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12/07/2022 | FRANCE | N°17-24129;17-24130;17-24131;17-24132;17-24134;17-24136;17-24137;17-24138;17-24139

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2022, 17-24129 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 869 F-D

Pourvois n°

et
à
D 17-24.129
E 17 24 130
F 17 24 131
H 17-24.132

J 17 24 134

M 17-24.136
Q 17-24.139 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___________________

______

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

La société [Localité 2] diesel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adress...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 869 F-D

Pourvois n°

et
à
D 17-24.129
E 17 24 130
F 17 24 131
H 17-24.132

J 17 24 134

M 17-24.136
Q 17-24.139 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

La société [Localité 2] diesel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11], a formé les pourvois n° D 17-24.129, E 17-24.130, F 17-24.131, H 17-24.132, J 17-24.134, M 17-24.136, N 17-24.137, P 17-24.138 et Q 17-24.139 contre neuf arrêts rendus le 28 juin 2017 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans les litiges l'opposant à la société Nouvelle véhicules industriels Corses, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 10], à SAT Poids lourds service, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13] et respectivement :

1°/ à M. [B] [U], domicilié [Adresse 8],

2°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [G] [R] [V], domicilié [Adresse 3]

4°/ à M. [C] [D] [W], domicilié [Adresse 6],

5°/ à M. [T] [S], domicilié [Adresse 9],

6°/ à Mme [Z] [I] [N], domiciliée [Adresse 5]

7°/ à Mme [A] [P], domicilié [Adresse 12],

8°/ à M. [M] [P], domicilié [Adresse 1],

9°/ à M. [I] [E] [Y] [L], domicilié [Adresse 7],

défendeurs à la cassation

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [Localité 2] diesel, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Nouvelle véhicules industriels Corses, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y] [L], de M. [P], de Mme [P], de Mme [N], de M. [D] [W], de M. [R] [V], de M. [H], de M. [U], de M. [S], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 17-24.129, E 17-24.130,
F 17-24.131, H 17-24.132, J 17-24.134, M 17-24.136, N 17-24.137,
P 17-24.138 et Q 17-24.139 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Bastia, 28 juin 2017), à la suite de la résiliation, le 31 mai 2013, des contrats de distribution des véhicules de la marque Iveco liant la société [Localité 2] diesel à la société Iveco France, la société [Localité 2] diesel a, le 30 juillet 2013, informé M. [U] et ses huit autres salariés du transfert de leur contrat de travail auprès de la société SN VIC, qui était également titulaire depuis 2010 d'un contrat de distribution des véhicules de la marque Iveco. La société SN VIC a refusé la reprise des contrats de travail. Le 7 septembre 2013, les salariés ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail.

3. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale afin de voir juger que la prise d'acte de la rupture de leur contrat de travail avait produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société [Localité 2] diesel à leur payer diverses sommes en conséquence.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société [Localité 2] diesel fait grief aux arrêts de juger que les contrats de travail des salariés n'ont pas été transférés à la SN VIC en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, que la rupture de ces contrats de travail lui est imputable et de la condamner au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture des contrats de travail, ainsi qu'au paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la succession entre concessionnaires d'une marque automobile entraîne le transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie par un opérateur placé de fait dans une situation d'exclusivité dans la représentation de la même marque sur le même territoire ; qu'en l'espèce, la société [Localité 2] diesel démontrait qu'au terme des relations contractuelles l'ayant liée à la société Iveco France, la société SN VIC était devenue le seul et unique concessionnaire Iveco pour la vente, l'entretien et la réparation des véhicules de cette marque en Corse, de sorte que l'article L. 1224-1 du code du travail s'appliquait de plein droit et la société SN VIC était tenue de reprendre les salariés affectés au sein de la société [Localité 2] diesel à l'entité économique autonome transférée ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à constater que les contrats conclus entre la société SN VIC et la société Iveco France ne prévoyaient pas d'exclusivité de la vente, de l'entretien et de la réparation des véhicules de cette marque, sans rechercher si la société SN VIC ne bénéficiait pas, en fait, d'une telle exclusivité en Corse, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société [Localité 2] diesel soutenait et démontrait dans ses conclusions d'appel que le fait que la SN VIC ait délégué par un contrat d'agent conclu postérieurement au 31 mai 2013 à la société SAT Poids Lourds Services un activité de réparation agréée et que celle-ci intervienne en qualité de simple apporteur d'affaires dans la vente de véhicules neufs Iveco étant précisé de plus que ces deux sociétés étaient détenues par les mêmes actionnaires, ne pouvait faire obstacle à ce que la société SN VIC était bien la seule société en Corse bénéficiant d'un contrat de distribution sélective avec la société Iveco France ; qu'en considérant que la clientèle de la société [Localité 2] diesel pouvait se fournir auprès d'autres distributeurs Iveco en Corse, notamment la société SAT Poids Lourds Services, sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions d'appel de la société [Localité 2] diesel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en relevant que la société Garage Grottoli est membre du réseau Iveco et que la clientèle de la société [Localité 2] diesel pouvait se fournir auprès de cette société, sans pour autant préciser si ce garage était liée avec la société Iveco France par un contrat de distribution sélective et assurait, au même titre que la société SN VIC, la vente des véhicules de marque Iveco, ainsi que leur entretien et réparation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

