LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 560 F-D
Pourvoi n° A 21-13.240
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022
M. [N] [C], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 21-13.240 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société du Domaine de paradis, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 10],
2°/ à la société [V] et associés, notaires, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Jean-Louis Reveleau, Dominique Petit, Louis Reveleau et Emilie Mathieu, notaires associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [C], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés du Domaine de paradis, [V] et associés et Jean-Louis Reveleau, Dominique Petit, Louis Reveleau et Emilie Mathieu, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 janvier 2021), la société civile immobilière du Domaine du paradis (la SCI) a acquis, par acte notarié du 30 mai 1997, un ensemble de parcelles, dont l'une, alors cadastrée A [Cadastre 6], constituait l'assiette d'un chemin d'accès à la voie publique.
2. Par acte notarié du 2 novembre 2006, M. et Mme [C] sont devenus propriétaires d'une parcelle contiguë, aujourd'hui cadastrée AL [Cadastre 9], desservie par ce même chemin.
3. Le 15 mars 2016, la SCI a assigné M. et Mme [C] en revendication de la totalité de la parcelle A [Cadastre 6] et en suppression d'un portail que ceux-ci, se disant propriétaires d'une partie de cette parcelle désormais cadastrée A [Cadastre 7], y avaient installé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et sur le deuxième moyen, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. M. [C] fait grief à l'arrêt de dire que la SCI est propriétaire de la parcelle cadastrée A [Cadastre 6], de condamner en conséquence M. et Mme [C] à enlever le portail qu'ils ont implanté sur ladite parcelle pour en fermer l'accès et de dire que l'enlèvement du portail aux frais de M. et Mme [C] devra être effectué dans le délai de trois mois à compter de cette décision sous peine d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, alors :
« 1°/ qu'en estimant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Maître [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, quand les mentions cadastrales ne constituent ni un titre ni une preuve de la propriété, la cour d'appel a méconnu l'article 544 du code civil et l'article 30-1, du décret du 4 janvier 1955 ;
2°/ qu'en retenant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Me [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, alors qu'elle a constaté que le titre de propriété des exposants avait été publié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article 544 du code civil et les articles 28 1°) et 30 1°) du décret du 4 janvier 1955 ;
3°/ que l'article 28-1, du décret du 4 janvier 1955 dresse la liste des actes soumis obligatoirement à publicité, à peine d'inopposabilité ; que l'acte rectificatif des mentions cadastrales ne figure pas dans cette liste ; qu'en retenant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Me [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, alors qu'un acte rectificatif des mentions cadastrales n'a pas à être publié, à peine d'inopposabilité, la cour d'appel a méconnu les articles 28 1°) et 30 1°) du décret du 4 janvier 1955 ;
4°/ qu'en retenant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Me [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, alors qu'elle avait constaté que le chemin litigieux était inclus dans le titre d'acquisition des exposants et que celui-ci avait été publié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article 544 du code civil et les articles 28 1°) et 30 1°) du décret du 4 janvier 1955. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, l'arrêt relève que l'acte notarié du 2 novembre 2006 désignait le bien vendu comme la parcelle cadastrée A [Cadastre 5], puis retient que, selon les déclarations du vendeur, qui renvoyaient à l'acte d'acquisition d'origine du 18 juillet 1978 et aux énonciations d'un acte notarié rectificatif dressé le 8 juillet 1980, le chemin d'accès correspondant à la parcelle aujourd'hui cadastrée A [Cadastre 7] faisait bien partie de l'immeuble cédé.
7. En deuxième lieu, l'arrêt constate que cet acte notarié rectificatif n'a pas été publié, et qu'il n'est pas contesté que le titre de la SCI, propriétaire de la parcelle alors cadastrée A [Cadastre 6], a été régulièrement publié.
8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement retenu que M. [C] et la SCI avaient acquis des droits concurrents de leur auteur originaire commun sur une partie de la parcelle A [Cadastre 6], puis que le titre de M. [C] était incomplet pour comporter des références cadastrales inexactes, ce dont il résultait que sa publication n'avait pu remplir son rôle de publicité à l'égard des tiers concernant la parcelle omise, et que, par application des dispositions de l'article 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, l'acte rectificatif portant constatation de la mutation de cette parcelle, non publié, était inopposable à la SCI.
