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23/06/2022 | FRANCE | N°20-15416

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 juin 2022, 20-15416


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 696 F-D

Pourvoi n° V 20-15.416

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022

La Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie français

e, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-15.416 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Papeete (cham...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 696 F-D

Pourvoi n° V 20-15.416

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022

La Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-15.416 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [E], domicilié [Adresse 3],

2°/ à l'Office des postes et télécommunications, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur les rapports de Mme Kermina, conseiller, et de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'Office des postes et télécommunications, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 19 décembre 2019), M. [E] (l'assuré), agent contractuel de l'Office des postes et télécommunications (l'Office), a demandé à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (la Caisse) le bénéfice d'une retraite anticipée pour travaux pénibles à compter du 31 juillet 2013.

2. Par décision du 14 juin 2013, la Caisse ayant rejeté sa demande, l'assuré l'a assignée devant le tribunal de première instance et a mis en cause l'Office.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La Caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'assuré pourra bénéficier de la retraite anticipée pour travaux pénibles à compter du premier jour du mois suivant la cessation de son activité salariale, alors « que le bénéfice du régime de retraite anticipée servie par la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie est ouvert à tout travailleur manuel ouvrier âgé d'au moins cinquante ans, justifiant d'au moins cent-vingt mois d'exercice d'activité sur le territoire reconnue particulièrement pénible pour l'organisme ; que sont reconnus comme particulièrement pénibles, quel que soit le secteur d'activité, les travaux manuels ouvriers effectués de façon habituelle et régulière et plus généralement tous les travaux de force qui entraînent une usure prématurée de l'organisme ; que l'usure de l'organisme, préalable nécessaire au bénéfice du régime de retraite anticipée, doit ainsi résulter de la réalisation des travaux de force à l'exclusion de tout autre facteur ; qu'en octroyant le bénéfice de ce régime à l'assuré, cependant qu'elle avait constaté, par motifs adoptés des premiers juges, que l'usure prématurée de son organisme n'était qu'en partie liée aux travaux de force effectués pendant des dizaines d'années et était la résultante de plusieurs facteurs extraprofessionnels notamment, une hygiène de vie dégradée avec consommation alcolo-tabagique importante, la cour d'appel a violé l'article 4-1 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 ensemble l'article 2 de l'arrêté n° 213 CM du 21 février 1997. »

Réponse de la Cour

4. Selon les articles 4 et 4-1 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987, modifiée, la durée de cotisation de trente-cinq années pleines à laquelle est subordonné le versement d'une pension de retraite égale à 70 % de la moyenne des rémunérations soumises à cotisation au cours de la période de référence, est ramenée à trente années pour tout travailleur manuel ouvrier âgé d'au moins cinquante ans, justifiant d'au moins cent-vingt mois d'exercice d'activité sur le territoire reconnue particulièrement pénible pour l'organisme.

5. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté n° 213 CM du 21 février 1997, pris pour l'application des dispositions mentionnées plus haut, sont reconnus comme particulièrement pénibles, quel que soit le secteur d'activité, les travaux manuels ouvriers effectués de façon habituelle et régulière et, plus généralement, tous les travaux de force, qui entraînent une usure prématurée de l'organisme.

6. Ces textes n'exigent pas que les travaux manuels ouvriers effectués de façon habituelle et régulière ou les travaux de force soient la cause unique de l'usure prématurée de l'organisme.

7. Ayant constaté que l'assuré, agent technique, dont la mission consistait en la réalisation de travaux de production et de maintenance du réseau des lignes AQ2, a dû porter des charges lourdes, sous un ensoleillement tropical, et avec inhalation de plomb, de façon régulière et habituelle, pendant cent-vingt mois, l'arrêt en déduit que la pénibilité des travaux est caractérisée. Retenant que l'existence d'une pathologie liée à l'emploi n'est pas imposée par l'article 2 de l'arrêté du 21 février 1997, l'arrêt considère, au regard des pièces médicales, et particulièrement de l'expertise médicale judiciaire du 10 juin 2015, qu'il était démontré que les travaux pénibles ont entraîné une usure prématurée de l'organisme de l'assuré, lui permettant de bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour travaux pénibles en application des dispositions de l'article 4-4 de la délibération n° 87-111 AT du 29 janvier 1987.

