LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 21-85.174 F-D
N° 00802
SL2
21 JUIN 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 JUIN 2022
M. [B] [U] [R], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 8 juin 2021, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. [Z] [D] du chef de violences aggravées.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [U] [R], les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [Z] [D], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 8 octobre 2017, une altercation a opposé M. [B] [U] [R] à M. [Z] [D].
3. M. [D] a été poursuivi pour violences avec usage ou menace d'une arme suivies d'incapacité supérieure à huit jours.
4. Par jugement du 27 novembre 2019, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ce chef, le condamnant à huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
5. M. [D] a relevé appel principal des dispositions civiles et pénales de cette décision, le ministère public et la partie civile appel incident.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement déféré et renvoyé M. [D] des fins de la poursuite, alors :
« 1/° que la légitime défense suppose une riposte nécessaire, par des moyens de défense proportionnés à la gravité de l'atteinte injustifiée, réelle et immédiate envers soi-même ou autrui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, prenant le contre-pied du jugement déféré, s'est contentée de relever que « son véhicule étant encerclé par plusieurs personnes se comportant de façon agressive envers lui pour l'empêcher de partir, M. [Z] [D] s'est senti légitimement menacé » et que « ne pouvant partir en arrière du fait de la présence d'un véhicule placé derrière le sien, il a été contraint d'avancer » ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur la réalité de la menace « ressentie » par le prévenu ni sur les autres possibilités de « riposte » dont il aurait pu disposer, comme elle y avait pourtant été invité par la partie civile, la cour d'appel n'a pas justifié de la nécessité de la riposte au regard de la réalité de la menace, privant sa décision de base légale, en violation des articles 2 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-5 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2/° que l'usage d'une riposte potentiellement létale n'est justifiée qu'en cas d'absolue nécessité, en réponse à une attaque de nature à porter gravement atteinte à la vie ou l'intégrité physique de soi-même ou d'autrui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, a retenu la légitime défense sans caractériser l'existence, objective ou subjective, d'une grave menace pour l'intégrité de M. [D] ayant rendu nécessaire, pour ce dernier, de fuir à bord de son véhicule en empruntant une trajectoire sur laquelle se trouvait un piéton, de le renverser, de faire des écarts pour le forcer à descendre de son capot puis d'accélérer bien que ce dernier se trouvait toujours sur le capot sur plus de 800 mètres ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas justifié de l'absolue nécessité de la riposte de M. [D], privant sa décision de base légale, en violation des articles 2 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,122-5 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
3/° qu'en tout état de cause, la légitime défense suppose une riposte nécessaire, par des moyens de défense proportionnés à la gravité de l'atteinte injustifiée envers soi-même ou autrui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a retenu que M. [D] s'était délibérément dirigé, à bord de son véhicule, sur M. [U] [R], qu'il l'avait renversé puis qu'il avait fait plusieurs écarts à droite et à gauche pour l'obliger à descendre du véhicule et avait accéléré pour fuir ses poursuivants tandis que ce dernier était toujours sur son capot sans caractériser l'existence, objective ou subjective, d'une grave menace pour l'intégrité de M. [D], n'a pas justifié de la proportionnalité de la riposte de M. [D], privant sa décision de base légale, en violation des articles 2 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-5 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour retenir le fait justificatif prévu à l'article 122-5 du code pénal et relaxer M. [D], l'arrêt attaqué énonce qu'il s'est senti légitimement menacé, son véhicule étant encerclé par plusieurs membres de la famille [U] [R] se comportant de façon agressive pour l'empêcher de partir.
8. Le juge ajoute que M. [D] ne pouvait s'éloigner en faisant marche arrière du fait de la présence d'un véhicule positionné derrière le sien, se trouvant contraint d'avancer, démarrant lentement et effleurant les genoux de M. [U] [R] pour l'obliger à s'écarter, celui-ci décidant de rester immobile devant le véhicule et choisissant de basculer sur le capot.
9. Il retient que M. [D] a accéléré pour éviter des jets de pierres et des coups de canne ainsi que des véhicules des proches de M. [U] [R] ayant entrepris de le dépasser par les côtés.
10. Il relève que la fuite de M. [D] constitue un acte de défense nécessaire, proportionné et concomitant à l'attaque injustifiée subie et que M. [U] [R] a eu, à plusieurs reprises, la possibilité de descendre du véhicule à l'arrêt.
11. En retenant ainsi l'état de légitime défense, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, relevant de son appréciation souveraine et répondant aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile, la cour d'appel, qui s'est expliquée sur la réalité de la menace ressentie par M. [D] ainsi que sur le caractère nécessaire et proportionné de sa riposte, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
12. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.
13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [U] [R] devra payer à M. [D] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille vingt-deux.