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29/06/2022 | FRANCE | N°21-15505

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 juin 2022, 21-15505


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 540 F-D

Pourvoi n° N 21-15.505

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022

1°/ M. [I] [N], domicilié [Adresse 6],

2°/ M. [C] [N], domic

ilié [Adresse 8]s (Suisse),

3°/ M. [F] [N], domicilié [Adresse 1],

4°/ M. [H] [N], domicilié [Adresse 7],

ont formé le pourvoi n° N 21-15.505 contre...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 540 F-D

Pourvoi n° N 21-15.505

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022

1°/ M. [I] [N], domicilié [Adresse 6],

2°/ M. [C] [N], domicilié [Adresse 8]s (Suisse),

3°/ M. [F] [N], domicilié [Adresse 1],

4°/ M. [H] [N], domicilié [Adresse 7],

ont formé le pourvoi n° N 21-15.505 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la ville du Havre, prise en la personne de son maire en exercice, domicilié [Adresse 3],

2°/ au commissaire du gouvernement, domicilié [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des consorts [N], de la SCP Ghestin, avocat de la ville du Havre, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. L'arrêt attaqué (Rouen, 24 février 2021) fixe les indemnités revenant à MM. [I], [C], [F] et [H] [N] (les consorts [N]) à la suite de l'expropriation, au profit de la commune du Havre, de deux parcelles leur appartenant et qu'ils avaient données en location.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. Les consorts [N] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande au titre des loyers perçus par la commune du Havre, alors :

« 1°/ que l'ordonnance d'expropriation envoie l'expropriant en possession sous réserve qu'il ait procédé au paiement de l'indemnité ; qu'ainsi tant que l'indemnité de dépossession n'est pas payée, le propriétaire exproprié qui conserve la jouissance de l'immeuble, a le droit de percevoir les indemnités d'occupation versées par l'occupant ou le cas échéant, les loyers versés par le locataire ; qu'en énonçant que l'ordonnance d'expropriation intervenue en janvier 2017 permettrait à l'expropriant bénéficiaire du transfert de propriété, de percevoir les loyers dus jusqu'au terme du bail fixé le 31 juillet 2017, date pour laquelle le locataire a formé une demande de résiliation, quand les consorts [N] faisaient valoir, que l'indemnité fixée par le tribunal n'a été réglée que le 19 juillet 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 222-1 du code de l'expropriation ;

2°/ que l'ordonnance d'expropriation envoie l'expropriant en possession sous réserve qu'il ait procédé au paiement de l'indemnité ; que quand bien même elle serait fixée au regard des conditions d'exploitation de l'immeuble, l'indemnité principale n'a pas pour objet de compenser la perte des indemnités d'occupation ou des loyers qui sont dus à l'exproprié, jusqu'à son paiement effectif ; qu'en énonçant que les consorts [N] qui demandent le paiement des loyers versés par le locataire à l'expropriant jusqu'au paiement de l'indemnité, n'établiraient pas un préjudice distinct de l'indemnité allouée à titre principal, laquelle intégrerait dans la valeur du bien ses conditions d'exploitation, la cour d'appel a encore violé l'article L. 222-1 du code de l'expropriation. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'ordonnance d'expropriation envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il ait procédé au paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement ou de refus de le recevoir, à la consignation de l'indemnité ou qu'il ait obtenu l'acceptation ou la validation de l'offre d'un local de remplacement.

5. L'article L. 222-2, alinéa 1er, du même code dispose que l'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droit réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que, à compter de la date de l'ordonnance d'expropriation, le bail consenti sur le bien exproprié est résilié de plein droit et que, si le locataire se maintient dans les lieux après cette ordonnance, il doit une indemnité d'occupation au propriétaire exproprié jusqu'au paiement ou à la consignation de l'indemnité de dépossession (3e Civ., 19 octobre 1988, pourvoi n° 87-13.701, Bull. 1988, III, n° 142 ; 3e Civ., 20 mai 2015, pourvois n° 14-10.922, 14-10.813, Bull. 2015, III, n° 49).

7. Lorsque le locataire a quitté les lieux à la date de l'ordonnance d'expropriation, il ne reste redevable ni d'un loyer, le bail étant résilié par l'effet de l'ordonnance, ni d'une indemnité d'occupation, dès lors qu'il n'occupe plus le bien.

