La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2022 | FRANCE | N°21-16872

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 juin 2022, 21-16872


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 513 F-D

Pourvoi n° Y 21-16.872

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

1°/ M. [I] [T] [V],

2°/ Mme [P] [U] [D], épous

e [T] [V],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

3°/ la société [T] [U], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6],

4°/ la société Sain...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 513 F-D

Pourvoi n° Y 21-16.872

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

1°/ M. [I] [T] [V],

2°/ Mme [P] [U] [D], épouse [T] [V],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

3°/ la société [T] [U], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6],

4°/ la société Saint-Jacques, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Y 21-16.872 contre l'arrêt rendu le 10 février 2021 par la cour d'appel de Paris (2e chambre civile, pôle 4), dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9], dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société Immo de France Paris Ile-de-France, domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Immo de France Paris Ile-de-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],

3°/ à Mme [Z] [O],

4°/ à Mme [G] [C],

5°/ à M. [S] [E],

6°/ à M. [Y] [M],

domiciliés tous quatre [Adresse 7],

7°/ à Mme [A] [C], domiciliée [Adresse 4],

8°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. et Mme [T] [V] et des sociétés [T] [U] et Saint-Jacques, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Immo de France Paris Ile-de-France, de la SCP Foussard et Froger, avocat du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [T] [V], à la société civile immobilière [T] [U] (la SCI [T] [U]) et à la société civile immobilière Saint-Jacques (la SCI Saint-Jacques) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes [Z] [O], [G] [C], [A] [C], MM. [S] [E], [Y] [M] et [H] [C].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 2021), M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques sont copropriétaires dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.

3. Ils ont assigné le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9] et la société Immo de France Paris Ile-de-France, son syndic, en annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 20 janvier 2016.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 20 janvier 2016, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, le règlement de copropriété, en son article 65, exigeait explicitement que le bureau de l'assemblée générale fût composé de deux scrutateurs ; qu'il est constant que, lors même qu'une telle clause serait contestable, en particulier parce qu'elle anticiperait la désignation des scrutateurs avant même toute réunion, le juge doit en faire application dès lors, d'une part, qu'elle n'a jamais été déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que, d'autre part, il n'est pas lui-même saisi d'une telle demande ; qu'en l'espèce, l'article 65 du règlement de copropriété, exigeant la désignation de deux scrutateurs, n'a jamais été déclarée non écrite par un jugement exécutoire et la cour n'était nullement saisie d'une demande visant à la déclarer telle ; qu'en décidant pourtant de l'écarter, pour soumettre l'élection des scrutateurs à l'assemblée du 20 janvier 2016 au régime général de l'article 15 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la cour a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil. » Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, devenu 1103, du code civil :

6. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

7. L'arrêt relève que l'article 65 du règlement de copropriété prévoit que le bureau est composé de deux scrutateurs et d'un secrétaire, que les fonctions de scrutateurs sont remplies par les deux membres de l'assemblée présents et acceptants qui possèdent et représentent le plus grand nombre de quote-parts de copropriété tant en leur nom que comme mandataire.

8. Il retient que cette clause, qui institue à l'avance comme scrutateurs certains copropriétaires, est réputée non écrite et qu'il convient donc d'appliquer l'article 15 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.

9. En statuant ainsi, alors que ladite clause n'avait pas été antérieurement déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que la cour d'appel n'était pas saisie d'une demande en ce sens, celle-ci a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'assemblée générale du 20 janvier 2016, l'arrêt rendu le 10 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9] et la société Immo de France Paris Ile-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [T] Castineira, la société [T] [U] et la société Saint-Jacques

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 20 janvier 2016 fondée sur le défaut de désignation de deux scrutateurs,

1° alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que si l'article 15 du décret du 17 mars 1967 prévoit, au début de chaque réunion d'assemblée générale, la désignation « s'il y a lieu, d'un ou de plusieurs scrutateurs », les copropriétaires ont la faculté d'organiser conventionnellement, par le règlement de copropriété, les conditions de désignation et le nombre de ces scrutateurs, que le juge doit alors faire respecter ; qu'en l'espèce, l'article 65 dudit règlement prévoyant explicitement la désignation de deux scrutateurs, les exposants avaient demandé l'annulation de l'assemblée générale du 20 janvier 2016, en faisant valoir qu'un seul scrutateur avait été désigné ; que pour écarter cette demande, la cour a jugé que cet article 65 devait être déclaré non écrit, car il instituait à l'avance les scrutateurs en fonction de leur possession des quote-part de propriété, de sorte que devait être appliqué l'article 15 du décret du 17 mars 1967, lequel permettait la présence d'un seul scrutateur ;
que, cependant, aucune des parties n'avait contesté la légalité de l'article 65 susvisé ni soutenu qu'il dût être déclaré non écrit au profit de l'article 15 dudit décret ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2° alors que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, le règlement de copropriété, en son article 65, exigeait explicitement que le bureau de l'assemblée générale fût composé de deux scrutateurs ; qu'il est constant que, lors même qu'une telle clause serait contestable, en particulier parce qu'elle anticiperait la désignation des scrutateurs avant même toute réunion, le juge doit en faire application dès lors, d'une part, qu'elle n'a jamais été déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que, d'autre part, il n'est pas lui-même saisi d'une telle demande ; qu'en l'espèce, l'article 65 du règlement de copropriété, exigeant la désignation de deux scrutateurs, n'a jamais été déclarée non écrite par un jugement exécutoire et la cour n'était nullement saisie d'une demande visant à la déclarer telle ; qu'en décidant pourtant de l'écarter, pour soumettre l'élection des scrutateurs à l'assemblée du 20 janvier 2016 au régime général de l'article 15 du décret du 17 mars 1967, la cour a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 20 janvier 2016 fondée sur le défaut de qualité de l'auteur de la convocation,