8. De ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que les travaux manuels ouvriers effectués de façon habituelle et régulière par l'assuré ont entraîné l'usure prématurée de son organisme, l'arrêt a exactement déduit que ce dernier avait exercé une activité particulièrement pénible lui ouvrant droit au bénéfice du dispositif de retraite anticipée.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La Caisse fait grief à l'arrêt de débouter les parties du surplus de leurs demandes, en ce compris sa demande tendant, à titre infiniment subsidiaire, à exercer son action récursoire contre l'Office, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'en rejetant comme irrecevable au regard des dispositions de l'article 349 de la délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001 portant code de procédure civile de Polynésie française l'action récursoire de la Caisse de prévoyance sociale pour avoir été introduite pour la première fois en cause d'appel sans expliquer en quoi cette demande ne serait pas connexe avec celles présentées par l'assuré au sens de l'article 349 susvisé, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision et violé l'article 268 de la délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001 portant code de procédure civile de Polynésie française. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 268 et 349 du code procédure civile de la Polynésie française :

11. Il résulte du premier de ces textes que les jugements doivent être motivés.

12. Selon le second, aucune demande nouvelle ne peut être formée en cause d'appel à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation.

13. La cour d'appel est tenue d'examiner d'office, au regard de chacune de ces exceptions, si la demande est recevable.

14. Pour débouter la Caisse de sa demande dirigée contre l'Office, l'arrêt retient qu'il s'agit d'une demande nouvelle, introduite pour la première fois en cause d'appel, et comme tel irrecevable au regard des dispositions de l'article 349 du code de procédure local.

15. En statuant ainsi, par des motifs dont il ne résulte pas que la cour d'appel a examiné si la demande formée par la caisse n'était pas connexe à celles présentées par l'assuré au sens des dispositions de l'article 349 du code procédure civile de la Polynésie française, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel formé le 26 juin 2017 par la CPS à l'encontre du jugement rendu le 22 février 2017 par le tribunal civil de première instance de Papeete et en ce qu'il confirme le jugement concernant le bénéfice de la retraite anticipée, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;

