LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 504 FS-B
Pourvois n°
20-20.844
21-11.168 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022
I. 1°/ la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO), société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ l'office public de l'habitat Saint-Ouen habitat public, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° 20-20.844 contre un arrêt rendu le 8 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Total marketing services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], devenue société Total Energie Marketing services,
défenderesse à la cassation.
II. la société Total énergie marketing services, a formé le pourvoi n° 21-11.168 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société d'Economie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO),
2°/ à la société Saint-Ouen habitat public, établissement public à caractère industriel et commercial,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs au pourvoi n° 20-20.844 invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° 21-11.168 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen et de l'office public de l'habitat Saint-Ouen habitat public, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Total énergie marketing services, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-20.844 et 21-11.168 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juillet 2020), l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat (l'EPIC) a notifié, le 29 mai 2009, à la société Total marketing services, devenue la société Total énergie marketing services (la locataire), un congé à effet au 31 décembre 2009, avec refus de renouvellement du bail commercial consenti à compter du 1er décembre 1970 pour l'exploitation d'une station-service de distribution de produits pétroliers et vente d'accessoires automobiles.
3. La locataire a assigné l'EPIC en paiement d'une indemnité d'éviction par acte du 30 décembre 2011, remis au tribunal le 9 janvier 2012.
4. La société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (la SEMISO), qui a acquis les locaux commerciaux donnés à bail, le 31 août 2016, est intervenue à l'instance.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° 21-11.168 et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité d'éviction due par l'office à la société locataire, outre les frais de licenciement des salariés sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollution et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, alors « que seule la saisine du tribunal par l'enrôlement de l'assignation peut interrompre le délai imparti au preneur pour agir en paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'en l'état d'un congé en date du 31 décembre 2009, la seule délivrance d'une assignation signifiée le 30 décembre 2011 n'a pas interrompu le délai imparti au preneur pour agir en paiement de l'indemnité d'éviction, dès lors que le tribunal n'en a été saisi que par sa remise au greffe, le 9 janvier 2012, soit après l'expiration du délai ayant commencé à courir le 31 décembre 2009 ; qu'en décidant, à l'inverse, que le délai de prescription a été valablement interrompu par la seule délivrance d'une assignation dans les délais de deux ans de la délivrance du congé par le bailleur, depuis que l'article 45 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a décidé que le délai biennal n'est plus imparti au preneur à peine de forclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, ensemble l'article 757 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article 2241 du code civil, applicable en matière de bail commercial, que la délivrance d'une assignation interrompt le délai de prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable au litige.
8. Ayant relevé que le délai pour agir qui avait commencé à courir le 31 décembre 2009, date d'effet du congé, avait été interrompu par la délivrance de l'assignation au bailleur, le 30 décembre 2011, la cour d'appel, en a exactement déduit que l'action de la locataire n'était pas prescrite.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité d'éviction, outre les frais de licenciement des salariés de la locataire sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, et d'écarter leurs demandes tendant à ce que la locataire soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution, alors « que l'obligation légale de dépollution pesant sur l'exploitant d'une installation classée à la cessation de l'activité sur un site est liée aux conditions d'exercice de cette activité ; qu'il s'ensuit qu'en cas de délivrance d'un congé avec refus de renouvellement au preneur exploitant une installation classée dans un local commercial, le coût de la dépollution et de la remise en état ne constitue pas un préjudice imputable à son éviction, de sorte que le preneur ne peut en demander le remboursement au bailleur au titre des indemnités accessoires qui pourraient lui être alloués en application de l'article L. 145-14 du code de commerce ; qu'en décidant que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs et de remise en état figurent au nombre des préjudices que l'indemnité d'éviction a pour objet de réparer, au titre des indemnités accessoires, par cela seul qu'ils « sont directement liés à l'éviction avec arrêt d'exploitation », après avoir constaté qu'il avait été mis fin à l'exploitation de la station-essence par la délivrance par le bailleur d'un congé portant refus de renouvellement, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article L. 512-12-2 du code de l'environnement, l'article R. 512-66-1 du même code, l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 512-12-1 du code de l'environnement, 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables ou combustibles et de leurs équipements annexes, et 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations service relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement :
11. Il résulte de ces textes que le preneur à bail dont le renouvellement est refusé, dernier exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement, est tenu de prendre, en application de l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement, toutes les dispositions utiles pour la mise en sécurité du site et, s'agissant des réservoirs de carburant et de leurs équipements annexes, de les neutraliser conformément aux dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et de l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010.