4°/ qu'en ayant relevé que la clientèle de la société [Localité 2] diesel pouvait se fournir auprès d'autres concessionnaires sur le continent, voire même directement auprès d'Iveco France, quand il lui appartenait pourtant d'apprécier l'exclusivité dont bénéficiait en fait la société SN VIC sur le seul territoire corse, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. L'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant

6. La cour d'appel a d'abord constaté que la société SN VIC avait conclu avec la société Iveco France un contrat de distribution des produits de la marque Iveco depuis le 31 novembre 2010, qu'elle avait exercé cette activité de manière concurrente avec la société [Localité 2] diesel jusqu'au 31 mai 2013, date de la résiliation des contrats de distribution liant la société Iveco France et la société [Localité 2] diesel, et qu'elle avait continué son activité, au-delà de cette date, sans que ses droits fussent affectés par la résiliation du contrat de concession de la société [Localité 2] diesel.

7. Elle a ensuite relevé que l'activité de la société [Localité 2] diesel s'était poursuivie après la date de résiliation des contrats de distribution la liant à la société Iveco France.

8. Ayant ainsi fait ressortir l'absence de reprise de moyens corporels ou incorporels significatifs de la société [Localité 2] diesel par la société SN VIC, qui était déjà titulaire du droit de distribuer les produits de la marque Iveco, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société [Localité 2] diesel aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [Localité 2] diesel et la condamne à payer à MM. [Y] [L], [P], [R] [V], [U], [S], [H], [D] [W] et Mmes [P] et [N] la somme globale de 3 000 euros et à la société SN VIC la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen commun produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société [Localité 2] diesel, demanderesse aux pourvois n° D 17-24.129, E 17-24.130, F 17-24.131, H 17-24.132, J 17-24.134, M 17-24.136, N 17-24.137, P 17-24.138 et Q 17-24.139.

