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12/07/2022 | FRANCE | N°20-21892

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2022, 20-21892


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 858 F-D

Pourvoi n° J 20-21.892

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

L'association de l'Institut

régional du travail social de Champagne-Ardenne, association régie par la loi du 1er juillet 1901, dont le siège est [Adresse 2], agissant en l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 858 F-D

Pourvoi n° J 20-21.892

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

L'association de l'Institut régional du travail social de Champagne-Ardenne, association régie par la loi du 1er juillet 1901, dont le siège est [Adresse 2], agissant en la personne de son président en exercice, a formé le pourvoi n° J 20-21.892 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association de l'Institut régional du travail social de Champagne-Ardenne, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Prache, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 septembre 2020) et les productions, M. [C] a été engagé à compter du 3 janvier 2017 par l'association Institut régional du travail social de Champagne-Ardenne (l'association), en qualité de directeur général. Son contrat de travail stipulait qu'en application de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, il était classé à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de onze ans.

2. Licencié pour faute grave le 26 janvier 2018, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le cinquième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen,

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui verser des sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de le condamner à verser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement à celui de la décision rendue, alors :

« 1°/ que les juges sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs figurant dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir retenu, s'agissant des méthodes de management reprochées au salarié, que ceux des griefs ‘'imputés à une insuffisance professionnelle fautive ne sont pas établis'‘, a dit qu'il ‘'n'y a pas lieu au regard du caractère disciplinaire du licenciement d'examiner ce qui [était] invoqué par ailleurs, qui relève tout au plus de l'insuffisance professionnelle'‘ ; qu'en statuant ainsi, sans préciser quels autres griefs étaient faits au salarié et en quoi ils ne relevaient pas de la faute, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation à même d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1232-1, L. 1235-1, et L. 1331-1 du code du travail ;

2°/ qu'au titre de son management, la lettre de licenciement reprochait au salarié, outre les griefs que la cour d'appel a considéré comme fautifs mais non établis, d'avoir fait preuve d'un attentisme incompréhensible dans le traitement de la modernisation du système d'information et en particulier dans la mise en place d'un nouveau logiciel, dans la préparation du départ à la retraite d'un salarié, dans la transmission d'informations, faisant appel à un membre du bureau pour y procéder, ‘'ce qui montr[ait] qu[‘il] n'assum[ait] plus [ses] obligations et qu[‘il] [s'était] volontairement mis en retrait des missions qui [lui étaient] dévolues'‘, de s'être absenté à plusieurs reprises en laissant ses collaborateurs livrés à eux-mêmes, sans directives, et devant assumer à sa place le management de l'établissement, de s'être contenté, face aux difficultés rencontrées par les salariés, de demander le recrutement d'un salarié ‘'qui s'occuperait du management de l'institut'‘ afin que lui-même puisse se consacrer ‘'aux relations extérieures et au développement'‘, révélant sa volonté de ne plus se confronter aux problèmes internes de l'établissement ainsi que sa renonciation à exercer ses missions, ainsi que d'avoir, sans lui-même remettre en cause ses pratiques managériales, renvoyé les salariés en souffrance vers une psychologue de travail, que le salarié avait par surcroît installée à proximité immédiate de la salle de restauration, au mépris des règles de confidentialité ; qu'enfin la lettre de licenciement soulignait que l'ensemble des manquements reprochés au salarié révélait l'absence de toute volonté de sa part de diriger l'établissement avec bonne foi et loyauté ; qu'en considérant que ces manquements relèveraient tout au plus de l'insuffisance professionnelle, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

3°/ subsidiairement, qu'à supposer même qu'ainsi que la cour d'appel l'a retenu, la lettre de licenciement ait reproché au salarié certains faits, distincts de ceux, fautifs, qui n'auraient relevé que de l'insuffisance professionnelle, il lui revenait dans ces conditions de rechercher s'ils ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en s'en abstenant, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, qui a examiné l'ensemble des griefs énoncés, a souverainement estimé, sans dénaturation, que la lettre de licenciement faisait état de certains faits pouvant relever d'une insuffisance professionnelle fautive dont elle a estimé qu'ils n'étaient pas établis et d'autres faits qui ne caractérisaient pas un manquement fautif. Ayant ensuite relevé que le licenciement avait un caractère disciplinaire, elle a légalement justifié sa décision.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens réunis, pris en leur première branche