12. L'obligation particulière de dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement doit, à l'arrêt définitif de l'exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé.
13. Pour retenir que les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, seront dus à la locataire évincée sur justificatifs, au titre des indemnités accessoires, l'arrêt énonce que les frais de mise en sécurité ou de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs sont directement liés à l'éviction avec arrêt de l'exploitation.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 20-20.844
Enoncé du moyen
15. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation, alors « que la juridiction du second degré est saisie des demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties, même si leurs prétentions ne sont étayées par aucun moyen figurant dans la partie "discussion" des conclusions ; que la société Semiso et l'Epic Saint-Ouen habitat public-Office public de l'habitat avaient présenté plusieurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation dans le dispositif de leurs dernières conclusions ; qu'en décidant qu'elle n'en était pas saisie, pour la raison qu'elles n'étaient étayées par aucun développement dans la partie "discussion" des dites conclusions, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 954, alinéas 1er et 2, du code de procédure civile :
16. Il résulte de ce texte que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée, et que la cour ne statue que sur les prétentions récapitulées énoncées sous forme de dispositif.
17. Pour rejeter le surplus des demandes dont celles relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation, l'arrêt retient que la cour d'appel, en application de l'article 954 du code de procédure civile, n'est pas saisie de ces demandes figurant au dispositif des conclusions du bailleur dans la mesure où elles ne sont pas développées dans la partie discussion des écritures.
18. En statuant ainsi, tout en rejetant ces demandes, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de sa saisine, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en sa première branche
19. La portée de la cassation prononcée sur ce moyen, qui ne conteste que l'inclusion des frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, dans le calcul du préjudice réparable de la locataire, doit être limitée à cette seule inclusion et à la disposition rejetant les demandes en condamnation de la société Total marketing services à respecter ses obligations de dépollution qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- ajoute au montant de l'indemnité d'éviction calculé et fixé à la somme de 1 072 170 euros, due par l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat à la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs ;
- rejette les demandes de l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat et de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen en condamnation de la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, à respecter ses obligations de dépollution ;
- rejette les demandes de l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat et de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen en condamnation de la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation ;
l'arrêt rendu entre les parties, le 8 juillet 2020, par la cour d'appel de Paris ;
Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Total énergie marketing services aux dépens :
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO) et l'Office public de l'habitat Saint-Ouen habitat public (demandeurs au pourvoi n° 20-20.844)
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'EPIC SAINT OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT et la SEMISO font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à la somme de 1.072.170 € le montant de l'indemnité d'éviction due par l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT à la société TOTAL MARKETING SERVICES, outre les frais de licenciement des salariés de TOTAL MARKETING SERVICES sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs ;
