles et qu'il était lié par ces derniers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103, et de l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes du syndicat Engie Energie Force Ouvrière et du Comité social et économique d'établissement « BtoC » de la société Engie ;
1) ALORS QUE les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que lors de la réunion du comité d'établissement du 26 mars 2019, la direction avait proposé de publier 39 emplois à compter du 1er avril 2019 sur les quatre sites appelés à basculer vers la DGP et de laisser les 20 postes restant vacants (arrêt p. 7) ; qu'en concluant que la société Engie n'avait pas manqué à son obligation de publication des postes née de l'accord Dorec, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait accepté de publier qu'une partie des postes vacants, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, ensemble l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'à la date de la réunion du comité d'établissement du 26 mars 2019, il n'y avait que 20 postes restant vacants, « la justification de l'existence d'autres postes en "suspens" n'étant pas apportée » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait du compte-rendu de la réunion du comité de suivi du 6 mars 2019 produit aux débats qu'il y avait 49 postes vacants à cette date, la cour d'appel, qui se devait d'examiner ce compte-rendu, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il était noté sur les comptes-rendus du comité de suivi de l'accord Dorec sur les années 2018 et 2019 qu'au 4 octobre 2019, il existait « un delta de 41 postes par rapport à l'effectif cible visé dans l'accord » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il ne ressortait pas du compte-rendu du comité de suivi du 4 octobre 2019 que le nombre de postes vacants à cette date par rapport aux organisations cibles était de 65, le delta de 41 postes étant obtenu en prenant en compte les effectifs excédentaires dans certaines délégations CRC par rapport aux organisations cibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, ensemble l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
4) ALORS QUE les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le juge des référés du tribunal de grande instance, par ordonnance devenue définitive du 24 juillet 2019, avait fait injonction sous astreinte à la société Engie en juillet 2019 de publier localement chaque poste vacant, a cependant retenu, pour conclure à l'absence de manquement de la société Engie à son devoir de mise en oeuvre loyale de l'accord Dorec, que « l'injonction sous astreinte qui y est faite à la société Engie en juillet 2019 de publier localement chaque poste vacant ne saurait suffire à caractériser une violation de l'accord Dorec alors qu'elle ne vient pas sanctionner le défaut de publication des postes mais uniquement le niveau de cette publication » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand le fait que l'employeur n'ait pas publié les postes vacants au niveau adéquat caractérisait en soi une méconnaissance des dispositions de l'accord, puisque la publication des postes au niveau national était contraire à la territorialisation des offres d'emploi prévues par l'accord Dorec, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, et l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
5) ALORS QUE les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que l'employeur qui attend d'être condamné sous astreinte par le juge pour exécuter son obligation née d'un accord collectif n'exécute pas loyalement ce dernier ; qu'en l'espèce, pour juger qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société Engie quant à la publication des postes vacants relevant du périmètre de l'accord Dorec, la cour d'appel a retenu qu'à la suite de l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Nanterre du 24 juillet 2019 qui avait fait injonction sous astreinte à la société Engie de publier localement chaque poste vacant, la société Engie avait publié des offres de postes sur le portail One RH le 9 août 2019 et sur la Bourse de l'emploi le 16 septembre 2019 (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait exécuté son obligation née de l'accord du 26 octobre 2016 qu'après avoir été condamné à une lourde astreinte, ce qui caractérisait en soi une exécution déloyale de l'accord, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104, et l'annexe 1 de l'accord du 26 octobre 2016 ;
6) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, le syndicat FO Engie et le comité social et économique de l'établissement BtoC faisaient valoir que la société Engie avait redimensionné les locaux de certains sites de telle sorte qu'ils ne puissent plus accueillir les effectifs existants au sein des organisations cibles, ce qui démontrait « la volonté délibérée de l'entreprise de ne pas pourvoir les emplois vacants et de les supprimer avant toute consultation » (conclusions p. 28) ; qu'en relevant d'office, pour écarter ce moyen, que « la redistribution des locaux de certains sites visent des établissements dont les surfaces n'étaient pas exclusivement dédiées aux CRC tandis que l'extrait du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 29 septembre 2016 justifie que le comité d'établissement avait déjà été avisé à cette date de la réorganisation de locaux en termes de m2 sur certains CRC » (arrêt p. 7) sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes du syndicat Engie Energie Force Ouvrière et du Comité social et économique d'établissement « BtoC » de la société Engie ;
1) ALORS QUE ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que l'employeur avait attendu le 22 octobre 2019 pour annoncer aux représentants du personnel la suppression de 500 postes à horizon 2023, emportant la suppression des postes vacants dans le périmètre de l'accord Dorec, bien que cette suppression de postes ait été décidée par l'employeur depuis de nombreux mois ; qu'en retenant que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants, quand elle avait relevé, par motif adopté, dans le cadre de l'appréciation de l'obligation pour l'employeur de procéder à des recrutements externes à compter de mars 2019, qu'« étant donné (?) le contexte économique et réglementaire et la programmation acquise de restructuration de la BU France B to C consécutive à la disparition des tarifs réglementés, la société démontre qu'elle n'était pas en mesure au plan économique et social de recruter en externe sur des postes destinés à être supprimés en raison du redéploiement des salariés soit sur la DGP soit sur d'autres sites » (jugement p. 10), ce dont il s'évinçait que l'employeur savait pertinemment, a minima en mars 2019, que les postes vacants au sein de la DTR étaient destinés à être supprimés, de sorte qu'il aurait dû en informer le comité social et économique d'établissement BtoC et le consulter sur cette suppression de postes, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
2) ALORS QUE ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé, par motif adopté, que l'expert [T], dans son rapport déposé au mois de juin 2019, avait « effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023 (soit une baisse de 453 emplois) » (jugement p. 8) ; qu'en retenant que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants au sein de la DTR, quand il ressortait de ses propres constatations que dès juin 2019, l'employeur savait nécessairement qu'il y aurait une diminution substantielle d'emplois dans la DTR et que les postes vacants ne seraient donc pas remplacés, puisque l'expert avait pu lui-même chiffrer la diminution des effectifs que le projet impliquait, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
3) ALORS QUE ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, en retenant pour conclure que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants au sein de la DTR que « la société Engie n'a été fixée de manière certaine sur le sort de son activité de vente de gaz aux tarifs réglementés que lors du vote de la loi Energie et Climat du 8 novembre 2019 » (arrêt p. 8), quand il ressortait de ses propres constatations que la suppression des postes vacants était actée par l'employeur depuis au moins mars 2019, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
4) ALORS QUE ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, pour conclure que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement sur la suppression des postes vacants au sein de la DTR, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait fait part le 19 février 2019 « de sa proposition de rattacher quatre sites DTR vers la DGP d'ici 2023 avec une réévaluation chaque année de la situation et la mise en place d'une information-consultation pour le transfert des sites concernés », le 10 avril 2019 « de la nécessité d'adapter le modèle organisationnel de la BU France BtoC, ce qui impliquait le changement de rattachement d'au moins quatre sites DTR vers la DGP d'ici 2023, un examen annuel devant être fait avec les institutions représentatives du personnel afin notamment de faire un point sur l'évolution des effectifs de la DTR » et de « la négociation d'un accord de gestion des emplois et parcours professionnel (GEPP) au niveau d'Engie SA mais avec des spécificités possibles pour BtoC France », avec des mesures visant à faciliter et accompagner la mobilité interne et externe des salariés, « en particulier ceux qui occupent des emplois dits sensibles, c'est-à-dire ayant vocation à disparaître à moyen ou long terme » (arrêt p. 8) ; qu'en statuant ainsi, quand le syndicat Engie Energie Force Ouvrière et le comité social et économique d'établissement ne contestaient pas que le comité avait été informé sur la restructuration de la BU France BtoC mais faisaient valoir, différemment, que la direction s'était contentée d'exposer la « bascule » de sites affectés aux tarifs réglementés vers les activités d'offres de marché, sans évoquer la suppression massive de postes dont l'employeur entendait assortir ce projet, de sorte que l'information ainsi donnée n'était ni complète, ni sincère ni loyale, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