Enoncé des moyens

7. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une somme à titre d'indemnité de licenciement, alors « que l'ancienneté définie par l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 a pour seul objet de déterminer le classement fonctionnel permettant de fixer la rémunération du salarié, muté au sein de l'établissement ou recruté directement ; que l'article 10 de l'annexe n° 6 ‘'dispositions spéciales aux cadres'‘ de ladite convention dispose que ‘'le cadre licencié qui compte plus de deux ans d'ancienneté ininterrompue (...) au service de la même entreprise a droit (...) à une indemnité de licenciement égale à (?) un mois par année de service en qualité de cadre'‘ ; qu'en l'espèce, le contrat de travail du salarié stipulait qu' ‘'en application de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, [il] sera classé à l'indice 1090 (cadres hors classe) incluant une reprise d'ancienneté de onze ans'‘ ; qu'ainsi, l'ancienneté mentionnée au contrat de travail avait seul objet de déterminer le classement fonctionnel du salarié permettant de fixer le montant de sa rémunération ; que, pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 66.716,80 €, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail du salarié, embauché le 13 décembre 2016 et licencié le 26 janvier 2018, prévoyait son classement à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de onze ans, en sorte qu'à la date de son licenciement, il comptait une ancienneté de douze ans, et qu'en application de l'article 10 de l'annexe 6 de la convention collective, il pouvait prétendre à douze fois sa rémunération moyenne ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'article 10 de l'annexe 6 ‘'dispositions spéciales aux cadres'‘ attachée à ladite convention, ensemble l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »

8. L'association fait également grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, alors « que l'ancienneté définie par l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 a pour seul objet de déterminer le classement fonctionnel permettant de fixer la rémunération du salarié, muté au sein de l'établissement ou recruté directement ; que l'article 9 de l'annexe n° 6 ‘'dispositions spéciales aux cadres'‘ de ladite convention dispose que, ‘'pour les directeurs généraux (...) qui comptent plus de deux années d'ancienneté ininterrompue (...) au service de la même entreprise, le délai-congé est [de] six [mois] en cas de licenciement'‘ ; qu'en l'espèce, le contrat de travail du salarié stipulait qu' ‘'en application de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, [il] sera classé à l'indice 1090 (cadres hors classe) incluant une reprise d'ancienneté de onze ans'‘ ; qu'ainsi, l'ancienneté mentionnée au contrat de travail avait seul objet de déterminer le classement fonctionnel du salarié permettant de fixer le montant de sa rémunération ; que, pour fixer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail du salarié, embauché le 13 décembre 2016 et licencié le 26 janvier 2018, prévoyait son classement à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de onze ans, en sorte qu'à la date de son licenciement, il comptait une ancienneté de douze ans, et qu'en application de l'article 9 de l'annexe 6 de la convention collective, il pouvait prétendre à la somme de 31.358,40 €, laquelle représentait six fois le montant du salaire de base qu'elle a retenu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'article 9 de l'annexe 6 ‘'dispositions spéciales aux cadres'‘ attachée à ladite convention, ensemble l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »

9. L'association fait enfin grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'ancienneté définie par l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 a pour seul objet de déterminer le classement fonctionnel permettant de fixer la rémunération du salarié, muté au sein de l'établissement ou recruté directement ; que l'ancienneté à prendre en considération pour la fixation des dommages -intérêts alloués au titre du de l'article L. 1235-3 du code du travail est celle résultant du contrat de travail au cours duquel le licenciement est prononcé ; qu'en l'espèce, le contrat de travail du salarié stipulait qu' ‘'en application de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, [il] sera classé à l'indice 1090 (cadres hors classe) incluant une reprise d'ancienneté de onze ans'‘ ; qu'ainsi, l'ancienneté mentionnée au contrat de travail avait seul objet de déterminer le classement fonctionnel du salarié permettant de fixer le montant de sa rémunération ; que, pour fixer à douze années l'ancienneté retenue pour déterminer le montant des dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a considéré que le contrat de travail du salarié, embauché le 13 décembre 2016 et licencié le 26 janvier 2018, prévoyait son classement à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de onze ans ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code, et l'article L. 1235-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité des moyens

10. Le salarié conteste la recevabilité des moyens qui seraient contraires à la thèse soutenue devant les juges du fond par l'employeur, qui n'a pas contesté l'ancienneté de douze ans acquise au moment de son licenciement.