Condamne l'Office des postes et télécommunications aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Office des postes et télécommunications, condamne l'Office des postes et télécommunications à payer à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 3 000 euros et condamne la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur [R] [E] pourra bénéficier de la retraite anticipée pour travaux pénibles à compter du premier jour du mois suivant la cessation de son activité salariale ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' en ce qui concerne le lien de causalité entre l'activité de travaux manuels ouvriers et l'usure prématurée de l'organisme de l'assuré, suite à la demande de révision à la décision de la commission du 18 avril 2013, s'appuyant sur une nouvelle attestation médicale, la CPS fait valoir qu'une expertise a été ordonnée par la juridiction de première instance et que l'expert, dans son rapport du 10 juin 2015, a conclu à l'usure prématurée de l'organisme de M. [E] en rapport direct avec une pathologie liée à l'emploi sans donner la moindre information sur la ou les pathologies, tout en précisant qu'il n'y avait aucune pathologie liée à l'emploi et que les examens cliniques réalisés dans le cadre de l'expertise n'ont montré « aucun signe d'une pathologie liée à des contraintes mécaniques spécifiques » ni de signes évoquant une pathologie particulière, a fortiori des signes d'une pathologie en rapport avec les activités professionnelles exercées dans le passé par Monsieur [E] ; qu'il existe un double critère d'appréciation de la pénibilité, objectif tenant aux conditions d'exécution de travail et subjectif consistant en la dégradation de l'état de santé du travailleur, et que la seule démonstration d'une usure prématurée de l'organisme n'est pas suffisante pour accorder le bénéfice des mesures de retraite anticipée pour travaux pénibles ; que l'assuré doit avoir été exposé à des facteurs de pénibilité au cours de son activité professionnelle, l'usure prématurée de l'organisme devant trouver son origine directement et exclusivement dans les travaux manuels ouvriers effectués dans le cadre de l'activité professionnelle, afin que ceux-ci puissent être reconnus comme particulièrement pénibles ; qu'en l'espèce, il n'est pas rapporté la preuve d'un lien de causalité entre la pénibilité des travaux et l'usure prématurée de l'organisme qui ne résulte pas directement ni exclusivement des travaux manuels ouvriers effectués par Monsieur [E] au cours de son activité professionnelle ; que Monsieur [R] [E] fait valoir qu'il a effectué des travaux pénibles, conformément à l'article 3 de l'arrêté 213 CM du 21 février 1997 fixant la liste des travaux manuels ouvriers effectués de façon habituelle et régulière pouvant être reconnus comme particulièrement pénibles, ce qui est confirmé par son employeur dans son attestation du 7 mai 2013 ; que deux autres agents, ayant effectué les mêmes travaux, ont été admis au bénéfice de la retraite anticipée ; que l'usure prématurée de son organisme en rapport direct avec une pathologie liée à l'emploi a été constatée dans le certificat médical du 18 avril 2013, établi par le docteur [Y] [T], et par l'expert, le docteur [G] ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur [E] remplit les conditions d'âge et de durée de cotisation requises pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour travaux pénibles prévus par les textes suscités ; que les moyens invoqués par l'appelante ne font que réitérer sans justifications complémentaires utiles ce dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte ; qu'en effet, le premier juge a parfaitement démontré, en se livrant à un examen détaillé des activités de Monsieur [E], agent techniques des lignes AQ 2 à l'OPT, dont la mission consistait en la réalisation de travaux de production et de maintenance du réseau des lignes, la pénibilité des travaux manuels ouvriers consistant en un port de charges lourdes, sous un ensoleillement tropical, et avec inhalation de plomb, exercée de façon régulière habituelle, pendant 120 mois, par ce dernier ; que de même, en appréciant l'ensemble des pièces médicales concernant Monsieur [E] versées au dossier, et particulièrement l'expertise médicale judiciaire du 10 juin 2015, en retenant que l'existence d'une pathologie liée à l'emploi n'est pas imposée par le texte de l'article 2 de l'arrêté n° 213 CM du 21 février 1997, le premier juge en a justement déduit qu'il était démontré que les travaux pénibles ont entraîné une usure prématurée de l'organisme de l'intimé, lui permettant de bénéficier du dispositif de retraite pour travaux pénibles en application des dispositions de l'article 4-4 de la délibération n° 87-111AT du 29 janvier 1987, en fixant au 1er juin du mois suivant la cessation d'activité par Monsieur [E] la liquidation de sa pension de retraite anticipée pour travaux pénibles ;

