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15/06/2022 | FRANCE | N°21-10576

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 juin 2022, 21-10576


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 juin 2022

Cassation sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 762 F-D

Pourvoi n° E 21-10.576

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022

La société Kuehne+Nagel, société

par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-10.576 contre le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le tribuna...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 juin 2022

Cassation sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 762 F-D

Pourvoi n° E 21-10.576

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022

La société Kuehne+Nagel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-10.576 contre le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Vienne, dans le litige l'opposant au comité social et économique de l'établissement Kuehne + Nagel de Saint-Quentin-Fallavier, dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kuehne+Nagel, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du comité social et économique de l'établissement Kuehne + Nagel de Saint-Quentin-Fallavier, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Vienne, 7 janvier 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, par délibération du 23 avril 2020, le comité social et économique de l'établissement de Saint-Quentin-Fallavier de la société Kuehne+Nagel a décidé du recours à une expertise en vue de la consultation sur la politique sociale de cet établissement et a désigné, à cette fin, le cabinet CE consultant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

2. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 1] du 23 avril 2020, alors :

« 1°/ que, en vertu de l'article L. 2312-19 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, peut définir le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du comité social et économique mentionnées à l'article L. 2312-17 ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations, le nombre de réunions annuelles du comité prévues à l'article L. 2315-27, qui ne peut être inférieur à six, les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation et les délais mentionnés à l'article L. 2312-15 dans lesquels les avis du comité sont rendus ; qu'en l'espèce, le président du tribunal judiciaire a constaté qu'‘un accord collectif sur le fonctionnement des comités sociaux et économiques et la représentation du personnel au sein de la société Kuehne+Nagel SAS a été passé le 28 novembre 2018 ; il prévoit, à l'article 2.3.3, que le CSEC exerce les attributions qui concernent la marche générale d'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement et qu'il est seul consulté sur les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l'entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en oeuvre qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié sont transmis ne sont pas encore définies'' ; qu'il a encore constaté que ''l'article 3.2 de cet accord précise que les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement mais mentionne que les parties entendent rappeler que le comité économique et social central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive', et enfin qu'''il est encore indiqué que les procédures d'information et consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du CSEC'' ; qu'il résulte à ce titre de l'article 3.2 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 que ''Les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Les CSEE sont consultés sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement'' et que ''le comité social et économique central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise (notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive)'' ; qu'en affirmant pourtant qu' ''il résulte clairement des termes de cet accord que le CSEC dispose d'une compétence exclusive seulement en ce qui concerne les projets, informations et consultations décidés au niveau de l'entreprise, dès lors que ceux-ci excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement'' et que ''l'accord ne prévoyant aucune disposition spécifique aux CSEE, il convient donc d'appliquer les dispositions légales et plus particulièrement les articles L. 2316-20 et L. 2315-91 selon lesquelles le CSEE dispose des mêmes attributions que le CSEC dans la limite des pouvoirs qui sont confiés au chef d'établissement et qu'il peut ainsi décider de recourir à un expert-comptable de son choix en vue des consultations annuelles sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi'', quand l'accord établissait au contraire une compétence de principe du CSEC en matière de consultations récurrentes, à laquelle il ne pouvait être dérogé au profit d'un CSEE que sur des mesures d'adaptation décidées au niveau de l'entreprise et qui soient spécifiques à l'établissement concerné, le tribunal judiciaire a violé l'accord susvisé, ensemble les articles L. 2312-19 et L. 2312-22 du code du travail ;