11. Cependant, l'association, qui s'opposait à toutes les demandes indemnitaires formées contre elle, avait critiqué devant la cour d'appel l'intelligibilité de la méthode de calcul suivie par le salarié.

12. Les moyens sont donc recevables.

Bien-fondé des moyens

Vu l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et l'article 1103 du code civil :

13. Selon le premier de ces textes, relatif au classement fonctionnel, quand le classement dans le nouvel emploi résulte d'un recrutement direct, il est tenu compte des antécédents professionnels et de la situation acquise par le salarié dans ses précédentes fonctions avec une reprise de l'ancienneté en totalité ou dans la limite de 2/3 de l'ancienneté acquise au moment de l'engagement, selon que les fonctions ont été exercées dans des établissements ou services de même nature ou de nature différente.

14. Il en résulte que l'ancienneté définie par cet article a pour seul objet de déterminer le classement fonctionnel permettant de fixer la rémunération du salarié recruté directement.

15. Pour fixer le montant des indemnités accordées au salarié au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et lui allouer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que son contrat de travail stipule une classification à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de onze ans et en déduit une ancienneté totale de douze ans acquise par l'intéressé à la date de son licenciement.

16. En statuant ainsi, alors que la mention, dans le contrat de travail, d'une reprise d'ancienneté de onze ans, en application du texte susvisé, concernait la seule détermination de son indice et ne pouvait s'entendre d'une reprise d'ancienneté s'appliquant à l'ensemble de la relation de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'association Institut régional du travail social de Champagne-Ardenne à verser à M. [C] diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'association Institut régional du travail social de Champagne-Ardenne aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Institut régional du travail social de Champagne-Ardenne à payer à M. [C] les sommes de 62 716,80 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 31 358,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 135,84 euros au titre des congés payés afférents et de 20 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour l'association de l'Institut régional du travail social de Champagne-Ardenne

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'association de l'INSTITUT REGIONAL DU TRAVAIL SOCIAL DE CHAMPAGNE-ARDENNE fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'association de l'INSTITUT REGIONAL DU TRAVAIL SOCIAL DE CHAMPAGNE-ARDENNE à lui verser les sommes de 62.716,80 € à titre d'indemnité de licenciement, 31.358,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3.135,84 € au titre des congés payés afférents, 20.900 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'AVOIR condamnée à verser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement à celui de la décision rendue ;

1. ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs figurant dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir retenu, s'agissant des méthodes de management reprochées salarié, que ceux des griefs « imputés à une insuffisance professionnelle fautive ne sont pas établis », a dit qu'il « n'y a pas lieu au regard du caractère disciplinaire du licenciement d'examiner ce qui [était] invoqué par ailleurs, qui relève tout au plus de l'insuffisance professionnelle » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser quels autres griefs étaient faits au salarié et en quoi ils ne relevaient pas de la faute, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation à même d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1232-1, L. 1235-1, et L. 1331-1 du code du travail ;