5) ALORS QUE ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, pour conclure que le comité social et économique d'établissement avait été loyalement et intégralement informé sur les orientations stratégiques de la "Trajectoire 2023" , la cour d'appel a retenu, par motif adopté, que l'expert [T] mandaté par le comité central d'entreprise avait rendu son rapport au mois de juin 2019 dans lequel il avait effectué une simulation de l'évolution des effectifs pour la DTR indiquant un passage de 872 salariés en 2017 à 419 en 2023, soit une baisse de 453 emplois (jugement pp. 8-9) ; qu'en s'attachant aux informations obtenues par le comité central d'entreprise grâce au recours à une expertise pour vérifier si l'employeur avait satisfait à son obligation loyale d'information envers le comité d'établissement, quand elle ne devait s'attacher qu'aux éléments remis directement par l'employeur au comité d'établissement, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-17, L. 2312-22, L. 2312-24 L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
6) ALORS QUE ne satisfait pas à son obligation d'information-consultation du comité social et économique sur un projet de réorganisation l'employeur qui passe sous silence les suppressions de postes que ce projet va entraîner ; qu'en l'espèce, pour conclure que la société Engie avait respecté son obligation de consultation du comité social et économique d'établissement, la cour d'appel a retenu, par motif adopté, que la communication intersyndicale du 18 février 2019 mentionnait, dès le mois de février, que 500 postes seraient concernés par une suppression après transfert des autres postes vers la DGP et indiquait en conclusions que « cela laisse entendre que les emplois concernés vont progressivement s'éteindre » (jugement p. 9) ; qu'en s'attachant à la teneur d'une communication intersyndicale qui n'évoquait pas une information-consultation de comité social et économique sur la suppression de postes pour en conclure que l'employeur avait satisfait à son obligation loyale d'information envers le comité d'établissement, quand elle ne devait s'attacher qu'aux éléments remis directement par l'employeur au comité d'établissement, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-14, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes du syndicat Engie Energie Force Ouvrière et du Comité social et économique d'établissement « BtoC » de la société Engie ;
1) ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation d'information et de consultation loyale et complète du comité social et économique sur un projet de suppression de postes ne peut dissocier le processus d'information-consultation du comité sur ce projet de celui sur le projet plus vaste de réorganisation dans lequel il s'inscrit ; qu'en l'espèce, le syndicat FO Engie et le comité social et économique d'établissement BtoC reprochaient à la société Engie d'avoir informé et consulté le comité sur le projet de suppression des 102 postes vacants à la DTR du 7 juillet 2020 au 15 septembre 2020, soit avant et indépendamment du processus d'information et de consultation du comité sur le projet Trajectoire 2023, bien que le premier s'inscrive complètement dans le second ; qu'après avoir relevé que l'étude des emplois vacants à supprimer figurait également dans le projet Trajectoire 2023, la cour d'appel a cependant retenu que le fait que l'employeur ait dissocié les deux processus d'information et de consultation ne démontrait pas une stratégie de détournement ou de fraude (arrêt p. 9) ; qu'en subordonnant l'irrégularité de la dissociation des deux processus d'information-consultation à une stratégie de détournement ou de fraude, la cour d'appel a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-37 et L. 2312-39 du code du travail ;
2) ALORS en toute hypothèse QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, le syndicat FO Engie et le comité social et économique d'établissement BtoC soulignaient que dans le cadre de la consultation sur le projet Trajectoire 2023 initiée en septembre 2020, la direction avait proposé que soient actées dans l'accord de méthode la suspension de la publication et du recrutement sur les postes qui deviendraient vacants au sein de la DTR et la consultation du comité social et économique tous les semestres pour entériner définitivement les suppressions de postes (conclusions p. 19) ; qu'en retenant qu'il n'était pas justifié d'une stratégie de détournement ou de fraude sans répondre à ce moyen tiré de la tentative de l'employeur d'obtenir dans le cadre de la négociation de l'accord de méthode avec les organisations syndicales sur le projet Trajectoire 2023 la suppression définitive des postes vacants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.