LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 septembre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 593 F-D
Pourvoi n° Y 21-18.298
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société Hugoval II, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-18.298 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de [Localité 3] (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Ambulances de [Localité 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Hugoval II, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ambulances de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 3], 8 avril 2021), le 1er décembre 2011, la société civile immobilière Hugoval II (la SCI) a donné en location à la société Ambulances de [Localité 3] des locaux à usage professionnel.
2. Le 2 juin 2017, la SCI a signifié à la société Ambulances de [Localité 3] un commandement, visant la clause résolutoire insérée au bail, de payer un arriéré de loyers.
3. Le 13 mars 2019, la SCI a assigné la société Ambulances de [Localité 3] en constatation de la résiliation du bail au 3 août 2017 et en paiement, d'une part, des loyers et charges dus à cette date, d'autre part, d'une indemnité d'occupation jusqu'au 13 décembre 2017, date de restitution des locaux loués.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en fixation au 13 décembre 2017 de la restitution des locaux loués et en condamnation de la preneuse au paiement d'une indemnité d'occupation, alors « que le preneur dont le bail est résilié doit au propriétaire une indemnité d'occupation jusqu'à ce qu'il remette à celui-ci les clés du local qui lui a été donné à bail, hormis le cas où le bailleur refuse de recevoir les clés qui lui sont offertes ; que la remise des clés suppose que le preneur dont le bail est résilié ne puisse plus avoir accès au local donné à bail et donc qu'il ne puisse plus y pénétrer ; qu'en relevant, pour justifier que la société Ambulances de [Localité 3] a remis le 31 décembre 2015 les clés du local qui lui avait été donné à bail, que la société Hugoval II avait, à cette date, « connaissance de la localisation des clés du local avant même l'établissement de l'état des lieux de sortie le 13 décembre 2017 », la cour d'appel, qui ne justifie pas qu'au 31 décembre 2015 la société Ambulances de [Localité 3] n'avait plus matériellement accès au local donné à bail et ne pouvait donc plus y pénétrer, a violé l'article 1730 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La société Ambulances de [Localité 3] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et est incompatible avec la thèse soutenue par la SCI devant la cour d'appel.
6. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la SCI soutenait que la société Ambulances de [Localité 3] était redevable d'une indemnité d'occupation depuis la résiliation du bail jusqu'à la restitution des locaux loués.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1737 du code civil :
8. Selon ce texte, le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé.
9. Pour rejeter la demande du bailleur en paiement d'indemnités d'occupation, l'arrêt retient que la SCI avait connaissance de la localisation des clés du local avant même l'établissement de l'état des lieux de sortie le 13 décembre 2017 et que, dans ces conditions, au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, il est considéré que la société Ambulances de [Localité 3] justifie de la remise des clés des locaux lors de son départ des lieux le 31 décembre 2015.
10. En statuant ainsi, sans constater la remise effective des clefs au bailleur en personne ou à un mandataire dûment habilité à les recevoir, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate la résiliation au 31 décembre 2015 du bail consenti le 1er décembre 2011 par la société civile immobilière Hugoval II à la société Ambulances de [Localité 3], l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de [Localité 3] ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de [Localité 3] autrement composée ;
Condamne la société Ambulances de [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ambulances de [Localité 3] et la condamne à payer à la société civile immobilière Hugoval II la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société Hugoval II
La société Hugoval II fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de l'action qu'elle formait contre la société Ambulances de [Localité 3], d'une part, pour voir décider que la restitution du local qu'elle lui a donné à bail le 1er décembre 2011, a eu lieu le 13 décembre 2017, et, d'autre part, pour voir condamner la société Ambulances de [Localité 3] à lui payer une indemnité d'occupation ;
ALORS QUE le preneur dont le bail est résilié doit au propriétaire une indemnité d'occupation jusqu'à ce qu'il remette à celui-ci les clés du local qui lui a été donné à bail, hormis le cas où le bailleur refuse de recevoir les clés qui lui sont offertes ; que la remise des clés suppose que le preneur dont le bail est résilié ne puisse plus avoir accès au local donné à bail et donc qu'il ne puisse plus y pénétrer ; qu'en relevant, pour justifier que la société Ambulances de [Localité 3] a remis le 31 décembre 2015 les clés du local qui lui avait été donné à bail, que la société Hugoval II avait, à cette date, « connaissance de la localisation des clés du local avant même l'établissement de l'état des lieux de sortie le 13 décembre 2017 », la cour d'appel, qui je justifie pas qu'au 31 décembre 2015 la société Ambulances de [Localité 3] n'avait plus matériellement accès au local donné à bail et ne pouvait donc plus y pénétrer, a violé l'article 1730 du code civil.