LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 juin 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 546 F-D
Pourvoi n° B 20-22.644
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022
La société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Banque Patrimoine Immobilier , dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-22.644 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [H],
2°/ à Mme [S] [U], épouse [H],
domiciliés tout deux [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
M. et Mme [H] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi principal, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs invoquent, à l'appui du leur pourvoi incident, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [H], après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2020), suivant offres acceptées les 2 avril et 18 mai 2007, la société Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [H] (les emprunteurs) trois prêts destinés à financer l'acquisition de biens immobiliers, la société Apollonia ayant servi d'intermédiaire entre les emprunteurs et la banque.
2. Après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des sommes restant dues au titre des prêts.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi principal
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler les trois prêts consentis et de condamner les emprunteurs à rembourser le seul capital emprunté, minoré des échéances réglées, avec les intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2011, alors « que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne sont pas applicables aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, acquièrent et mettent des biens immobiliers en location sous le statut de loueur en meublé professionnel ; que pour retenir l'application du code de la consommation, la cour d'appel se borne à relever que l'immatriculation de M. [H] au registre du commerce et des sociétés est postérieure à l'acceptation des offres de prêt et que la banque avait expressément soumis le prêt aux dispositions du livre III du code de la consommation ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, sans rechercher si les nombreux prêts souscrits par les emprunteurs entre avril et décembre 2007 ne portaient pas sur des biens destinés à être mis en location meublée et si les prêts en litige ne s'inscrivaient pas dans le cadre de l'activité professionnelle que les emprunteurs se disposaient à déployer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
4. En relevant que la banque avait expressément soumis les offres aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision d'annuler les contrats de prêt litigieux et de condamner les emprunteurs à rembourser le seul capital emprunté.
Sur le moyen unique du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors « que commet une faute entraînant sa responsabilité la banque qui, ayant conclu avec une société de promotion immobilière (Apollonia) un contrat d'apporteur d'affaires, notamment de placements de prêts immobiliers, rémunéré par des commissions versées par la banque à Apollonia – contrat dont l'arrêt exclut expressément qu'il s'agisse d'un mandat – accepte de contracter avec les clients apportés par Apollonia et de leur consentir des prêts sans jamais avoir eu le moindre contact direct avec ces derniers qui deviennent pourtant les clients directs de la banque, tous les échanges de renseignements et de signatures passant systématiquement par Apollonia, ce qui privait nécessairement la banque de tout contrôle direct sur la situation réelle des emprunteurs avec lesquels pourtant elle est censée contracter directement ; qu'en s'abstenant totalement de s'expliquer sur ce point particulier, souligné par les emprunteurs dans leurs conclusions d'appel, susceptible de caractériser une faute de la banque ayant causé le préjudice d'emprunteurs surendettés, la cour d'appel a privé totalement sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil, devenu 1217 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que les emprunteurs aient soutenu que la responsabilité contractuelle de la banque était encourue au motif que celle-ci n'avait jamais eu le moindre contact avec eux lors de la souscription des prêts litigieux.
7. Le moyen est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant, irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit, au pourvoi principal par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France développement
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point d'avoir annulé les trois prêts consentis par la société Banque Patrimoine et Immobilier les 2 avril et 16 mai 2007 à M. et Mme [H], et condamné ceux-ci à rembourser le seul capital emprunté, minoré des échéances réglées, avec les intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2011,
ALORS QUE les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne sont pas applicables aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, acquièrent et mettent des biens immobiliers en location sous le statut de loueur en meublé professionnel ; que pour retenir l'application du code de la consommation, la cour d'appel se borne à relever que l'immatriculation de M. [H] au registre du commerce et des sociétés est postérieure à l'acceptation des offres de prêt et que la BPI avait expressément soumis le prêt aux dispositions du livre III du code de la consommation ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, sans rechercher si les nombreux prêts souscrits par les emprunteurs entre avril et décembre 2007 ne portaient pas sur des biens destinés à être mis en location meublée et si les prêts en litige ne s'inscrivaient pas dans le cadre de l'activité professionnelle que les emprunteurs se disposaient à déployer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Wquat, Farge et Hazan, avocat au conseil, pour M. et Mme [H]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'voir, après avoir annulé les prêts consentis par la banque à M. et Mme [H] et les avoir condamnés au paiement du remboursement du capital emprunté minoré des échéances réglées, débouté M. et Mme [H] de leur demande de dommages et intérêts contre la banque,
ALORS QUE commet une faute entraînant sa responsabilité la banque qui, ayant conclu avec une société de promotion immobilière (Apollonia) un contrat d'apporteur d'affaires, notamment de placements de prêts immobiliers, rémunéré par des commissions versées par la banque à Apollonia – contrat dont l'arrêt exclut expressément qu'il s'agisse d'un mandat – accepte de contracter avec les clients apportés par Apollonia et de leur consentir des prêts sans jamais avoir eu le moindre contact direct avec ces derniers qui deviennent pourtant les clients directs de la banque, tous les échanges de renseignements et de signatures passant systématiquement par Apollonia, ce qui privait nécessairement la banque de tout contrôle direct sur la situation réelle des emprunteurs avec lesquels pourtant elle est censée contracter directement ; qu'en s'abstenant totalement de s'expliquer sur ce point particulier, souligné par les emprunteurs dans leurs conclusions d'appel, susceptible de caractériser une faute de la banque ayant causé le préjudice d'emprunteurs surendettés, la Cour d'appel a privé totalement sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil, devenu 1217 du code civil.