2°/ que, en vertu de l'article L. 2312-19 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, peut définir le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du comité social et économique mentionnées à l'article L. 2312-17 ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations, le nombre de réunions annuelles du comité prévues à l'article L. 2315-27, qui ne peut être inférieur à six, les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation et les délais mentionnés à l'article L. 2312-15 dans lesquels les avis du comité sont rendus ; que cette faculté donnée aux partenaires sociaux de fixer par accord les niveaux auxquels les consultations sont conduites et leur articulation a pour objet et pour effet, lorsqu'elle est mise en oeuvre pour réserver au comité social et économique central les consultations concernant la marche générale de l'entreprise et n'impliquant pas l'examen de la situation spécifique d'un ou plusieurs établissements ni de mesure spécifiques à ce niveau, de faire obstacle à ce que le comité social et économique d'établissement exerce les attributions réservées par l'accord collectif au comité social et économique central, notamment au titre de la désignation d'un expert-comptable pour l'assister au titre d'une consultation récurrente ; qu'il résulte de l'article 3.2 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 que ''Les CSEE sont consultés sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement'' et qu' ''A l'inverse, les parties entendent rappeler que le comité social et économique central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise (notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive)'' ; qu'en déboutant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la désignation de l'expert par le CSEE au motif qu' ''il résulte des pièces versées aux débats que le chef de l'établissement de Saint-Quentin-Fallavier n'a pas consulté le CSEE sur la politique de l'établissement qu'il dirige, de même que l'accord du 28 novembre 2018 ne prévoit aucune périodicité de la consultation sur la politique sociale au sein du CSEE et qu'il convient donc d'appliquer les dispositions de l'article L. 2316-21 du code du travail'', quand l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 prévoit précisément le principe selon lequel les consultations récurrentes du comité social et économique sont conduites au niveau de l'entreprise ainsi que leur articulation au niveau des établissements, conformément à l'article L. 2321-19, 3° du code du travail, le tribunal judiciaire a violé l'accord susvisé, ensemble les articles L. 2321-19, L. 2316-20 et L. 2316-21 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2316-21 et L. 2312-19, 3°, du code du travail et l'article 3.2, alinéa 4, de l'accord collectif, du 28 novembre 2018, sur le fonctionnement des comités sociaux et économiques et la représentation du personnel au sein de la société Kuehne+Nagel, relatif aux attributions des comités sociaux et économiques d'établissement :

3. Aux termes du premier de ces textes, le comité social et économique d'établissement peut faire appel à un expert prévu à la sous-section 10 de la section III du chapitre V du titre relatif au comité social et économique lorsqu'il est compétent conformément aux dispositions du code du travail.

4. Selon l'article L. 2312-19, 3°, du même code, un accord d'entreprise peut définir les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

5. Aux termes de l'article 3.2, alinéa 4, de l'accord collectif du 28 novembre 2018, les procédures d'information et de consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du comité social et économique central.

6. Pour débouter la société de sa demande d'annulation de la décision du comité social et économique de l'établissement de [Localité 1] de désignation d'un expert dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, le jugement retient qu'il résulte clairement des termes de l'accord collectif du 28 novembre 2018 que le comité social et économique central dispose d'une compétence exclusive seulement en ce qui concerne les projets, informations et consultations décidées au niveau de l'entreprise dès lors que ceux-ci excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement. Il ajoute que l'accord ne prévoyant aucune disposition spécifique aux comités sociaux et économiques d'établissement, il convient d'appliquer les dispositions légales et plus particulièrement les articles L. 2316-20 et L. 2315-91 du code du travail selon lesquelles le comité social et économique d'établissement dispose des mêmes attributions que le comité social et économique central dans la limite des pouvoirs qui sont confiés au chef d'établissement et qu'il peut ainsi décider de recourir à un expert-comptable de son choix en vue des consultations annuelles sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

7. En statuant ainsi, alors que, en application de l'accord collectif du 28 novembre 2018, les consultations récurrentes ressortaient au seul comité social et économique central de la société de sorte que le comité social et économique de l'établissement de Saint-Quentin-Fallavier ne pouvait procéder à la désignation d'un expert à cet égard, le président du tribunal judiciaire a violé les articles susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Vienne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 1] de la société Kuhene+Nagel du 23 avril 2020 décidant du recours à une mesure d'expertise sur la politique sociale de l'établissement et désignant à cette fin le cabinet CE consultant ;

Condamne le comité social et économique de l'établissement de Saint-Quentin-Fallavier aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le président du tribunal judiciaire ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées devant le président du tribunal judiciaire et la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Kuehne+Nagel

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à annulation de la délibération du CSEE de [Localité 1] du 23 avril 2020 par laquelle il a été décidé de recourir à une mesure d'expertise sur la politique sociale de l'établissement et d'AVOIR débouté en conséquence la société Kuehne+Nagel de sa demande ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 2312-17 du code du travail prévoit que le comité social économique est consulté dans les conditions définies à la présente section notamment sur la politique sociale de l'entreprise les conditions de travail et l'emploi ; l'article L. 2321-22 du code du travail précise qu'en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-19, le comité social économique est consulté chaque année notamment sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, la consultation étant conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d'adaptation spécifiques à ces établissements ; il est constant qu'un accord collectif sur le fonctionnement des comités socio-économiques et la représentation du personnel au sein de la société demanderesse a été conclu le 28 novembre 2018 ; l'article 2.3.3 de cet accord prévoit que le CSEC exerce les attributions qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excède les limites des pouvoirs des chefs d'établissement et qu'il est seul consulté sur les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l'entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en oeuvre feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié ne sont pas encore définies ; cet accord stipule en son article 3.2 que les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement mais précise que les parties entendent rappeler que le CSE central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise, notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements où plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive; il est également indiqué que les procédures d'information et de consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du CSEC; il résulte donc clairement des termes de cet accord que le CSEC dispose d'une compétence exclusive seulement en ce qui concerne les projets, informations et consultations décidés au niveau de l'entreprise, dès lors que ceux ci excèdent les limites des pouvoirs de chefs d'établissement; l'accord ne prévoyant aucune disposition spécifique aux CSEE, il convient donc d'appliquer les dispositions légales et plus particulièrement les articles L. 2316-20 et L. 2315-91 du code du travail selon lesquelles le CSEE dispose des mêmes attributions que le CSEC dans la limite des pouvoirs qui sont confiés au chef d'établissement et qu'il peut ainsi décider de recourir à un expert-comptable de son choix en vue des consultations annuelles sur la politique sociale de l'entreprise les conditions de travail et l'emploi ; or la lettre de démission adressée au cabinet CE-Consultant par le CSEE de Saint-Quentin-Fallavier porte sur la politique générale de l'emploi, les conditions de travail, la politique de formation, l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et des autres politiques d'équité et ne concerne que le seul site de Saint-Quentin-Fallavier et en aucun cas l'entreprise ; de plus, le nombre d'établissements composant la société Kuehne + Nagel et le nombre de salariés travaillant dans chaque établissement nécessite pour le fonctionnement de chacun de ces sites une certaine autonomie afin de décliner au niveau local les spécificités utiles à la gouvernance de l'établissement par le directeur, que dès lors la politique sociale de l'établissement de [Localité 1] n'excède manifestement pas les pouvoirs du chef d'établissement; enfin, il résulte des pièces versées aux débats que le chef de l'établissement de Saint-Quentin-Fallavier n'a pas consulté le CSEE sur la politique de l'établissement qu'il dirige, de même que l'accord du 28 novembre 2018 ne prévoit aucune périodicité de la consultation sur la politique sociale au sein du CSEE et qu'il convient donc d'appliquer les dispositions de l'article L. 2316-21 du code du travail, qu'il n'est pas non plus démontré un quelconque lien entre l'expertise sollicitée par le CSEE de Saint-Quentin-Fallavier et la question sur la politique sociale de l'entreprise posée à la réunion du CSEC le 6 décembre 2019 ; en conséquence, il convient de rejeter la demande d'annulation de la délibération du CSEE de l'établissement de [Localité 1] du 23 avril 2020 par laquelle il a été décidé de recourir à une mesure d'expertise sur la politique sociale de l'établissement ;