ET AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES QUE, sur la demande principale, il n'est pas contesté que Monsieur [E] remplit les conditions d'âge et de durée de cotisation requises pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour travaux pénibles prévu par l'article 4-1 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 modifiée par la délibération n° 2002-128 APF du 26 septembre 2002 ; qu'il lui revient en outre de prouver qu'il est un travailleur manuel ouvrier justifiant d'au moins 120 mois d'exercice d'activité sur le territoire reconnu particulièrement pénible pour l'organisme ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté n° 213 CM du 21 février 1997, sont reconnus comme particulièrement pénibles, quel que soit le secteur d'activité, les travaux manuels ouvriers effectués de manière habituelle et régulière et plus généralement tous les travaux de force, qui entraînent une usure prématurée de l'organisme ; que l'article 3 énumère de manière non limitative certains travaux qui peuvent être connus comme tels ; que l'article 4 prévoit que le caractère particulièrement pénible peut ne pas être reconnu lorsque le travail manuel ouvrier s'est effectué de façon habituelle et régulière, dans des conditions d'hygiène, de sécurité et de travail, aménagées conformément à des règlements, des recommandations ou à des accords collectifs ; que sur la pénibilité du travail, Monsieur [E] est agent technique des lignes AQ 2 ; que sa mission consiste à la réalisation des travaux de production et de maintenance du réseau des lignes ; que ces activités consistent en : I. la réalisation du chantier : 70 % - plante, redresse, haubane et arme les poteaux, - participe au tirage des câbles aériens et souterrains, - réalise l'étiquetage des câbles, - participe aux travaux de raccordement et aux mutations, - effectue l'élagage des branchages situés sur le parcours des câbles aériens, II. Logistique : 20 % - participe au balisage du chantier, - participe au convoyage du matériel et de l'outillage, - effectue l'entretien élémentaire du véhicule, - entretient l'outillage individuel, - entretient les publiphones, III. Essais et mesures : 10 % - participe aux mesures de câbles et aux essais de mise en service, - effectue les réglages de TNS ; qu'il résulte d'une attestation de travail de son employeur du 7 mai 2013 que Monsieur [E] est employé à l'office depuis le 16 juin 1981 en qualité d'agent contractuel à durée indéterminée ; qu'il occupe l'emploi d'agent technique des lignes depuis le 5 janvier 1982 ; que l'Office des postes et télécommunications précise que la réalisation du chantier implique de charger et décharger des poteaux sur le camion, sans utiliser de matériels de manutention, les planter sur les chantiers identifiés par la hiérarchie ; que ces chantiers sont exposés à la pluie et au soleil ; qu'une fois les poteaux plantés, il faut les gravir pour y installer les câbles et accessoires conformément aux règles d'ingénierie en vigueur, sans aucune assistance mécanique, avec uniquement des griffes, et leur poids varie selon la zone de 5 à 25 kg ; qu'au sommet, le câble est positionné sur une poulie pour atteindre l'attention requise et le fixer ; que ces activités sont réalisées par temps ensoleillé et peuvent durer jusqu'à quatre heures, ce qui provoque des fourmillements dans les membres inférieurs ; que la manutention des tourets et porte-tourets, d'un poids variant entre 15 kg et 1 tonne, consiste à dérouler les câbles (port de charges lourdes) ; que ces travaux sont effectués dans des conditions de pénibilité, de jour comme de nuit, ports de charges lourdes sous le soleil de plomb ou la pluie ; qu'à ce titre, l'agent a bien effectué durant plus de 10 années de travaux pénibles et insalubres ; que tous ces travaux sont effectués de façon habituelle et régulière, et ce durant au moins 7 heures par jour travaillé ; qu'une déclaration sur l'honneur de Monsieur [E] confirme la charge des poteaux d'environ 150 kg pièce sur les camions, la manutention des tourets de câbles d'environ 500 kg pièce, la pompe à eau (25kgs), le groupe électrogène (40kgs) et tout le matériel du treuil de tirage d'environ 400 kg, ainsi que le compresseur de 300 kg, en précisant « tout cela à la force des bras de trois personnes » ; qu'il explique comment planter des poteaux avec seulement deux personnes : il fallait placer des cailloux et les compacter à l'aide d'une dame d'environ cinq à 8 kg ; que les câbles, d'une longueur de 900 à 1200 m, variaient entre 5 et 15 kilos et étaient tirés manuellement, puis tendus ; que ces opérations nécessitaient un niveau physique prêt à subir les travaux en hauteur sous un soleil de plomb et à monter et descendre pendant plusieurs heures, le danger étant omniprésent ; que pour procéder au tirage des câbles souterrains, il fallait porter le couvercle en fonte d'acier d'une vingtaine de kilos pour accéder dans les chambres et pomper l'eau ; qu'il a travaillé sur des câbles de série 085, en plomb et soudé les épissures ou les boîtes de dérivation à l'aide d'un chalumeau et de baguettes de soudure en plomb ; qu'il a dû rester des heures dans la chambre sous terre à inhaler l'odeur du plomb ; que Monsieur [E] précise que depuis le 5 janvier 1982 il est resté sur le même poste de travail ; que les formations concernant l'hygiène et la sécurité, les travaux en hauteur, les gestes et postures n'ont commencé à voir leur application que vers les années 2000 ; que Monsieur [D] [K], a attesté sur l'honneur, être agent technique des lignes au sein du service des constructions des lignes à l'Office des postes et télécommunications depuis le 5 janvier 1982 jusqu'au 17 septembre 2012 ; qu'il décrit ses missions principales qui consistaient au chargement des poteaux sur le camion et qui reprend l'intégralité des activités décrites par Monsieur [E] ; que leur fiche de poste de travail est identique ; que le dossier de Monsieur [K] a reçu, le 14 décembre 2012, un avis favorable de la commission, pour sa demande de retraite anticipée pour travaux pénibles ; que Monsieur [I] [Z] confirme les déclarations de ses collègues dans une déclaration sur l'honneur en date du 8 février 2013 ; que la pénibilité des travaux manuels ouvriers consistant en un port de charges lourdes, sous un ensoleillement tropical, et avec inhalation de plomb, exercés de façon habituelle et régulière, pendant 120 mois, par Monsieur [E], est démontrée ; que sur l'usure prématurée, un certificat médical du 4 novembre 2014 témoigne de ce que Monsieur [E] est suivi depuis le 20 janvier 2003 pour des douleurs polyarthralgiques, lombaires, des épaules et des genoux, souvent liés à un hyperuricémie et à une discopathie lombaire ; que le docteur [Y] [T], médecin acupuncteur, a mentionné dans son certificat en date du 18 avril 2013 qu'il « existe une usure prématurée de l'organisme en rapport direct avec une pathologie liée à l'emploi » se rétractant, ainsi, puisqu'il avait attesté le 24 septembre 2012 que l'usure prématurée de l'organisme était sans rapport direct avec une pathologie liée à l'emploi ; que le Docteur [G] note que Monsieur [E] est tombé d'un arbre vers 8-9 ans entraînant un traumatisme du membre supérieur droit ; que dans le début des années 2000, à cause de l'apparition de douleurs au dos, Monsieur [E] a indiqué avoir changé de vie puisqu'il a arrêté le sport et il s'est mis à consommer beaucoup d'alcool ; qu'il fume un paquet tous les deux ou trois jours ; que le médecin considère qu'il présente une usure prématurée de son organisme ; que son âge physiologique est supérieur à son âge chronologique ; que le patient apparaît âgé de 10 ans de plus que son âge réel ; qu'il n'a aucune pathologie liée à l'emploi ; que le Docteur [G] constate que le vieillissement résulte de facteurs génétiques, mais aussi de facteurs environnementaux auxquels est soumis l'organisme tout au long de la vie ; que physiologiquement, l'effet de l'âge est une diminution des capacités fonctionnelles, notamment de la force musculaire et de l'endurance, avec un déficit d'efficacité et un temps de récupération de plus en plus long ; qu'il note que s'il existe des régimes spéciaux mis en place pour les personnes qui occupent des emplois pénibles, c'est pour répondre à une espérance de vie plus faible et leur permettre de bénéficier d'une retraite ; qu'il en déduit qu'en ce qui concerne Monsieur [E], son âge physiologique est la résultante de facteurs naturels, additionnée à une hygiène de vie dégradée, mais aussi à la pratique de ses activités professionnelles ; qu'il présente donc une usure prématurée de son organisme en partie liée aux travaux effectués pendant des dizaines d'années ; qu'il est dans l'incapacité totale et définitive de pratiquer des activités professionnelles qui ont été les siennes pendant toute sa carrière ; que l'existence d'une pathologie liée à l'emploi n'est pas imposée par le texte de l'article 2 de l'arrêté n° 213 CM du 21 février 1997 ; que la recherche de ce critère aboutit à ajouter une condition à l'éligibilité du dispositif de départ à la retraite pour travaux pénibles ; qu'il est donc démontré que les travaux particulièrement pénibles ont entraîné une usure prématurée de l'organisme de Monsieur [R] [E] ; qu'il doit bénéficier du dispositif de retraite pour travaux pénibles, en application des dispositions de l'article 4-4 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 précitée, et la liquidation d'une pension de retraite anticipée pour travaux pénibles prendra effet au 1er jour du mois suivant la cessation d'activité salariée par M. [E] ;

