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06/07/2022 | FRANCE | N°21-10638

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2022, 21-10638


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 835 F-D

Pourvoi n° X 21-10.638

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

La société Altran technologies

, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-10.638 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 835 F-D

Pourvoi n° X 21-10.638

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

La société Altran technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-10.638 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [S], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

M. [S] et la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Altran technologies, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [S] et de la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 janvier 2021), M. [S] a été engagé à compter du 19 septembre 2011 par la société Altran technologies en qualité d'ingénieur d'études, statut cadre, position 1.2, coefficient 100.

2. La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail.

4. La Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention (le syndicat), est intervenue volontairement à l'instance.

5. Le salarié a été licencié le 4 avril 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident du salarié, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents, sauf à déduire une somme correspondant à la restitution des jours de repos, alors « qu'en présence d'une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente et que, lorsqu'il a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière, le salarié ne peut prétendre entre la 35ème et la dernière heure de ce forfait, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais peut uniquement prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, le contrat de travail prévoit une rémunération forfaitaire incluant les heures de travail accomplies dans la limite de 38 heures 30 et que, d'autre part, les bulletins de paie mentionnent une durée du travail de 38 heures 30 ; qu'en jugeant néanmoins qu' en raison de l'inopposabilité des conventions de forfait contenues dans les contrats de travail, les heures de travail accomplies par les salariés au-delà de la durée légale du temps de travail n'ont pas été rémunérées" et que c'est donc à tort que les sociétés demandent à titre subsidiaire de limiter leurs condamnations aux seules majorations pour heures supplémentaires", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a condamné l'employeur à payer deux fois les mêmes heures de travail, en violation des articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu'applicables au litige et de l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-33, L. 3171-4 du même code, l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1342 du même code :

8. Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de trente-cinq heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.

9. En application du premier de ces textes, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.

10. Selon les derniers textes, le paiement entraîne l'extinction de l'obligation.

11. Pour dire que le salarié a droit au paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés et la prime de vacances afférents, l'arrêt, après avoir dit que la convention de forfait en heures était inopposable au salarié et constaté l'accomplissement de 3 h 30 supplémentaires par semaine, retient qu'en raison de l'inopposabilité de la convention de forfait contenue dans le contrat de travail, les heures de travail accomplies par le salarié au-delà de la durée légale du temps de travail n'ont pas été rémunérées et que c'est à tort que l'employeur demande à titre subsidiaire de limiter sa condamnation aux seules majorations pour heures supplémentaires.

12. En se déterminant ainsi, sans vérifier, dans le cadre des comptes à faire à la suite de sa décision d'inopposabilité du forfait en heures, si la rémunération contractuelle versée par l'employeur en exécution du forfait irrégulier n'avait pas eu pour effet d'opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au syndicat des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux intérêts de la profession, alors « que la cassation à intervenir sur l'un des deux premiers moyens entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé une condamnation a profit de la fédération nationale CGT des sociétés d'étude de conseil et de prévention au titre de l'atteinte portée aux intérêts de la profession. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation sur le deuxième moyen du pourvoi principal se rapportant au rappel de salaire pour heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents entraîne la cassation du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation du chef de dispositif qui condamne l'employeur à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents, sous déduction d'une somme correspondant à la restitution des jours de repos, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant les sociétés aux dépens ainsi qu'à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause. En revanche, elle emporte cassation du chef de dispositif ordonnant la remise de documents conformes.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Altran technologies à verser à M. [S] la somme de 19 705.36 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre 197,05 euros à titre prime de vacances et 1 970,54 euros à titre de congés payés afférents sauf à déduire la somme de 4 635,51 euros au titre de la restitution des JNT/JRTT, à remettre des documents conformes, à verser à la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention la somme de 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux intérêts de la profession, l'arrêt rendu le 6 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Laisse à chacune des parties les dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Altran Technologies, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Altran Technologies reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer au défendeur au pourvoi des sommes à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents et de prime de vacances y afférent, sauf à déduire une somme correspondant à la restitution des jours de repos ;