1) ALORS QU'en vertu de l'article L. 2312-19 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, peut définir le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du comité social et économique mentionnées à l'article L. 2312-17 ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations, le nombre de réunions annuelles du comité prévues à l'article L. 2315-27, qui ne peut être inférieur à six, les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation et les délais mentionnés à l'article L. 2312-15 dans lesquels les avis du comité sont rendus ; qu'en l'espèce, le président du tribunal judiciaire a constaté qu'« un accord collectif sur le fonctionnement des comités sociaux et économiques et la représentation du personnel au sein de la société Kuehne+Nagel SAS a été passé le 28 novembre 2018 ; il prévoit, à l'article 2.3.3, que le CSEC exerce les attributions qui concernent la marche générale d'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement et qu' il est seul consulté sur les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l'entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en oeuvre qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié sont transmis ne sont pas encore définies » ; qu'il a encore constaté que « l'article 3.2 de cet accord précise que les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement mais mentionne que les parties entendent rappeler que le comité économique et social central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive », et enfin qu'« il est encore indiqué que les procédures d'information et consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du CSEC » ; qu'il résulte à ce titre de l'article 3.2 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 que « Les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Les CSEE sont consultés sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement » et que « le comité social et économique central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise (notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive) » ; qu'en affirmant pourtant qu' « il résulte clairement des termes de cet accord que le CSEC dispose d'une compétence exclusive seulement en ce qui concerne les projets, informations et consultations décidés au niveau de l'entreprise, dès lors que ceux-ci excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement » et que « l'accord ne prévoyant aucune disposition spécifique aux CSEE, il convient donc d'appliquer les dispositions légales et plus particulièrement les articles L. 2316-20 et L. 2315-91 selon lesquelles le CSEE dispose des mêmes attributions que le CSEC dans la limite des pouvoirs qui sont confiés au chef d'établissement et qu'il peut ainsi décider de recourir à un expert-comptable de son choix en vue des consultations annuelles sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi », quand l'accord établissait au contraire une compétence de principe du CSEC en matière de consultations récurrentes, à laquelle il ne pouvait être dérogé au profit d'un CSEE que sur des mesures d'adaptation décidées au niveau de l'entreprise et qui soient spécifiques à l'établissement concerné, le tribunal judiciaire a violé l'accord susvisé, ensemble les articles L. 2312-19 et L. 2312-22 du code du travail ;

2) ALORS QU'en vertu de l'article L 2312-19 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, peut définir le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du comité social et économique mentionnées à l'article L. 2312-17 ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations, le nombre de réunions annuelles du comité prévues à l'article L. 2315-27, qui ne peut être inférieur à six, les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation et les délais mentionnés à l'article L. 2312-15 dans lesquels les avis du comité sont rendus ; que cette faculté donnée aux partenaires sociaux de fixer par accord les niveaux auxquels les consultations sont conduites et leur articulation a pour objet et pour effet, lorsqu'elle est mise en oeuvre pour réserver au comité social et économique central les consultations concernant la marche générale de l'entreprise et n'impliquant pas l'examen de la situation spécifique d'un ou plusieurs établissements ni de mesure spécifiques à ce niveau, de faire obstacle à ce que le comité social et économique d'établissement exerce les attributions réservées par l'accord collectif au comité social et économique central, notamment au titre de la désignation d'un expert-comptable pour l'assister au titre d'une consultation récurrente ; qu'il résulte de l'article 3.2 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 que « Les CSEE sont consultés sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement » et qu' « A l'inverse, les parties entendent rappeler que le comité social et économique central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise (notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive) » ; qu'en déboutant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la désignation de l'expert par le CSEE au motif qu'« il résulte des pièces versées aux débats que le chef de l'établissement de Saint-Quentin-Fallavier n'a pas consulté le CSEE sur la politique de l'établissement qu'il dirige, de même que l'accord du 28 novembre 2018 ne prévoit aucune périodicité de la consultation sur la politique sociale au sein du CSEE et qu'il convient donc d'appliquer les dispositions de l'article L. 2316-21 du code du travail », quand l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 prévoit précisément le principe selon lequel les consultations récurrentes du comité social et économique sont conduites au niveau de l'entreprise ainsi que leur articulation au niveau des établissements, conformément à l'article L. 2321-19, 3° du code du travail, le tribunal judiciaire a violé l'accord susvisé, ensemble les articles L. 2321-19, L. 2316-20 et L. 2316-21 du code du travail ;

