LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 juin 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 389 F-D
Pourvoi n° P 21-16.265
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022
La société Parcoto services, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-16.265 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 3],
2°/ à l'administratrice générale des finances publiques, directrice régionale des finances publiques de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domiciliée [Adresse 4],
3°/ à l'administrateur général des finances publiques, directeur régional des finances publiques de la région Occitanie et département de la Haute-Garonne, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Parcoto services, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 5], 8 mars 2021), la société Parcoto services (la société Parcoto), qui exerce une activité de location de courte durée de véhicules automobiles a, au titre des années 2014 et 2015, été assujettie à la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules (TATCIV), prévue par l'article 1011 bis du code général des impôts, laquelle a été recouvrée par la trésorerie de [Localité 5] Amendes.
2. Contestant la compétence de ce service pour encaisser la TATCIV, la société Parcoto a présenté, auprès du directeur régional des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne, une réclamation sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, puis, en l'absence de réponse de l'administration fiscale dans le délai de deux mois, l'a assignée afin de voir constater l'incompétence de la trésorerie de [Localité 5] Amendes pour recouvrer la TATCIV et en obtenir la décharge.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Parcoto fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à juger que la trésorerie de [Localité 5] Amendes était incompétente pour recouvrer la taxe prévue par l'article 1011 bis du code général des impôts et en conséquence à ordonner la décharge des impositions dont elle s'est acquittée au titre des années 2014 et 2015, alors « que l'abrogation rétroactive des articles 1011 bis, 1599 quindecies et 1723 ter-0 B du code général des impôts que ne manquera pas de prononcer le Conseil constitutionnel par suite de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle a soulevée en complément du présent mémoire, privera de fondement juridique l'arrêt attaqué et les impositions contestées. »
Réponse de la Cour
4. La Cour de cassation a, par un arrêt n° 899 du 24 novembre 2021, dit n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 1011 bis, 1599 quindecies et 1723 ter-0 B du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au litige, soulevée par la société Parcoto.
5. Le moyen est donc sans portée.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
6. La société Parcoto fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que les juges sont tenus de répondre aux moyens péremptoires des parties ; que la société requérante a soutenu que la trésorerie de [Localité 5] Amendes est un service déconcentré de l'État rattaché à la direction régionale des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne qui n'a reçu aucune habilitation pour exercer ses compétences à l'échelle nationale et qu'en conséquence ce service était incompétent pour procéder au recouvrement de la TATCIV dans le chef de contribuables qui, comme elle, ne sont pas établis dans le ressort territorial de la direction régionale des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne ; qu'elle a soutenu qu'une convention ne pouvait pallier l'absence de texte réglementaire ou législatif permettant à la trésorerie de [Localité 5] [Amendes] de recouvrer la TATCIV à l'échelle nationale ; qu'en jugeant que la compétence de la trésorerie de [Localité 5] Amendes pour procéder au recouvrement de la TATCIV due par la société requérante ne pouvait être utilement contestée, aux motifs que cette dernière avait conclu une convention avec le ministère de l'économie et des finances, sur la base de l'article 1723 ter-0 B du code général des impôts, qui prévoyait que la trésorerie [Localité 5] Amendes prélèverait mensuellement et à son initiative la TATCIV auprès de la société Parcoto, sans répondre au moyen tiré de ce qu'une convention ne pouvait pallier l'absence de texte réglementaire ou législatif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que seuls les services qui se sont vu confier des compétences couvrant l'ensemble du territoire, en application de l'article 1er du décret n° 97-464 du 9 mai 1997, sont compétents pour procéder au recouvrement d'une imposition sur l'ensemble du territoire national ; qu'à l'inverse, en vertu de l'article 2 du décret n° 2009-707 du 16 juin 2009 relatif aux services déconcentrés de la direction générale des finances publiques, les services déconcentrés qui ne se sont pas vu attribuer de compétence à l'échelle nationale ne peuvent agir qu'à l'échelle territoriale ; que les