LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juillet 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 581 F-D
Pourvois n°
V 21-10.636
F 21-11.681 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022
I. 1°/ M. [T] [N], domicilié [Adresse 5],
2°/ M. [S] [J], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° V 21-10.636 contre un arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [R] [O],
2°/ à Mme [L] [K], épouse [O],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
3°/ à M. [E] [I], domicilié [Adresse 3],
4°/ à Mme [W] [D], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
II. 1°/ M. [R] [O],
2°/ Mme [L] [K], épouse [O],
ont formé le pourvoi n° F 21-11.681 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :
1°/ à M. [E] [I],
2°/ à Mme [W] [D], épouse [I],
3°/ à M. [T] [N],
4°/ à M. [S] [J],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs aux pourvoi n° V 21-10.636 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi n° F 21-11.681 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [N] et [J], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. et Mme [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [I], après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 21-10.636 et F 21-11.681 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à MM. [N] et [J] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme [I].
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), par acte authentique du 28 décembre 2009, reçu par M. [N] avec la participation de M. [J], notaires, M. et Mme [O] ont vendu une maison d'habitation à M. et Mme [I].
4. Des désordres étant apparus, après expertise, M. et Mme [I] ont assigné M. et Mme [O] en indemnisation de leurs préjudices. MM. [N] et [J] ont été assignés en intervention forcée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° F 21-11.681 et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° V 21-10.636, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi n° F 21-11.681 et sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° V 21-10.636, réunis
Enoncé des moyens
6. Par leur second moyen, M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de condamner in solidum MM. [N] et [J] à les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre au profit des époux [I] à hauteur de seulement 50 %, alors « que le notaire rédacteur d'un acte de vente ou assistant ses clients lors d'une vente, qui commet un manquement à ses obligations en l'absence duquel la vente n'aurait pas été entachée d'un vice caché, est tenu de garantir le vendeur de l'ensemble des condamnations mises à sa charge au titre de ce vice caché ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que M. [T] [N] et M. [S] [J] avaient commis des fautes professionnelles lors de l'établissement et de la signature de l'acte de vente du 28 décembre 2009 tenant à ce qu'étant informés de l'existence du rapport [C] du 17 décembre 1999 qui concluait à un risque d'instabilité de la villa, ils n'avaient pas interrogé M. et Mme [O] à son sujet, ils n'en avaient pas fait mention dans l'acte de vente et ils n'avaient pas attiré l'attention des époux [I] sur son existence ; qu'en n'accueillant toutefois le recours en garantie formé par M. et Mme [O] à l'encontre de M. [T] [N] et de M. [S] [J] que partiellement, à hauteur de 50 % seulement, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
7. Par leur moyen, MM. [N] et [J] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à relever et garantir M. et Mme [O] des condamnations prononcées à l'encontre de ces derniers au profit de M. et Mme [I] à hauteur de 50 %, alors « que si la faute intentionnelle du vendeur ne le prive pas de tout recours contributif contre le notaire qui a prêté son concours à la rédaction d'un acte dolosif, ce dernier ne peut être tenu de supporter seul la totalité de la charge finale de la condamnation prononcée in solidum ; qu'en condamnant les notaires à garantir les vendeurs à hauteur de 50 % des sommes mises à la charge de ces derniers à l'égard des acquéreurs, quand elle ne pouvait condamner les notaires à supporter, dans les rapports avec leurs coresponsables, la totalité de la charge finale de la condamnation à payer 50 % de ces sommes, prononcée in solidum à l'égard des notaires et des vendeurs, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Les notaires rédacteurs de l'acte de vente peuvent être tenus de garantir partiellement, en considération des fautes professionnelles qu'ils ont commises, le vendeur à l'encontre duquel est retenue une faute intentionnelle.
9. Ayant exactement énoncé que la faute commise par M. et Mme [O] ne saurait les priver de tout recours contre MM. [N] et [J], au regard des fautes professionnelles retenues à l'encontre de ces derniers lors de l'établissement de l'acte de vente, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans leur faire supporter la totalité de la réparation du dommage, que la cour d'appel a condamné les notaires, d'une part, in solidum avec les vendeurs, au paiement de 50 % des sommes allouées aux acquéreurs en réparation de leur préjudice et, d'autre part, à relever et garantir les vendeurs des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 50 %.
10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour MM. [N] et [J] (demandeurs au pourvoi n° V 21-10.636)
MM. [N] et [J] font grief à l'arrêt infirmatif attaqué de les AVOIR condamnés in solidum à relever et garantir M. et Mme [O] des condamnations prononcées à l'encontre de ces derniers au profit de M. et Mme [I] à hauteur de 50 % ;
1°) ALORS QUE le notaire ne peut être tenu de garantir le paiement, par le vendeur, de sommes mises à la charge de ce dernier en application de la garantie des vices cachés, au profit de l'acquéreur ; qu'en condamnant les notaires à garantir les époux [O] à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre, à l'égard des acquéreurs, en raison des vices cachés affectant le bien immobilier vendu, quand lesdites sommes dues par les vendeurs en vertu de la garantie des vices cachés ne constituaient pas un préjudice indemnisable, dès lors qu'elles procédaient de l'application de la garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, 1644 et 1645 du code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, si la faute intentionnelle du vendeur ne le prive pas de tout recours contributif contre le notaire qui a prêté son concours à la rédaction d'un acte dolosif, ce dernier ne peut être tenu de supporter seul la totalité de la charge finale de la condamnation prononcée in solidum ; qu'en condamnant les notaires à garantir les vendeurs à hauteur de 50 % des sommes mises à la charge de ces derniers à l'égard des acquéreurs, quand elle ne pouvait condamner les notaires à supporter, dans les rapports avec leurs coresponsables, la totalité de la charge finale de la condamnation à payer 50 % de ces sommes, prononcée in solidum à l'égard des notaires et des vendeurs, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [O] (demandeurs au pourvoi n° F 21-11.681)
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. et Mme [O] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé qu'ils engageaient leur responsabilité au regard des articles 1641 et suivants du code civil et, en conséquence, de les AVOIR condamnés in solidum au paiement de la somme de 539 312,04 euros en réparation du préjudice matériel subi par les époux [I], au paiement de la somme de 75 000 euros au titre de l'étude géologique et géotechnique, de l'étude structures et de la maîtrise d'oeuvre, et au paiement de la somme de 64 400 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice de jouissance subi, le tout assorti des intérêts capitalisés d'année en année jusqu'à parfait paiement et ce à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance ;
ALORS QUE le vice est dépourvu de caractère caché lorsque l'acheteur a eu connaissance de son existence antérieurement à la vente ; qu'en énonçant, pour retenir que le vice de construction de la villa présentait un caractère caché au jour de la vente, que la mention de la remise en 2002 à M. et Mme [O] d'un rapport d'étude géotechnique des modalités de confortation du bien établi en décembre 1999, figurant en dernière page de l'acte annexé à l'acte de vente du 28 décembre 2009, était insuffisante à faire prendre conscience aux époux [I] de l'existence de ce vice de construction, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si leur connaissance de ce vice, au regard de cette mention, ne résultait pas de ce qu'ils avaient négocié une baisse substantielle du prix de vente de 60 555 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)M. et Mme [O] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum M. [T] [N] et M. [S] [J] à les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre au profit des époux [I] à hauteur de seulement 50% et de les AVOIR déboutés du surplus de leur demande à l'encontre de M. [T] [N] et de M. [S] [J] ;
ALORS QUE le notaire rédacteur d'un acte de vente ou assistant ses clients lors d'une vente, qui commet un manquement à ses obligations en l'absence duquel la vente n'aurait pas été entachée d'un vice caché, est tenu de garantir le vendeur de l'ensemble des condamnations mises à sa charge au titre de ce vice caché ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que M. [T] [N] et M. [S] [J] avaient commis des fautes professionnelles lors de l'établissement et de la signature de l'acte de vente du 28 décembre 2009 tenant à ce qu'étant informés de l'existence du rapport [C] du 17 décembre 1999 qui concluait à un risque d'instabilité de la villa, ils n'avaient pas interrogé M. et Mme [O] à son sujet, ils n'en avaient pas fait mention dans l'acte de vente et ils n'avaient pas attiré l'attention des époux [I] sur son existence ; qu'en n'accueillant toutefois le recours en garantie formé par M. et Mme [O] à l'encontre de M. [T] [N] et de M. [S] [J] que partiellement, à hauteur de 50 % seulement, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.