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29/06/2022 | FRANCE | N°21-17816

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 juin 2022, 21-17816


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 543 F-D

Pourvoi n° Z 21-17.816

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022

La société R de Fête, dont le siège est [Adresse 2],

a formé le pourvoi n° Z 21-17.816 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de [Localité 3] (8e chambre), dans le litige l'opposan...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 543 F-D

Pourvoi n° Z 21-17.816

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022

La société R de Fête, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-17.816 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de [Localité 3] (8e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [D], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Bureau Alpes contrôles, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société R de Fête, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Bureau Alpes contrôles, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 3], 6 avril 2021), le 27 juin 2011, la société Com'avant, aux droits de laquelle vient la société R de fête, a fait réaliser un chapiteau en toile. Elle a confié à M. [D], conseiller technique en sécurité habilité, les missions de donner son avis sur la structure au regard des dispositions légales applicables et de procéder à la demande du registre de sécurité auprès de l'autorité préfectorale compétente.

2. Le 23 février 2012, M. [D] a rendu un avis favorable à la demande d'attestation de conformité de la structure et précisé qu'en tant qu'établissement recevant plus de trois cents personnes, le chapiteau devait également faire l'objet d'un avis d'un organisme agréé quant à la solidité à froid.

3. Le 4 juin 2012, la société Bureau Alpes contrôles, mandatée par la société R de fête, a conditionné son avis favorable au renforcement d'éléments sous-dimensionnés du kiosque.

4. Le 28 décembre 2012, la société R de fête obtenait un avis favorable à l'exploitation du chapiteau, après délivrance par un autre bureau de contrôle, d'un avis positif quant à la solidité de la structure.

5. Considérant que M. [D] et la société Bureau Alpes contrôles avaient chacun commis des fautes ayant entraîné un préjudice commercial, la société R de fête les a assignés en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen

7. La société R de fête fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation formée contre la société Bureau Alpes contrôles, alors « que commet une faute le professionnel qui ne prend pas soin de s'assurer qu'il dispose des éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; qu'en retenant que la société Alpes contrôles avait « rempli sa mission telle que définie et acceptée par la société Com'Avant », quand il résultait pourtant de ses propres constatations que la société Alpes contrôles, qui ne disposait pas de la note de calculs nécessaire à l'accomplissement de sa mission, n'avait pas pu accomplir correctement celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a relevé que la mission de la société Bureau Alpes contrôles comprenait uniquement l'examen des plans détaillés fournis par le client, la vérification par le calcul et la rédaction d'un rapport de vérification. Elle a constaté que la fourniture des plans et des compléments de relevés dimensionnels était à la charge de la société R de fête.

9. Elle a également relevé qu'une note de calcul avait été établie postérieurement par un bureau d'études structures, missionné par la société R de fête à la suite de l'avis rendu par la société Bureau Alpes contrôles, et avait permis à un autre bureau de contrôle de fournir un nouvel avis.

10. Elle a pu en déduire que, faute de disposer de cet élément précis du bureau d'études qu'il revenait au maître de l'ouvrage de fournir, la société Bureau Alpes contrôle, dont le rôle n'était pas de faire des préconisations mais seulement d'émettre des avis, n'avait pas commis de faute dans l'accomplissement de sa mission.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

12. La société R de fête fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation dirigée contre M. [D], alors « que la faute de la victime ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage ; que la cour d'appel a constaté que M. [D] avait attendu plus de sept mois pour informer la société Com'Avant de la nécessité de faire établir un diagnostic solidité par un organisme agréé ; que pour écarter néanmoins toute responsabilité de M. [D], elle s'est bornée à constater que la société Com'Avant avait « elle-même beaucoup tardé à réagir en ne se rapprochant que trois mois après le premier avis de M. [D] de son fournisseur pour obtenir des explications sur le classement de la toile en M2 ou M1 et en ayant attendu deux mois pour saisir un bureau de contrôle pour la solidité à froid » ; qu'en statuant par des tels motifs, sans constater que le caractère tardif de la réaction de la société Com'Avant constituait l'unique cause du retard de l'homologation du chapiteau, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

13. Il résulte de ce texte que la faute de la victime n'est exonératoire que lorsqu'elle présente les caractéristiques de la force majeure ou constitue la cause exclusive du dommage.