1. ALORS QUE seule la saisine du tribunal par l'enrôlement de l'assignation peut interrompre le délai imparti au preneur pour agir en paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un congé en date du 31 décembre 2009, la seule délivrance d'une assignation signifiée le 30 décembre 2011 n'a pas interrompu le délai imparti au preneur pour agir en paiement de l'indemnité d'éviction, dès lors que le Tribunal n'en a été saisi que par sa remise au greffe, le 9 janvier 2012, soit après l'expiration du délai ayant commencé à courir le 31 décembre 2009 ; qu'en décidant, à l'inverse, que le délai de prescription a été valablement interrompu par la seule délivrance d'une assignation dans les délais de deux ans de la délivrance du congé par le bailleur, depuis que l'article 45 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a décidé que le délai biennal n'est plus imparti au preneur à peine de forclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, ensemble l'article 757 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le fait pour une partie de déposer des conclusions avant d'invoquer, à un moment quelconque de la cause, la prescription, n'établit pas sa volonté non équivoque de renoncer à cette fin de non-recevoir ; qu'en affirmant, par les motifs du jugement entrepris, à les supposer adoptés, que l'OPHLM avait renoncé à la prescription par cela seul qu'elle avait conclu à deux reprises, après le dépôt du rapport d'expertise, en sollicitant expressément du tribunal, la fixation de l'indemnité d'éviction dont il s'estimait redevable, et en n'en discutant que le montant, la cour d'appel s'est donc déterminée par des motifs impropres à caractériser la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir de la prescription, en violation de l'article 2251 du code civil ;
3. ALORS subsidiairement QUE la renonciation n'entraîne en principe aucun préjudice ni profit pour les tiers ; qu'il s'ensuit qu'à supposer que les deux jeux de conclusions déposées par l'OPHLM, les 11 mai et 2 octobre 2015, valent renonciation à se prévaloir de la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, un tel acte abdicatif de volonté est inopposable à la SEMISO qui a acquis les locaux commerciaux donnés à bail, par acte notarié en date du 31 août 2016 ; qu'en opposant à la SEMISO que l'OPHLM a renoncé à la prescription biennale, quand une telle renonciation n'avait pas d'effet à son égard, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
La SEMISO et l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR fixé à la somme de 1.072.170 € le montant de l'indemnité d'éviction due par l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT à la société TOTAL MARKETING SERVICES, outre les frais de licenciement des salariés de TOTAL MARKETING SERVICES sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, et D'AVOIR écarté leurs demandes tendant à ce que la société TOTAL MARKETING SERVICES soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution ;
1. ALORS QUE l'obligation légale de dépollution pesant sur l'exploitant d'une installation classée à la cessation de l'activité sur un site est liée aux conditions d'exercice de cette activité ; qu'il s'ensuit qu'en cas de délivrance d'un congé avec refus de renouvellement au preneur exploitant une installation classée dans un local commercial, le coût de la dépollution et de la remise en état ne constitue pas un préjudice imputable à son éviction, de sorte que le preneur ne peut en demander le remboursement au bailleur au titre des indemnités accessoires qui pourraient lui être alloués en application de l'article L. 145-14 du code de commerce ; qu'en décidant que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs et de remise en état figurent au nombre des préjudices que l'indemnité d'éviction a pour objet de réparer, au titre des indemnités accessoires, par cela seul qu'ils « sont directement liés à l'éviction avec arrêt d'exploitation », après avoir constaté qu'il avait été mis fin à l'exploitation de la station-essence par la délivrance par le bailleur d'un congé portant refus de renouvellement, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article L. 512-12-2 du code de commerce, l'article R. 512-66-1 du même code, l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 ;
2. ALORS QUE tenu de statuer en considération des circonstances de fait et de droit existant au jour il se prononce, le juge n'est pas libéré d'une telle obligation du seul fait que le litige dont il est saisi est susceptible d'évoluer après qu'il a vidé sa saisine ; qu'en décidant que l'exercice éventuel par le bailleur de son droit de repentir s'oppose à ce qu'il demande que la société TOTAL MARKETING SERVICES soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution, la cour d'appel a violé l'article du code civil ;
3. ALORS QUE le motif hypothétique équivaut au défaut de motifs ; qu'en se fondant sur la seule éventualité de l'exercice par le bailleur de son droit de repentir, pour en déduire qu'il ne peut demander que la société TOTAL MARKETING SERVICES soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution, la cour d'appel a déduit un motif hypothétique, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
La SEMISO et l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR écarté leurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation ;