2. ALORS QU'au titre de son management, la lettre de licenciement reprochait au salarié, outre les griefs que la cour d'appel a considéré comme fautifs mais non établis, d'avoir fait preuve d'un attentisme incompréhensible dans le traitement de la modernisation du système d'information et en particulier dans la mise en place d'un nouveau logiciel, dans la préparation du départ à la retraite d'un salarié, dans la transmission d'informations, faisant appel à un membre du bureau pour y procéder, « ce qui montr[ait] qu[‘il] n'assum[ait] plus [ses] obligations et qu[‘il] [s'était] volontairement mis en retrait des missions qui [lui étaient] dévolues », de s'être absenté à plusieurs reprises en laissant ses collaborateurs livrés à eux-mêmes, sans directives, et devant assumer à sa place le management de l'établissement, de s'être contenté, face aux difficultés rencontrées par les salariés, de demander le recrutement d'un salarié « qui s'occuperait du management de l'Institut » afin que lui-même puisse se consacrer « aux relations extérieures et au développement », révélant sa volonté de ne plus se confronter au problèmes internes de l'établissement ainsi que sa renonciation à exercer ses missions, ainsi que d'avoir, sans lui-même remettre en cause ses pratiques managériales, renvoyé les salariés en souffrance vers une psychologue de travail, que Monsieur [C] avait par surcroît installée à proximité immédiate de la salle de restauration, au mépris des règles de confidentialité ; qu'enfin la lettre de licenciement soulignait que l'ensemble des manquements reprochés à Monsieur [C] révélait l'absence de toute volonté de sa part de diriger l'établissement avec bonne foi et loyauté ; qu'en considérant que ces manquements relèveraient tout au plus de l'insuffisance professionnelle, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

3. ALORS subsidiairement QU'à supposer même qu'ainsi que la cour d'appel l'a retenu, la lettre de licenciement ait reproché au salarié certains faits, distincts de ceux, fautifs, qui n'auraient relevé que de l'insuffisance professionnelle, il lui revenait dans ces conditions de rechercher s'ils ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en s'en abstenant, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE par rapport au premier moyen)

L'association de l'INSTITUT REGIONAL DU TRAVAIL SOCIAL DE CHAMPAGNE-ARDENNE fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Monsieur [C] la somme de 62.716,80 € à titre d'indemnité de licenciement ;

1. ALORS QUE l'ancienneté définie par l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 a pour seul objet de déterminer le classement fonctionnel permettant de fixer la rémunération du salarié, muté au sein de l'établissement ou recruté directement ; que l'article 10 de l'annexe n° 6 « dispositions spéciales aux cadres » de ladite convention dispose que « le cadre licencié qui compte plus de 2 ans d'ancienneté ininterrompue (...) au service de la même entreprise a droit (...) à une indemnité de licenciement égale à (?) 1 mois par année de service en qualité de cadre » ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de Monsieur [C] stipulait qu'« en application de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, Monsieur [C] sera classé à l'indice 1090 (cadres hors classe) incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans » ; qu'ainsi, l'ancienneté mentionnée au contrat de travail avait seul objet de déterminer le classement fonctionnel du salarié permettant de fixer le montant de sa rémunération ; que, pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 66.716,80 €, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail de Monsieur [C], embauché le 13 décembre 2016 et licencié le 26 janvier 2018, prévoyait son classement à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans, en sorte qu'à la date de son licenciement, il comptait une ancienneté de 12 ans, et qu'en application de l'article 10 de l'annexe 6 de la convention collective, il pouvait prétendre à 12 X sa rémunération moyenne ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'article 10 de l'annexe 6 « dispositions spéciales aux cadres » attachée à ladite convention, ensemble l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;

2. ALORS QU'en énonçant qu' « il ressort du contrat de travail de Monsieur [C] que lors de son embauche, il a été classé à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans », sans faire état de ce qu'une telle reprise d'ancienneté avait été opérée en application de l'article 38 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE par rapport au premier moyen)

L'association de l'INSTITUT REGIONAL DU TRAVAIL SOCIAL DE CHAMPAGNE-ARDENNE fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Monsieur [C] les sommes de 31.358,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 3.135,84 € au titre des congés payés afférents ;

