LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2022
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 856 F-D
Pourvoi n° W 21-14.777
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022
M. [F] [N] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-14.777 contre l'arrêt rendu le 5 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la société Dynamic Gorlier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [N] [T], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Dynamic Gorlier, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 05 février 2021), M. [N] [T] a été engagé, le 20 mars 1997, par la société Dynamic Gorlier en qualité de conducteur de véhicule poids lourd hautement qualifié.
2. Licencié pour faute grave par lettre du 16 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
Le salarié fait grief à l'arrêt de dire bien fondé son licenciement pour faute grave et, en conséquence, de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ qu'un fait de la vie personnelle du salarié, même s'il occasionne un trouble dans l'entreprise, ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. [N] [T] avait été licencié pour avoir adressé des messages à connotation sexuelle à une salariée d'une société cliente, a néanmoins, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, énoncé qu'il s'était trouvé en relation avec cette salariée, dont il avait eu connaissance des coordonnées téléphoniques professionnelles, dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et que ces messages avaient entraîné un trouble caractérisé dans l'entreprise puisque le salarié s'était vu interdire l'accès au site de l'entreprise cliente, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le fait reproché au salarié était étranger à ses fonctions de chef d'équipe, relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations professionnelles, de sorte qu'il ne pouvait justifier une sanction disciplinaire, violant ainsi l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble l'article 9 du code civil ;
2°/ que le seul fait pour un salarié chef d'équipe d'avoir adressé des messages à connotation sexuelle à une personne tierce à l'entreprise, fût-elle salariée d'un partenaire commercial, sans qu'il en résulte un préjudice pour celle-ci, ne caractérise pas un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'en se bornant, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, à énoncer que le salarié avait adopté un comportement injurieux, à l'égard d'une salariée d'un partenaire commercial, ce qui avait eu pour conséquence d'entraîner un trouble caractérisé dans l'entreprise puisque l'exposant s'était vu interdire l'accès au site de l'entreprise cliente, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que la société Saint Louis Sucre avait pris la décision, avant la notification du licenciement, d'arrêter son activité de raffinerie de sucre sur le site sur lequel l'exposant était affecté, ce qui mettait un terme à la mission du salarié sur ce site, n'excluait pas toute désorganisation de l'entreprise qui n'avait perdu aucun client et, partant, toute faute grave de l'exposant en l'absence de préjudice subi par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
3° / que la faute grave doit être appréciée in concreto en tenant compte des qualités professionnelles du salarié et de ses antécédents disciplinaires ; qu'en se bornant à retenir que le fait pour le salarié d'avoir adopté un comportement injurieux, à l'égard d'une salariée d'un partenaire commercial, ce qui avait eu pour conséquence d'entraîner un trouble caractérisé dans l'entreprise et porté atteinte à son image, constituait une faute grave justifiant que l'employeur ne puisse poursuivre la relation contractuelle, sans prendre en considération pour apprécier la légitimité du licenciement, comme elle y était invitée, le comportement antérieur exempt de tout reproche de M. [N] [T] qui, depuis son embauche, ayant toujours donné entière satisfaction à son employeur et adopté un comportement respectueux à l'égard des autres salariés, ne s'était jamais vu notifier la moindre sanction disciplinaire en près de vingt ans d'ancienneté et avait travaillé consciencieusement pour participer au développement de l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
3. La cour d'appel, qui a relevé que l'intéressé, dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, s'était trouvé en relation avec une salariée d'une entreprise cliente et avait eu connaissance de ses coordonnées téléphoniques professionnelles dont il avait fait un usage abusif en lui adressant des messages à caractère obscène, a pu en déduire que les propos à caractère sexuel à l'égard de cette salariée, avec laquelle il était en contact exclusivement en raison de son travail, ne relevaient pas de sa vie personnelle.
4. Ayant ainsi relevé ce comportement injurieux à l'égard d'une salariée d'un partenaire commercial, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire qu'il rendait impossible la poursuite du contrat de travail.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [N] [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [N] [T]
M. [N] [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit bien fondé son licenciement notifié pour faute grave et de l'avoir, en conséquence, débouté de l'ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QU' un fait de la vie personnelle du salarié, même s'il occasionne un trouble dans l'entreprise, ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. [N] [T] avait été licencié pour avoir adressé des messages à connotation sexuelle à une salariée d'une société cliente, a néanmoins, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, énoncé qu'il s'était trouvé en relation avec cette salariée, dont il avait eu connaissance des coordonnées téléphoniques professionnelles, dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et que ces messages avaient entrainé un trouble caractérisé dans l'entreprise puisque le salarié s'était vu interdire l'accès au site de l'entreprise cliente, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le fait reproché au salarié était étranger à ses fonctions de chef d'équipe, relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations professionnelles, de sorte qu'il ne pouvait justifier une sanction disciplinaire, violant ainsi l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble l'article 9 du code civil ;
2°) ALORS QUE le seul fait pour un salarié chef d'équipe d'avoir adressé des messages à connotation sexuelle à une personne tierce à l'entreprise, fût-elle salariée d'un partenaire commercial, sans qu'il en résulte un préjudice pour celle-ci, ne caractérise pas un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'en se bornant, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, à énoncer que le salarié avait adopté un comportement injurieux, à l'égard d'une salariée d'un partenaire commercial, ce qui avait eu pour conséquence d'entrainer un trouble caractérisé dans l'entreprise puisque l'exposant s'était vu interdire l'accès au site de l'entreprise cliente, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que la société Saint Louis Sucre avait pris la décision, avant la notification du licenciement, d'arrêter son activité de raffinerie de sucre sur le site sur lequel l'exposant était affecté, ce qui mettait un terme à la mission du salarié sur ce site, n'excluait pas toute désorganisation de l'entreprise qui n'avait perdu aucun client et, partant, toute faute grave de l'exposant en l'absence de préjudice subi par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE la faute grave doit être appréciée in concreto en tenant compte des qualités professionnelles du salarié et de ses antécédents disciplinaires ; qu'en se bornant à retenir que le fait pour le salarié d'avoir adopté un comportement injurieux, à l'égard d'une salariée d'un partenaire commercial, ce qui avait eu pour conséquence d'entraîner un trouble caractérisé dans l'entreprise et porté atteinte à son image, constituait une faute grave justifiant que l'employeur ne puisse poursuivre la relation contractuelle, sans prendre en considération pour apprécier la légitimité du licenciement, comme elle y était invitée, le comportement antérieur exempt de tout reproche de M. [N] [T] qui, depuis son embauche, ayant toujours donné entière satisfaction à son employeur et adopté un comportement respectueux à l'égard des autres salariés, ne s'était jamais vu notifier la moindre sanction disciplinaire en près de vingt ans d'ancienneté et avait travaillé consciencieusement pour participer au développement de l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail.