La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2022 | FRANCE | N°21-12833

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 juillet 2022, 21-12833


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 546 FS-B

Pourvoi n° G 21-12.833

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

1°/ M. [X] [E],

2°/ Mme [H] [V],

domiciliés tou

s deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° G 21-12.833 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 546 FS-B

Pourvoi n° G 21-12.833

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

1°/ M. [X] [E],

2°/ Mme [H] [V],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° G 21-12.833 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [M] [U],

2°/ à Mme [J] [B],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

3°/ à M. [P] [U], domicilié [Adresse 6], 4°/ à la société [U], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [E], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat des consorts [U], de la société [U] et de Mme [B], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 3 septembre 2020), par acte notarié du 16 décembre 1985, [Z] [L] a renouvelé, à compter du 11 novembre 1978, le bail, à effet du 11 novembre 1969, consenti à Mme [C] [U], et continué avec l'agrément de la bailleresse par M. [M] [U] et Mme [B], son épouse, (M. et Mme [U]), sur la parcelle cadastrée section AY n° [Cadastre 5].

2. Par acte du même jour, elle a donné à bail, pour une durée de neuf ans à compter du 11 novembre 1985, à M. et Mme [U] la parcelle cadastrée section AY n° [Cadastre 4], devenue, après division, la parcelle AY n° [Cadastre 3].

3. Par acte notarié du 29 mai 1996, [Z] [L] a donné la nue-propriété des parcelles AY n° [Cadastre 5] et AY n° [Cadastre 3] à M. et Mme [E], qui en ont recouvré l'usufruit au décès de la donatrice survenu le 10 avril 1999.

4. M. [M] [U] a pris sa retraite le 1er septembre 2005, mais a continué à exploiter seul à titre de parcelle de subsistance les parcelles cadastrées AY n° [Cadastre 5] et AY n° [Cadastre 3] et Mme [B] s'est de fait désolidarisée du bail.

5. Invoquant l'exploitation des parcelles AY n° [Cadastre 5] et AY n° [Cadastre 3] par M. [M] [U] seul, M. et Mme [E] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et en paiement de dommages-intérêts.

6. M. [P] [U] et l'EARL [U] sont intervenus volontairement à titre accessoire en cause d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de constater que M. [M] [U] exploite seul les parcelles AY n° [Cadastre 5] et AY n° [Cadastre 3] à titre de parcelles de subsistance et de rejeter leur demande de résiliation des baux consentis sur lesdites parcelles, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux baux en cours selon les modalités prévues par l'article 4-VI-B de la loi du 13 octobre 2014, que lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose d'un délai de trois mois à compter de cette cessation ou de l'entrée en vigueur de la loi pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom ; qu'aux termes de l'article L. 411-31 II du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ; qu'il résulte de ces textes que le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, constitue un manquement justifiant le prononcé de la résiliation du bail ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de résiliation des baux portant sur les parcelles AY [Cadastre 3] et AY [Cadastre 5], que les alinéas 3 et 4 de l'article L. 411-35, dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014, ne créent ni obligation, ni interdiction pour le copreneur resté en place, mais prévoient une modalité de régularisation du bail destiné à permettre sa poursuite en son seul nom, et que le défaut de notification de la cessation d'activité ne constitue donc pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35 de nature à permettre la résiliation de plein droit du bail prévue par l'article L. 411-31, quand elle constatait que les baux des 20 janvier 1970 et 11 novembre 1985, portant respectivement sur les parcelles AY [Cadastre 5] et AY [Cadastre 3], avaient été consentis à M. [M] [U] et à son épouse Mme [B], copreneurs, et que M. [M] [U] les exploitait seul à titre de parcelles de subsistance depuis 2005 sans que les bailleurs aient reçu aucune information, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 II 1° et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ qu'il ne peut être renoncé au droit d'ordre public de se prévaloir d'un manquement aux obligations prévues par l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime; qu'en rejetant la demande de M. et Mme [E] de résiliation des baux portant sur les parcelles AY [Cadastre 3] et AY [Cadastre 5], au motif qu'en recevant directement les fermages afférents à ces parcelles postérieurement au 2 septembre 2010, date à laquelle, selon la cour d'appel, les époux [E] avaient su que M. [M] [U] exploitait seul les parcelles litigieuses, ces derniers avaient consenti à la poursuite du bail au seul bénéfice de M. [M] [U], quand la seule perception des fermages ne pouvait valoir renonciation par avance au droit d'ordre public de se prévaloir de manquements à l'article L 411-35, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35 et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 411-46, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime, en cas de départ de l'un des conjoints ou partenaires d'un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail.

