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15/06/2022 | FRANCE | N°21-12587

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 juin 2022, 21-12587


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 juin 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 756 F-D

Pourvoi n° R 21-12.587

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022

Le comité social et économique (CSE) de la soci

été Amada, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 juin 2022

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 756 F-D

Pourvoi n° R 21-12.587

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022

Le comité social et économique (CSE) de la société Amada, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Amada a formé le pourvoi n° R 21-12.587 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 11 février 2021 par le président du tribunal judiciaire de Créteil, dans le litige l'opposant à la société Amada, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du CSE de la société Amada, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Amada, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Créteil, 11 février 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, sur renvoi après cassation (Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-10.363), suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Amada (le CHSCT) a décidé de recourir à une expertise en application de l'article L. 4614-12 du code du travail par délibération du 19 septembre 2018.

2. Le 3 octobre 2018 a été transmis à la société Amada (la société) le devis relatif au coût prévisionnel de l'expertise, portant sur l'intégralité du personnel de la société.

3. Par acte d'huissier du 15 octobre 2018, la société a fait assigner le CHSCT, aux droits duquel vient le comité social et économique de la société Amada, devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, en contestant le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de l'expertise et en sollicitant l'annulation de la délibération du 19 septembre 2018, subsidiairement, la suspension des opérations jusqu'à transmission d'un devis.

4. Par ordonnance du 13 décembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Bobigny a suspendu les opérations d'investigation jusqu'à la transmission à la société d'un nouveau devis de nature à faire la lumière sur les situations particulières de deux salariés ayant porté les accusations de harcèlement moral et condamné le CHSCT aux dépens.

5. Par arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation a annulé cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. Le comité social et économique (CSE) de la société Amada fait grief au jugement de le dire irrecevable en sa demande pour défaut d'intérêt à agir, alors :

« 2°/ que, à l'appui de sa saisine sur renvoi après cassation, le CSE de la société Amada sollicitait d'une part, que la société Amada soit déclarée irrecevable en sa contestation du principe et du périmètre de l'expertise, d'autre part, en application des dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail, que la société Amada soit condamnée à verser à son conseil, l'Atelier des droits, les sommes de 7 680 euros au titre des diligences accomplies antérieurement à la cassation et de 4 080 euros au titre des diligences accomplies sur renvoi après cassation, outre les dépens ; que si, dans ses écritures, la société Amada s'était prévalue d'un prétendu défaut d'intérêt à agir du CSE, cette argumentation ne concernait, ainsi que cela ressortait expressément de ses conclusions, que la demande supposée d'une « résurrection » de la résolution en vue de la poursuite de l'expertise qui ne figurait pas parmi les demande du CSE, dès lors que la résolution n'avait pas été annulée ; qu'en retenant, pour dire que le CSE de la société Amada n'était pas recevable, faute d'intérêt à agir, que la question de l'intérêt à agir portait sur une résolution de l'ancien CHSCT prise le 19 septembre 2018 et que la résolution litigieuse ne correspondait plus aujourd'hui dans ces termes, causes et modalités à une situation actuelle de la société Amada, cependant d'une part, que le CSE de la société Amada n'avait saisi le tribunal d'aucune demande tendant à la reprise de l'expertise et d'autre part, que la société Amada n'avait aucunement contesté que le CSE avait effectivement intérêt à démontrer le bien-fondé de la délibération du 19 septembre 2018 et à solliciter le paiement des frais de défense générés par la contestation de l'expertise, le tribunal, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ que, en affirmant que le CSE de la société Amada n'était pas recevable faute d'intérêt à agir alors qu'il était constant, d'une part, que dans son arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation avait censuré l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Bobigny rendue le 13 décembre 2018 en ce qu'elle avait suspendu l'expertise dans l'attente de l'établissement d'un devis portant sur un périmètre plus restreint que celui prévu par la délibération du 19 septembre 2018, motif pris que l'employeur n'était plus fondé à contester l'étendue de l'expertise, et en ce qu'elle avait débouté le CSE de sa demande tendant à la prise en charge des frais de son conseil par l'employeur et d'autre part, qu'à l'appui de sa demande de saisine sur renvoi après cassation, le CSE de la société Amada sollicitait que la société Amada soit déclarée irrecevable en sa contestation du principe et du périmètre de l'expertise telle que résultant de la délibération du 19 septembre 2018 et qu'elle soit condamnée à payer à son conseil, l'Atelier des droits, les frais exposés pour sa défense antérieurement à la cassation et suite au renvoi sur cassation, ce dont il résultait que le CSE Amada avait nécessairement un intérêt à agir, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 31 du code procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 du code de procédure civile :