1°) ALORS QUE la stipulation, dans un accord de branche étendu, d'un dispositif, réservé à certaines catégories de salariés, de convention de forfait en heures comportant une modalité dérogatoire de comptabilisation des heures supplémentaires sur une base annuelle, n'a ni pour objet ni pour effet de priver les entreprises de la branche de la possibilité de conclure avec les autres salariés des conventions de forfait hebdomadaire en heures conformes aux dispositions du code du travail ; qu'il résulte des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, applicable au litige, que la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention de forfait en heures sur la semaine ou le mois dès lors que la rémunération forfaitaire convenue est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; que, dès lors que le contrat ne stipule aucune annualisation des heures de travail effectuées et que le décompte de la durée du travail et des heures supplémentaires est opéré sur une base hebdomadaire, la convention de forfait hebdomadaire en heures, qui ne déroge à aucune règle légale impérative relative au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires, peut être librement convenue avec tout salarié, quels que soient les fonctions et le niveau de rémunération ; qu'au cas présent, la société Altran Technologies faisait valoir que le contrat de travail conclu avec le défendeur au pourvoi prévoyait une rémunération forfaitaire pour un horaire hebdomadaire de 38 heures 30 et exposait, sans être contredite, que cette rémunération était supérieure à la rémunération minimale conventionnelle pour un horaire de 38 heures 30 augmentée des majorations ; qu'elle faisait également valoir que le contrats ne comportait aucune stipulation relative à une annualisation des heures de travail et que les heures supplémentaires au-delà de 38 heures 30 étaient décomptées de manière hebdomadaire et rémunérées mensuellement ; qu'elle en déduisait que la convention conclue avec le défendeur au pourvoi était une convention de forfait en heures hebdomadaires conforme au droit commun et que cette convention librement conclue par le salarié était donc applicable, indépendamment de la condition de rémunération prévue pour les salariés relevant du dispositif conventionnel dérogatoire ; que la cour d'appel, qui a pourtant expressément constaté « l'absence d'annualisation du temps de travail dans les clauses contractuelles applicables aux salariés », s'est bornée à relever qu' « en réalité, en soumettant les salariés à une convention individuelle de forfait en heures sur une base hebdomadaire de trente-huit heures trente prévoyant, d'une part, un décompte de la durée du travail en jours dans la limite de 218 jours annuels incluant la journée de solidarité, des variations de l'horaire de travail dans la limite de 10 % de l'horaire hebdomadaire de 35 heures, d'autre part, une rémunération forfaitaire sur la base de 218 jours travaillés par année civile incluant les heures de travail accomplies dans la limite de 10 % de l'horaire hebdomadaire de 35 heures, les sociétés Altran Technologies et Altran Lab leur ont appliqué la modalité 2 de l'accord du 22 juin 1999 sans respecter l'ensemble des conditions exigées pour cette application », pour juger que la convention de forfait devait être privée d'effet ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'elle avait constaté « l'absence d'annualisation du temps de travail dans les clauses contractuelles applicables aux salariés » et qu'elle n'avait relevé aucune contrariété entre ces clauses et les dispositions des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes et des articles 2 et 3 du Chapitre II de l'accord Syntec du 22 juin 1999, ensemble les articles L. 3121-10, 3121-20 et L. 3121-22 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l'article L. 2251-1 du code du travail, les conventions et accords collectifs de travail ne peuvent déroger aux dispositions légales qui revêtent un caractère d'ordre public ; qu'il résulte des articles L. 3121-38 et L. 3121-41, devenus L. 3121-56 et L. 3121-57, du code du travail que « tout salarié » peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois à condition que sa rémunération soit au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant au forfait augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une convention ou un accord collectif ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet d'interdire la conclusion de convention individuelle de forfait en heures sur la semaine avec certaines catégories de salariés et de soumettre la conclusion d'une telle convention à des conditions rémunération distinctes de celles prévues par le code du travail ; qu'au cas présent, il est constant que la convention de forfait conclue par la société Altran Technologies était une conventions de forfait en heures sur la semaine et qu'il n'était pas contesté que la rémunération du salarié était supérieure à la rémunération minimale conventionnelle pour la durée de travail accomplie augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; qu'il n'était, par ailleurs, pas contesté que la conventions de forfait ne prévoyait pas d'annualisation des heures travaillées et que les heures supplémentaires au-delà de 38 heures 30 étaient décomptées de manière hebdomadaire et rémunérées mensuellement ; qu'en jugeant que la conventions de forfait devait être privée d'effet, cependant que cette convention était conforme aux articles L. 3121-22, L. 3121-38 et L. 3121-41, devenus L. 3121-29, L. 3121-56 et L. 3121-57, du code du travail, la cour d'appel a violé ces textes, ensemble l'article L. 2251-1 du même code ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; que la comparaison doit être opérée au regard de l'ensemble des dispositions conventionnelles et contractuelles ayant le même objet ou la même cause ; qu'à cet égard, la convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures stipulée dans un contrat de travail est relative au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires et a donc le même objet et la même cause que les dispositions d'un accord collectif relatives au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires, peu important que cet accord ne prévoie pas le recours au forfait ; qu'au cas présent, la société Altran Technologies faisait valoir que, pour le salarié qui perçoit une rémunération inférieure au plafond annuel de sécurité sociale et relève donc des dispositions du code du travail ou des modalités standard, modalité 1, prévues par l'article 2 Chapitre II de l'accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail, la convention individuelle de forfait conclue avec la société Altran Technologies qui garantit au salarié le paiement d'un certain nombre d'heures supplémentaires, peu important leur accomplissement, ainsi qu'un nombre maximum de 218 jours annuels travaillés et qui ne déroge à aucune règle impérative en matière de décompte de la durée du travail et à la rémunération, était plus favorable que les dispositions du code du travail et que les dispositions conventionnelles relatives aux modalités standard, modalité 1, qui laissent à l'employeur la faculté de décider librement de l'accomplissement d'heures supplémentaires ; qu'en refusant de rechercher si, s'agissant d'un salarié dont la rémunération était inférieure au plafond annuel de sécurité sociale, les dispositions du contrat de travail étaient plus favorables dispositions conventionnelles relatives au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires résultant des modalités standard, dite modalité 1, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2254-1 du code du travail et 2 du Chapitre II de l'accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail ;