9. Il s'en déduit que, lorsqu'en application de ce texte, le bail s'est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l'exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l'obligation d'information du propriétaire en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs qui résulte des alinéas 3 et 4 de l'article L. 411-35 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014.

10. La cour d'appel a relevé que les baux consentis sur les parcelles AY n° [Cadastre 5] et AY n° [Cadastre 3] à M. et Mme [U], s'étaient renouvelés, le 11 novembre 2012 s'agissant de la parcelle AY n° [Cadastre 3] et les 11 novembre 2008 et 2017 s'agissant de la parcelle AY n° [Cadastre 5], depuis le départ à la retraite de M. [M] [U] et l'exploitation de ces deux parcelles par lui seul à compter du 1er septembre 2005.

11. Il en résulte que ces baux s'étant renouvelés de plein droit au seul nom de M. [M] [U], la demande de résiliation de ces baux ne pouvait qu'être rejetée.

12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le pourvoi, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [E]

M. et Mme [E] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que M. [M] [U] exploitait seul les parcelles AY [Cadastre 5] et AY [Cadastre 3] sises sur la commune de Saint Folquin à titre de parcelles de subsistance et de les avoir déboutés de leur demande de résiliation des baux consentis portant sur lesdites parcelles ;

1) ALORS QU'il résulte de l'article L. 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux baux en cours selon les modalités prévues par l'article 4-VI-B de la loi du 13 octobre 2014, que lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose d'un délai de trois mois à compter de cette cessation ou de l'entrée en vigueur de la loi pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom ; qu'aux termes de l'article L. 411-31 II du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ; qu'il résulte de ces textes que le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, constitue un manquement justifiant le prononcé de la résiliation du bail ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de résiliation des baux portant sur les parcelles AY [Cadastre 3] et AY [Cadastre 5], que les alinéas 3 et 4 de l'article L. 411-35, dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014, ne créent ni obligation, ni interdiction pour le copreneur resté en place, mais prévoient une modalité de régularisation du bail destiné à permettre sa poursuite en son seul nom, et que le défaut de notification de la cessation d'activité ne constitue donc pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35 de nature à permettre la résiliation de plein droit du bail prévue par l'article L. 411-31 (arrêt p.6), quand elle constatait que les baux des 20 janvier 1970 et 11 novembre 1985, portant respectivement sur les parcelles AY [Cadastre 5] et AY [Cadastre 3], avaient été consentis à M. [M] [U] et à son épouse Mme [B], copreneurs, et que M. [M] [U] les exploitait seul à titre de parcelles de subsistance depuis 2005 sans que les bailleurs aient reçu aucune information, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 II 1° et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QU'il ne peut être renoncé au droit d'ordre public de se prévaloir d'un manquement aux obligations prévues par l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en rejetant la demande de M. et Mme [E] de résiliation des baux portant sur les parcelles AY [Cadastre 3] et AY [Cadastre 5], au motif qu'en recevant directement les fermages afférents à ces parcelles postérieurement au 2 septembre 2010, date à laquelle, selon la cour d'appel, les époux [E] avaient su que M. [M] [U] exploitait seul les parcelles litigieuses, ces derniers avaient consenti à la poursuite du bail au seul bénéfice de M. [M] [U], quand la seule perception des fermages ne pouvait valoir renonciation par avance au droit d'ordre public de se prévaloir de manquements à l'article L 411-35, la cour d'appel a violé les articles L 411-35 et L 411-31 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-12833
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Renouvellement - Bénéficiaires - Preneur - Pluralité - Conjoint ou partenaire d'un pacte civil de solidarité - Départ de l'un d'eux - Effet

Aux termes de l'article L. 411-46, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime, en cas de départ de l'un des conjoints ou partenaires d'un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail. Il s'en déduit que, lorsqu'en application de ce texte, le bail s'est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l'exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l'obligation d'information du propriétaire en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs qui résulte des alinéas 3 et 4 de l'article L. 411-35 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014


Références :

Articles L. 411-35, alinéas 3 et 4, dans sa version issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, et L. 411-46, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime.

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 03 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 jui. 2022, pourvoi n°21-12833, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SAS Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.12833
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award