3) ALORS QU'en vertu de l'article L 2312-19 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, peut définir le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du comité social et économique mentionnées à l'article L. 2312-17 ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations, le nombre de réunions annuelles du comité prévues à l'article L. 2315-27, qui ne peut être inférieur à six, les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation et les délais mentionnés à l'article L. 2312-15 dans lesquels les avis du comité sont rendus ; qu'il résulte de l'article 3.2 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 que « Les CSEE sont consultés sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement » et qu' « A l'inverse, les parties entendent rappeler que le comité social et économique central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise (notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive) » ; qu'en déboutant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la désignation de l'expert par le CSEE, au motif inopérant que la lettre de mission adressée au cabinet CE-Consultant par le CSEE de Saint-Quentin-Fallavier ne concernerait que le seul site de Saint-Quentin-Fallavier et non pas l'entreprise, sans faire ressortir les projets spécifiques à l'établissement ou comportant des mesures d'adaptation spécifiques sur lesquels aurait dû porter la consultation, le tribunal judiciaire a encore violé l'accord susvisé, ensemble les articles L. 2312-19 en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, L. 2316-20 et L. 2312-22 du code du travail ;

4) ALORS QU'il résulte de l'article 3.2 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 que « Les CSEE sont consultés sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement » et qu' « A l'inverse, les parties entendent rappeler que le comité social et économique central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise (notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive) » ; qu'en retenant, pour se déterminer comme il l'a fait, que « le nombre d'établissements composant la société Kuehne+Nagel et le nombre de salariés travaillant dans chaque établissement nécessite pour le fonctionnement de chacun de ces sites une certaine autonomie afin de décliner au niveau local les spécificités utiles à la gouvernance de l'établissement par leur directeur, que dès lors la politique sociale de l'établissement de Saint-Quentin-Fallavier n'excède manifestement pas les pouvoirs du chef d'établissement », quand il lui appartenait de rechercher si la consultation sollicitée par le CSEE portait bien sur des projets spécifiques à l'établissement ou comportant des mesures d'adaptation spécifiques, le tribunal judiciaire a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 ensemble les articles L. 2312-19 et L. 2312-22 du code du travail ;

5) ALORS QU'il résulte de l'article 3.2 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 que « Les CSEE sont consultés sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement » et qu' « A l'inverse, les parties entendent rappeler que le comité social et économique central est seul informé et consulté sur les sujets qui relèvent de la marche générale de l'entreprise (notamment toute mesure, projet envisagé par la direction de l'entreprise, concernant tous les établissements ou plusieurs d'entre eux et n'ayant aucune implication spécifique pour l'établissement sans que cette liste ne soit exhaustive) » ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la désignation de l'expert par le CSEE, le tribunal judiciaire a retenu « qu'il n'est pas non plus démontré un quelconque lien entre l'expertise sollicitée par le CSEE de Saint-Quentin-Fallavier et la question sur la politique sociale de l'entreprise posée à la réunion du CSEC du 6 décembre 2019 », ce dont il s'évinçait donc que la consultation du CSEE ne pouvait pas porter sur des mesures d'adaptation d'une décision arrêtée au niveau de l'entreprise concernant la politique sociale ; qu'en statuant ainsi, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a encore violé l'accord susvisé, ensemble les articles L. 2312-19 et L. 2312-22 du code du travail ;

6) et ALORS QUE le juge doit répondre aux conclusions des parties, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Kuehne+Nagel faisait valoir qu'elle avait transmis au CSEC les informations prévue à l'article 4.3.3 de l'accord d'entreprise du 28 novembre 2018 en vue d'une consultation sur la politique sociale qui s'est tenue le 6 décembre 2019 et que ce point n'avait pas été porté à l'ordre du jour du CSEE, de sorte qu'aucune expertise ne pouvait être votée sur un point non porté à l'ordre du jour (conclusions de la société p. 13) ; qu'en déboutant la société de sa demande d'annulation de la désignation de l'expert par le CSEE, sans répondre à ce moyen opérant de l'employeur, le tribunal judiciaire a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-10576
Date de la décision : 15/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Vienne, 07 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jui. 2022, pourvoi n°21-10576


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.10576
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