4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus par lui, sauf stipulations plus favorables ; que la société Altran Technologies offrait de justifier que la convention individuelle de forfait conclue avec le défendeur au pourvoi, d'une part, assure au salariés une rémunération forfaitaire supérieure à la rémunération conventionnelle pour le nombre d'heures convenu augmentée des majorations et, d'autre part, ne déroge à aucune règle relative au décompte de la durée du travail ; qu'il en résultait qu'en concluant une telle convention le défendeur au pourvoi n'avait renoncé à aucun droit qu'il tient de la loi ou de la convention collective ; qu'en refusant néanmoins d'appliquer la convention individuelle de forfait au motif que le salarié « ne peut renoncer aux droits qu'il tient de la convention collective », sans caractériser l'existence d'un droit conventionnel auquel le défendeur au pourvoi aurait renoncé en concluant une telle convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2254-1 du code du travail et des dispositions de l'accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

La société Altran Technologies reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer au défendeur au pourvoi des sommes à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents et de prime de vacances y afférent, sauf à déduire une somme correspondant à la restitution des jours de repos ;

ALORS QU'en présence d'une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente et que, lorsqu'il a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière, le salarié ne peut prétendre entre la 35ème et la dernière heure de ce forfait, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais peut uniquement prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, le contrat de travail prévoit une rémunération forfaitaire incluant les heures de travail accomplies dans la limite de 38 heures 30 (arrêt, p. 5) et que, d'autre part, les bulletins de paie mentionnent une durée du travail de 38 heures 30 (arrêt, p. 6 al. 3) ; qu'en jugeant néanmoins qu' « en raison de l'inopposabilité des conventions de forfait contenues dans les contrats de travail, les heures de travail accomplies par les salariés au-delà de la durée légale du temps de travail n'ont pas été rémunérées » et que « c'est donc à tort que les sociétés demandent à titre subsidiaire de limiter leurs condamnations aux seules majorations pour heures supplémentaires », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a condamné l'employeur à payer deux fois les mêmes heures de travail, en violation des articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu'applicables au litige et de l'article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

La sociétés Altran Technologies reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à la fédération nationale CGT des sociétés d'étude de conseil et de prévention la somme de 500 € en réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux intérêts de la profession ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur l'un des deux premiers moyens entrainera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé une condamnation a profit de la fédération nationale CGT des sociétés d'étude de conseil et de prévention au titre de l'atteinte portée aux intérêts de la profession.
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [S] et la Fédération nationale CGT des sociétés d'études de conseil et de prévention, demandeurs au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [E] [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

1°) ALORS QUE la dissimulation partielle d'emploi salarié est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué ; que, pour débouter le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé, la cour d'appel a retenu que « la conclusion d'une convention de forfait en dehors des conditions prévues par les clauses conventionnelles ne suffit pas à caractériser l'intention de l'employeur de dissimuler les heures de travail accomplies par ses salariés » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le salarié avait été soumis à une convention de forfait qui ne lui était nécessairement pas applicable faute de percevoir une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, ce que ne pouvait ignorer la société Altran Technologies, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail ;

