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22/06/2022 | FRANCE | N°20-19499

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 juin 2022, 20-19499


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 532 F-D

Pourvoi n° G 20-19.499

Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [V].
Admission au bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 3 février 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

1°/ Mme [E] [V], domiciliée [Adres...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 juin 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 532 F-D

Pourvoi n° G 20-19.499

Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [V].
Admission au bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 3 février 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

1°/ Mme [E] [V], domiciliée [Adresse 3],

2°/ Mme [H] [I], épouse [L], domiciliée [Adresse 2],

3°/ Mme [G] [I], épouse [D], domiciliée [Adresse 1],

agissant toutes deux tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritières de [W] [I],

ont formé le pourvoi n° G 20-19.499 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre de la famille), dans le litige les opposant à Mme [P] [T], veuve [I], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [W] [I], domiciliée [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [V] et de Mmes [H] et [G] [I], de la SCP Spinosi, avocat de Mme [T], veuve [I], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 janvier 2020) et les productions, [W] [I] et Mme [V] ont vécu en concubinage jusqu'au mois de juillet 2004, deux enfants, [H] et [G], étant issus de leur relation.

2. Le 2 janvier 2002, ils ont acquis à parts égales un ensemble immobilier pour un prix de 65 553,08 euros.

3. Par acte notarié du 12 janvier 2005, ils ont conclu une cession à titre de licitation faisant cesser l'indivision, laquelle prévoyait l'attribution de l'immeuble à [W] [I] moyennant le prix de 49 386,59 euros, basé sur une valeur totale du bien de 98 773,18 euros, payé pour partie par compensation avec les sommes que Mme [V] reconnaissait devoir à [W] [I] au titre des échéances du prêt ayant financé l'acquisition du bien et des travaux d'amélioration, pour partie par délégation, [W] [I] devant supporter seul les échéances du prêt à échoir.

4. S'estimant lésée par le partage, Mme [V] a obtenu une expertise judiciaire, sur la base de laquelle un jugement du 22 mars 2013 a fixé à 150 000 euros la valeur de l'immeuble au jour du partage. Mme [V] a alors formé une demande en nullité du partage.

5. [W] [I] est décédé en cours d'instance. Son épouse, Mme [T], est intervenue volontairement pour reprendre l'instance en son nom.

6. Mmes [H] et [G] [I] sont intervenues volontairement en leur qualité d'héritières de leur père.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de recevoir les interventions de Mme [T] et de Mmes [H] et [G] [I] en qualités d'héritières de [W] [I], et le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de recevoir les interventions de Mme [T] et de Mmes [H] et [G] [I] en qualités d'héritières de [W] [I], qui est irrecevable et le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. Mme [V] et Mmes [H] et [G] [I] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande d'indemnité d'occupation formée par Mme [V], alors « que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en retenant, pour déclarer la demande d'indemnité d'occupation irrecevable, que cette demande n'avait pas été soumise au premier juge au vu des pièces produites dans les débats, sans rechercher si cette demande n'était pas la conséquence, l'accessoire ou le complément des demandes originaires de Mme [V], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 564 à 567 du code de procédure civile :

9. La cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues par ces textes si la demande est nouvelle.

10. Il résulte de l'article 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

11. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle devant elle la demande d'indemnité d'occupation formée par Mme [V], l'arrêt retient que celle-ci n'avait pas été soumise au premier juge au vu des pièces produites dans les débats.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si cette demande ne constituait pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées par Mme [V] en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. Mme [V] et Mmes [H] et [G] [I] font grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité de l'acte de partage en date du 12 janvier 2005, alors « que pour juger s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage ; qu'en rejetant la demande de nullité de l'acte de partage du 12 janvier 2005, fondée sur la lésion, sans estimer le bien immobilier en cause suivant sa valeur à l'époque du partage, la cour d'appel a violé l'article 890 du code civil, dans sa version antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 890 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 :

14. Aux termes de ce texte, pour juger qu'il y a eu lésion, on estime les biens suivant leur valeur à l'époque du partage.

15. Pour rejeter la demande de Mme [V] et Mmes [H] et [G] [I] tendant à la rescision pour lésion de la convention du 12 janvier 2005 valant acte de partage, l'arrêt retient qu'aucun élément de la procédure, quelle que soit la valeur retenue pour le bien immobilier, à savoir la valeur au jour de l'acquisition, de la vente ou de l'expertise du bien, ne permet d'établir l'existence d'une lésion au préjudice de Mme [V].