1. ALORS QUE l'ancienneté définie par l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 a pour seul objet de déterminer le classement fonctionnel permettant de fixer la rémunération du salarié, muté au sein de l'établissement ou recruté directement ; que l'article 9 de l'annexe n° 6 « dispositions spéciales aux cadres » de ladite convention dispose que, « pour les directeurs généraux (...) qui comptent plus de 2 années d'ancienneté ininterrompue (...) au service de la même entreprise, le délai-congé est [de] 6 [mois] en cas de licenciement » ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de Monsieur [C] stipulait qu'« en application de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, Monsieur [C] sera classé à l'indice 1090 (cadres hors classe) incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans » ; qu'ainsi, l'ancienneté mentionnée au contrat de travail avait seul objet de déterminer le classement fonctionnel du salarié permettant de fixer le montant de sa rémunération ; que, pour fixer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail de Monsieur [C], embauché le 13 décembre 2016 et licencié le 26 janvier 2018, prévoyait son classement à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans, en sorte qu'à la date de son licenciement, il comptait une ancienneté de 12 ans, et qu'en application de l'article 9 de l'annexe 6 de la convention collective, il pouvait prétendre à la somme de 31.358,40 €, laquelle représentait 6 fois le montant du salaire de base qu'elle a retenu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'article 9 de l'annexe 6 « dispositions spéciales aux cadres » attachée à ladite convention, ensemble l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;

2. ALORS QU'en énonçant qu' « il ressort du contrat de travail de Monsieur [C] que lors de son embauche, il a été classé à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans », sans faire état de ce qu'une telle reprise d'ancienneté avait été opérée en application de l'article 38 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code.

QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE par rapport au premier moyen)

L'association de l'INSTITUT REGIONAL DU TRAVAIL SOCIAL DE CHAMPAGNE-ARDENNE fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Monsieur [C] la somme de 20.900 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QUE l'ancienneté définie par l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 a pour seul objet de déterminer le classement fonctionnel permettant de fixer la rémunération du salarié, muté au sein de l'établissement ou recruté directement ; que l'ancienneté à prendre en considération pour la fixation des dommages et intérêts alloués au titre du de l'article L. 1235-3 du code du travail est celle résultant du contrat de travail au cours duquel le licenciement est prononcé ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de Monsieur [C] stipulait qu'« en application de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, Monsieur [C] sera classé à l'indice 1090 (cadres hors classe) incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans » ; qu'ainsi, l'ancienneté mentionnée au contrat de travail avait seul objet de déterminer le classement fonctionnel du salarié permettant de fixer le montant de sa rémunération ; que, pour fixer à 12 années l'ancienneté retenue pour déterminer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a considéré que le contrat de travail de Monsieur [C], embauché le 13 décembre 2016 et licencié le 26 janvier 2018, prévoyait son classement à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code, et l'article L. 1235-3 du code du travail ;

2. ALORS QU'en énonçant qu' « il ressort du contrat de travail de Monsieur [C] que lors de son embauche, il a été classé à l'indice 1090 incluant une reprise d'ancienneté de 11 ans », sans faire état de ce qu'une telle reprise d'ancienneté avait été opérée en application de l'article 38 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et a ainsi violé l'article 1134 du code civil, alinéa 1 du code civil, devenu l'article 1103 du même code.

CINQUIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

L'association de l'INSTITUT REGIONAL DU TRAVAIL SOCIAL DE CHAMPAGNE-ARDENNE fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Monsieur [C] la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts du fait du caractère vexatoire du licenciement ;

1. ALORS QUE pour condamner l'exposante au paiement de dommages et intérêts, la cour d'appel a retenu que le salarié, ayant fait l'objet d'une mise à pied injustifiée, avait été licencié dans des circonstances brutales et vexatoires ; qu'ainsi, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de faute grave à l'origine de la mise à pied prononcée ; qu'en conséquence, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen de cassation entraînera celle du chef de dispositif attaqué, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2. ET ALORS en état de cause QUE le salarié ne peut obtenir des dommages et intérêts venant en sus de ceux attribués au titre de la rupture injustifiée de son contrat de travail qu'à la condition d'établir une faute dans les circonstances de la rupture et l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi ; qu'en retenant que le salarié, ayant fait l'objet d'une mise à pied injustifiée, avait été licencié dans des circonstances brutales et vexatoires, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni faute dans les circonstances de la rupture, ni les circonstances brutales ou vexatoires qui en auraient résulté, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil devenu l'article L. 1231-1 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21892
Date de la décision : 12/07/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 16 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2022, pourvoi n°20-21892


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21892
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