8. Il en résulte que, la cour d'appel ayant constaté que la société locataire des parcelles expropriées avait cessé toute activité depuis le 30 juin 2015 et que les biens étaient libres d'occupation à la date de l'ordonnance d'expropriation, la demande de restitution des loyers formée par les consorts [N] ne pouvait être accueillie.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. [I], [C], [F] et [H] [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les consorts [N]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Les consorts [N] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme totale de 203.618 euros l'indemnité de dépossession qui leur est due au titre de l'expropriation des parcelles sises au Havre, cadastrées section EA [Cadastre 2] et EA [Cadastre 4], couvrant ensemble 3122 m2 de terrain nu ;

1°- ALORS QUE doit être qualifié de terrain à bâtir, le terrain qui à la date de référence, est quelle que soit son utilisation, à la fois situé dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols et effectivement desservi par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable, et un réseau d'assainissement situés à proximité immédiate des terrains et d'une dimension adaptée à la capacité de construction de ces terrains ; qu'en refusant d'évaluer les parcelles expropriées comme terrains à bâtir, après avoir constaté (arrêt attaqué p. 8, al. 1er) qu'à la date de référence du 5 septembre 2010, ces parcelles étaient situées au POS de la commune, en zone UZa dans laquelle les constructions de bâtiments à usage industriel, artisanal, portuaire, de stockage et de logistique étaient autorisées, et sans avoir exclu la desserte des parcelles par les réseaux, la Cour d'appel a violé l'article L 322-3 du code de l'expropriation ;

2°- ALORS QU'il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date de référence sauf si leur institution révèle de la part de l'expropriant, une intention dolosive ; que les consorts [N] faisaient valoir (conclusions d'appel p. 9) que l'instauration d'une autorisation préalable à toute construction, par la modification du POS le 22 février 2010, postérieure à l'annonce de l'opération et antérieure au début de la procédure administrative est dolosive ainsi que cela résulte des précisions du Commissaire du Gouvernement, qui avait confirmé dans son mémoire de première instance, que l'interdiction de toute construction sans demande préalable, issue de cette modification du POS avait pour objet d'exclure la délivrance d'un permis pour ce tènement, sachant que la Ville souhaitait y aménager une promenade paysagère ; qu'en se bornant à énoncer que les allégations des consorts [N] selon lesquelles toutes les créations de contraintes par les modifications du POS postérieures au 5 juillet 2007 dans le but d'amoindrir la valeur des immeubles expropriés seraient peu argumentées et ne feraient pas l'objet de production de pièces, sans répondre à ces conclusions précises, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°- ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, les consorts [N] faisaient valoir (conclusions d'appel p. 13 et 21) que les accords amiables et les pièces ayant permis d'aboutir à l'accord et au montant de l'indemnisation de la parcelle AE[Cadastre 4] ne sont pas versés aux débats et en demandaient la communication ; qu'en se fondant néanmoins sur ces éléments de comparaison sans qu'il résulte ni de ses constatations, ni de la liste des pièces communiquées figurant dans le mémoire de l'expropriante ni de son bordereau de communication de pièces, qu'elles auraient été régulièrement versées aux débats et communiquées aux exposants, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°- ALORS QU'en énonçant par adoption des motifs du jugement, que les accords amiables et les éléments de comparaison cités permettent de retenir la cession de « la parcelle voisine de l'emprise cadastrée EA[Cadastre 4], couvrant de 2152 m2 », et « les mutations intervenues [Adresse 9] en mars 2013, sur la base de 50 euros le mètre carré et en juin 2016 sur la base de 59 euros le mètre carré », sans s'expliquer sur les conditions de réalisation des accords et sur leur contenu, et sans aucune précision concernant les caractéristiques de ces terrains, leur usage effectif, leur consistance matérielle et juridique, les zones dont ils relèvent en matière d'urbanisme, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-3 du code de l'expropriation ;

5° ALORS QUE les consorts [N] faisaient valoir que la Ville du Havre avait fait en premier l'acquisition dans le secteur d'une parcelle appartenant à Réseau Ferré de France présenté comme une friche sans intérêt pour l'établissement public et prétendument situé dans une zone inconstructible et que la valeur retenue, sans aucun contrôle, avait servi de base à toutes les évaluations ultérieures invoquées par la Ville (conclusions p. 13 et 14) ; qu'en ne se prononçant pas sur ce moyen essentiel, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°- ALORS QUE les biens sont estimés à la date de la décision de première instance ; qu'en se fondant pour évaluer l'indemnité d'expropriation sur des mutations intervenues en juin 2012 pour la parcelle EA[Cadastre 4] et en mars 2013 pour la [Adresse 9], quand la décision de première instance a été rendue le 14 mars 2017, la Cour d'appel a violé l'article L 322-2 du code de l'expropriation ;

