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06/07/2022 | FRANCE | N°20-21698

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2022, 20-21698


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 845 F-D

Pourvoi n° Y 20-21.698

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

M. [H] [J], domicilié [Adresse

1], a formé le pourvoi n° Y 20-21.698 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud homale), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 845 F-D

Pourvoi n° Y 20-21.698

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

M. [H] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-21.698 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud homale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société DLSI, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société EJ Picardie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société EJ Picardie, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société DLSI, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 1er avril 2020), M. [J] a été engagé par la société DLSI, entreprise de travail temporaire, et mis à disposition de la société EJ Picardie, au cours de la période du 23 avril 2012 au 31 octobre 2014, suivant vingt-et-un contrats de mission pour exercer les fonctions d'employé au bureau des méthodes puis de dessinateur, au motif d'un surcroît d'activité.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 6 avril 2016, afin de solliciter la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée et obtenir le paiement d'indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à faire prononcer la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, à dire qu'il avait fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à condamner l'entreprise de travail temporaire à lui régler diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « que les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées ; qu'il résulte par ailleurs des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de mission successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ; que le manquement à cette obligation qui lui est propre justifie la requalification de la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué ''que la société DLSI n'a pas systématiquement respecté le délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 du code du travail notamment pour les missions du 23 mai au 31 mai 2012 et du 4 juin au 31 août 2012 '' ; qu'en déboutant M. [J] de sa demande tendant à voir prononcer la requalification de ces contrats de travail temporaires en contrat à durée indéterminée et condamner l'entreprise de travail temporaire DLSI au paiement d'indemnités de rupture et dommages- intérêts la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1251-36 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'entreprise de travail temporaire conteste la recevabilité du moyen. Elle fait valoir que le moyen, mélangé de droit et de fait, est irrecevable comme étant nouveau.

5. Cependant, la cour d'appel a relevé que le salarié soutenait que le non-respect, par l'entreprise de travail temporaire, du délai de carence entraînait la requalification des contrats de missions en un contrat de travail à durée indéterminée.

6. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

7. Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées.

8. Par ailleurs, il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail précités que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité.

9. Pour débouter le salarié de ses demandes tendant à faire prononcer la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, à dire qu'il avait fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à condamner l'entreprise de travail temporaire à lui régler diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il n'est pas utilement contredit que l'entreprise de travail temporaire n'a pas systématiquement respecté le délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 du code du travail notamment pour les missions du 23 mai au 31 mai 2012 et du 4 juin au 31 août 2012.

10. Il énonce que, cependant, si effectivement le salarié a la possibilité de solliciter la requalification du contrat de mission temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée en cas de non-respect du délai de carence par l'entreprise de travail temporaire, c'est à la condition que le nombre important de missions sans interruption ou espacées de très courts intermèdes, révèle l'existence d'un emploi durable. Il retient qu'il n'est pas établi que l'entreprise de travail temporaire a agi de concert avec l'entreprise utilisatrice pour contourner l'interdiction faite à cette dernière de recourir au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'entreprise de travail temporaire n'avait pas respecté le délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 du code du travail, entre les contrats de missions du 23 mai au 31 mai 2012 et du 4 juin au 31 août 2012, ce dont il résultait qu'elle avait failli aux obligations qui lui étaient propres, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation prononcée sur le moyen n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt ayant débouté le salarié de ses demandes tendant à la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice et à la condamnation de cette dernière à lui payer diverses sommes à ce titre, non critiqué par le moyen.

Demande de mise hors de cause

13. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société EJ Picardie, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [J] de ses demandes tendant à faire prononcer la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société DLSI, à dire qu'il avait fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à condamner la société DLSI à lui régler diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il déboute M. [J] de sa demande au titre des frais irrépétibles et le condamne à verser à la société DLSI une somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance, l'arrêt rendu le 1er avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Met hors de cause la société EJ Picardie ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société DLSI aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés EJ Picardie et DLSI et condamne la société DLSI à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [J]

M. [H] [J] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes tendant à voir prononcer la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, déclarer qu'il avait fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la SA DSLI à lui régler diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées ; qu'il résulte par ailleurs des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de mission successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ; que le manquement à cette obligation qui lui est propre justifie la requalification de la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué « que la société DLSI n'a pas systématiquement respecté le délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 du code du travail notamment pour les missions du 23 mai au 31 mai 2012 et du 4 juin au 31 août 2012 » ; qu'en déboutant M. [J] de sa demande tendant à voir prononcer la requalification de ces contrats de travail temporaires en contrat à durée indéterminée et condamner l'entreprise de travail temporaire DLSI au paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 1251-36 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

2°) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées : qu'il résulte par ailleurs des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail des contrats de mission successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ; que le manquement à cette obligation qui lui est propre justifie la requalification de la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué « que la société DLSI n'a pas systématiquement respecté le délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 du code du travail notamment pour les missions du 23 mai au 31 mai 2012 et du 4 juin au 31 août 2012 » ; qu'en déboutant M. [J] de sa demande tendant à voir prononcer la requalification de ces contrats de travail temporaires en contrat à durée indéterminée au motif erroné que « si effectivement le salarié a la possibilité de solliciter la requalification du contrat de mission temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée en cas de non-respect du délai de carence par l'entreprise de travail temporaire c'est à la condition que le nombre important de missions sans interruption ou espacées de très courts intermèdes révèle l'existence d'un emploi durable », condition non établie en l'espèce, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé derechef les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21698
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 01 avril 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2022, pourvoi n°20-21698


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21698
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