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22/06/2022 | FRANCE | N°21-17078

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 juin 2022, 21-17078


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 508 F-D

Pourvoi n° X 21-17.078

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

M. [H] [T], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi

n° X 21-17.078 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la commune ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 508 F-D

Pourvoi n° X 21-17.078

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

M. [H] [T], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 21-17.078 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la commune de Saint-Bonnet- sur-Gironde, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 mars 2021), par acte du 1er juillet 1994, M. [T] a acquis un ensemble immobilier comprenant d'anciens bâtiments à usage d'habitation et d'écurie et bénéficiant d'une servitude conventionnelle de puisage de l'eau d'une mare située sur un bien de section de commune, cadastré E n° [Cadastre 2]. En 1999, après consultation des habitants du hameau par le maire, la mare a été comblée. M. [T] ayant entrepris des travaux de réouverture du point d'eau, la commune, après une nouvelle consultation des habitants, a procédé au nivellement du fonds servant.

2. M. [T] a assigné la commune de [Localité 5] en réalisation forcée de travaux de remise en eau de la mare et en indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la gestion des biens et droits d'une section de commune est assurée par le conseil municipal, par le maire, ou par une commission syndicale ; qu'en particulier une décision de procéder au comblement d'une mare ou d'un marécage situé sur un bien de section relève de la compétence du conseil municipal ou de la commission syndicale ; que tout acte de gestion accompli en dehors de cette procédure est illicite et ne saurait produit d'effet de droit ; qu'en l'espèce, il résultait d'un courrier que la commune de [Localité 5] avait adressé aux habitants du lieudit « [Localité 3], » membres de la section de commune E [Cadastre 2], le 9 mai 2011, et ainsi que la cour d'appel l'avait constaté, que la mare litigieuse avait été comblée de façon illégale en 1999 et que par conséquent, cet acte ne pouvait produire d'effet juridique sur le bien de section E [Cadastre 2] supportant la mare et ne pouvait pas davantage mettre fin à une servitude de puisage existant sur ce bien de section au profit de M. [T] ; qu'en jugeant cependant que le comblement de la mare réalisé en 1999 avait mis fin à la servitude conventionnelle de puisage grevant cette mare par application de l'article 703 du code civil, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient au regard des articles 703 du code civil et L. 2411-1 à L. 2411-6 du code général des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 703 du code civil :

4. Suivant ce texte, si les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user, le non-respect des conditions d'exercice d'une servitude par la réalisation, par le propriétaire du fonds servant ou par un tiers, d'un ouvrage ou d'un aménagement illicite ne peut entraîner l'extinction de celle-ci.

5. Pour rejeter les demandes de M. [T], l'arrêt retient que le comblement de la mare en 1999 a, ainsi que l'a retenu le premier juge, mis fin à la servitude conventionnelle de puisage par application de l'article 703 du code civil, et que les travaux de nivellement réalisés courant 2016 par la commune étaient sans incidence sur le comblement antérieurement réalisé.

6. En statuant ainsi, après avoir constaté, par motifs adoptés, que le comblement réalisé en 1999, après consultation des habitants par le maire, était illicite comme le reconnaissait celui-ci dans sa lettre adressée le 9 mai 2011 en vue d'une nouvelle consultation sur l'opportunité de rétablir la mare, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [T], l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la commune de [Localité 5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de [Localité 5] et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [T]

M. [H] [T] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de voir la commune de [Localité 5] condamnée à remettre en eau la mare située sur la parcelle cadastrée E [Cadastre 2] sous astreinte de 500 euros par jours de retard et à lui verser 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

1° ALORS QUE la gestion des biens et droits d'une section de commune est assurée par le conseil municipal, par le maire, ou par une commission syndicale ; qu'en particulier une décision de procéder au comblement d'une mare ou d'un marécage situé sur un bien de section relève de la compétence du conseil municipal ou de la commission syndicale ; que tout acte de gestion accompli en dehors de cette procédure est illicite et ne saurait produit d'effet de droit ; qu'en l'espèce, il résultait d'un courrier que la commune de [Localité 5] avait adressé aux habitants du lieudit « [Localité 3], » membres de la section de commune E [Cadastre 2], le 9 mai 2011, et ainsi que la cour d'appel l'avait constaté, que la mare litigieuse avait été comblée de façon illégale en 1999 et que par conséquent, cet acte ne pouvait produire d'effet juridique sur le bien de section E [Cadastre 2] supportant la mare et ne pouvait pas davantage mettre fin à une servitude de puisage existant sur ce bien de section au profit de M. [T] ; qu'en jugeant cependant que le comblement de la mare réalisé en 1999 avait mis fin à la servitude conventionnelle de puisage grevant cette mare par application de l'article 703 du code civil, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient au regard des articles 703 du code civil et L. 2411-1 à L. 2411-6 du code général des collectivités territoriales ;

2° ALORS QU'il ne peut être mis fin à une servitude qu'en cas l'impossibilité définitive d'en user ou par son non usage trentenaire ; que celui auquel est due une servitude garde toujours le droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver ; qu'en l'espèce, le comblement illégitime de la mare se trouvant sur le bien de section E [Cadastre 2] était intervenu en 1999, mais dès 2011, M. [T] avait pu de nouveau exercer son droit de puisage dans ladite mare de sorte que cette servitude conventionnelle ne s'était pas trouvée éteinte définitivement et qu'il n'y avait donc pas été mis fin ; qu'en jugeant cependant que le comblement de la mare intervenu en 1999 avait mis fin dès cette date à la servitude de puisage dont bénéficiait M. [T], la cour d'appel a violé les articles 701, 703 et 706 du code civil ;

3° ALORS QUE les servitudes revivent lorsque les choses ont été rétablies de manière qu'on puisse en user avant l'expiration du délai trentenaire ; que celui auquel est due une servitude garde toujours le droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver ; qu'en l'espèce, en toute hypothèse, dès lors qu'à compter de 2011, en suite de l'intervention de M. [T], il lui était à nouveau possible d'exercer sa servitude de puisage dans la mare, même si son exercice avait été interrompu, il n'y avait donc pas été mis fin ; qu'en affirmant que le comblement de la mare intervenu en 1999 avait mis fin à la servitude conventionnelle de puisage de M. [T] quand elle avait de nouveau pu s'exercer dès 2011, la cour d'appel a violé les articles 703 et 706 du code civil ;

4° ALORS QU'il ne peut être mis fin illégalement à l'exercice d'une servitude ; qu'en l'espèce, le comblement de la mare intervenu illégalement en 1999 n'ayant pas mis fin à la servitude de puisage, il en résultait que les travaux de nivellement effectués courant 2016 par la commune ne pouvaient davantage être justifiés en ce qu'ils faisaient suite à une décision prise illégalement en 1999 et empêchant l'usage de la servitude de puisage ; qu'en jugeant sans incidence les travaux de nivellement réalisés en 2016 par la commune pour rejeter la demande de M. [T] de la remettre en eau afin de permettre l'exercice de sa servitude conventionnelle de puisage, la cour d'appel a violé les articles 703, 706 et 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-17078
Date de la décision : 22/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 09 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 jui. 2022, pourvoi n°21-17078


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17078
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