alors que lorsqu'il est prévu par la loi que l'exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d'office ou à la demande d'une partie, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, pour tout ou partie de la décision rendue ; que l'exécution provisoire est une exception au principe de l'effet suspensif de l'appel, sous réserve qu'elle ne soit pas arrêtée par le premier président de la cour d'appel en cas d'appel ; qu'en l'espèce, les exposants avaient soutenu, pour demander l'annulation de l'assemblée générale du 20 janvier 2016, qu'elle avait été convoquée par la société Immo de France, laquelle n'avait pas qualité pour ce faire dès lors que l'assemblée générale du 23 mars 2015, qui l'avait désignée comme syndic, avait été annulée par le jugement 9 mai 2017 ; que, pour rejeter cette demande, la cour a retenu que ce jugement, objet de l'appel dont elle était saisie, n'était pas définitif, en sorte, d'une part, que l'assemblée générale du 23 mars 2015 ayant désigné la société Immo de France restait valable tant qu'elle n'aurait pas été annulée par une décision de justice « définitive » et que, d'autre part, la convocation opérée par cette dernière restait elle-même valable ; que, cependant, le jugement du 9 mai 2017, qui a annulé l'assemblée générale du 23 mars 2015, a été prononcé avec exécution provisoire totale ; qu'il en résulte, au contraire de ce qu'a jugé la cour, d'une part, que l'assemblée générale du 23 mars 2015 et la désignation qu'elle a faite de la société Immo de France comme syndic demeurent invalides aussi longtemps que ladite assemblée n'aura pas été validée par une décision de justice devenue irrévocable et, d'autre part, que la convocation faite, sans pouvoir, par ladite société de l'assemblée générale du 20 janvier 2016 est nulle ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, en méconnaissance de l'exécution provisoire attachée au jugement du 9 mai 2017, qui n'a pas été arrêtée, la cour a violé l'article 515 du code de procédure civile, ensemble l'article 517-1 du même code.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques f ont grief à l'a rrêt attaqué de le s avoir déboutés de leur demande de condamnation de la société Immo France Paris Ile de France à leur payer la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts,

1° alors que le syndic est responsable à l'égard de chaque copropriétaire, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, des fautes commises dans l'exercice de son mandat ; que dès lors qu'un juge constate une violation par un syndic d'une obligation légale, il ne peut rejeter la demande de dommages et intérêts qui en résulte de la part des copropriétaires sans entrer en contradiction avec ses constatations ; qu' en effet, l'obligation qui est imposé au syndic de respecter une loi déterminée a pour objet de protéger les droits de ces copropriétaires, lesque ls subissent dè s lors un préjudice constitué par la violation de leurs droits à proportion de la faute commise ; qu' en l'espèce, par motifs propres et adoptés, la cour a constaté que le Syndic, en violation de ses obligations légales, imposées par l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, avait tardivement convoqué les copropriétaires à l'assemblée générale du 23 mars 2015 ; qu' il s'ensuivait que ces derniers en avaient nécessairement subi un préjudice ; qu' en refusant pourtant de l'indemniser, au motif que le seul préjud ice indemnisable des exposants était celui qui était réparé par l'article 700 du code de procédure civile, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article 1240 du code civil ;

2° alors que le syndic est responsable à l'égard de chaque copropriétaire, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, des fautes commises dans l'exercice de son mandat ; que le préjudice qui en résulte ne peut nullement être identifié à des frais irrépétibles, dès lors que ceux-ci n'ont aucunement pour fondement la réparation d'un préjudice et correspondent à un remboursement de frais à caractère forfaitaire ; qu'en l'espèce, les exposants avaient fait valoir que la violation par le Syndic de ses obligations tirées de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, reconnue par les juges du fond, et qui a provoqué l'annulation de l'assemblée générale du 23 mars 2015, leur avait causé un préjudice dont ils demandaient réparation ; que la cour, qui a reconnu l'existence d'un préjudice, l'a toutefois identifié aux frais irrépétibles, pour juger que « le seul préjudice indemnisable est celui constitué par les frais irrépétibles généré (sic) par la volonté des propriétaires opposants ou défaillants d'assigner le syndicat des copropriétaires en annulation de l'assemblée générale, préjudice que les premiers juges ont justement évalué en condamnant la société Immo de France à payer la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile » (arrêt, p. 14, § 1) ; qu'en prétendant ainsi réparer le préjudice des exposants résultant de la violation par le Syndic de l'article 9 susvisé par les frais irrépétibles alloués, la cour a violé l'article 700 du code de procédure civile, ensemble l'article 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-16872
Date de la décision : 22/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 jui. 2022, pourvoi n°21-16872


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16872
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award