dispositions combinées des articles 1011 bis, 1599 quindecies et 1723 ter-0 B du code général des impôts, en ce qu'elles prévoient la possibilité de procéder au paiement de la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules auprès des titulaires d'une commission délivrée par l'administration des finances, n'a pas défini le service des impôts en charge du recouvrement de la taxe par l'administration auprès des titulaires d'une commission et que le pouvoir réglementaire n'a pas non plus adopté de disposition sur ce point ; que la désignation d'un comptable territorialement compétent de la direction générale des finances publiques par le législateur ou le pouvoir règlementaire constituant des règles d'ordre public, il n'est pas possible d'y déroger par voie conventionnelle, conformément à l'article 1102 du code civil ; que dès lors le recouvrement de la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules ne saurait être régulièrement opéré à l'échelle nationale par un service à compétence départementale ; qu'en l'espèce la trésorerie de [Localité 5] Amendes, service de la direction régionale des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne, est un service déconcentré de la direction générale des finances publiques dont la compétence territoriale est limitée au seul territoire de ce département et qui n'a reçu aucune habilitation pour exercer ses compétences à l'échelle nationale ; que ce service était dès lors incompétent pour procéder au recouvrement de la TATCIV dans le chef de contribuables qui, à l'instar de la société requérante, ne sont pas établis dans le ressort territorial de la direction régionale des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne ; qu'en jugeant que la compétence de la trésorerie de [Localité 5] Amendes pour procéder au recouvrement de la TATCIV due par la société requérante ne pouvait être utilement contestée, aux motifs que cette dernière, d'une part, avait conclu une convention avec le ministère de l'économie et des finances, sur la base de l'article 1723 ter-0 B du code général des impôts, qui prévoyait la compétence de la trésorerie [Localité 5] Amendes pour la perception de la TATCIV, d'autre part, avait "réglé spontanément, mensuellement et sans aucun incident de paiement, les taxes des années 2014 et 2015", la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1er du décret n° 97-464 précité, de l'article 1102 du code civil, des articles 1011 bis, 1599 quindecies et 1723 ter-0 B du code général des impôts et de l'article 2 du décret n° 2009-707 précité. »
Réponse de la Cour
7. Selon les articles 10111 bis et 1599 quindecies du code général des impôts, dans leur version issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, et 1723 ter-0 B du même code, dans sa version issue du décret n° 2010-421 du 27 avril 2010, le paiement de la TATCIV, qui est recouvrée comme un droit de timbre, est effectué soit directement à l'administration, soit auprès des personnes, titulaires d'une commission délivrée par l'administration des finances, qui lui transmettent les données relatives aux demandes d'immatriculation des véhicules donnant lieu au paiement de cette taxe.
8. Il résulte de l'article 2 du décret n° 2008-1283 du 8 décembre 2008 que la personne titulaire de la commission prévue à l'article 1723 ter-0 B du code général des impôts signe avec le préfet une convention d'agrément qui fixe leurs droits et obligations réciproques.
9. Une personne titulaire d'une commission délivrée, en application de l'article 1723 ter-0 B du code général des impôts, par l'administration des finances n'est pas fondée à se prévaloir de l'incompétence territoriale du service désigné par la convention qu'elle a signée pour recevoir d'elle les sommes qu'elle a perçues des assujettis à la TATCIV.
10. Il ressort de l'arrêt que c'est conformément aux dispositions de l'article 1723 ter-0 B du code général des impôts et aux stipulations de la convention passée par la société Parcoto avec le ministre de l'économie et des finances, représenté par le préfet de Seine-Maritime, que cette société a réglé spontanément, mensuellement et sans aucun incident de paiement les taxes des années 2014 et 2015 à la trésorerie de [Localité 5] Amendes, ce dont il se déduit qu'elle a effectué ces règlements, non pas en tant qu'assujettie à la TATCIV, mais en sa qualité de personne commissionnée pour recouvrer, pour le compte du Trésor public, cette taxe auprès des assujettis.
11. Il en résulte que la société Parcoto n'est pas fondée à se prévaloir de l'incompétence territoriale de la trésorerie de [Localité 5] Amendes pour remettre en cause le versement de sommes qu'elle ne détenait que pour le compte de l'Etat.
12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
13. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Parcoto services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Parcoto services et la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Parcoto services.