14. Pour rejeter la demande d'indemnisation de la société R de fête formée contre M. [D], l'arrêt retient que celle-ci a beaucoup tardé à réagir en ne se rapprochant de son fournisseur que trois mois après le premier avis de M. [D] pour obtenir des explications sur le classement de la toile en M2 ou M1 et en ayant attendu deux mois pour saisir un bureau de contrôle pour la solidité à froid.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait imputé à M. [D] la faute d'avoir informé tardivement la société R de fête de la nécessité d'obtenir un avis d'un organisme agréé pour vérifier la solidité à froid de la structure alors qu'il était missionné depuis neuf mois lors de la délivrance de cette information, de sorte que le comportement de la société R de fête n'était pas la cause exclusive du préjudice commercial résultant du retard d'exploitation du chapiteau, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Bureau Alpes contrôles, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation formée contre M. [D], l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Met hors de cause la société Bureau Alpes contrôles ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société R de Fête

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

La société R de Fête fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires dirigées contre M. [D],

AUX MOTIFS QUE si M. [D] a tardivement informé sa cliente de la nécessité d'obtenir un avis d'un organisme agréé pour vérifier la solidité à froid de la structure, cette faite n'es à l'origine d'aucune préjudice pour la société Com'Avant dans la mesure où celle-ci a elle-même beaucoup tardé à réagir en ne se rapprochant que trois mois après le premier avis de Monsieur [D] de son fournisseur pour obtenir des explications sur le classement de la toile en M2 ou M1 et en ayant attendu deux mois pour saisir un bureau de contrôle pour la solidité à froid ;

ALORS QUE la faute de la victime ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage ; que la cour d'appel a constaté que M. [D] avait attendu plus de sept mois pour informer la société Com'Avant de la nécessité de faire établir un diagnostic solidité par un organisme agréé ; que pour écarter néanmoins toute responsabilité de M. [D], elle s'est bornée à constater que la société Com'Avant avait « elle-même beaucoup tardé à réagir en ne se rapprochant que trois mois après le premier avis de Monsieur [D] de son fournisseur pour obtenir des explications sur le classement de la toile en M2 ou M1 et en ayant attendu deux mois pour saisir un bureau de contrôle pour la solidité à froid » (p. 9, al. 2) ; qu'en statuant par des tels motifs, sans constater que le caractère tardif de la réaction de la société Com'Avant constituait l'unique cause du retard de l'homologation du chapiteau, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

La société R de Fête fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires dirigées contre la société Alpes Contrôles ;

1°- ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 29, 3 premiers al.), la société Com'Avant soutenait que la société Alpes Contrôles n'avait communiqué aucune pièce susceptible de justifier qu'elle s'était bien livrée à une vérification par le calcul de la solidité de la structure bois du manège, comme le prévoyait sa mission ; qu'en affirmant, pour juger que la société Alpes Contrôles avait « rempli sa mission telle que définie et acceptée par la société Com'Avant », que le bureau de contrôle avait « suivi pour ses vérifications l'arrêté du 23 janvier 1985, la DTU dite règles NV 65 règles définissant les effets de la neige et du vent sur les constructions, les règles CM 66 règles de calculs des constructions en acier, règles CB 71 de calculs des constructions en bois » (p. 9, al. 6 et 8), sans se référer à aucun élément justifiant pareille assertion, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°- ALORS QUE commet une faute le professionnel qui ne prend pas soin de s'assurer qu'il dispose des éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; qu'en retenant que la société Alpes Contrôles avait « rempli sa mission telle que définie et acceptée par la société Com'Avant », quand il résultait pourtant de ses propres constatations que la société Alpes Contrôles, qui ne disposait pas de la note de calculs nécessaire à l'accomplissement de sa mission, n'avait pas pu accomplir correctement celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-17816
Date de la décision : 29/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 06 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 jui. 2022, pourvoi n°21-17816


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17816
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