ALORS QUE la juridiction du second degré est saisie des demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties, même si leurs prétentions ne sont étayées par aucun moyen figurant dans la partie "discussion" des conclusions ; que la SEMISO et l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT avaient présenté plusieurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation dans le dispositif de leurs dernières conclusions ; qu'en décidant qu'elles n'en étaient pas saisies, pour la raison qu'elles n'étaient étayées par aucun développement dans la partie "discussion" des dites conclusions, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 954 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Total énergie marketing services (demanderesse au pourvoi n° 21-11.168)
La société Total Marketing Services reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 1.072.170 € le montant de l'indemnité d'éviction due par l'EPIC Saint Ouen Habitat ;
1/ ALORS QUE les frais de réinstallation du preneur évincé doivent être pris en compte pour évaluer le préjudice subi par ce dernier tant dans l'hypothèse du remplacement du fonds de commerce que dans celle de son déplacement ; que l'indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement est augmentée des frais de réinstallation, sauf dans le cas où le bailleur fait la preuve que le préjudice est moindre ; qu'en retenant, pour limiter les frais de réinstallation à la somme de 65.000 €, que « la société locataire ne démontrait pas qu'elle ne serait pas en mesure de reprendre l'exploitation d'une station-service déjà préexistante, sans avoir par conséquent à procéder à son édification », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil ;
2/ ALORS QU'en se bornant à retenir, pour limiter les frais de réinstallation à la somme de 65.000 €, que « la société locataire ne démontrait pas qu'elle ne serait pas en mesure de reprendre l'exploitation d'une station-service déjà préexistante, sans avoir par conséquent à procéder à son édification », sans s'expliquer sur la valeur probante de la pièce 26 « Stations-services dans la zone de chalandise » qui établissait que la société Total Marketing Services ne pouvait pas acquérir dans la zone d'éviction un fonds de commerce de station-service existant et conclure un nouveau bail portant sur une station-service préexistante et était contrainte de louer ou acheter un terrain pour réinstaller son fonds de commerce perdu du fait de l'éviction et de réaliser de gros travaux de réinstallation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-14 du code de commerce, ensemble l'article 1353 du code civil ;
3/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Total Marketing Services faisait valoir que l'évaluation faite par l'expert [L] des frais de réinstallation « a été faite en l'absence de devis et n'est donc pas probante ; à cet égard, il n'est donc pas surprenant qu'il existe un écart, fût-il important, entre une évaluation retenue dans l'attente de justificatifs et une demande fondée sur des devis ; que Saint Ouen Habitat public – Office public de l'habitat et la société Semiso prétendent que l'expert se serait bien fondé sur des devis afférents aux frais de réinstallation et relèvent ainsi que l'expert a indiqué avoir retenu « la moyenne du coût de changement d'image des stations Total situées à [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 5]. Or, la phrase complète de l'expert est la suivante : « Sous réserve de devis, on retiendra forfaitairement, la moyenne du coût de changement d'image des stations Total situées à [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 5] » (page 20 du rapport) ; que l'évaluation de l'expert est donc bien une évaluation limitée au « coût de changement d'image » et ne porte pas sur l'ensemble des frais de réinstallation, puisqu'elle est établie « Sous réserve de devis » afférents à ces derniers ; ajoutons que, contrairement à ce prétendent la Saint Ouen Habitat Public- Office public de l'habitat et la société Semiso, il est exclu de cantonner les frais de réinstallation au coût de changement d'image, dès lors, d'une part, que ce coût représente une infime partie des frais de réinstallation et, d'autre part, qu'en toute hypothèse, comme précédemment démontré, la société Total Marketing Services ne pourra pas acquérir un fonds de commerce de station-service existant et conclure un nouveau bail portant sur une station-service préexistante et va nécessairement devoir louer ou acheter un terrain pour réinstaller son fonds de commerce » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen de nature à établir que la somme fixée par l'expert à 65.000 euros concernait les seuls coûts de changement d'image, l'expert n'ayant pas exclu l'existence d'autres coûts de réinstallation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.