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir jugé que les contrats de travail des salariés de la société [Localité 2] DIESEL n'ont pas été transférés à la SN VIC en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, que la rupture de ces contrats de travail est imputable à la société [Localité 2] DIESEL et d'avoir en conséquence condamné cette dernière au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture des contrats de travail, ainsi qu'au paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que « il importe de rechercher tout d'abord si les activités de concession de la société [Localité 2] DIESEL constituaient un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique ;
La société [Localité 2] DIESEL soutient que l'activité de concession exercée par [Localité 2] DIESEL constituait bien une entité économique autonome caractérisée par l'affectation d'un personnel spécialisé avec l'attribution de locaux spécifiques et la poursuite d'un objectif propre défini par l'objet de l'activité ;
Les dispositions des contrats de concession de vente de véhicules industriels et de véhicules utilitaires légers IVECO prévoient effectivement les locaux, les équipements et logiciels, les véhicules de démonstration et d'exposition, le personnel compétent formé spécialement par IVECO, les enseignes et identification, les structures financières, le système comptable, la documentation ; le contrat de concession de pièces et services prévoit lui aussi une organisation dédiée à la marque IVECO pour la vente de pièces et les services de réparation et d'entretien des véhicules de la marque ;
Il peut ainsi être constaté que l'ensemble de ces activités de concession constitue un ensemble d'éléments d'actifs corporels et incorporels ;
Mais l'article L. 1224-1 du code du travail ne reçoit application que si le changement de concessionnaire exclusif de la vente de véhicules automobiles d'une marque entraîne le transfert à un autre concessionnaire d'une entité économique autonome constituée d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;
Les concessions consenties par IVECO à la société [Localité 2] DIESEL et la société SN VIC n'ont jamais été exclusives, et la SARL SN VIC n'a jamais eu le monopole de la distribution de la marque IVECO sur la Corse ;
La société SN VIC n'a fait que continuer après le 31 mai 2013 son activité antérieure sans réaliser aucun acte positif de reprise ou de poursuite de l'activité de la société [Localité 2] DIESEL, le fait d'embaucher quatre salariés bien antérieurement à l'arrêt de l'activité de concession de la société [Localité 2] DIESEL n'étant que le jeu des besoins en personnel d'une entreprise et de la liberté des salariés de changer d'employeur ;
Les ventes de véhicules IVECO peuvent être réalisées par plusieurs intermédiaires et non seulement par SN VIC comme le prétend [Localité 2] DIESEL ;
Il n'est par ailleurs aucunement démontré que l'activité de la société [Localité 2] DIESEL serait répercutée sur la société SN VIC, la clientèle de la société [Localité 2] DIESEL pouvant être simplement perdue ou se fournir auprès d'autres distributeurs IVECO en Corse, comme les sociétés SAT Poids Lourds Services et Garage GROTTOLI ou auprès d'autres concessionnaires sur le continent, voire même directement auprès d'IVECO FRANCE ;
C'est d'ailleurs en ce sens que IVECO, dans son courrier en date du 5 août 2013 adressé à la société [Localité 2] DIESEL et précisant notamment que cette dernière avait progressivement cessé de répondre aux critères de qualité applicables aux contrats et avait commis plusieurs impayés à l'égard d'IVECO FRANCE, exposait que « le fait qu'[Localité 2] DIESEL ait cessé d'être concessionnaire au 31 mai 2013 est sans incidence sur les droits et obligations de la Société Nouvelle Véhicules Industriels Corse. IVECO FRANCE ne lui a conféré aucun droit supplémentaire.
Dans ces conditions, il nous semble tout à fait erroné de qualifier la Société Nouvelle Véhicules Industriels Corses de « successeur ». Il en est de même pour l'ensemble des membres du réseau IVECO, dont notamment aussi les sociétés SAT Poids Lourds et Garage GROTTOLI qui étaient déjà membres du réseau IVECO en Corse et qui le restent, sans que leurs droits et obligations soient affectés par la sortie du réseau d'[Localité 2] DIESEL (?). Au regard de ces éléments, il ne nous semble pas que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail aient vocation à s'appliquer à l'encontre de la Société Nouvelle Véhicules Industriels Corses. Cela est d'autant plus vrai qu'à supposer que votre sortie du réseau soit le motif allégué de l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il doit être rappelé qu'[Localité 2] DIESEL a cessé d'être membre du réseau IVECO depuis le 31 mai 2013 et qu'elle a continué à employer ses salariés depuis cette date ».
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il résulte que les conditions légales pour l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à savoir :
- l'existence d'une entité économique autonome ;
- la poursuite de l'activité économique et le maintien de l'identité de l'entreprise ne sont pas remplies, et que la concession de vente exploitée par la société [Localité 2] DIESEL n'a en aucune façon été transférée à la société SN VIC.
La société [Localité 2] DIESEL est ainsi restée l'employeur des salariés, étant relevé de surcroît que son activité s'est poursuivie après la date de résiliation des concessions du 31 mai 2013 et qu'elle a réglé les salariés jusqu'au 31 juillet 2013 ;