ALORS QUE le bénéfice du régime de retraite anticipée servie par la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie est ouvert à tout travailleur manuel ouvrier âgé d'au moins 50 ans, justifiant d'au moins 120 mois d'exercice d'activité sur le territoire reconnue particulièrement pénible pour l'organisme ; que sont reconnus comme particulièrement pénibles, quel que soit le secteur d'activité, les travaux manuels ouvriers effectués de façon habituelle et régulière et plus généralement tous les travaux de force qui entraînent une usure prématurée de l'organisme ; que l'usure de l'organisme, préalable nécessaire au bénéfice du régime de retraite anticipée, doit ainsi résulter de la réalisation des travaux de force à l'exclusion de tout autre facteur ; qu'en octroyant le bénéfice de ce régime à M. [E], cependant qu'elle avait constaté, par motifs adoptés des premiers juges, que l'usure prématurée de son organisme n'était qu'en partie liée aux travaux de force effectués pendant des dizaines d'années et était la résultante de plusieurs facteurs extraprofessionnels notamment, une hygiène de vie dégradée avec consommation alcolo-tabagique importante, la cour d'appel a violé l'article 4-1 de la délibération n° 87-11 AT du 29 janvier 1987 ensemble l'article 2 de l'arrêté n° 213 CM du 21 février 1997.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les parties du surplus de leurs demandes, en ce compris la demande de la CPS tendant, à titre infiniment subsidiaire, à exercer son action récursoire contre l'Office des postes et télécommunications ;