9. Dès lors, c'est sans encourir les griefs du moyen qu'elle en a exactement déduit que la SCI avait établi être propriétaire de la parcelle en litige et que M. [C] devait être condamné, sous astreinte, à enlever le portail qu'il y avait implanté.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société civile professionnelle Jean-Louis Reveleau et Dominique Petit, par la société à responsabilité limitée [V] et associés et par M. [C], et condamne ce dernier à payer à la société civile immobilière du Domaine du paradis la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. [C]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [N] [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la propriété de la société civile du Domaine de Paradis sur la parcelle cadastrée A n°[Cadastre 6] réunie à la parcelle cadastrée AL n°[Cadastre 1], d'AVOIR en conséquence, condamné M. et Mme [C] à enlever le portail qu'ils ont implanté sur ladite parcelle pour en fermer l'accès situé entre le n°14 et le n°[Adresse 4] et d'AVOIR dit que l'enlèvement du portail aux frais des époux [C] devra être effectué dans le délai de trois mois à compter de cette décision sous peine d'une astreinte provisoire de 200 € par jour de retard ;
ALORS DE PREMIERE PART QU'en estimant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Maître [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, quand les mentions cadastrales ne constituent ni un titre ni une preuve de la propriété, la cour d'appel a méconnu l'article 544 du code civil et l'article 30, 1, du décret du 4 janvier 1955 ;
ALORS DE DEUXIEME PART QU'en retenant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Maître [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, alors qu'elle a constaté que le titre de propriété des exposants avait été publié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article 544 du code civil et les articles 28, 1 et 30, 1, du décret du 4 janvier 1955 ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE l'article 28, 1, du décret du 4 janvier 1955 dresse la liste des actes soumis obligatoirement à publicité, à peine d'inopposabilité ; que l'acte rectificatif des mentions cadastrales ne figure pas dans cette liste ; qu'en retenant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Maître [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, alors qu'un acte rectificatif des mentions cadastrales n'a pas à être publié, à peine d'inopposabilité, la cour d'appel a méconnu les articles 28, 1, et 30, 1, du décret du 4 janvier 1955 ;
ALORS DE QUATRIEME PART QU'en retenant que le titre des exposants était incomplet, en l'absence de publication de l'acte rectificatif du 8 juillet 1980 de Maître [V] ayant pour objet de rectifier les mentions cadastrales du bien vendu, de sorte que l'acquisition par les époux [C] de la partie de parcelle [Cadastre 6] constituant l'assiette du chemin n'a pas été publiée et n'est donc pas opposable à la SCI, alors qu'elle avait constaté que le chemin litigieux était inclus dans le titre d'acquisition des exposants et que celui-ci avait été publié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article 544 du code civil et les articles 28, 1 et 30, 1, du décret du 4 janvier 1955 ;
ALORS DE CINQUIEME ET DERNIERE PART QUE (subsidiaire) tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant (arrêt, p. 7, § 5), que « l'acte de vente n'a expressément porté que sur la parcelle [Cadastre 5], et non sur la parcelle [Cadastre 7] constituant l'assiette du chemin », tout en relevant, dans le même temps, (arrêt, p. 7, § 5) qu'il « résulte clairement de l'acte du 18 juillet 1978 que (?) le chemin d'accès à [Adresse 11] faisait partie du bien vendu » et (arrêt, p. 7, in fine) que « les époux [C] et de la SCI ont acquis des droits concurrents sur une partie de la parcelle [Cadastre 6] de leur auteur originaire commun [I] [G] », la cour d'appel s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. [N] [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par les époux [C] à l'encontre la SCP [V] ;
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que les demandes dirigées contre la SCP [V] sont irrecevables en application des articles 564 et 908 du code de procédure civile, pour avoir été présentées d'une part pour la première fois en appel, et d'autre part sans respecter le délai de trois mois à partir de la déclaration d'appel imposé par l'article 908 du code de procédure civile, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.