Si elle soutient que le fait d'avoir poursuivi de façon précaire pendant deux mois son activité de vente et de réparation IVECO n'aurait eu pour effet que de reporter au 1er août 2013 la date à laquelle la SN VIC lui aurait succédé, il ressort au contraire qu'elle a décidé unilatéralement et de façon discrétionnaire de se séparer de ses salariés à la date du 31 juillet 2013 et de tenter de faire supporter à la SN VIC la reprise des salariés ou le coût lié à un licenciement qu'elle aurait dû opérer ; ceci est d'ailleurs corroboré par le fait qu'elle n'a informé les salariés que le 30 juillet 2013, veille du jour où elle a décidé de cesser de les employer, et qu'elle n'a adressé son courrier à la société SN VIC que le 29 juillet 2013, alors même que la résiliation des concessions était effective depuis le 31 mai 2013 ;
En conséquence, les dispositions de l'article L. 1224-1 ne sont pas applicables en l'espèce, et la société [Localité 2] DIESEL est restée l'employeur de M. [Y] [L] après le 1er août 2013 ;
Dès lors, la rupture du contrat de travail du salarié étant intervenue du fait des manquements de l'employeur ne fournissant plus le travail et ne réglant plus les salaires, doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, légitimant le salarié en l'ensemble de ses demandes ; le jugement du Conseil de prud'hommes entreprise sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions » ;

Alors que la succession entre concessionnaires d'une marque automobile entraîne le transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie par un opérateur placé de fait dans une situation d'exclusivité dans la représentation de la même marque sur le même territoire ; qu'en l'espèce, la société [Localité 2] DIESEL démontrait qu'au terme des relations contractuelles l'ayant liée à la société IVECO FRANCE, la société SN VIC était devenue le seul et unique concessionnaire IVECO pour la vente, l'entretien et la réparation des véhicules de cette marque en Corse, de sorte que l'article L. 1224-1 du code du travail s'appliquait de plein droit et la société SN VIC était tenue de reprendre les salariés affectés au sein de la société [Localité 2] DIESEL à l'entité économique autonome transférée ; que la Cour d'appel, qui s'est bornée à constater que les contrats conclus entre la société SN VIC et la société IVECO FRANCE ne prévoyaient pas d'exclusivité de la vente, de l'entretien et de la réparation des véhicules de cette marque, sans rechercher si la société SN VIC ne bénéficiait pas, en fait, d'une telle exclusivité en Corse, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Alors, en tout état de cause, que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société [Localité 2] DIESEL soutenait et démontrait dans ses conclusions d'appel (p. 22 et suivantes) que le fait que la SN VIC ait délégué par un contrat d'agent conclu postérieurement au 31 mai 2013 à la société SAT Poids Lourds Services un activité de réparation agréée et que celle-ci intervienne en qualité de simple apporteur d'affaires dans la vente de véhicules neufs IVECO étant précisé de plus que ces deux sociétés étaient détenues par les mêmes actionnaires, ne pouvait faire obstacle à ce que la société SN VIC était bien la seule société en Corse bénéficiant d'un contrat de distribution sélective avec la société IVECO FRANCE ; qu'en considérant que la clientèle de la société [Localité 2] DIESEL pouvait se fournir auprès d'autres distributeurs IVECO en Corse, notamment la société SAT Poids Lourds Services, sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions d'appel de la société [Localité 2] DIESEL, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, de même, qu'en relevant que la société Garage GROTTOLI est membre du réseau IVECO et que la clientèle de la société [Localité 2] DIESEL pouvait se fournir auprès de cette société, sans pour autant préciser si ce garage était liée avec la société IVECO FRANCE par un contrat de distribution sélective et assurait, au même titre que la société SN VIC, la vente des véhicules de marque IVECO, ainsi que leur entretien et réparation, la Cour d'appel a n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Alors, enfin, qu'en ayant relevé que la clientèle de la société [Localité 2] DIESEL pouvait se fournir auprès d'autres concessionnaires sur le continent, voire même directement auprès d'IVECO FRANCE, quand il lui appartenait pourtant d'apprécier l'exclusivité dont bénéficiait en fait la société SN VIC sur le seul territoire corse, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-24129;17-24130;17-24131;17-24132;17-24134;17-24136;17-24137;17-24138;17-24139
Date de la décision : 12/07/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 28 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2022, pourvoi n°17-24129;17-24130;17-24131;17-24132;17-24134;17-24136;17-24137;17-24138;17-24139


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:17.24129
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