2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE l'infraction de travail dissimulé est constituée lorsque l'employeur persiste à appliquer aux salariés un dispositif conventionnel dont l'illicéité a été définitivement établie et dont il sait qu'il ne leur est pas applicable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « contrairement à ce qu'affirment le salarié et le syndicat, la société Altran n'a pas continué à appliquer les conventions de forfait litigieuses comme si de rien n'était, en ignorant les décisions de justice ayant relevé leur irrégularité » et qu'« il est en effet justifié de la conclusion d'un nouvel accord d'entreprise en 2016 pour tenir compte de cette situation » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que l'employeur avait continué de soumettre le salarié exposant à une convention de forfait qu'il savait ne pas lui être applicable jusqu'à la fin de l'année 2015 en dépit de deux arrêts de la cour d'appel de Toulouse datés des 12 et 15 septembre 2014 et d'un arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2015, ce qui révélait l'intention de la société Altran Technologies de dissimuler partiellement l'emploi du salarié, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 8221-5 du code du travail ;

3°) ET ALORS QUE l'existence d'un préjudice n'est pas une condition de l'infraction de travail dissimulé ; qu'en décidant au contraire que « M. [S] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de l'absence de paiement des heures supplémentaires déjà réparé par les rappels de salaire accordés », la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [E] [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la clause de loyauté figurant au contrat de travail est licite et, en conséquence, de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts pour nullité de cette clause ;

ALORS QUE constitue une clause de non-concurrence, la stipulation faisant interdiction à un salarié d'entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle auprès de laquelle il était intervenu lorsqu'il était au service de son ancien employeur ; que, pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a constaté que « la clause de loyauté interdit seulement les agissements de concurrence déloyale ainsi que l'utilisation des informations confidentielles et des contacts que le salarié pu connaître au cours de son activité professionnelle au sein du groupe Altran mais pas l'exercice d'une activité concurrente pourvu qu'elle se déroule de façon loyale » et que, « contrairement à que soutient M. [S], cette clause ne l'empêche pas d'être embauché par une société cliente du groupe Altran à l'issue de la relation contractuelle mais seulement de négocier son embauche au cours des missions et d'utiliser au profit de son nouvel employeur les informations et contacts auxquels il a eu accès durant son travail au sein du groupe Altran » ; que, relevant que « le salarié doit donc attendre la fin de sa mission pour pouvoir changer d'employeur et s'engage à ne pas lui livrer les informations et contacts dont il a eu connaissance au sein du groupe Altran », elle a retenu qu'« une telle clause, dont l'objet se borne à rappeler l'interdiction de concurrence déloyale qui s'impose à tout salarié, tant au cours du contrat de travail qu'après, ne porte donc pas atteinte à la liberté de travailler » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que la clause à laquelle le salarié était soumis stipulait que « dans le cadre de son activité salariée au sein du groupe Altran, le salarié s'engage à toujours agir de manière loyale et de bonne foi dans l'exécution de son contrat de travail. Le salarié s'engage expressément à ne pas porter préjudice au Groupe par son comportement ou de tout autre manière. Au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients de la société, le salarié s'engage à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client en vue de négocier son éventuelle embauche, conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté. Dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ou au terme de celui-ci le salarié s'interdit d'utiliser à titre personnel ou pour le compte d'une société concurrente ou non, les informations obtenues ou les contacts établis dans le cadre de ses fonctions. Dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ou au terme de celui-ci le salarié s'interdit également d'agir de sorte à constituer envers la société Altran Technologies ou plus largement le groupe Altran une concurrence déloyale », ce dont il résultait qu'elle portait atteinte à sa liberté du travail et devait en conséquence être analysée comme une clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [E] [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de la contestation de son licenciement et de sa demande consécutive en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE la proposition faite au salarié s'analyse en une modification du contrat de travail qu'il est en droit de refuser ; que, pour juger le licenciement disciplinaire justifié, la cour d'appel a retenu que « M. [S] avait une idée très précise de la mission qu'il souhaitait accepter, dans un cadre restreint au regard des demandes réitérées de son employeur, qu'il n'envisageait pas d'en sortir ; et ce alors qu'au regard de ses compétences déclarées, il correspondait au profil recherché sur les missions qui lui ont été proposées » et en a déduit que « ces refus réitérés caractérisent un comportement fautif comme l'a relevé l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que l'employeur avait proposé au salarié les missions en question, de sorte que le salarié était en droit de les refuser, quand bien même elles auraient correspondu à sa qualification ou son niveau de compétence, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail et de l'article L. 1235-1 du même code en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

2°) ET ALORS QUE ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait pour un salarié de s'être abstenu d'établir le compte-rendu d'une réunion à laquelle il avait assisté, fût-ce en dépit de relances de son supérieur hiérarchique ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail et de l'article L. 1235-1 du même code en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-10638
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2022, pourvoi n°21-10638


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.10638
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