16. En statuant ainsi, alors que le caractère lésionnaire de l'acte du 12 janvier 2005 devait s'apprécier au regard de la valeur des éléments composant la masse à partager à l'époque du partage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. Les effets de la cassation partielle s'étendant nécessairement à la condamnation prononcée par la décision cassée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen, pris en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner Mme [V] à verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code aux appelants.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande d'indemnité d'occupation introduite par Mme [V] et rejette la demande de nullité de l'acte de partage en date du 12 janvier 2005, l'arrêt rendu le 10 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Berthomier, greffier présent lors du prononcé.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme [V] et Mmes [H] et [G] [I],

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [E] [V], Mme [H] [I], épouse [L] et Mme [G] [I], épouse [D] font grief à la décision attaquée d'avoir reçu Mme [P] [T], veuve [I], Mme [H] [I] et Mme [G] [I] intervenant en qualités d'héritiers de [W] [I] décédé le 23 août 2018 et d'avoir condamné Mme [V] à verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux appelants ;

alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en recevant Mmes [L] et [D] avec Mme [T], en qualité d'héritières de [W] [I] et en condamnant Mme [V] à verser 2000 euros « aux appelants », la cour d'appel a considéré que Mmes [L] et [D] auraient été appelantes et seraient intervenues aux côtés de Mme [T], quand elles sont intervenues volontairement aux côtés de Mme [V] et demandaient notamment la confirmation du jugement entrepris, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [E] [V], Mme [H] [I], épouse [L] et Mme [G] [I], épouse [D] font grief à la décision attaquée d'avoir déclaré irrecevable la demande d'indemnité d'occupation introduite par Mme [V] ;

alors 1°/ qu'en déclarant irrecevable la demande d'indemnité d'occupation introduite par Mme [E] [V], quand cette demande d'indemnité d'occupation était présentée au nom non seulement de Mme [V], mais aussi de Mmes [L] et [D], la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

alors 2°/ qu'il appartient au juge de faire respecter, et de respecter lui-même le principe de la contradiction ; qu'en considérant que la demande d'indemnité d'occupation présentée par les exposantes n'avait pas été soumise au premier juge, de sorte qu'elle aurait été irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

alors 3°/ que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en retenant, pour déclarer la demande d'indemnité d'occupation irrecevable, que cette demande n'avait pas été soumise au premier juge au vu des pièces produites dans les débats, sans rechercher si cette demande n'était pas la conséquence, l'accessoire ou le complément des demandes originaires de Mme [V], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [E] [V], Mme [H] [I], épouse [L] et Mme [G] [I], épouse [D] font grief à la décision attaquée d'avoir rejeté la demande de nullité de l'acte de partage en date du 12 janvier 2005 ;

alors 1°/ que pour juger s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage ; qu'en rejetant la demande de nullité de l'acte de partage du 12 janvier 2005, fondée sur la lésion, sans estimer le bien immobilier en cause suivant sa valeur à l'époque du partage, la cour d'appel a violé l'article 890 du code civil, dans sa version antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

alors subsidiairement 2°/ que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; qu'il était acquis au débat que par jugement du 22 mars 2013, régulièrement produit et dont le dispositif était rappelé par les deux parties dans leurs conclusions, le tribunal de grande instance de Rodez avait fixé au jour du partage du 12 janvier 2005, à la somme de 150.000 euros la valeur de l'immeuble situé [Adresse 4] ; qu'à supposer qu'en retenant que l'acte authentique du 12 janvier 2005 correspondrait à la réalité financière des relations entre concubins, la cour d'appel a fixé la valeur du bien au jour du partage à la somme indiquée dans cet acte du 12 janvier 2005, soit 98.773, 18 euros, elle a violé l'autorité de chose jugée par le tribunal de grande instance de Rodez le 22 mars 2013 en méconnaissance de l'article 480 du code de procédure civile ;

alors 3°/ que l'existence entre concubins d'une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante justifie que chacun conserve la charge des échéances du crédit immobilier ayant financé l'acquisition d'un bien immobilier indivis qu'il a réglées ; qu'en considérant que Mme [V] aurait été débitrice de la moitié des échéances du prêt pour une somme de 24.169, 60 euros et de la moitié des travaux réalisés sur l'immeuble pour une somme de 14.495, 50 euros, après avoir constaté l'absence d'organisation par les concubins, de leur contribution aux dépenses courantes et l'impossibilité d'établir l'existence d'une régularité de flux financiers et d'affectation des charges du couple à l'un ou l'autre des concubins, sans vérifier l'absence de volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-13 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-19499
Date de la décision : 22/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 10 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jui. 2022, pourvoi n°20-19499


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.19499
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