AUX MOTIFS QU' en ce qui concerne les moyens soulevés à titre infiniment subsidiaire par l'appelante, visant à exercer une action récursoire contre l'OPT, l'employeur de Monsieur [E], il s'agit d'une demande nouvelle, introduite pour la première fois en cause d'appel, irrecevable au regard des dispositions de l'article 349 du code de procédure local ;

1° ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en rejetant comme irrecevable au regard des dispositions de l'article 349 de la délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001 portant code de procédure civile de Polynésie française l'action récursoire de la Caisse de prévoyance sociale pour avoir été introduite pour la première fois en cause d'appel sans expliquer en quoi cette demande ne serait pas connexe avec celles présentées par M. [E] au sens de l'article 349 susvisé, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision et violé l'article 268 de la délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001 portant code de procédure civile de Polynésie française.

2° ALORS QUE même exercée pour la première fois en cause d'appel, l'action d'une caisse de retraite, ici la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie française, contre l'employeur, en recouvrement des sommes versées à un salarié au titre d'un régime de retraite anticipée en raison d'une usure prématurée de son organisme causée par la faute de l'employeur, est recevable car elle tend aux mêmes fins que sa mise en cause devant les premiers juges ; qu'en jugeant irrecevable au regard des dispositions de l'article 349 du code de procédure de Polynésie française l'action récursoire de la Caisse de prévoyance sociale, cependant que cette action tendait aux mêmes fins que celles de sa mise en cause en première instance par M. [E], sollicitant le versement anticipé d'une pension de retraite, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 349-1 de la délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001 portant code de procédure civile de Polynésie française.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-15416
Date de la décision : 23/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 19 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 jui. 2022, pourvoi n°20-15416


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15416
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