7°- ALORS QU'en se fondant pour évaluer les parcelles expropriées et écarter les termes de comparaison invoquées par les consorts [N], sur l'existence de règles d'urbanisme particulières concernant ces parcelles, en ce qu'elles seraient affectées par le recul de 55 m exigé par rapport au boulevard Winston Churchill pour leur constructibilité, et en considérant qu'il s'agirait d'une réduction significative de l'affectation des lieux, sans répondre aux conclusions des consorts [N] qui, se fondant sur le plan et l'attestation établis par un géomètre, faisaient valoir (conclusions p. 8) que le plan fourni par la ville du Havre comporte une erreur de report de la marge de recul de 55 m sur le plan des parcelles expropriées, l'échelle retenue étant erronée, et qu'en rapportant la marge à la bonne échelle, le recul de 55 m arrive directement à la limite des façades des parcelles parallèles au boulevard Winston Churchill, de sorte que contrairement à ce qui résulte du plan de la Ville, seule la partie en retour jusqu'au bord du boulevard est inconstructible, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°- ALORS QU'en retenant comme élément de référence, l'évaluation des parcelles lors de la mutation du bien dans le cadre de l'opération de retrait de la société Transports [N] en 2014, sans répondre aux conclusions des consorts [N] qui faisaient valoir que la valeur retenue constituait une valeur minimum de convenance correspondant à celle qui avait été fixée par les Domaines, et qu'elle avait été retenue pour des raisons de prudence fiscale, dès lors qu'aucun dégrèvement des droits d'enregistrement n'aurait pu être obtenu pour le cas où cette valeur fixée par les Domaines était entérinée par le Tribunal, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Les consorts [N] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme totale de 203.618 euros l'indemnité de dépossession qui leur est due au titre de l'expropriation des parcelles sises au Havre, cadastrées section EA [Cadastre 2] et EA [Cadastre 4], couvrant ensemble 3122 m2 de terrain nu et d'avoir déclaré infondée leur demande au titre des loyers perçus par la ville du Havre ;

1°- ALORS QUE l'ordonnance d'expropriation envoie l'expropriant en possession sous réserve qu'il ait procédé au paiement de l'indemnité ; qu'ainsi tant que l'indemnité de dépossession n'est pas payée, le propriétaire exproprié qui conserve la jouissance de l'immeuble, a le droit de percevoir les indemnités d'occupation versées par l'occupant ou le cas échéant, les loyers versés par le locataire ; qu'en énonçant que l'ordonnance d'expropriation intervenue en janvier 2017 permettrait à l'expropriant bénéficiaire du transfert de propriété, de percevoir les loyers dus jusqu'au terme du bail fixé le 31 juillet 2017, date pour laquelle le locataire a formé une demande de résiliation, quand les consorts [N] faisaient valoir (conclusions d'appel p. 21), que l'indemnité fixée par le Tribunal n'a été réglée que le 19 juillet 2017, la Cour d'appel a violé l'article L 222-1 du code de l'expropriation ;

2°- ALORS QUE l'ordonnance d'expropriation envoie l'expropriant en possession sous réserve qu'il ait procédé au paiement de l'indemnité ; que quand bien même elle serait fixée au regard des conditions d'exploitation de l'immeuble, l'indemnité principale n'a pas pour objet de compenser la perte des indemnités d'occupation ou des loyers qui sont dus à l'exproprié, jusqu'à son paiement effectif ; qu'en énonçant que les consorts [N] qui demandent le paiement des loyers versés par le locataire à l'expropriant jusqu'au paiement de l'indemnité, n'établiraient pas un préjudice distinct de l'indemnité allouée à titre principal, laquelle intégrerait dans la valeur du bien ses conditions d'exploitation, la Cour d'appel a encore violé l'article L 222-1 du code de l'expropriation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-15505
Date de la décision : 29/06/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 24 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 jui. 2022, pourvoi n°21-15505


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.15505
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