La société PARCOTO SERVICES fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à juger que la Trésorerie de [Localité 5] Amendes était incompétente pour recouvrer la taxe prévue par l'article 1011 bis du CGI et en conséquence à ordonner la décharge des impositions dont elle s'est acquittée à ce titre au titre des années 2014 et 2015 ;
1) ALORS QUE, l'abrogation rétroactive des dispositions 1011 bis, 1599 quindecies et 1723 ter-0 B du CGI que ne manquera pas de prononcer le Conseil constitutionnel par suite de la transmission de la QPC soulevée par la requérante en complément du présent mémoire, privera de fondement juridique l'arrêt attaqué et les impositions contestées ;
2) ALORS QUE, en toute hypothèse, les juges sont tenus de répondre aux moyens péremptoires des parties ; que la société requérante a soutenu que la Trésorerie de [Localité 5] amendes est un service déconcentré de l'État rattaché à la Direction Régionale des Finances Publiques (DRFiP) de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne qui n'a reçu aucune habilitation pour exercer ses compétences à l'échelle nationale et qu'en conséquence ce service était incompétent pour procéder au recouvrement de la TATCIV dans le chef de contribuables qui, comme elle, ne sont pas établis dans le ressort territorial de la DRFiP de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne ; qu'elle a soutenu qu'une convention ne pouvait pallier l'absence de texte réglementaire ou législatif permettant à la Trésorerie de [Localité 5] de recouvrer la TATCIV à l'échelle nationale ; qu'en jugeant que la compétence de la Trésorerie de [Localité 5] Amendes pour procéder au recouvrement de la TATCIV due par la société requérante ne pouvait être utilement contestée aux motifs que cette dernière avait conclu une convention avec le ministère de l'économie et des finances, sur la base de l'article 1723 ter-0 B du CGI, qui prévoyait que la Trésorerie [Localité 5] Amendes prélèverait mensuellement et à son initiative la TCIV auprès de la société requérante, sans répondre au moyen tiré de ce qu'une convention ne pouvait pallier l'absence de texte réglementaire ou législatif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE, en toute hypothèse, seuls les services qui se sont vus confier des compétences couvrant l'ensemble du territoire, en application de l'article 1er du décret n° 97-464 du 9 mai 1997, sont compétents pour procéder au recouvrement d'une imposition sur l'ensemble du territoire national ; qu'à l'inverse, en vertu de l'article 2 du décret n° 2009-707 du 16 juin 2009 relatif aux services déconcentrés de la Direction Générale des Finances publiques, les services déconcentrés qui ne se sont pas vus attribuer de compétence à l'échelle nationale ne peuvent agir qu'à l'échelle territoriale ; que les dispositions combinées des articles 1011 bis, 1599 quindecies et 1723 ter-0 B du CGI, en ce qu'elles prévoient la possibilité de procéder au paiement de la TATCIV auprès des titulaires d'une commission délivrée par l'administration des finances, n'ont pas défini le service des impôts en charge du recouvrement de la taxe par l'administration auprès des titulaires d'une commission et que le pouvoir réglementaire n'a pas non plus adopté de disposition sur ce point ; que la désignation d'un comptable territorialement compétent de la DGFiP par le législateur ou le pouvoir réglementaire constituant des règles d'ordre public, il n'est pas possible d'y déroger par voie conventionnelle, conformément à l'article 1102 du code civil ; que dès lors le recouvrement de la TACIV ne saurait être régulièrement opéré à l'échelle nationale par un service à compétence départementale ; qu'en l'espèce la Trésorerie de [Localité 5] Amendes, service de la DRFiP de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne, est un service déconcentré de la DGFiP dont la compétence territoriale est limitée au seul territoire de ce département et qui n'a reçu aucune habilitation pour exercer ses compétences à l'échelle nationale ; que ce service était dès lors incompétent pour procéder au recouvrement de la TATCIV dans le chef de contribuables qui, à l'instar de la société requérante, ne sont pas établis dans le ressort territorial de la DRFiP de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne ; qu'en jugeant que la compétence de la Trésorerie de [Localité 5] Amendes pour procéder au recouvrement de la TATCIV due par la société requérante ne pouvait être utilement contestée, aux motifs que cette dernière, d'une part, avait conclu une convention avec le ministère de l'économie et des finances, sur la base de l'article 1723 ter-0 B du CGI, qui prévoyait la compétence de la Trésorerie [Localité 5] Amendes pour la perception de la TCIV, d'autre part, avait « réglé spontanément, mensuellement et sans aucun incident de paiement » les impositions en litige, la cour a violé les dispositions de l'article 1er du décret n° 97-464 précité, de l'article 1102 du code civil, des articles 1011 bis, 1599 quindecies et 1723 ter-0 B du CGI, ensemble l'article 2 du décret n° 2009-707 précité.