7. Le tribunal a déclaré la demande du comité social et économique irrecevable aux motifs que l'expertise, réalisée par le cabinet Expert Consulting Conseil Formation, a eu lieu entre les mois de janvier et de mars 2019, que le CSE a été étroitement associé à ces opérations d'investigations, qu'un rapport de quatre-vingt-treize pages dépassant sur certains aspects les situations de Mme [M] et de M. [O], salariés à l'origine des dénonciations de harcèlement, a été restitué aux représentants du personnel le 1er avril 2019, que ce rapport mentionne des préconisations d'ordre général que la société a d'ores et déjà mises en oeuvre, qu'ainsi la résolution litigieuse ne correspond plus à une situation actuelle de la société Amada et que le CSE ne caractérise aucun intérêt légitime, né et actuel.

8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail, alors applicable, sauf abus, l'employeur doit supporter les frais de contestation de la procédure d'expertise, de sorte que le comité social et économique venant aux droits du CHSCT justifiait d'un intérêt à agir en paiement de diverses sommes au titre des diligences accomplies par son conseil, le président du tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 février 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Créteil, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Condamne la société Amada aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Amada ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Amada à payer à la SCP Lyon-Caen Thiriez la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le comité social et économique de la société Amada

Le Comité Économique et Social de la Société AMADA, venant aux droits du CHSCT de la Société AMADA, fait grief à l'ordonnance attaquée, d'AVOIR dit qu'il était irrecevable en sa demande pour défaut d'intérêt à agir ;

1) ALORS QUE, en application de l'article 31 du code de procédure civile, l'intérêt à agir s'apprécie à l'égard du demandeur à l'action ; que suivant les articles 625 et 631 du code de procédure civile, la cassation replace les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant le jugement cassé et devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; qu'en l'espèce, il était constant d'une part, que c'est la Société AMADA qui avait sollicité l'annulation de l'expertise et était demanderesse à l'action et d'autre part, que dans son arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de Cassation avait censuré l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny le 13 décembre 2018 en ce qu'elle avait suspendu l'expertise votée le 19 septembre 2018 dans l'attente de l'établissement d'un devis portant sur un périmètre plus restreint que celui prévu dans la délibération et replacé les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance, ce dont il résultait que devant la juridiction de renvoi, la Société AMADA demeurait demanderesse et le CSE de la Société AMADA, défendeur à l'action ; qu'en retenant que le CSE de la Société AMADA n'était pas recevable, faute d'intérêt à agir alors qu'il était défendeur à l'action, le Tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

2) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, à l'appui de sa saisine sur renvoi après cassation, le CSE de la Société AMADA sollicitait d'une part, que la Société AMADA soit déclarée irrecevable en sa contestation du principe et du périmètre de l'expertise, d'autre part, en application des dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail, que la Société AMADA soit condamnée à verser à son conseil, l'ATELIER DES DROITS, les sommes de 7680 euros au titre des diligences accomplies antérieurement à la cassation et de 4080 euros au titre des diligences accomplies sur renvoi après cassation, outre les dépens ; que si, dans ses écritures, la Société AMADA s'était prévalue d'un prétendu défaut d'intérêt à agir du CSE, cette argumentation ne concernait, ainsi que cela ressortait expressément de ses conclusions, que la demande supposée d'une « résurrection » de la résolution en vue de la poursuite de l'expertise qui ne figurait pas parmi les demande du CSE, dès lors que la résolution n'avait pas été annulée ; qu'en retenant, pour dire que le CSE de la Société AMADA n'était pas recevable, faute d'intérêt à agir, que la question de l'intérêt à agir portait sur une résolution de l'ancien CHSCT prise le 19 septembre 2018 et que la résolution litigieuse ne correspondait plus aujourd'hui dans ces termes, causes et modalités à une situation actuelle de la SA AMADA, cependant d'une part, que le CSE de la Société AMADA n'avait saisi le tribunal d'aucune demande tendant à la reprise de l'expertise et d'autre part, que la Société AMADA n'avait aucunement contesté que le CSE avait effectivement intérêt à démontrer le bien-fondé de la délibération du 19 septembre 2018 et à solliciter le paiement des frais de défense générés par la contestation de l'expertise, le Tribunal, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3) ALORS AU SURPLUS QUE, en affirmant que le CSE de la Société AMADA n'était pas recevable faute d'intérêt à agir alors qu'il était constant, d'une part, que dans son arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de Cassation avait censuré l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny rendue le 13 décembre 2018 en ce qu'elle avait suspendu l'expertise dans l'attente de l'établissement d'un devis portant sur un périmètre plus restreint que celui prévu par la délibération du 19 septembre 2018, motif pris que l'employeur n'était plus fondé à contester l'étendue de l'expertise, et en ce qu'elle avait débouté le CSE de sa demande tendant à la prise en charge des frais de son conseil par l'employeur et d'autre part, qu'à l'appui de sa demande de saisine sur renvoi après cassation, le CSE de la Société AMADA sollicitait que la Société AMADA soit déclarée irrecevable en sa contestation du principe et du périmètre de l'expertise telle que résultant de la délibération du 19 septembre 2018 et qu'elle soit condamnée à payer à son conseil, l'ATELIER DES DROITS, les frais exposés pour sa défense antérieurement à la cassation et suite au renvoi sur cassation, ce dont il résultait que le CSE AMADA avait nécessairement un intérêt à agir, le Tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 31 du code procédure civile ;

4) ALORS EN OUTRE QUE, en retenant, pour dire que le CSE de la Société AMADA n'était pas recevable, faute d'intérêt à agir, que la résolution litigieuse ne correspondait plus aujourd'hui dans ses termes, causes et modalités, à une situation actuelle de la Société AMADA, cependant que le CSE de la Société AMADA n'avait aucunement sollicité la résurrection de l'expertise et avait saisi le Tribunal sur renvoi afin que la Société AMADA soit déclarée irrecevable en sa contestation du principe et du périmètre de l'expertise et qu'elle soit condamnée, en application de l'article L. 4614-13 du code du travail, à verser à son conseil, l'ATELIER DES DROITS, diverses sommes liées à des frais de défense antérieurement à la cassation et à l'occasion du renvoi sur cassation, le Tribunal, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article 31 du code de procédure civile ;

5) ALORS ENFIN QUE, en jugeant que le CSE de la Société AMADA n'était pas recevable faute d'intérêt à agir, ce qui avait pour effet de considérer que l'ordonnance rendue le 13 décembre 2018 ayant restreint le périmètre de l'expertise, laquelle avait pourtant été censurée par la Cour de Cassation, subsistait et de priver le conseil du CSE de la Société AMADA de la prise en charge, par l'employeur et dans les conditions pourtant imposées par la loi, des frais exposés pour la défense du CSE de la Société AMADA, le Tribunal, qui a privé le CSE de la Société AMADA de son droit de recours effectif, a violé l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-12587
Date de la décision : 15/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Créteil, 11 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jui. 2022, pourvoi n°21-12587


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.12587
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