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06/07/2022 | FRANCE | N°21-13028

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 juillet 2022, 21-13028


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 575 F-D

Pourvoi n° V 21-13.028

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

1°/ M. [M] [U],

2°/ Mme [R] [L], épouse [U],

tous d

eux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° V 21-13.028 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le liti...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 575 F-D

Pourvoi n° V 21-13.028

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

1°/ M. [M] [U],

2°/ Mme [R] [L], épouse [U],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° V 21-13.028 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à l'association Clinique [3], dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Marc Lévis, avocat de l'association Clinique [3], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 mai 2020), un arrêt du 20 janvier 2010 a condamné la Clinique [3] (la clinique) à réparer les conséquences d'une infection nosocomiale contractée en 1989 par M. [U], à l'occasion d'une opération du genou, en retenant, lors de la liquidation des préjudices, un abattement des deux tiers pour tenir compte de facteurs étrangers à l'infection ayant concouru à leur survenue.

2. L'état de santé de M. [U] s'est ensuite aggravé et a nécessité des hospitalisations et interventions en octobre 2005 et avril 2010, consistant notamment en l'amputation d'une jambe.

3. Les 29, 31 octobre et 6 novembre 2013, après avoir obtenu une expertise en référé, M. et Mme [U] ont assigné la clinique en indemnisation de l'ensemble des préjudices consécutifs à cette aggravation et mis en cause la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] qui a demandé le remboursement de ses débours.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de retenir un abattement de deux tiers au profit de la clinique, pour l'indemnisation des préjudices résultant de l'aggravation, alors :

« 1°/ que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ; que pour réduire des deux tiers l'indemnisation des préjudices liés à l'aggravation de l'état de M. [U], l'arrêt relève que l'expert expose, d'une part, que le syndrome septique sévère est en rapport avec une récidive de l'infection du genou gauche en lien direct avec l'ostéotomie de 1989, ce après une guérison apparente, à cause d'un staphylocoque doré multi résistant, et d'autre part, que l'infection de la prothèse de genou gauche ayant conduit M. [U] en réanimation puis jusqu'à une amputation salvatrice est en relation directe avec cette même intervention chirurgicale, de sorte qu'est établi le lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé de M. [U], dont l'indemnisation est l'objet du présent litige, et l'infection nosocomiale subie en 1989, puis retient nonobstant que l'existence de ce lien de causalité certain ne signifie pas que la clinique soit tenue de réparer la totalité des conséquences dommageables de l'aggravation de l'état de santé de M. [U] et de l'amputation par lui subie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;

2°/ que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'un état pathologique antérieur lorsque l'aggravation dont elle sollicite la réparation n'a été provoquée que par le fait dommageable ; que pour réduire des deux tiers l'indemnisation des préjudices liés à l'aggravation de l'état de M. [U], l'arrêt retient que l'existence d'un lien de causalité certain entre l'aggravation de l'état de santé de la victime et l'infection nosocomiale subie en 1989 ne signifie pas que la clinique soit tenue de réparer la totalité des conséquences dommageables de cette aggravation et de l'amputation subie par l'intéressé, que des pathologies antérieures constatées médicalement ont contribué à la dégradation de sa santé, que l'arrêt du 20 janvier 2010 avait tenu compte des autres facteurs ayant concouru aux préjudices invoqués à l'époque pour justifier un abattement des deux tiers de l'indemnisation et que l'origine de la réactivation de l'infection ayant nécessité l'amputation du membre inférieur gauche de M. [U] et causé l'aggravation dont l'indemnisation est demandée est la même que celle prise en compte dans cette décision antérieure ; qu'en statuant ainsi, en prenant en considération des pathologies préexistantes à l'infection nosocomiale pour limiter l'indemnisation de l'aggravation de l'état de santé de la victime, dont elle relevait pourtant qu'elle avait été causée par ladite infection et que sa réparation constituait l'unique objet du litige, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir admis, en se fondant sur le rapport d'expertise, l'existence d'un lien causal entre l'infection et l'aggravation de l'état de santé de M. [U], la cour d'appel a retenu que la dégradation ayant conduit à l'amputation était multifactorielle et favorisée par l'excès pondéral du patient, ainsi que par une arthrose majeure du genou droit entraînant un surcroît de sollicitation mécanique à gauche et qu'il devait être tenu compte du rôle important et déterminant de ces facteurs étrangers à l'infection nosocomiale.

6. Elle a pu en déduire, sans méconnaître le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que l'infection avait seulement contribué à l'aggravation du dommage dont M. et Mme [U] sollicitaient la réparation, dans une proportion qu'elle a souverainement évaluée.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U].

M. et Mme [U] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a retenu l'abattement de deux tiers au profit de la Clinique pour l'indemnisation des préjudices subis par les époux [U] et en ce qu'il a condamné la Clinique à payer la somme de 1 666,66 euros à Mme [U], et d'avoir, statuant à nouveau sur l'ensemble de l'indemnisation de M. [U], condamné la Clinique à lui payer à la somme de 130 268,21 euros ;

1° Alors que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ; que pour réduire des deux tiers l'indemnisation des préjudices liés à l'aggravation de l'état de M. [U], l'arrêt relève que l'expert expose, d'une part, que le syndrome septique sévère est en rapport avec une récidive de l'infection du genou gauche en lien direct avec l'ostéotomie de 1989, ce après une guérison apparente, à cause d'un staphylocoque doré multi résistant, et d'autre part, que l'infection de la prothèse de genou gauche ayant conduit M. [U] en réanimation puis jusqu'à une amputation salvatrice est en relation directe avec cette même intervention chirurgicale, de sorte qu'est établi le lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé de M. [U], dont l'indemnisation est l'objet du présent litige, et l'infection nosocomiale subie en 1989, puis retient nonobstant que l'existence de ce lien de causalité certain ne signifie pas que la clinique soit tenue de réparer la totalité des conséquences dommageables de l'aggravation de l'état de santé de M. [U] et de l'amputation par lui subie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;

2° Alors que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'un état pathologique antérieur lorsque l'aggravation dont elle sollicite la réparation n'a été provoquée que par le fait dommageable ; que pour réduire des deux tiers l'indemnisation des préjudices liés à l'aggravation de l'état de M. [U], l'arrêt retient que l'existence d'un lien de causalité certain entre l'aggravation de l'état de santé de la victime et l'infection nosocomiale subie en 1989 ne signifie pas que la clinique soit tenue de réparer la totalité des conséquences dommageables de cette aggravation et de l'amputation subie par l'intéressé, que des pathologies antérieures constatées médicalement ont contribué à la dégradation de sa santé, que l'arrêt du 20 janvier 2010 avait tenu compte des autres facteurs ayant concouru aux préjudices invoqués à l'époque pour justifier un abattement des deux tiers de l'indemnisation et que l'origine de la réactivation de l'infection ayant nécessité l'amputation du membre inférieur gauche de M. [U] et causé l'aggravation dont l'indemnisation est demandée est la même que celle prise en compte dans cette décision antérieure ; qu'en statuant ainsi, en prenant en considération des pathologies préexistantes à l'infection nosocomiale pour limiter l'indemnisation de l'aggravation de l'état de santé de la victime, dont elle relevait pourtant qu'elle avait été causée par ladite infection et que sa réparation constituait l'unique objet du litige, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-13028
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 27 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jui. 2022, pourvoi n°21-13028


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.13028
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